CEDH, Commission (plénière), AYLOR-DAVIS c. FRANCE, 20 janvier 1994, 22742/93

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 20 janv. 1994, n° 22742/93
Numéro(s) : 22742/93
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 28 septembre 1993
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Soering du 7 juillet 1989, série A n° 161, pp. 35, 44-45, pars. 88, 111, 113
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27365
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1994:0120DEC002274293
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Texte intégral

                           SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête No 22742/93

                      présentée par Joy AYLOR-DAVIS

                      contre la France

      La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre

du conseil le 20 janvier 1994 en présence de

      MM.  C.A. NØRGAARD, Président

           S. TRECHSEL

           A. WEITZEL

           E. BUSUTTIL

           G. JÖRUNDSSON

           A.S. GÖZÜBÜYÜK

           J.-C. SOYER

           H. DANELIUS

      Mme  G.H. THUNE

      MM.  F. MARTINEZ

           C.L. ROZAKIS

      Mme  J. LIDDY

      MM.  L. LOUCAIDES

           J.-C. GEUS

           M.P. PELLONPÄÄ

           B. MARXER

           M.A. NOWICKI

           I. CABRAL BARRETO

           B. CONFORTI

           N. BRATZA

           I. BÉKÉS

           J. MUCHA

           E. KONSTANTINOV

           D. SVÁBY

      M.   H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme

et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 28 septembre 1993 par Joy AYLOR-DANVIS

contre la France et enregistrée le 5 octobre 1993 sous le No de dossier

22742/93 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      La requérante est une ressortissante américaine née en 1949. Elle

est représentée devant la Commission par Maîtres J. Bornet et

E.Vuylstecke, avocats au barreau de Bruxelles, et par Maître D. Garreau,

avocat au barreau de Paris.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par la

requérante, peuvent être résumés comme suit :

      La requérante a été arrêtée par la police française, le

16 mars 1991, à Saint-Paul-de-Vence où elle était parvenue, munie de

fausses pièces d'identité. Informé de ce fait, le Gouvernement des Etats-

Unis a présenté une demande d'extradition de la requérante en exécution

d'un mandat d'arrêt décerné à son encontre par le tribunal de district

du comté de Dallas. La requérante avait été en fait inculpée depuis

septembre 1988 de crime capital, complot et incitation à commettre un

crime capital concernant l'assassinat de la maîtresse de son mari et de

tentative d'assassinat de ce dernier, crimes passibles de la peine de

mort.

      La requérante s'est opposée à cette extradition.

      Elle a fait en fait valoir, entre autres, qu'elle serait victime

d'une machination ourdie par sa soeur, en raison d'intérêt d'ordre

pécuniaire. Par ailleurs, se référant à des articles de presse parus dans

les journaux américains à très fort tirage, ainsi qu'à un téléfilm

diffusé en septembre 1990 et en mars 1991 dans le cadre d'une émission

très prisée et très populaire aux Etats-Unis, la requérante a soutenu que

son affaire avait donné lieu à une importante campagne médiatique, dans

laquelle elle avait été désignée comme une véritable criminelle. La

requérante a, en outre, invoqué la Convention et notamment l'article 3

en soutenant qu'au cas où elle serait condamnée à mort, elle serait

obligée à vivre de nombreuses années dans "le couloir de la mort" en

attendant son exécution ce qui constituerait un traitement inhumain et

dégradant. Enfin, la requérante a soutenu que la demande d'extradition

était contraire à l'ordre public français et à l'ordre public européen,

tels qu'il résulte de la Convention européenne des Droits de l'Homme, dès

lors que la peine de mort était applicable dans l'Etat du Texas pour des

faits d'assassinat.

      Le Ministère public a requis l'émission par la chambre d'accusation

d'un avis favorable à la demande d'extradition, sous réserve que le

Gouvernement de l'Etat requérant donne des assurances au Gouvernement

français qu'en cas d'extradition de la requérante, celle-ci ne serait pas

exécutée si la peine de mort était prononcée à son encontre.

