CEDH, Arrêt de chambre Averill c. Royaume-Uni 06.06.00, 6 juin 2000

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 6 juin 2000
Type de document : Communiqués de presse
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-68558-69026
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Sur les parties

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

406

6.6.2000

Communiqué du Greffier

ARRÊT DANS L’AFFAIRE AVERILL c. ROYAUME-UNI

Par un arrêt[1] notifié par écrit le 6 juin 2000 dans l’affaire Averill c. Royaume-Uni, la Cour européenne des Droits de l’Homme juge, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c) (droit de se faire assister par un avocat) de la Convention européenne des Droits de l’Homme. En revanche, par six voix contre une, la Cour juge qu’il n’y a eu violation ni de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), ni de l’article 6 § 2 (présomption d’innocence). Au titre de l’article 41 (satisfaction équitable), elle accorde au requérant 5 000 livres sterling pour frais et dépens.

1.Principaux faits

Le requérant, Liam Averill, est un ressortissant irlandais né en 1965. Evadé de la prison nord-irlandaise de Maze en 1997, il est toujours en liberté.

Le 24 avril 1994, il fut placé en détention, sur le fondement de l’article 14 § 1 b) de la loi de 1989 portant dispositions temporaires en matière de prévention du terrorisme, à la suite d’un double meurtre commis dans la ville de Garvagh, en Irlande du Nord. Il ne put avoir accès à un solicitor pendant les vingt-quatre premières heures de sa détention et ne répondit pas aux questions des policiers concernant, d’une part, l’endroit où il se trouvait au moment du meurtre et, d’autre part, la présence sur ses cheveux et ses vêtements de fibres correspondant à celles retrouvées sur les cagoules et les gants découverts dans l’épave calcinée de la voiture utilisée les meurtriers. Avant le début de chaque interrogatoire, le requérant fut avisé qu’il n’avait pas l’obligation de répondre aux questions mais que s’il s’appuyait devant le tribunal sur un fait qu’il n’aurait pas mentionné au cours de ses interrogatoires, le tribunal pourrait considérer cette attitude comme corroborant les éventuelles preuves à charge.

Le 1er mai 1994, il fut finalement inculpé des meurtres de Garvagh. Lors de son procès devant un tribunal siégeant à juge unique, il donna des explications sur l’endroit où il se trouvait au moment des meurtres et sur la présence des fibres sur ses cheveux et ses vêtements. Il cita des témoins à l’appui de sa défense. Le 20 décembre 1995, le juge le reconnut coupable. Le magistrat se déclara persuadé par le poids des éléments de police scientifique établissant un rapport entre le requérant et les meurtres. Il tira également des conclusions fortement défavorables du silence observé par le requérant lors de ses interrogatoires par la police.


2.Procédure et composition de la Cour

La requête a été déposée devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 24 mars 1997. Transmise à la Cour européenne des Droits de l’Homme le 1er novembre 1998, l’affaire a été déclarée recevable le 6 juillet 1999. L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges ainsi composée :

Jean-Paul Costa (Français), président,
Loukis Loucaides (Cypriote),
Pranas Kūris (Lituanien),
Françoise Tulkens (Belge),
Karel Jungwiert (Tchèque),
Nicolas Bratza (Britannique),
Hanne Sophie Greve (Norvégienne), juges,
 

et Sally Dollé, greffière de section.

3.Résumé de l’arrêt[2]

Griefs

Le requérant soutenait que son droit à un procès équitable, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, avait été violé du fait de la décision du juge de tirer des conclusions défavorables du silence observé par lui en garde à vue et du fait de la décision lui ayant interdit l’accès à un solicitor pendant les vingt-quatre premières heures de sa détention.

Décision de la Cour

Article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c)

La Cour considère que le refus d’autoriser le requérant à consulter un avocat pendant les vingt-quatre premières heures de sa garde à vue était incompatible avec les droits garantis par l’article 6. Elle relève à cet égard que les termes de l’avertissement donné à M. Averill ont placé l’intéressé devant un dilemme quant à la manière de conduire sa défense : parler et risquer de subir un préjudice, ou garder le silence et risquer, là aussi, de se nuire. La Cour estime que, dans ces conditions, la notion d’équité consacrée par l’article 6 exigeait que le requérant se vît accorder le bénéfice de l’assistance par un avocat au stade initial de son interrogatoire par la police. On sait que le juge tira par la suite du silence observé par le requérant pendant son interrogatoire des conclusions très défavorables à l’intéressé.

Aussi la Cour constate-t-elle une violation de l’article 6 § 1 combiné avec l’article 6 § 3 c) de la Convention.

Article 6 §§ 1 et 2

Se référant à son arrêt John Murray c. Royaume-Uni[3], la Cour rappelle que pour déterminer si le fait de tirer de son silence des conclusions défavorables à l’accusé enfreint l’article 6 il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce et avoir égard notamment aux situations où des conclusions peuvent être tirées, au poids que les juridictions nationales leur ont accordé en appréciant les éléments de preuve, ainsi qu’au degré de coercition inhérent à la situation. Conformément aux principes contenus dans ledit arrêt, la Cour réaffirme qu’il est incompatible avec l’importance fondamentale du droit au silence de fonder une condamnation uniquement ou essentiellement sur le silence observé par un accusé. Néanmoins, il est évident que le droit en question ne peut ni ne doit empêcher de prendre en compte pour apprécier la force de persuasion des éléments à charge le silence de l’accusé dans des situations appelant manifestement une explication de sa part.

Cela dit, la Cour observe que des garanties avaient été mises en place pour prévenir toute exploitation illicite du silence observé par le requérant pendant sa garde à vue. Par exemple, le juge n’était pas juridiquement tenu d’en tirer des conclusions défavorables, et s’il le faisait il devait livrer ses motifs, lesquels étaient susceptibles d’un contrôle en appel. Pour la Cour, la décision du juge de tirer une conclusion défavorable du silence de l’accusé doit être regardée seulement comme l’un des éléments ayant permis au magistrat de considérer que les charges pesant sur le requérant avaient été prouvées au-delà de tout doute raisonnable. Elle relève à cet égard que la thèse de l’accusation était solide, eu égard notamment aux preuves scientifiques incriminant le requérant, et que la déposition devant le tribunal de l’accusé et de ses témoins n’a fait qu’affaiblir la défense. Quoi qu’il en soit, la Cour observe de surcroît que, dans les circonstances de l’espèce, on pouvait légitimement attendre du requérant qu’il fournît des questions aux réponses qui lui furent posées pendant sa garde à vue.

Pour les raisons exposées ci-dessus, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la Convention à raison des conclusions défavorables tirées au procès du silence observé par le requérant lors de ses interrogatoires par la police.

Article 41

La Cour accorde au requérant la somme de 5 000 GBP pour frais et dépens.

Le juge Loucaides a exprimé une opinion partiellement concordante et partiellement dissidente qui se trouve annexée à l’arrêt.

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
Contacts :Roderick Liddell (téléphone : (0)3 88 41 24 92)
Emma Hellyer (téléphone : (0)3 90 21 42 15)
Télécopieur : (0)3 88 41 27 91

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée en 1959 à Strasbourg pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Le 1er novembre 1998 elle est devenue permanente, mettant fin au système initial où deux organes fonctionnant à temps partiel, la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme, examinaient successivement les affaires.


[1]  L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Pour le reste, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.

[2] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

[3] Arrêt du 8 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996–I

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CEDH, Arrêt de chambre Averill c. Royaume-Uni 06.06.00, 6 juin 2000