CEDH, Cour (cinquième section), AFFAIRE VAILLANT c. FRANCE, 18 décembre 2008, 30609/04

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Commentaires4

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Conclusions du rapporteur public · 8 avril 2019

N° 426820 Association Koenigshoffen Demain 6e et 5e chambres réunies Séance du 1er avril 2019 Lecture du 8 avril 2019 CONCLUSIONS M. Louis DUTHEILLET de LAMOTHE, rapporteur public Cette affaire vous permettra d'ajouter un cas à la collection de configurations dans lesquelles vous avez indiqué si le principe d'impartialité s'oppose ou non à ce qu'un juge se prononce à nouveau sur une affaire dont il a, indirectement, déjà eu connaissance. La jurisprudence sur ces questions d'impartialité du juge est animée par des principes bien connus mais elle est difficile à …

 

Tribunal des conflits · 6 juillet 2015

1 Tribunal des conflits N° 3995 M. K. et a. Requête en récusation Séance du 18 mai 2015 Rapporteur : M. Ménéménis Rapporteur public : M. Desportes Conclusions 1.- La requête en récusation dont vous a saisi M. K. avec d'autres vous conduira à réexaminer les solutions que vous avez dégagées en la matière il y a fort longtemps. Vous aurez notamment à porter un nouveau regard sur la recevabilité même d'une telle requête, qui ne va pas de soi, puis, le cas échéant, sur la portée du principe d'impartialité appliqué à la juridiction singulière à laquelle vous …

 

CEDH · 19 décembre 2008

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 18 déc. 2008, n° 30609/04
Numéro(s) : 30609/04
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Ferrantelli et Santangelo c. Italie, 7 août 1996, § 58, Recueil 1996-III
Gautrin et autres c. France, 20 mai 1998, § 58, Recueil 1998-III
Procola c. Luxembourg, 28 septembre 1995, série A no 326
Ringeisen c. Autriche du 16 juillet 1971, série A no 13, § 97
Stow et Gai c. Portugal (déc.), no 18306/04, 4 octobre 2005
Thomann c. Suisse, 10 juin 1996, § 35, Recueil 1996-III
Wettstein c. Suisse, no 33958/96, CEDH 2000-XII
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Non-violation de l'art. 6-1
Identifiant HUDOC : 001-90354
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2008:1218JUD003060904
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

AFFAIRE VAILLANT c. FRANCE

(Requête no 30609/04)

ARRÊT

STRASBOURG

18 décembre 2008

DÉFINITIF

04/05/2009

Cet arrêt peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Vaillant c. France,

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :

Peer Lorenzen, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Renate Jaeger,
Mark Villiger,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 novembre 2008,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 30609/04) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Philippe Vaillant (« le requérant »), a saisi la Cour le 18 août 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représentés par Me F. Humbert, avocat à Nancy. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Le requérant alléguait en particulier une violation de son droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial, garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.

4.  Par une décision du 18 mars 2008, la Cour a déclaré la requête recevable.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1959 et réside à Nancy.

6.  Le requérant exerce la profession de chirurgien-dentiste à Nancy. Il exerçait auparavant au sein d’un cabinet mutualiste dirigé par M. C., administrateur de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Nancy. A la suite de son licenciement, le requérant engagea une procédure pour licenciement abusif devant le conseil de prud’hommes. Le 28 février 1996, la CPAM de Nancy reçut une lettre de dénonciation de l’employeur du requérant, destinée au service médical. Le requérant fit alors l’objet d’un contrôle portant sur dix patients pendant la période du 8 novembre 1994 au 4 janvier 1996.

7.  Le 18 septembre 1997, le service médical de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) échelon local de Nancy et le Dr W., médecin conseil chef de service de la CPAM de Nancy déposèrent une plainte contre le requérant auprès de la section des assurances sociales du conseil régional de Lorraine de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Le mémoire faisait valoir des anomalies de pratique médicale, notamment le manquement du requérant à son devoir d’aménité dans son attitude et ses propos à l’égard des patients, la multiplication de certains actes, le non‑respect de la nomenclature générale des actes professionnels, l’existence de fausses indications sur des ententes préalables de prothèses, l’exécution de soins non conformes aux données acquises par la science, etc.