      Par arrêt du 3 juillet 1991, la chambre d'accusation de la cour

d'appel d'Aix-en-Provence a émis un avis favorable à la demande

d'extradition de la requérante, après avoir estimé ce qui suit :

           "Si l'ensemble des documents produits à l'appui du mémoire (de

           la requérante) révèlent incontestablement la médiatisation de

           cette affaire aux USA, il ne peut être soutenu que cette

           médiatisation -corollaire de la liberté d'expression dont tout

           individu bénéficie dans un régime démocratique- et qui est

           extérieure au système judiciaire en vigueur, serait de nature

           à fausser l'opinion des juges, alors que la procédure

           applicable dans l'Etat requérant assure les garanties

           fondamentales de protection des droits de la défense en

           conformité avec la conception française de l'ordre public

           international, s'agissant d'une procédure de type accusatoire,

           publique, rendue par une juridiction légalement instituée

           autorisant la défense à interroger ou à faire interroger tous

           les témoins à charge et à obtenir la convocation et

           l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes

           conditions que les témoins à charge conformément aux

           dispositions énoncées par la Convention européenne des Droits

           de l'Homme ; en revanche, la peine de mort encourue par

           l'extradable a été abrogée en France par la loi du 9 octobre

           1981 et l'extradition pure et simple de (la requérante) serait

           contraire à l'ordre public français; il est donc impératif que

           le Gouvernement des USA assure le Gouvernement français que

           dans l'hypothèse où la peine de mort serait prononcée, elle ne

           serait pas exécutée."

      Le 15 octobre 1991, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la

requérante à l'encontre de l'arrêt susmentionné.

      Le Gouvernement français a obtenu de la part des autorités

américaines les assurances suivantes :

      -    une note verbale du 27 septembre 1991 de l'Ambassade des

Etats-Unis qui indique ce qui suit :

           "L'Ambassade a été chargée par le Département d'Etat de donner

           l'assurance du Gouvernement américain que si le Gouvernement

           français acceptait d'extrader Joy Davis Aylor et que si celle-

           ci était condamnée à la peine capitale par l'Etat du Texas, la

           sentence ne serait pas exécutée."

      -    une note du 1er avril 1992 par laquelle il est précisé que

           "avant de demander à l'Ambassade de transmettre sa note du

           27 septembre 1991, le Département d'Etat a obtenu de l'Etat du

           Texas l'engagement, qui a satisfait le Département d'Etat, que

           si le Gouvernement français acceptait d'extrader Joy Aylor

           Davis vers les Etats Unis afin qu'elle soit jugée pour meurtre

           dans l'Etat du Texas, la peine capitale ne serait pas

           appliquée à Mme Aylor, si elle devait être condamnée à cette

           peine."

      -    par ailleurs, le 26 mars 1992, le Département de la Justice

des Etats-Unis a adressé au Ministère français de la justice une lettre

dans laquelle référence était faite à une déclaration du Procureur du

comté de Dallas, en date du 23 septembre 1991, que, si l'extradition

était accordée, "l'Etat du Texas ne requerra pas la peine capitale".

Il était en outre précisé que selon le Code de procédure pénale texan la

peine de mort ne peut pas être prononcée lorsque le Ministère public ne

la requiert pas.

      Le 18 janvier 1993, le Premier Ministre a pris un décret

d'extradition sous la réserve que, si la requérante était condamnée, la

sentence ne serait pas exécutée.

      La requérante a introduit à l'encontre de ce décret un recours

auprès du Conseil d'Etat. Elle a notamment invoqué les articles 3 et 6

de la Convention et le Protocole No 6 à celle-ci.

      La requérante a également saisi, le 28 septembre 1993, la Commission

de la présente requête.

