CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE DJAOUI c. FRANCE, 4 octobre 2007, 5107/04

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CEDH · 4 octobre 2007

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CEDH · 28 septembre 2007

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 4 oct. 2007, n° 5107/04
Numéro(s) : 5107/04
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Violation de l'art. 6-1
Identifiant HUDOC : 001-82566
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2007:1004JUD000510704
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE DJAOUI c. FRANCE

(Requête no 5107/04)

ARRÊT

STRASBOURG

4 octobre 2007

DÉFINITIF

04/01/2008

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Djaoui c. France,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.B.M. Zupančič, président,
C. Bîrsan,
J.-P. Costa,
MmeE. Fura-Sandström,
MM.E. Myjer,
David Thór Björgvinsson,
MmeI. Berro-Lefèvre, juges,
et de M. S. Quesada, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 septembre 2007,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 5107/04) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Bernard Djaoui (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 janvier 2004 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me E. Daoud, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Le 28 août 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1941 et réside à Rosny-sous-Bois.

5.  Il exerça la profession de géomètre à partir de 1973.

6.  Le 9 juin 1993, un avis de vérification visant la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1992 fut adressé au cabinet du requérant.

7.  Le 10 janvier 1996, la direction générale des impôts déposa plainte à son encontre des chefs de fraude fiscale et de passation d'écritures inexactes.

8.  Le 16 septembre 1997, le tribunal de grande instance de Bobigny déclara le requérant coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt, dissimulation de sommes et fraude fiscale, ainsi que passation d'écritures inexactes ou fictives dans un livre comptable. Ce tribunal condamna le requérant à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement assortie d'un sursis à exécution.

9.  Par un arrêt du 31 mars 1998, la cour d'appel de Paris confirma pour l'essentiel le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et, aggravant les peines, condamna le requérant à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et à 100 000 francs français (FRF) d'amende. La cour d'appel prononça également à son encontre l'interdiction d'exercer « toute profession industrielle, commerciale ou libérale dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, notamment de géomètre-expert et de direction de bureau d'études » pour une durée de trois ans.

10.  Le 16 juin 1999, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant à l'encontre de cette décision.

11.  Le 23 février 2000, le requérant déposa auprès de la cour d'appel une requête en relevé de l'interdiction d'exercer sa profession.

12.  Le 22 mars 2000, le conseil régional de l'Ordre des géomètres-experts de Paris prononça la radiation du requérant du tableau de l'Ordre des géomètres-experts. Cette radiation fut motivée dans les termes suivants :

« Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Loi du 7 mai 1946 (...) : « Nul ne peut porter le titre de Géomètre-Expert ni (...) en exercer la profession, s'il n'est inscrit au tableau de l'Ordre institué par la présente loi (...) Nul ne peut être inscrit au tableau de l'Ordre, en qualité de Géomètre-Expert, s'il ne remplit pas les conditions suivantes : (...) 2) a) (...) ; ne pas avoir été l'auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale en raison d'agissements contraires à l'honneur ou à la probité ou pour avoir contrevenu aux règles applicables à la profession de Géomètre-Expert ; ne pas avoir été l'auteur de faits ayant entraîné une interdiction définitive d'exécuter les travaux prévus au 1o de l'article 1er ; ne pas être sous le coup d'une interdiction temporaire d'exécuter lesdits travaux ; (...) »

Considérant que par son arrêt du 31 mars 1998 devenu définitif à la suite de l'arrêt en date du 16 juin 1999 de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, la 9ème Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d'Appel de Paris a, notamment, prononcé à l'encontre de Monsieur Bernard DJAOUI « l'interdiction pendant trois ans d'exercer directement ou par personne interposée, pour son compte ou le compte d'autrui toute profession industrielle, commerciale ou libérale dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, notamment de Géomètre-Expert et de direction de bureau d'études » ; qu'ainsi, Monsieur Bernard DJAOUI qui est sous le coup d'une interdiction temporaire d'exercer la profession de Géomètre-Expert, ne remplit plus les conditions imposées par les dispositions précitées pour être inscrit au tableau de l'Ordre des Géomètres-Experts ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la radiation de Monsieur Bernard DJAOUI dudit tableau ; (...) »

13.  Le 22 mai 2000, le requérant interjeta appel de cette décision.

14.  Par un courrier en date du 6 septembre 2000, le requérant demanda au président du conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts de bien vouloir reporter sa date de comparution devant le conseil supérieur de l'Ordre, dans l'attente de la décision à intervenir au sujet de sa requête en relevé d'interdiction professionnelle.