8.  Dans son mémoire en défense du 17 novembre 1997, le requérant fit valoir que la composition de la section des assurances sociales (prévue par l’article L.145-4 du code de la sécurité sociale) était incompatible avec l’article 6 de la Convention.

9.  Par sa décision du 29 juin 1998, la section des assurances sociales du conseil régional de Lorraine de l’ordre des chirurgiens-dentistes considéra que ses membres bénéficiaient « de garanties leur permettant de porter en toute indépendance une appréciation personnelle sur le comportement professionnel des médecins poursuivis devant les sections des assurances sociales et que le Dr Vaillant n’était donc pas fondé à soutenir que la section des assurances sociales du conseil régional de Lorraine ne satisfaisait pas à l’exigence d’indépendance et d’impartialité des juridictions rappelée par l’article 6 § 1 de la CEDH ». Statuant au fond, la section des assurances sociales condamna le requérant à quatre mois d’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, dont deux avec sursis.

10.  Le requérant releva appel de cette décision devant la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Il faisait de nouveau valoir l’incompatibilité absolue de l’article 145-6 du code de la sécurité sociale avec l’article 6 de la Convention. De plus, ayant été condamné à une peine temporaire, il rappelait que l’article L. 145‑2 du code de la sécurité sociale (prévoyant les sanctions pouvant être prononcées par les sections des assurances sociales) ne précisait pas la durée maximale de l’interdiction temporaire et qu’en conséquence l’article 7 de la Convention s’opposait, en vertu du principe de la légalité, au prononcé d’une interdiction temporaire.

11.  Le 18 mai 2000, le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes – composé de M. R., président, des docteurs P. et S., représentants du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes, et des docteurs G. et G-J, représentants des organismes d’assurance-maladie – jugea que les sections des assurances sociales du conseil régional et du conseil national satisfaisaient aux exigences d’indépendance et d’impartialité. Statuant au fond, le conseil national confirma la décision du conseil régional. Enfin, il rejeta le moyen tiré de la violation du principe de légalité considérant que ce moyen ne pouvait être utilement présenté devant la juridiction administrative et que l’article L. 145-2 n’était pas contraire à l’article 7 de la Convention.

12.  Le requérant saisit alors le Conseil d’Etat qui, par un arrêt du 29 mai 2002, jugea qu’il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la plainte formée à l’encontre du requérant devant la section des assurances sociales du conseil régional de l’ordre des chirurgiens dentistes de Lorraine émanait du médecin conseil, chef du service médical près la CPAM de Nancy. La juridiction qui avait statué sur cette plainte comptait parmi ses membres, à titre d’assesseur représentant les organismes d’assurance maladie, le docteur Pe., chirurgien-dentiste conseil au sein du service médical près la CPAM de Nancy, placé en cette qualité sous l’autorité hiérarchique directe de l’auteur de la plainte. Du fait de la composition de cette juridiction pour juger l’affaire, il avait été porté atteinte à l’équité du procès devant la section des assurances sociales du conseil régional de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Lorraine. Le requérant était alors recevable et fondé à soutenir qu’en ne soulevant pas d’office l’irrégularité de la composition de la juridiction de première instance la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes avait entaché sa décision d’erreur de droit.

13.  En conséquence, le Conseil d’Etat annula la décision de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes du 18 mai 2000 et renvoya l’affaire devant la même juridiction.

14.  Par une décision du 19 décembre 2002, la section des assurances sociales du conseil national – composée de M.R., président, des docteurs P. et M., représentants du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que les docteurs G. et G.‑J., représentants des organismes d’assurance maladie, et sur la proposition d’un rapporteur différent – annula la décision de la section des assurances sociales du conseil régional mais maintint l’interdiction faite au requérant de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois, dont deux avec sursis.

15.  Plus précisément, pour annuler la décision précédente, la section des assurances sociales du conseil national constata que la section des assurances sociales du conseil régional était irrégulièrement composée. Pour maintenir l’interdiction d’exercer, elle releva que le requérant avait pratiqué des actes mettant en danger la santé des patients, avait côté des actes non-exécutés et avait multiplié des actes qui n’étaient pas nécessaires, ce qui constituait des fautes, abus et fraudes au sens de l’article L145-1 du code de sécurité sociale.