      Le 15 octobre 1993, le Conseil d'Etat a rejeté le recours de la

requérante au motif suivant :

           "Considérant que la demande d'extradition présentée par le

           Gouvernement américain à l'encontre de la requérante est

           fondée sur les faits de crime capital, de complot en vue de

           commettre un crime capital et d'incitation à commettre un tel

           crime ; qu'en vertu des dispositions du droit pénal applicable

           au Texas, Etat dont les juridictions sont compétentes en

           l'espèce, un inculpé reconnu coupable de crime capital encourt

           la peine de mort ;

           ...

           Considérant que, par le décret attaqué et conformément à

           (l'avis émis par la chambre d'accusation de la cour d'appel

           d'Aix-en-Provence le 3 juillet 1991), le Gouvernement français

           accorde l'extradition de la requérante aux autorités

           américaines sous réserve, si l'intéressée est condamnée à la

           peine capitale par l'Etat du Texas que la sentence ne soit pas

           exécutée ; que d'une part, par notes des 27 septembre 1991 et

           1er avril 1992 l'Ambassade des Etats-Unis a fait connaître

           l'assurance donnée au Gouvernement français par le

           Gouvernement américain que si (la requérante) était condamnée

           à la peine capitale par l'Etat du Texas, la sentence ne serait

           pas appliquée ; que, d'autre part, les autorités américaines

           ont transmis aux autorités françaises l'engagement pris au nom

           de l'Etat du Texas par le Procureur du comté de Dallas où (la

           requérante) serait appelée à être jugée, que le Ministère

           public compétent ne requerrait pas la peine capitale contre

           l'intéressée ; qu'en vertu de la section 1 de l'article 37-071

           du Code texan de procédure criminelle une telle peine ne peut

           être prononcée si elle n'est pas demandée par le Ministère

           public ; que dans ces conditions la requérante n'est pas

           fondée à soutenir que le décret attaqué ne serait pas assorti

           de garanties suffisantes et que son extradition serait

           contraire à l'ordre public français ;

           Considérant qu'il ne ressort pas des pièces que l'extradition

           (de la requérante) expose celle-ci à des traitements

           contraires à l'article 3 de la Convention européenne de

           Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés

           fondamentales, ni qu'elle risque de la priver, en

           méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la même

           Convention, du droit à un procès équitable".

      Il résulte d'une lettre adressée, en date du 27 octobre 1993, par

le Président du Conseil d'Etat aux conseils de la requérante que le Garde

des Sceaux a adressé au Conseil d'Etat, sans commentaire, le

13 octobre 1993, une note verbale du même jour de l'Ambassade des Etats-

Unis accompagnée de nouvelles traductions de documents figurant déjà au

dossier de l'affaire, ainsi que les commentaires de ces documents. Cette

lettre précise que le Président et le Vice-Président de la section du

contentieux du Conseil d'Etat ont estimé que ces pièces, produites après

la clôture de l'instruction et ne comportant aucun élément nouveau, ne

pouvaient justifier la réouverture de celle-ci. Les pièces en question

n'ont donc pas été jointes au dossier et n'ont pas été communiquées à

l'assemblée du contentieux.

      Par lettre du 8 décembre 1993, les représentants de la requérante

ont informé la Commission que celle-ci avait été remise aux autorités

américaines.

GRIEFS

1.    La requérante soutient que le décret d'extradition du

18 janvier 1993 porte atteinte à ses droits garantis par l'article 3 de

la Convention et par l'article 1 du Protocole No 6 à la Convention.

2.    La requérante soutient également que le principe de la présomption

d'innocence est gravement violé par la diffusion du téléfilm qui a été

consacré à son affaire dans une importante émission de la télévision

américaine, en violation de l'article 6 par. 1 et 2 de la Convention.

3.    La requérante se plaint enfin de ne pas avoir bénéficié d'un procès

équitable devant le Conseil d'Etat et invoque l'article 6 de la

Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La requête a été introduite le 28 septembre 1993. Elle a été

enregistrée le 5 octobre 1993.