15.  Par un courrier en date du 18 septembre 2000, il demanda au président du conseil régional de l'Ordre de bien vouloir considérer sa démission du conseil régional comme effective au 20 septembre 2000, en cas de refus du conseil supérieur de faire droit à sa demande de retarder la date de comparution.

16.  Le 20 septembre 2000, le conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts de Paris confirma la radiation de l'Ordre du requérant. Le conseil supérieur releva notamment :

« (...) qu'en prononçant la radiation de Monsieur DJAOUI, le Conseil régional a, pour l'application de la loi du 7 mai 1946 et notamment en son article 3, tiré les conséquences nécessaires de la décision, devenue définitive, du juge pénal prononçant à l'encontre de Monsieur DJAOUI l'interdiction pendant trois ans « (...) d'exercer directement ou par personne interposée (...) toute profession industrielle commerciale ou libérale dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, notamment de géomètre-expert (...) » ; Que la circonstance que Monsieur DJAOUI a introduit une demande en relevé d'interdiction professionnelle est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; (...) »

17.  Le 19 février 2001, la cour d'appel de Paris releva le requérant de l'interdiction professionnelle qui lui avait été infligée.

18.  Le 2 mars 2001, le requérant sollicita du conseil régional de l'Ordre sa réinscription au tableau de celui-ci.

19.  Le 7 mars 2001, le conseil régional rejeta sa demande dans les termes suivants :

« Considérant qu'aux termes de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 susvisé : « (...) la radiation emporte, (...) à titre définitif (...) interdiction d'exercer la profession de Géomètre-Expert. (...) La personne radiée du tableau de l'Ordre ne peut faire état de la qualité de Géomètre-Expert et ne peut à nouveau être inscrite au tableau de l'Ordre » ;

Considérant que par décision du 30 mars 2000, le Conseil régional de Paris, siégeant en formation disciplinaire, a radié Monsieur Bernard DJAOUI du tableau de l'Ordre des Géomètres-Experts ; que le conseil Supérieur de l'Ordre des Géomètres-Experts a rejeté, par sa décision du 12 octobre 2000 devenue définitive, l'appel qu'avait formé Monsieur Bernard DJAOUI contre la décision susvisée du Conseil régional ; que par suite la radiation ainsi prononcée s'oppose, en application des dispositions précitées de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 à ce que Monsieur Bernard DJAOUI puisse être à nouveau, inscrit au tableau de l'Ordre ; (...) »

20.  Le 11 avril 2001, le requérant présenta une requête au conseil supérieur de l'Ordre tendant à l'annulation de cette décision.

21.  Le 13 juin 2001, le conseil supérieur de l'Ordre rejeta sa requête, notamment aux motifs suivants :

« Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 7 mai 1946 instituant l'Ordre des géomètres-experts : « Les peines disciplinaires sont : (...) 4o La radiation du stage ou du tableau qui implique l'interdiction d'exercer la profession de géomètre‑expert » ; qu'aux termes de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 : « la suspension ou la radiation emportent, pendant la durée de la sanction dans le premier cas, à titre définitif dans le second cas, interdiction d'exercer la profession de géomètre-expert (...) La personne radiée du tableau de l'Ordre (...) ne peut à nouveau être inscrite au tableau de l'Ordre » ;

Considérant que contrairement à ce que soutient Monsieur DJAOUI, les dispositions précitées de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 ne sont pas contraires à celles de l'article 24 de la loi du 7 mai 1946 ; qu'elles ne méconnaissent pas davantage l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'ainsi Monsieur DJAOUI n'est pas fondé à soutenir que l'application de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 doit être écartée ;

Considérant que par décision du 12 octobre 2000 le Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts a rejeté la requête formée par Monsieur DJAOUI contre la décision du 30 mars 2000 par laquelle le Conseil régional de Paris avait prononcé sa radiation du tableau de l'Ordre ; que cette radiation avait été prononcée au vu d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 31 mars 1998, devenu définitif à la suite du rejet par la Cour de cassation du pourvoi qui avait été formé à son encontre, qui avait condamné Monsieur DJAOUI à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, à cent mille francs d'amende et lui avait « fait interdiction pendant trois ans d'exercer (...) toute profession industrielle, commerciale ou libérale, dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, notamment de géomètre-expert et de direction de bureau d'études » ;

