Conseil d'État, Juge des référés, 29 janvier 2024, 490790, Inédit au recueil Lebon

  • Asile·
  • Justice administrative·
  • Demande·
  • Police·
  • Juge des référés·
  • Outre-mer·
  • Étranger·
  • Immigration·
  • Tribunaux administratifs·
  • Département

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CE, juge des réf., 29 janv. 2024, n° 490790
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 490790
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 7 janvier 2024, N° 2400276
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 1 février 2024
Identifiant Légifrance : CETATEXT000049066551
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2024:490790.20240129

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Mme A B, agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, C B, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de police de Paris d’enregistrer la demande d’asile de sa fille mineure et de la munir d’une attestation de demandeur d’asile en procédure normale, dans un délai de deux jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2400276 du 8 janvier 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Mme B, agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, demande au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) d’enjoindre au préfet de police de Paris d’enregistrer la demande d’asile présentée au nom de sa fille mineure et de lui délivrer une attestation de demandeur d’asile en procédure normale, dans un délai de deux jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, le refus du préfet de police de lui délivrer une attestation de demandeur d’asile pour sa fille la prive de la possibilité de bénéficier des conditions matérielles d’accueil et de l’ensemble des droits qui y sont associés, en deuxième lieu, elle n’est pas tenue de retourner dans le Doubs où sa première demande d’asile avait été présentée puisque sa procédure « Dublin » est désormais terminée et qu’elle rapporte la preuve qu’elle réside à Paris et, en dernier lieu, la situation d’urgence dans laquelle elle se trouve ne lui est pas imputable dans la mesure où les services de la préfecture, qui peuvent procéder eux-mêmes à son changement d’adresse, ne peuvent refuser d’enregistrer sa demande d’asile en invoquant son inaction ;

— il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit de solliciter l’asile pour sa fille mineure, qui est née postérieurement à sa propre demande d’asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, le ministre de l’intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d’urgence n’est pas satisfaite, que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Il sollicite une substitution de motifs tendant à regarder le refus du préfet de police de Paris d’enregistrer la demande d’asile de la fille de Mme B fondé sur le motif pris de ce que Mme B est enregistrée auprès de la préfecture du Doubs et n’a effectué aucune diligence pour faire connaître son changement d’adresse à l’office français de l’immigration et de l’intégration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— l’arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d’asile ;

— le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, Mme A B et, d’autre part, le ministre de l’intérieur et des outre-mer ;

Ont été entendus lors de l’audience publique du 25 janvier 2024, à 15 heures :

— Me Ridoux, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A B ;

— le représentant de Mme A B ;

— les représentants du ministre de l’intérieur et des outre-mer ;

à l’issue de laquelle la juge des référés a clos l’instruction ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2024, présentée par Mme B ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ».

2. Mme B, de nationalité malienne, a demandé à la préfecture de police de Paris l’enregistrement de la demande d’asile de sa fille mineure, C B. Après le rejet de sa demande le 27 novembre 2023, elle a saisi, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet de police de Paris d’enregistrer la demande d’asile de sa fille mineure et de la munir d’une attestation de demandeur d’asile en procédure normale. Mme B, agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineure, relève appel de l’ordonnance du 8 janvier 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande pour défaut d’urgence.

3. D’une part, l’article L. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente qui enregistre sa demande () ». Aux termes de son article R. 521-1 : « Sans préjudice du second alinéa de l’article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements, lorsqu’un étranger, se trouvant à l’intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l’asile, l’enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d’asile : " Sauf dans le cas où la demande d’asile est présentée par un étranger placé en rétention administrative, l’annexe I au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour : / 1° Enregistrer la demande d’asile d’un étranger se trouvant sur le territoire métropolitain ; / 2° Délivrer la première attestation de demande d’asile en application de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après que l’étranger a satisfait aux obligations prévues à l’article R. 741-3 du même code. / Le renouvellement de l’attestation est sollicité auprès du préfet du département dans lequel son détenteur réside ou est domicilié. / Cette annexe précise en outre les départements dans lesquels chacun des préfets désignés est compétent. « . Enfin, l’annexe I de cet arrêté précise que : » () Préfet du Doubs (Besançon) : Doubs, Jura, Haute-Saône, Territoire de Belfort () Préfet de police de Paris : Paris. ".

4. D’autre part, l’article D. 553-26 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « Le demandeur d’asile fait connaître à l’Office français de l’immigration et de l’intégration toutes informations relatives à son domicile, ses modalités d’hébergement, sa situation de famille, ses activités professionnelles, ses ressources et ses biens ainsi qu’à ceux des membres de son foyer. Il fait connaître à l’office tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments, le cas échéant sous couvert de l’opérateur d’hébergement ou de la structure chargée de son accompagnement. ».

5. Il résulte de l’instruction que Mme B a présenté, le 10 mars 2022, une demande d’asile auprès du préfet du Doubs. Elle a alors bénéficié d’une prise en charge par l’Office français de l’immigration et de l’intégration ainsi que d’un hébergement dans le département. Le 29 juin 2022 le préfet du Doubs a pris un arrêté de transfert en vue de son réacheminement vers l’Italie où son conjoint avait déposé une demande d’asile. N’ayant pas respecté son assignation à résidence dans le Doubs, Mme B a été déclarée en fuite à compter du 7 juillet 2023. C’est auprès de la préfecture de police de Paris qu’elle déposé, le 27 novembre 2023, une demande d’asile au nom de sa fille mineure, née le 22 avril 2022. Mme B a confirmé à l’audience avoir renoncé à la demande d’asile qu’elle avait déposée en son nom propre et a indiqué que la demande d’asile qu’elle souhaitait présenter ne concernait que sa seule fille mineure. Néanmoins, ainsi que l’a expliqué la représentante du ministre de l’intérieur et des outre-mer à l’audience, si une telle demande qu’elle présentait en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure devait être déposée auprès de la préfecture du Doubs dès lors qu’il s’agit du département dans lequel sa propre demande d’asile avait été enregistrée et où elle était officiellement domiciliée, il lui suffisait de faire la démarche d’informer l’Office français de l’immigration et de l’intégration de son déménagement à Paris pour que le préfet de police puisse enregistrer la demande d’asile au nom de sa fille. Mme B n’a pas contesté à l’audience ne pas avoir procédé à cette information, alors que cette démarche lui avait déjà été indiquée par l’ordonnance de la juge des référés dont elle fait appel. Elle s’est bornée à soutenir qu’il appartenait aux services de la préfecture de police de procéder à ce changement d’adresse. Il s’ensuit que Mme B n’a apporté en appel aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation portée par la juge des référés du tribunal administratif de Paris selon laquelle en ne procédant pas aux démarches appropriées, la requérante ne pouvait se prévaloir, à propos d’une situation dans laquelle elle s’est, elle-même, placée, de l’existence de l’urgence de la mesure qu’elle demande au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que l’appel formé par Mme B doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête de Mme B, présentée en son nom propre et au nom de sa fille mineure, est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 29 janvier 2024

Signé : Nathalie Escaut

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Conseil d'État, Juge des référés, 29 janvier 2024, 490790, Inédit au recueil Lebon