16.  Le 19 février 2003, le requérant saisit à nouveau le Conseil d’Etat. Il soutenait que la décision attaquée était rendue au terme d’une procédure irrégulière. En application de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour européenne avait affirmé dans son arrêt Piersack c. Belgique (série A no 86, 1er octobre 1982) que devait se récuser tout juge dont on pouvait légitimement craindre un manque d’impartialité. Il estimait choquant que les magistrats dont la décision avait été cassée puissent à nouveau statuer sur les mêmes faits, leur opinion ne risquant guère d’avoir évolué. La composition de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes était telle qui lui permettait de mettre en place plusieurs formations. La section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes qui avait statué le 18 mai 2000 et qui comptait parmi ses membres M. R., son président, les docteurs S. et Pe., représentants du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que les docteurs G. et G.‑J., représentants des organismes d’assurance maladie, devait statuer dans une autre formation. Or la décision attaquée mentionnait que cette même juridiction, lorsqu’elle avait statué sur renvoi du Conseil d’Etat, était composée de M. R., président, des docteurs P. et M., représentants du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que des docteurs G. et G.‑J., représentants des organismes d’assurance maladie. Sur cinq des membres composant cette juridiction, après renvoi, quatre avaient donc participé à la décision annulée par le Conseil d’Etat et avaient déjà statué sur les faits reprochés.

17.  Le 20 février 2004, le Conseil d’Etat déclara la requête du requérant non admise, en application de l’article L 822-1 du code de justice administrative. Il considéra que le moyen du requérant selon lequel la composition de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre qui a rendu la décision était irrégulière, plusieurs membres de cette juridiction ayant déjà siégé lors du premier examen de l’affaire, n’était pas de nature à permettre l’admission de la requête.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

18.  Les articles pertinents du code de la sécurité sociale disposent :

Article L. 145-2

« Les sanctions susceptibles d’être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins ou des chirurgiens‑dentistes ou des sages-femmes sont :

   1º) l’avertissement ;

   2º) le blâme, avec ou sans publication ;

   3º) l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux ;

   4º) dans le cas d’abus d’honoraires, le remboursement à l’assuré du trop-perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé, même s’il n’est prononcé aucune des sanctions prévues ci-dessus ;

(...) »

Article L. 145-6

« La section des assurances sociales du conseil régional ou interrégional de l’ordre est une juridiction. Elle est présidée par un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en activité nommé par le vice‑président du Conseil d’Etat (...)

Elle comprend un nombre égal d’assesseurs membres, selon le cas, de l’ordre des médecins, de l’ordre des chirurgiens-dentistes (...) et d’assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale dont au moins un praticien-conseil nommés par l’autorité compétente de l’Etat. Les assesseurs membres de l’ordre sont désignés par le conseil régional ou interrégional de l’ordre en son sein. »

Article L. 145-7

« La section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens‑dentistes est présidée par un Conseiller d’Etat nommé (...) par le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Elle comprend un nombre égal d’assesseurs membres de l’ordre et d’assesseurs représentant des organismes de sécurité sociale nommés par l’autorité compétente de l’Etat sur proposition de la Caisse Nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. »

Article R.145-4

« La section des assurances sociales du conseil régional de l’ordre des médecins comprend, outre son président, quatre assesseurs nommés par le préfet de région.

   Deux assesseurs représentent l’ordre des médecins. Ils sont nommés sur la proposition du conseil régional de l’ordre et choisis en son sein.

   Deux assesseurs représentent les organismes d’assurance maladie. Ils sont nommés :

   1º Le premier, sur proposition du médecin conseil régional du régime général de sécurité sociale, parmi les médecins conseils titulaires chargés du contrôle médical dans la région ;

   2º Le second, sur proposition conjointe des responsables des services médicaux compétents dans la région, respectivement, du régime de protection sociale agricole et du régime d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, parmi les médecins conseils titulaires chargés du contrôle médical dans ces régimes. A défaut d’accord entre ces responsables et après mise en demeure demeurée infructueuse, le préfet de région procède, à l’expiration d’un délai de quinze jours à dater de celle-ci, à la désignation d’office du second représentant des organismes d’assurance maladie parmi les médecins conseils d’un des trois régimes mentionnés aux 1º et 2º du présent alinéa, après avis du médecin Conseil régional du régime général de sécurité sociale. »

Article R. 145-5

« La section des assurances sociales du conseil régional de l’ordre des chirurgiens-dentistes comprend, outre son président, quatre assesseurs nommés par le préfet de région.