Considérant que si par arrêt du 19 février 2001 la Cour d'appel de Paris a relevé pour l'avenir Monsieur DJAOUI de l'interdiction d'exercice professionnel résultant de l'arrêt du 31 mars 1998, cette circonstance est sans lien avec l'application des dispositions de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 ; qu'ainsi Monsieur DJAOUI n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée du 7 mars 2001 par laquelle le Conseil régional de Paris a, en application de l'article 118 du décret du 31 mai 1996, rejeté sa demande de réinscription au tableau de l'Ordre, aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 février 2001 ; (...)

Considérant que de tout ce qui précède il résulte que Monsieur DJAOUI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Conseil régional de Paris a rejeté sa demande de réinscription au tableau de l'Ordre ; (...) »

22.  Le 28 août 2001, le requérant saisit le Conseil d'Etat d'une requête en référé-suspension, lui demandant d'ordonner la suspension de la décision du conseil supérieur de l'Ordre du 13 juin 2001 et d'enjoindre au conseil supérieur de procéder à sa réinscription au tableau de l'Ordre, sous astreinte de 2 000 FRF par jour de retard.

23.  Le 28 août 2001, le requérant forma également un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat afin d'obtenir l'annulation de la décision du conseil supérieur du 13 juin 2001.

24.  Par une ordonnance en date du 30 août 2001, sa requête en référé fut rejetée.

25.  Le 23 avril 2003, lors d'une première audience sur le fond, le commissaire du Gouvernement aurait conclu dans le sens de l'annulation de la décision déférée. La formation de jugement aurait alors décidé de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure.

26.  Au cours de la seconde audience au fond, le 4 juillet 2003, le commissaire du Gouvernement aurait présenté des conclusions diamétralement opposées, estimant que le recours pour excès de pouvoir du requérant devait être rejeté.

27.  Le 30 juillet 2003, le Conseil d'Etat rejeta le recours du requérant dans les termes suivants :

« Sur l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 :

Considérant qu'au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2001, M. DJAOUI excipe de l'illégalité de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 au motif qu'il méconnaîtrait, d'une part, le principe de nécessité des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et, d'autre part, l'article 24 de la loi du 7 mai 1946 ;

Considérant, en premier lieu, que l'article 118 du décret du 31 mai 1996, en tant qu'il prévoit que la radiation emporte, à titre définitif, interdiction d'exercer la profession de géomètre-expert, se borne à tirer les conséquences de l'article 24 de la loi du 7 mai 1946 selon lequel la radiation du stage ou du tableau implique l'interdiction d'exercer la profession de géomètre-expert ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de cette loi aux exigences constitutionnelles posées à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Considérant, en second lieu, que le a) du 2o de l'article 3 de la loi du 7 mai 1946 interdit d'inscrire au tableau de l'Ordre, notamment toute personne qui a été « l'auteur de faits ayant entraîné une interdiction définitive d'exécuter les travaux prévus au 1o de l'article 1er » ; que les travaux ainsi visés sont ceux qui, en vertu de l'article 2 de la même loi, ne peuvent être effectués que par les géomètres-experts inscrits au tableau de l'Ordre ; qu'il s'ensuit que la mention précitée du a) du 2o de l'article 3 de la loi du 7 mai 1946 fait obstacle à ce qu'un géomètre-expert, qui a commis des faits à raison desquels lui a été infligée la sanction, prévue à l'article 24 de la même loi, de radiation du tableau, puisse être réinscrit à ce tableau ; que, dès lors, en prévoyant que la personne radiée du tableau de l'Ordre ne peut à nouveau y être inscrite, l'article 118 du décret du 31 mai 1996 a fait une exacte application de la loi du 7 mai 1946 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. DJAOUI n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'article 118 du décret du 31 mai 1996 ;

Sur les autres moyens :