      Le même jour, le Président de la Commission a décidé d'indiquer au

Gouvernement de la France, en application de l'article 36 du Règlement

Intérieur et dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat rejetterait le recours

alors pendant de la requérante, qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt

des parties et du déroulement normal de la procédure, de ne pas procéder

à l'extradition de la requérante aux Etats-Unis, avant que la Commission

ait eu la possibilité d'examiner plus amplement la requête lors de sa

session qui débuterait le 11 octobre 1993.

      Par ailleurs, le Gouvernement défendeur a été invité à faire

parvenir des informations sur les assurances obtenues du Gouvernement

américain et notamment copie des notes verbales de l'Ambassade des Etats-

Unis à Paris et de la lettre adressée au Ministère de la justice français

par les autorités américaines relatant l'engagement du Procureur de

l'Etat du Texas.

      Le Gouvernement a présenté les documents sollicités en date du

18 octobre 1993.

      Le même jour, la Commission a décidé de lever l'indication donnée

par le Président en vertu de l'article 36 du Règlement Intérieur de la

Commission.

      Le 19 octobre 1993, la requérante a demandé à la Commission de

reconsidérer sa décision de lever l'indication donnée en vertu de

l'article 36 du Règlement Intérieur. Après avoir examiné cette demande

à la lumière des documents qui avaient été produits à l'appui de celle-

ci, la Commission a décidé de ne pas modifier sa décision de lever

l'indication en question.

      Le 29 octobre 1993, la requérante a présenté des commentaires sur

les documents produits par le Gouvernement défendeur.

      Le 8 décembre 1993, la requérante a présenté un complément de sa

requête.

EN DROIT

1.    La requérante se plaint d'abord du décret d'extradition du

18 janvier 1993. Selon elle ce décret porte atteinte à ses droits

garantis par les articles 3 (art. 3) de la Convention et 1 du Protocole

No 6 (P6-1) à la Convention.

      La requérante soutient que la France, qui a aboli la peine de mort

par la loi du 9 octobre 1981 et a ratifié le Protocole No 6 à la

Convention européenne des Droits de l'Homme, est tenue de refuser

l'extradition d'un individu passible de la peine de mort dans l'Etat

requérant, notamment lorsqu'aucune garantie sérieuse ne peut être donnée

de la non-application de cette peine. Par ailleurs, la requérante allègue

qu'après le prononcé d'une condamnation à la peine de mort, le condamné

aux Etats-Unis est amené à vivre un temps plus ou moins long dans le

"couloir de la mort", situation contraire à l'article 3 (art. 3) de la

Convention, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants.

      L'article 3 (art. 3) de la Convention dispose :

      "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements

      inhumains ou dégradants."

      Par ailleurs, l'article 1 du Protocole No 6 (P6-1) stipule :

      "La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une

      telle peine ni exécuté."

      La Commission rappelle qu'un Etat contractant se conduirait d'une

manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention, ce

"patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la

liberté et de prééminence du droit" auquel se réfère le Préambule de la

Convention, s'il remettait consciemment un fugitif - pour odieux que

puisse être le crime reproché - à un autre Etat où il existe des motifs

sérieux de penser qu'un danger de torture ou de peines ou traitements

inhumains ou dégradants, proscrits par l'article 3 (art. 3), menace

l'intéressé (Cour eur. D.H., arrêt Soering du 7 juillet 1989, série A n°

161, p. 35, par. 88). En outre, exposer un fugitif au "syndrome du

couloir de la mort", peut, dans certains cas et eu égard notamment au

temps à passer dans des conditions extrêmes, à l'angoisse omniprésente

et croissante de l'exécution et à situation personnelle de l'intéressé,

être considéré comme un traitement dépassant le seuil fixé par l'article

3 (art. 3) (cf. mutatis mutandis, arrêt Soering, précité, pp. 44 - 45,

par. 111).