   Deux assesseurs représentent l’ordre des chirurgiens-dentistes. Ils sont nommés sur la proposition du conseil régional de l’ordre des chirurgiens-dentistes et choisis en son sein.

   Deux assesseurs représentent les organismes d’assurance maladie. Ils sont nommés :

   1º Le premier, sur proposition du médecin conseil régional du régime général de sécurité sociale, parmi les chirurgiens-dentistes conseils titulaires ou, à défaut, parmi les médecins conseils titulaires chargés du contrôle médical dans la région ;

   2º Le second, sur proposition conjointe des services médicaux compétents dans la région, respectivement, du régime de protection sociale agricole et du régime d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, parmi les chirurgiens-dentistes conseils titulaires ou, à défaut, parmi les médecins conseils titulaires chargés du contrôle médical dans ces régimes. A défaut d’accord entre ces responsables et après mise en demeure restée infructueuse, le préfet de région procède, à l’expiration d’un délai de quinze jours à dater de celle-ci, à la désignation d’office du second représentant des organismes d’assurance maladie parmi les chirurgiens‑dentistes ou les médecins conseils titulaires d’un des trois régimes mentionnés aux 1º et 2º du présent alinéa, après avis du médecin Conseil régional du régime général de sécurité sociale. »

Article R. 145-7

« I. - La section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins comprend, outre son président, quatre assesseurs.

   Deux assesseurs représentent l’ordre des médecins. Ils sont nommés par le conseil national de l’ordre parmi les membres ou anciens membres des conseils de l’ordre.

   Deux assesseurs représentent les organismes d’assurance maladie. Ils sont nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale :

   1º Le premier, sur proposition du médecin conseil national du régime général de sécurité sociale, parmi les médecins conseils chefs de service ou régionaux ;

   2º Le second, sur proposition conjointe des responsables des services médicaux des régimes de protection sociale agricole et du régime d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, parmi les médecins conseils chefs de service ou régionaux chargés du contrôle médical. (...)

   II. - La section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes comprend, outre son président, quatre assesseurs.

   Deux assesseurs représentent l’ordre des chirurgiens-dentistes. Ils sont nommés par le conseil national de l’ordre en son sein.

   Deux assesseurs représentent les organismes d’assurance maladie. Ils sont nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale :

   1º Le premier, sur proposition du médecin conseil national du régime général de sécurité sociale, parmi les chirurgiens-dentistes conseils chefs de service ;

   2º Le second, sur proposition conjointe des responsables des services médicaux des régimes de protection sociale agricole et du régime d’assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, parmi les chirurgiens-dentistes conseils chefs de service (...) »

Article R. 145-9

« Pour chaque assesseur titulaire représentant les différentes catégories professionnelles de praticiens et de sages-femmes et les organismes d’assurance maladie, cinq assesseurs suppléants sont nommés dans les mêmes conditions que les assesseurs titulaires. Pour chaque assesseur titulaire représentant les différentes catégories professionnelles d’auxiliaires médicaux, deux assesseurs suppléants sont nommés dans les mêmes conditions que les assesseurs titulaires.

Dans les sections des assurances sociales des conseils régionaux de l’ordre des médecins qui ont à connaître un nombre important de requêtes, le nombre d’assesseurs suppléants peut être augmenté jusqu’à neuf. (...) »

19.  Les articles pertinents du code de la santé publique concernant les chirurgiens-dentistes, en vigueur au moment des faits, étaient libellés en ces termes :

Article L. 4142-2

« Le Conseil national est assisté par un conseiller d’Etat ayant voix délibérative et qui est nommé par le ministre de la Justice.

