CEDH, Arrêt de chambre Dougoz c.Grèce 06.03.01, 6 mars 2001

  • Syrie·
  • Expulsion·
  • Légalité·
  • Grèce·
  • Cellule·
  • Peine capitale·
  • Homme·
  • Condition de détention·
  • Ordre public·
  • Capitale

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CEDH · 20 mars 2017

Fiche thématique – Migrants en détention mars 2017 Cette fiche ne lie pas la Cour et n'est pas exhaustive Migrants en détention « (…) [A]ssortie de garanties adéquates pour les personnes …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, 6 mars 2001
Type de document : Communiqués de presse
Organisations mentionnées :
  • Comité européen pour la prévention de la torture
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-68709-69177
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

156

6.3.2001

Communiqué du Greffier

ARRÊT DANS L’AFFAIRE DOUGOZ c. GRÈCE

Par un arrêt communiqué aujourd’hui[1] par écrit dans l’affaire Dougoz c. Grèce, la Cour européenne des Droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a  eu :

  • violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la Convention européenne des Droits de l’Homme ; et
  • violation de l’article 5 §§ 1 et 4 (droit à la liberté et à la sécurité) de la Convention.

En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue au requérant 5 000 000 drachmes pour dommage moral, et constate que l’intéressé n’a produit aucun élément justifiant ses prétentions quant au dommage matériel.

1.  Principaux faits et griefs

Le requérant, Mohamed Dougoz, ressortissant syrien, allègue avoir été condamné par contumace à la peine capitale en Syrie. Il fuit en Grèce, où il fut par la suite arrêté et condamné à plusieurs reprises à des peines d’emprisonnement, notamment pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Les autorités grecques lui avaient accordé le statut de réfugié.

En juin 1997, alors qu’il purgeait une peine de prison, il demanda à être renvoyé en Syrie, prétendant avoir bénéficié d’une commutation de la peine capitale.. En juillet 1997, à la suite d’une décision ordonnant sa mise en liberté conditionnelle et son expulsion vers la Syrie, il fut libéré et placé sous écrou extraditionnel. Il fut détenu pendant plusieurs mois au commissariat de Drapetzona où, selon lui, il fut confiné dans une cellule surpeuplée et sale, dépourvue de tout matériel de couchage et d’installations sanitaires suffisantes. L’eau chaude était rare et il n’y avait aucun débouché sur l’extérieur permettant de laisser entrer de l’air frais et la lumière du jour ; de même, il n’y avait pas de cour permettant aux détenus de prendre de l’exercice. En avril 1998, le requérant fut transféré à la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras, où, d’après l’intéressé, les conditions étaient similaires à celles qui régnaient au commissariat de Drapetzona, si ce n’est que des ouvertures laissaient entrer de l’air et la lumière du jour dans les cellules, et qu’il y avait de l’eau chaude en quantité suffisante. Il y demeura jusqu’au 3 décembre 1998, date de son expulsion vers la Syrie.

Le 2 février 1998, le requérant demanda la levée de l’ordonnance d’expulsion. Les tribunaux le déboutèrent, faisant valoir qu’il avait affirmé ne plus être l’objet de persécutions en Syrie ; cependant, aucune décision expresse ne fut prise sur la légalité de son maintien en détention.

Invoquant les articles 3 et 5 §§ 1 et 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, le requérant se plaint des conditions, de la légalité et de la durée de sa détention, ainsi que de l’absence de tout recours effectif en droit interne qui lui aurait permis de contester la légalité de sa détention.

2. Décision de la Cour[2]

Article 3 de la Convention

La Cour relève que les allégations du requérant sont corroborées par les conclusions du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), publié le 29 novembre 1994, concernant la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras. Le rapport souligne que la capacité d’accueil des cellules et le régime carcéral sont impropres à des périodes de détention de plus de quelques jours, alors que les cellules sont manifestement surpeuplées et les conditions sanitaires épouvantables. Bien que le CPT n’ait pas à cette occasion visité le commissariat de Drapetzona, la Cour relève que le Gouvernement avait alors affirmé que les conditions de détention dans les locaux de l’avenue Alexandras étaient les mêmes qu’à Drapetzona. La Cour note également que le CPT a effectué une deuxième visite à la direction générale de la police de l’avenue Alexandras et s’est rendu au centre de détention de Drapetzona en 1999.

A la lumière de ces éléments, la Cour estime que les conditions de détention du requérant à la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras, et au centre de détention de Drapetzona, notamment la surpopulation importante et l’absence de lits et de matériel de couchage, s’analysent en un traitement dégradant contraire à l’article 3.

Article 5 § 1

Quant à la « légalité » de la détention du requérant au regard de l’article 5 § 1, la Cour constate qu’aux termes de l’article 27 § 6 de la loi n° 1975/1991, un étranger peut être détenu sous réserve qu’il fasse l’objet d’une ordonnance administrative d’expulsion émanant du ministère de l’Ordre public et dont l’exécution est pendante, et qu’on estime que l’intéressé représente un danger pour l’ordre public ou qu’il pourrait tenter de se soustraire à la justice. Toutefois, l’expulsion du requérant a été ordonnée par une décision judiciaire, et non par une décision administrative, et nul n’a prétendu qu’il représentait un danger pour l’ordre public ou qu’il risquait de tenter de se soustraire à la justice.


La Cour prend note par ailleurs de l’avis émis le 1er avril 1993 par le procureur adjoint près la Cour de cassation, selon lequel une décision ministérielle (n° 4803/13/7A/18-26.6.92) sur la détention de personnes faisant l’objet de décisions administratives d’expulsion s’appliquait par analogie dans les cas d’expulsion ordonnées par les tribunaux. Toutefois, la Cour estime que l’avis d’un procureur de rang élevé ne constitue pas une « loi » de qualité « suffisante » au sens de sa jurisprudence.

Conclusion : violation de l’article 5 § 1.

Article 5 § 4

La Cour estime que les demandes de libération présentées par le requérant aux ministres de la Justice et de l’Ordre public les 28 novembre 1997 et 26 juillet 1998 ne sauraient être tenues pour des recours effectifs, puisque les ministres pouvaient décider de les rejeter ou de les laisser sans réponse. Par ailleurs, dans sa décision du 11 mai 1998, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel du Pirée, siégeant à huis clos, n’a pas statué sur le grief du requérant concernant sa détention.

Dès lors, l’ordre juridique interne n’a offert au requérant aucune possibilité d’obtenir une décision d’une juridiction nationale sur la légalité de sa détention sous écrou extraditionnel, au mépris de l’article 5 § 4.

Conclusion : violation de l’article 5 § 4.

***

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Greffe de la Cour européenne des Droits de l’Homme
F – 67075 Strasbourg Cedex
Contacts :Roderick Liddell (téléphone : (0)3 88 41 24 92)
Emma Hellyer (téléphone : (0)3 90 21 42 15)
Télécopieur : (0)3 88 41 27 91

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée en 1959 à Strasbourg pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950. Le 1er novembre 1998 elle est devenue permanente, mettant fin au système initial où deux organes fonctionnant à temps partiel, la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme, examinaient successivement les affaires.


[1].  L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Pour le reste, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.

[2] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Arrêt de chambre Dougoz c.Grèce 06.03.01, 6 mars 2001