      Par ailleurs, la Commission n'exclut pas que la responsabilité d'un

Etat contractant soit engagée sur le terrain de l'article 1 du Protocole

No 6 (P6-1) lorsqu'un fugitif est extradé à un Etat où il risque

sérieusement d'être condamné à mort et exécuté.

      En l'espèce, la Commission est appelée à déterminer d'abord si la

requérante risque une condamnation à la peine capitale au Texas. Dans

l'affirmative, la Commission examinera si l'extradition de la requérante

constitue une mesure pouvant soulever des problèmes quant à sa

compatibilité avec les obligations découlant pour la France de l'article

1 du Protocole No 6 (P6-1) à la Convention ; elle examinera, en outre,

si, dans les circonstances de la cause, exposer la requérante au

"syndrome du couloir de la mort" constituerait un traitement pouvant

soulever des questions au regard de l'article 3 (art. 3) de la

Convention.

      La requérante soutient que son extradition l'expose à un risque

sérieux d'être condamnée à mort et, de ce fait, au "syndrome du couloir

de la mort" et enfin à l'exécution. Elle critique les assurances obtenues

par le Gouvernement français en soutenant qu'elles sont insuffisantes.

      La requérante souligne sur ce point que l'engagement du procureur

de l'Etat du Texas est vague et imprécis ; de plus, il s'agit d'une

déclaration personnelle, sous la foi du serment, il est vrai du

procureur, mais qui n'est pas une garantie donnée par l'Etat du Texas ;

enfin, cet engagement manquerait de clarté, dans la mesure où il ne

précise pas s'il vise la non-exécution de la peine capitale ou un-non

prononcé. De surcroît, la requérante fait état de certaines informations

journalistiques selon lesquelles un ancien procureur, qui n'est

aucunement lié par la déclaration sous serment du procureur actuel,

serait rappelé pour traiter son affaire.

      La requérante observe, en outre, que les crimes dont elle est

accusée, relèvent de la compétence de l'Etat texan, alors que les

assurances données au Gouvernement français proviennent du Gouvernement

fédéral américain et ne sont donc pas de nature à lier le pouvoir

exécutif ou judiciaire de l'Etat du Texas.

      La Commission estime que la question peut être soulevée de savoir

si et dans quelle mesure les déclarations des autorités fédérales

américaines seraient de nature à lier les autorités de l'Etat du Texas.

En outre, la question peut également être posée de savoir si et dans

quelle mesure les déclarations des organes de l'exécutif peuvent lier les

autorités poursuivantes et judiciaires. Toutefois, de l'avis de la

Commission, les déclarations du Département d'Etat américain ne sont pas

pour autant insuffisantes ou inopérantes, dans la mesure où elles

reflètent un engagement pris auparavant par les autorités poursuivantes

texanes. Sur ce point la Commission tient compte de la note verbale de

l'Ambassade des Etats-Unis du 1er avril 1992, qui précise que le

Département d'Etat avait obtenu auparavant un engagement de la part de

l'Etat du Texas que la peine capitale ne serait pas appliquée à la

requérante. Aux yeux de la Commission c'est en effet l'attitude des

organes de poursuite de l'Etat du Texas qui est déterminante en l'espèce.

      Dans l'affaire Soering précitée, concernant une décision des

autorités du Royaume-Uni d'extrader aux Etats-Unis un ressortissant

allemand, en vue de son jugement en Virginie, pour assassinat passible

de la peine de mort, la Cour a accordé une certaine importance au fait

que le procureur compétent avait décidé de requérir la peine capitale.

A la lumière de l'attitude du procureur, elle a estimé que l'engagement

de celui-ci de mener une démarche au nom du Royaume-Uni auprès du juge,

au moment de la fixation de la peine, pour lui signaler que le Royaume-

Uni ne souhaitait voir ni infliger ni exécuter la peine de mort n'était

pas de nature à écarter le danger d'une sentence capitale.

