Conseil d'État, Juge des référés, 21 décembre 2023, 490020, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 19 janvier 2024

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Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 21 déc. 2023, n° 490020
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 490020
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 22 novembre 2023, N° 2326608
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 6 janvier 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048866140
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2023:490020.20231221

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme B A a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, d’enjoindre à la Ville de Paris de procéder à son hébergement dans une structure adaptée à son âge et à son état psychique, et de prendre en charge ses besoins alimentaires et sanitaires quotidiens dans le délai de 24 heures à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ce, jusqu’à ce que l’autorité judiciaire ait définitivement statué sur son recours fondé sur les articles 375 et suivants du code civil, en troisième lieu, à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de lui proposer une solution d’hébergement dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, en dernier lieu, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat et, dans le cas contraire, à verser au requérant et, en cas de non admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle, dire que cette somme sera versée directement entre les mains de la requérante. Par une ordonnance n° 2326608 du 23 novembre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a, en premier lieu, admis Mme A au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, enjoint à la maire de Paris d’assurer l’hébergement de Mme A dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu’à ce que le juge des enfants, statuant en première instance, se prononce sur la question relative à sa minorité, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l’ordonnance, en troisième lieu, mis à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 000 euros et, en dernier lieu, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 19 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Ville de Paris demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ordonnance du 23 novembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la requête de première instance de Mme A.

Elle soutient que :

— l’ordonnance attaquée est entachée d’irrégularité en ce que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a méconnu son office en lui ordonnant de prendre en charge les besoins scolaires de Mme A ;

— il ne lui appartient pas d’établir le bien-fondé de la conclusion retenue à l’issue de l’évaluation de minorité dès lors que la charge de la preuve concernant la démonstration d’une erreur manifeste dans l’appréciation de sa minorité par l’autorité compétente incombe à Mme A ;

— l’appréciation portée par la maire de Paris sur la minorité de Mme A n’est pas manifestement erronée dès lors que, en premier lieu, Mme A n’a pas précisé les conditions et les modalités d’obtention de son acte de naissance, en deuxième lieu, aucun jugement supplétif ou autre document officiel ne peut attester des mentions figurant sur cet acte de naissance, en troisième lieu, cet acte de naissance n’a pas été légalisé par les autorités consulaires guinéennes en France et, en dernier lieu, de nombreuses incohérences peuvent être relevées dans les déclarations de Mme A.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, Mme A conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— l’arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 211-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités d’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la Ville de Paris, et d’autre part, Mme A ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 19 décembre 2023, à 16 heures 30 :

— Me Froger, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Ville de Paris ;

— la représentante de Mme A ;

— Mme A ;

à l’issue de laquelle le juge des référés a clos l’instruction.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 décembre 2023, présentée par Mme A.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ».

2. L’article 375 du code civil dispose que : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public () ». Aux termes de l’article 375-3 du même code : « Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / () 3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance () ». Aux termes des deux premiers alinéas de l’article 373-5 du même code : « A titre provisoire mais à charge d’appel, le juge peut, pendant l’instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d’accueil ou d’observation, soit prendre l’une des mesures prévues aux articles 375-3 et 375-4. / En cas d’urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure. Si la situation de l’enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d’hébergement des parents, sauf à les réserver si l’intérêt de l’enfant l’exige ».

3. L’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : " Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre () / ; 3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° du présent article ; / 4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation () « . L’article L. 222-5 du même code prévoit que : » Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : () / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l’article 375-3 du code civil () « . L’article L. 223-2 de ce code dispose que : » Sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s’il s’agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l’admission dans le service de l’aide sociale à l’enfance ne peut être prise sans l’accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s’il est mineur émancipé. / En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. / () Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l’enfant n’a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n’a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l’autorité judiciaire en vue de l’application de l’article 375-5 du code civil « . L’article R. 221-11 du même code dispose que : » I. – Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L. 223-2. / II. – Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement. () / IV. – Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L. 223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire. / S’il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L. 222-5 et R. 223-2. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I prend fin ".

4. Il résulte de ces dispositions qu’il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants ou par le procureur de la République ayant ordonné en urgence une mesure de placement provisoire, de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance. A cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger. Lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il incombe au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

5. Il en résulte également que, lorsqu’il est saisi par un mineur d’une demande d’admission à l’aide sociale à l’enfance, le président du conseil départemental peut seulement, au-delà de la période provisoire de cinq jours prévue par l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles, décider de saisir l’autorité judiciaire mais ne peut, en aucun cas, décider d’admettre le mineur à l’aide sociale à l’enfance sans que l’autorité judiciaire l’ait ordonné. L’article 375 du code civil autorise le mineur à solliciter lui-même le juge judiciaire pour que soient prononcées, le cas échéant, les mesures d’assistance éducative que sa situation nécessite. Lorsque le département refuse de saisir l’autorité judiciaire à l’issue de l’évaluation mentionnée au point 4, au motif que l’intéressé n’aurait pas la qualité de mineur isolé, l’existence d’une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l’aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département.

6. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité de mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.

7. Mme B A, de nationalité guinéenne, s’est présentée à l’accueil pour mineurs non accompagnés de Paris le 9 août 2023, après être entrée irrégulièrement en France à une date indéterminée. Pour refuser de reconnaître sa minorité, les services compétents de la Ville de Paris se sont fondés sur plusieurs indications recueillies lors de l’entretien approfondi mené avec Mme A, tenant notamment à certaines incohérences de la présentation de son parcours et de sa situation familiale, et à l’insuffisante force probante de la copie d’acte de naissance présentée par Mme A. Par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la requête de Mme A et enjoint à la maire de Paris d’assurer l’hébergement de Mme A dans une structure adaptée à son âge ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires vestimentaires, sanitaires et scolaires, jusqu’à ce que le juge des enfants se prononce sur la question relative à sa minorité.

8. Il résulte de l’instruction conduite en appel qu’aucun des éléments retenus par les services de la Ville de Paris pour conclure que Mme A n’établissait pas être mineure, ce qu’il appartiendra au juge des enfants, saisi par Mme A le 25 août 2023, de déterminer, ne révèle d’erreur manifeste d’appréciation. En particulier, la seule copie d’un acte de naissance établi dans des conditions présentant certaines incohérences avec la législation guinéenne que l’instruction et l’audience tenue dans le cadre de la présente instance n’ont pas permis de clarifier, et qui n’a pas été légalisée par les services diplomatiques français en Guinée, ne peut, en l’absence de tout autre élément d’état civil probant, suffire à établir une telle erreur. Si Mme A a produit, par une note en délibéré postérieure à l’audience tenue en appel, une carte consulaire établie sur la base de cet acte de naissance, ce document n’est pas de nature, en l’état de l’instruction, à infirmer l’ensemble des éléments qui ont conduit à écarter sa minorité.

9. Il résulte de ce qui précède que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c’est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions de Mme A, présentées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, que son ordonnance doit être annulée et que ces conclusions doivent être rejetées, ainsi que les conclusions présentées en appel sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : L’ordonnance de la juge des référés du 23 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A devant ce juge sont rejetées, ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à la Ville de Paris ainsi qu’à Mme B A.

Fait à Paris, le 21 décembre 2023

Signé : Cyril Roger-Lacan

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Conseil d'État, Juge des référés, 21 décembre 2023, 490020, Inédit au recueil Lebon