Considérant que, le Conseil supérieur étant tenu, par application de l'article 118 du décret du 31 mai 1996, de rejeter la demande de réinscription au tableau de M. DJAOUI, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, et de ce qu'elle méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée par le juge pénal, ainsi que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er de la charte sociale européenne, sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. DJAOUI n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ni, par voie de conséquence, à ce qu'il soit enjoint au Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts de l'inscrire au tableau de l'Ordre ; (...) »

EN DROIT

I.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DANS LE CADRE DE L'INSTANCE DEVANT LE CONSEIL SUPÉRIEUR DES GÉOMETRES-EXPERTS

28.  Le requérant conteste l'équité de la procédure devant le conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, sur le fondement de l'article 6 de la Convention, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

29.  Il se plaint tout d'abord d'une rupture de « l'égalité des armes » du fait de l'absence de communication, préalablement à l'audience, des observations du rapporteur.

30.  La Cour rappelle que le principe de « l'égalité des armes » implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi d'autres, De Haes et Gijsels c. Belgique, arrêt du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, § 53).

31.  La Cour note qu'en l'espèce le requérant ne se plaint pas de ce que lesdites observations auraient également été transmises, préalablement à l'audience, à une autre partie ou un autre acteur à l'instance, entraînant par là-même une rupture de « l'égalité des armes ». Il s'ensuit que ce grief n'est pas étayé.

32.  Partant, il est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

33.  Le requérant conteste ensuite le fait que le conseiller rapporteur dans le cadre de l'instance ayant abouti à sa radiation définitive a également été membre de la formation de jugement dans le cadre de l'instance ayant abouti au refus de sa réinscription au tableau de l'Ordre.

34.  La Cour rappelle qu'elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes. La Cour rappelle que la finalité de cette règle est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant qu'elles ne soient soumises à la Cour. Cette disposition doit s'appliquer « avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif » ; il suffit que l'intéressé ait soulevé devant les autorités nationales « au moins en substance, et dans les conditions et délais prescrits par le droit interne » les griefs qu'il entend formuler par la suite à Strasbourg (Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999‑I).

35.  Or, la Cour note que le requérant n'a formulé aucun moyen de cassation, même en substance, tendant à contester l'impartialité de l'un des membres de la formation du conseil supérieur ayant été amenée à statuer sur sa demande de réinscription au tableau de l'Ordre.

36.  Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l'article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

II.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION DANS LE CADRE DE L'INSTANCE DEVANT LE CONSEIL D'ETAT

37.  Le requérant conteste ensuite, toujours sur le fondement de l'article 6 de la Convention, l'équité de la procédure menée devant le Conseil d'Etat et ayant abouti à la décision rendue le 30 juillet 2003.

A.  Sur la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement

38.  Le requérant se plaint tout d'abord de la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d'Etat.

39.  Le Gouvernement, au vu de l'arrêt Martinie (Martinie c. France [GC], no 58675/00, CEDH 2006‑...), décide de s'en remettre à la sagesse de la Cour sur ce point.

40.  Le requérant prend acte de la position du Gouvernement et maintient son grief.

1.  Sur la recevabilité

41.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

2.  Quant au fond

42.  La Cour renvoie à son raisonnement de principe tel qu'il figure dans l'arrêt Kress (Kress c. France [GC], no 39594/98, §§ 77 à 87, CEDH 2001‑VI) et rappelle ce qui a été précisé dans l'arrêt Martinie (précité, §§ 53-54) relativement au grief tiré de la « participation » ou, indifféremment, de la « présence » du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d'Etat :

« (...) La Cour souligne en premier lieu que, si dans le dispositif (point 2) de l'arrêt Kress elle indique conclure à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention en raison de la « participation » du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d'Etat, il est fait usage dans la partie opérationnelle de l'arrêt tantôt de ce terme (paragraphes 80 et 87), tantôt de celui de « présence » (titre 4 et paragraphes 82, 84 et 85), ou encore des termes « assistance » ou « assiste » ou « assister au délibéré » (paragraphes 77, 79, 81, 85 et 86). La lecture des faits de la cause, des arguments présentés par les parties et des motifs retenus par la Cour, ensemble avec le dispositif de l'arrêt, montre néanmoins clairement que l'arrêt Kress use de ces termes comme de synonymes, et qu'il condamne la seule présence du commissaire du gouvernement au délibéré, que celle-ci soit « active » ou « passive ». Les paragraphes 84 et 85 par exemple, sont à cet égard particulièrement parlants : examinant l'argument du Gouvernement selon lequel la « présence » du commissaire du gouvernement se justifie par le fait qu'ayant été le dernier à avoir vu et étudié le dossier, il serait à même pendant les délibérations de répondre à toute question qui lui serait éventuellement posée sur l'affaire, la Cour répond que l'avantage pour la formation de jugement de cette « assistance » purement technique est à mettre en balance avec l'intérêt supérieur du justiciable, qui doit avoir la garantie que le commissaire du gouvernement ne puisse pas, par sa « présence », exercer une certaine influence sur l'issue du délibéré, et constate que tel n'est pas le cas du système français.