      La Commission relève que l'attitude des autorités de poursuite de

l'Etat du Texas, dans le cas d'espèce, diffère fondamentalement de celle

du procureur compétent dans l'affaire Soering. En effet, il ressort de

la lettre du 26 mars 1992 adressée par le Département de la Justice des

Etas-Unis au Ministère de la Justice français que le procureur du comté

de Dallas a pris l'engagement sous serment que l'Etat du Texas ne

requerra pas la peine de mort. Les informations journalistiques quant au

remplacement de ce procureur, auxquelles se réfère la requérante,

informations dont la fiabilité n'a aucunement été établie, ne sont pas

suffisantes pour ôter la valeur de cet engagement pris au nom de l'Etat

du Texas.

      La Commission attache une importance particulière à cet engagement

et souligne, à cet égard, que selon le Code texan de procédure pénale la

peine capitale ne peut être prononcée si elle n'est pas demandée par le

ministère public.

      Dans ces conditions la Commission estime que les assurances obtenues

par le Gouvernement français étaient de nature à écarter le danger d'une

condamnation à mort de la requérante. Son extradition n'était donc pas

susceptible de l'exposer à un risque sérieux de traitement ou de peine

prohibés par l'article 3 (art. 3) de la Convention ou l'article 1 du

Protocole No 6 (P6-1).

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal

fondée, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

2.    La requérante soutient que le principe de la présomption d'innocence

est gravement violé par la médiatisation de son cas et notamment par la

diffusion du téléfilm qui a été consacré à son affaire dans une

importante émission de la télévision américaine. Elle invoque l'article

6 par. 1 et 2 (art. 6-1, 6-2) de la Convention.

      L'article 6 par. 1 (art. 6-1) garantit, entre autres, le droit de

toute personne à un procès équitable, par un tribunal indépendant et

impartial établi par la loi, qui statuera sur les accusations en matière

pénale dirigées contre elle. Le paragraphe 2 (art. 6-2) de cet article

consacre le principe de la présomption d'innocence.

      Dans son arrêt Soering, la Cour n'a pas exclu qu'une décision

d'extradition puisse exceptionnellement soulever un problème sur le

terrain de l'article 6 (art. 6) au cas où le fugitif aurait subi ou

risquerait de subir un déni de justice flagrant (Cour eur. D.H., arrêt

Soering, précité, p. 45, par. 113).

      Or le grief de la requérante, tiré de l'impact virtuel que la

médiatisation de son affaire pourrait avoir sur la formation de l'opinion

du jury de la cour d'assises texane n'est aucunement de nature à exposer

la requérante à pareil déni de justice flagrant.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est également

manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de

la Convention.

3.    La requérante se plaint enfin de ne pas avoir bénéficié en France

d'un procès équitable.

      Elle soutient à cet égard que des documents ont été envoyés, le 13

octobre 1993, par les autorités américaines et par l'intermédiaire du

Ministère de la Justice français au Conseil d'Etat, après la mise en

délibéré de la cause et sans que la requérante ou ses conseils n'aient

pu en prendre connaissance.

      La requérante soutient que cette situation porte atteinte au

principe du contradictoire et, partant, à l'article 6 (art. 6) de la

Convention.

      La Commission rappelle toutefois sa jurisprudence constante selon

laquelle la procédure concernant l'extradition d'un étranger ne porte pas

sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale (voir, par exemple,

No 13930/88, déc. 11.3.89, D.R. 60, p. 272). Par conséquent, l'article

6 (art. 6) ne trouve pas à s'appliquer à la procédure dont la requérante

se plaint.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione

materiae avec les dispositions de la Commission, au sens de l'article 27

par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

      Par ces motifs la Commission, à l'unanimité

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE

Le Secrétaire de la Commission         Le Président de la Commission

       (H.C. KRÜGER)                        (C.A. NØRGAARD)

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  1. Loi n° 81-908 du 9 octobre 1981
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