Le cas échéant, un ou plusieurs conseillers d’Etat suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. »

Article L. 4142-3

« Une chambre disciplinaire nationale, qui connaît en appel des décisions rendues en matière disciplinaire, siège auprès du Conseil national. Elle comprend six membres titulaires et six membres suppléants de nationalité française, élus dans les conditions fixées à l’article L4132-5. Elle est présidée par un membre du Conseil d’Etat ayant au moins le rang de conseiller d’Etat, désigné conformément à l’article L4142-2. Un ou plusieurs présidents suppléants sont désignés dans les mêmes conditions (...) »

20.  En statuant dans des questions comme celles soulevées en l’espèce, le Conseil d’Etat reprend une jurisprudence ancienne et constante selon laquelle aucune règle générale de procédure ne s’oppose en l’absence de texte déterminant les conditions dans lesquelles il doit être statué, à ce que les juges dont une décision a été annulée soient appelés à délibérer à nouveau sur la même affaire (CE, 12 novembre 1926, Société Dikson, Walrave et Cie, Recueil 1926, CE, 1er juin 1953, Sieur Godard, Recueil 1953, CE, 25 juillet 1980, Sieur Dollet, Recueil 1980, et CE, 11 février 2005, Commune de Meudon, Recueil 2005).

EN DROIT

21.  Le requérant se plaint du fait que sur cinq des membres composant la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, après renvoi, quatre avaient participé à la décision annulée par le Conseil d’Etat et avaient déjà statué sur les faits reprochés. Il estime que cette section des assurances sociales du conseil national n’était pas indépendante et impartiale, comme l’exige l’article 6 § 1 de la Convention qui, dans sa partie pertinente, dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

22.  Le Gouvernement souligne que le Conseil d’Etat ne s’est pas exprimé sur le bien-fondé de la sanction prononcée à l’encontre du requérant. Le Conseil d’Etat a estimé que la juridiction d’appel aurait dû faire droit au moyen tiré de l’irrégularité de la composition de la formation du jugement de première instance dès lors qu’un de ses membres se trouvait sous l’autorité hiérarchique directe du plaignant à l’origine de la procédure contre le requérant. La composition de l’instance d’appel n’était pas remise en cause par le Conseil d’Etat. Celui-ci n’a d’ailleurs pas invalidé l’appréciation portée par la juridiction d’appel sur le fond du litige, à savoir la légalité de la sanction prononcée. Dans sa décision du 18 mai 2000, la juridiction d’appel a précisé les motifs de la sanction, en écartant certains motifs retenus en première instance, mais ceci ne l’a pas empêché de confirmer la sanction du requérant.

23.  Le Gouvernement considère que les circonstances de la présente requête sont similaires à celles de l’affaire Diennet c. France (arrêt du 31 août 1995, série A no 325-A). En appel, si la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre avait annulé la décision de première instance pour non-respect des exigences d’impartialité, elle aurait pu en tout état de cause porter la même appréciation sur le fond du litige. En outre, lors du deuxième examen en appel, le requérant n’a apporté aucun fait nouveau susceptible de modifier l’appréciation de la juridiction à nouveau saisie. Enfin, le Gouvernement souligne que, malgré l’existence des suppléants, l’adoption d’une règle selon laquelle les juges ayant statué avant cassation ne pouvaient siéger après cassation, risquerait de se heurter, dans certains cas où d’autres règles feraient obstacle à ce que tel ou tel juge ne siège, à des problèmes insolubles.

24.  Le requérant réplique que le Conseil d’Etat a indirectement invalidé l’appréciation portée par la juridiction d’appel sur le fond du litige car il estima que la composition de la juridiction de première instance « portait atteinte à l’équité du procès » devant cette juridiction. Il souligne que les fais sont différents de ceux de l’affaire Diennet c. France car dans cette dernière seulement trois de sept membres de la section disciplinaire avaient pris part à la première décision.

25.  La Cour rappelle que l’impartialité au sens de l’article 6 § 1 s’apprécie selon une double démarche : la première consiste à essayer de déterminer la conviction personnelle de tel ou tel juge en telle occasion ; la seconde amène à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, entre autres, Gautrin et autres c. France, 20 mai 1998, § 58, Recueil 1998-III).

26.  Résumant les principes découlant de l’exigence d’impartialité garantie par l’article 6 § 1, et en particulier objective, la Cour a souligné que lorsqu’une juridiction collégiale est en cause, l’appréciation conduit à se demander si, indépendamment de l’attitude personnelle de tel ou tel de ses membres, certains faits vérifiables autorisent à mettre en cause l’impartialité de la juridiction elle-même ou d’un juge particulier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Pour se prononcer sur l’existence, dans une affaire donnée, d’une raison légitime de redouter d’un organe particulier un défaut d’impartialité, l’optique de celui qui met en doute l’impartialité entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si l’on peut considérer les appréhensions de l’intéressé comme objectivement justifiées (Ferrantelli et Santangelo c. Italie, 7 août 1996, § 58, Recueil 1996-III et Wettstein c. Suisse, no 33958/96, CEDH 2000-XII).