Tel est au demeurant le sens que l'on doit donner à cet arrêt au vu de la jurisprudence de la Cour, celle-ci ayant condamné non seulement la participation, avec voix consultative, de l'avocat général au délibéré de la Cour de cassation belge (arrêts Borgers et Vermeulen, précités) mais aussi la présence du procureur général adjoint au délibéré de la Cour suprême portugaise, quand bien même il n'y disposait d'aucune voix consultative ou autre (arrêt Lobo Machado, précité) et la seule présence de l'avocat général au délibéré de la chambre criminelle de la Cour de cassation française (arrêt Slimane-Kaïd (no 2), précité) ; cette jurisprudence se fonde pour beaucoup sur la théorie des apparences et sur le fait que, comme le commissaire du gouvernement devant les juridictions administratives françaises, les avocats généraux et procureur général en question expriment publiquement leur point de vue sur l'affaire avant le délibéré.

(...) En l'espèce, la Cour ne voit aucun motif susceptible de la convaincre qu'il y a lieu de réformer sa jurisprudence Kress. (...) »

43.  La Cour considère que la présente affaire ne présente pas d'éléments susceptibles de la distinguer des espèces Kress et Martinie.

44.  Elle conclut à la violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

B.  Quant aux autres griefs

45.  Le requérant se plaint ensuite de ce que le commissaire du Gouvernement ait présenté des conclusions opposées lors des deux audiences relatives à l'affaire.

46.  La Cour estime que le requérant n'établit en aucune mesure que cette circonstance ait pu porter atteinte à ses droits garantis par l'article 6 de la Convention. Elle n'entrevoit sur ce point aucune apparence de violation des exigences du procès équitable.

47.  Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

48.  Le requérant invoque également un défaut d'impartialité de l'un des membres de la haute juridiction administrative. En effet, le commissaire du Gouvernement devant le conseil supérieur de l'Ordre aurait également été, en tant que président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, membre de la formation amenée à examiner son pourvoi.

49.  Le Gouvernement fournit à la Cour la dernière page de la décision du 30 juillet 2003, que le requérant avait omis de lui faire parvenir, établissant que le président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat n'a pas siégé lors de l'examen du pourvoi du requérant. Le Gouvernement estime que ce document suffit à rendre le présent grief inopérant.

50.  Le requérant se contente de souligner que la copie de la décision fournie par le Gouvernement n'est pas signée et certifiée conforme à l'original. Il estime qu'à supposer que le président de la section du Contentieux n'ait pas été membre de la formation de jugement en l'espèce, il n'a en tout cas pas manqué de connaître de cette affaire lors de son instruction par le Conseil d'Etat.

51.  La Cour rappelle que, dans une cause issue d'une requête individuelle, il lui faut se borner autant que possible à l'examen du cas concret dont on l'a saisi (voir, notamment, Gubler c. France, no 69742/01, § 30, 27 juillet 2006).

52.  La Cour relève qu'il ressort des éléments fournis par le Gouvernement que le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, précisément car au moment des faits il exerçait en parallèle les fonctions de commissaire du Gouvernement devant le conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, avait établi la pratique constante de se déporter lorsque la formation qu'il présidait était saisie de ce type de contentieux.

53.  La Cour constate que cette pratique a bien été respectée en l'espèce et que le président de la section du contentieux fut en effet remplacé par le président-adjoint le plus ancien dans la fonction, conformément aux dispositions pertinentes du code de justice administrative.