27.  En ce qui concerne l’aspect subjectif de l’impartialité de la formation de renvoi de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, la Cour constate que rien n’indique en l’espèce un quelconque préjugé ou parti pris de la part des membres de cette juridiction. Elle ne peut que présumer l’impartialité personnelle de ces magistrats. Reste donc l’aspect objectif.

28.  En l’espèce, les craintes exprimées quant à l’impartialité objective de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre proviennent de ce que la formation de cette juridiction chargée de se prononcer sur renvoi du Conseil d’Etat était composée des quatre mêmes juges qui avaient connu du fond de l’affaire et rendu la décision du 18 mai 2000.

29.  La Cour rappelle que dans l’arrêt Ringeisen c. Autriche du 16 juillet 1971, la Cour a jugé que « l’on ne saurait poser en principe général découlant du devoir d’impartialité qu’une juridiction de recours annulant une décision administrative ou judiciaire a l’obligation de renvoyer l’affaire à une autre autorité juridictionnelle ou à un organe autrement constitué de cette autorité » (série A no 13, § 97).

30.  De plus dans l’affaire Thomann c. Suisse (10 juin 1996, § 35, Recueil 1996-III), la Cour a jugé que l’impartialité des juges ne saurait être mise en doute du fait que ceux-ci avaient réexaminé en présence du requérant une affaire qu’ils avaient dû d’abord juger par défaut, sur la base des éléments dont ils pouvaient alors disposer.

31.  En outre, dans l’arrêt Diennet c. France, la Cour a conclu ainsi :

« 38. Selon la Cour, on ne peut voir un motif de suspicion légitime dans la circonstance que trois des sept membres de la section disciplinaire ont pris part à la première décision (...). En outre, même avec une rédaction différente, la seconde décision aurait eu nécessairement le même fondement puisqu’il n’y avait pas d’éléments nouveaux. Les appréhensions de l’intéressé ne peuvent donc passer pour objectivement justifiées. »

32.  La Cour relève que la seule différence entre l’affaire Diennet et la présente affaire consiste dans le nombre des juges qui a eu à connaître à nouveau l’affaire : dans la première, trois des sept membres de la section disciplinaire avaient pris part à la décision initiale tandis que c’est la majorité des membres (quatre sur cinq) en l’espèce.

33.  Toutefois, aux yeux de la Cour cette considération à elle seule n’est pas déterminante. Elle note que l’affaire du requérant n’a été renvoyé que du fait de l’irrégularité de la composition de la juridiction de première instance. Or, après renvoi, les membres de la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre étaient à nouveau saisis de l’affaire et étaient appelés à se prononcer ab initio au titre de mêmes fonctions juridictionnelles et non au titre des fonctions différentes, ce qui pourrait impliquer un préjugement de leur part (voir, a contrario, Procola c. Luxembourg, 28 septembre 1995, série A no 326). Même s’il est vrai que l’issue de l’affaire était ouverte et non prédéterminée, ce n’est pas surprenant que la décision de la juridiction de renvoi ait été similaire à la précédente, puisque aucun élément nouveau quant au fond n’était en cause (voir, mutatis mutandis, Stow et Gai c. Portugal, ((déc.), no 18306/04, 4 octobre 2005) et Diennet précité). Il y a lieu en effet de distinguer le renvoi en cas de vice de fond affectant de manière irrémédiable la décision attaquée de celui où, comme en l’espèce, ce n’est qu’un problème de procédure qui est en cause. Si l’on peut concevoir, dans la première hypothèse, des appréhensions du justiciable à l’égard de l’impartialité des magistrats appelés à rejuger l’affaire, tel est difficilement le cas dans la seconde hypothèse (Stow et Gai précité).

34.  Les appréhensions du requérant ne peuvent donc passer pour objectivement justifiées.

35.  Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,

Dit, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 décembre 2008, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Claudia WesterdiekPeer Lorenzen
GreffièrePrésident

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CEDH, Cour (cinquième section), AFFAIRE VAILLANT c. FRANCE, 18 décembre 2008, 30609/04