54.  Il s'ensuit que les éléments présentés par le requérant à l'appui de ce grief étaient erronés. La Cour estime par conséquent que l'allégation selon laquelle la formation de jugement du Conseil d'Etat ayant statué en l'espèce aurait souffert d'un défaut d'impartialité, au-delà des doutes que son examen laisse apparaître quant à la bonne foi de la partie requérante, n'est désormais plus étayée.

55.  Partant, il convient de déclarer ce grief manifestement mal fondé et de le rejeter en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

56.  Le requérant allègue également une violation de l'article 1er du Protocole no 1, dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. (...) »

57.  Le requérant estime que le refus opposé à sa demande de réinscription au tableau de l'Ordre des géomètres-experts l'a privé de son droit de percevoir les revenus inhérents à l'exercice de sa profession, portant ainsi atteinte à son droit au respect de ses biens.

58.  La Cour rappelle que la notion de « biens » au sens de l'article 1er du Protocole no 1 peut en effet recouvrir tant des « biens actuels » que des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une « espérance légitime » d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété (voir, parmi d'autres, Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 63, CEDH 2005‑...).

59.  En l'espèce, la Cour note que la cour d'appel de Paris a relevé, par une décision du 19 février 2001, l'interdiction professionnelle qui avait été infligée au requérant, à titre de sanction pénale, le 31 mars 1998.

60.  Pour autant, la Cour constate que cette décision n'a pas emporté levée de la sanction disciplinaire prononcée le 22 mars 2000, laquelle est clairement distincte de la sanction pénale tant par sa nature que par son étendue. La Cour souligne que l'interdiction pour le requérant d'exercer la profession de géomètre-expert est en effet définitive, ce que les conseils régional et supérieur de l'Ordre ont rappelé dans leurs décisions motivées des 7 mars et 13 juin 2001.

61.  Il s'ensuit que le requérant, qui n'a ainsi plus le droit d'exercer la profession de géomètre-expert, n'est en réalité titulaire d'aucun droit sur les « biens », à savoir les revenus, qu'il revendique. Il ne saurait non plus prétendre avoir une « espérance légitime » d'obtenir un tel droit.

62.  Il s'ensuit que l'article 1er du Protocole no 1 ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce et que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l'article 35 § 4.

IV.  QUANT AUX AUTRES GRIEFS

63.  Le requérant argue par ailleurs d'une violation de l'article 1er de la charte sociale européenne.

64.  La Cour rappelle que sa compétence, en vertu de l'article 32 de la Convention, se limite aux questions concernant l'interprétation et l'application de celle-ci et de ses Protocoles. Il s'ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 35 § 3 et doit être rejeté en application de l'article 35 § 4.

65.  Le requérant conteste enfin, sur le fondement du « principe de proportionnalité des peines », le caractère définitif de sa radiation du tableau de l'Ordre des géomètres-experts.

66.  La Cour considère que ce grief ne soulève pas de question distincte de celle examinée sous l'angle de l'article 1er du Protocole no 1. Elle renvoie donc à son analyse relative à cette dernière disposition.

V.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

67.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

68.  Le requérant réclame 1 165 034,82 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu'il aurait subi et 10 000 EUR au titre du préjudice moral.

69.  Le Gouvernement estime que le constat de violation de la Convention vaut satisfaction équitable.

70.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. S'agissant du dommage moral, la Cour estime, dans une jurisprudence constante relative à ce type de violation, qu'il se trouve suffisamment réparé par le constat de violation de l'article 6 § 1 de la Convention auquel elle parvient (voir Martinie, précité, § 59).

B.  Frais et dépens

71.  Le requérant demande également 7 077,15 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et 2 565,42 EUR pour ceux encourus devant la Cour.

72.  Le Gouvernement estime ce montant excessif et propose de lui allouer une somme d'un montant raisonnable, dans la limite de 1 500 EUR, au titre des seuls frais encourus devant la Cour.

73.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale et estime raisonnable d'allouer au requérant la somme de 1 500 EUR.

C.  Intérêts moratoires

74.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,

1.  Déclare recevable le grief tiré de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d'Etat et la requête irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit que le constat de violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par le requérant du fait de la violation constatée ;

4.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 1 500 EUR (mille cinq cents euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 4 octobre 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Santiago QuesadaBoštjan M. Zupančič
GreffierPrésident

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CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE DJAOUI c. FRANCE, 4 octobre 2007, 5107/04