CEDH, Cour (cinquième section), GHULAMI c. FRANCE, 7 avril 2009, 45302/05

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Chronologie de l’affaire

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CEDH · 22 mars 2017

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L'affaire Vincent Lambert donne le sentiment d'un immense gâchis. Sa séquence strasbourgeoise n'est pas pour rien dans son pourrissement. S'il est tentant de dénoncer un certain cynisme de la Cour européenne des droits de l'homme qui aurait trouvé dans cette affaire un prétexte pour “faire jurisprudence”, elle révèle surtout l'inadaptation du mécanisme de contrôle de la CEDH au contentieux spécifique de la fin de vie. Xavier Dupré de Boulois est professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de l'Institut des Sciences juridique et philosophique de la Sorbonne – CERAP …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Cinquième Section), 7 avr. 2009, n° 45302/05
Numéro(s) : 45302/05
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 19 décembre 2005
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-92444
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2009:0407DEC004530205
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 45302/05
présentée par Ali GHULAMI
contre la France

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 7 avril 2009 en une chambre composée de :

Rait Maruste, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Renate Jaeger,
Mark Villiger,
Isabelle Berro-Lefèvre,
Mirjana Lazarova Trajkovska, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 19 décembre 2005,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Ali Ghulami, est un ressortissant afghan, né en 1984 et résidant en Afghanistan. Il est représenté devant la Cour par Me E. Hamot, avocate à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

Le requérant est né en 1984 et réside en Afghanistan.

Le 3 juillet 2005, le requérant, qui venait d’arriver en France, s’est vu notifier un arrêté de reconduite à la frontière par le préfet du Finistère. Le 8 juillet 2005, se trouvant au centre de rétention de Paris Vincennes, le requérant demanda l’asile dans le cadre de la « procédure prioritaire » prévue par l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Le Gouvernement soutient que le requérant fut entendu en langue persane par un officier de protection de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Le 13 juillet 2005, l’OFPRA rejeta la requête du requérant. Le 15 juillet 2005, la décision de l’OFPRA fut notifiée au requérant mais la lettre revint à l’office avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée », le requérant ayant été libéré du centre de rétention entre-temps.

Le 22 septembre 2005, le requérant se rendit au Royaume-Uni où il demanda l’asile. A la demande des autorités britanniques et en application de la Convention de Dublin, le requérant fut réadmis sur le territoire français le 21 novembre 2005.

Le 6 décembre 2005, le requérant fut interpellé, avec d’autres ressortissants afghans, dans le square de Verdun à Paris, lieu où se rassemblent les nouveaux arrivants en France de nationalité afghane. Il soutient que la police française aurait procédé à des interpellations ciblées fondées sur la nationalité, dans la perspective de l’organisation d’un « vol aérien groupé ». Parmi les autres ressortissants afghans interpellés dans les mêmes conditions, M. Sultani a également introduit une requête devant la Cour. Cette requête a fait l’objet d’un arrêt de la Cour (Sultani c. France, no 45223/05, 20 septembre 2007).

Placé en centre de rétention administrative, le requérant déclara le 8 décembre 2005, en présence de son conseil et d’un interprète devant le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris :

« (...) Je n’ai pas de passeport, je n’en ai jamais eu. Je suis sans domicile fixe. Je ne veux pas retourner dans mon pays car en cas de retour je risque une exécution, j’ai des ennemis là-bas. J’ai déposé une demande d’asile politique qui a été rejetée en septembre. »

Il manifesta alors sa volonté de solliciter à nouveau l’asile parce qu’il estimait que les conditions dans lesquelles il avait déposé sa précédente demande ne lui avaient pas permis d’expliquer convenablement les raisons de ses craintes.

Le 13 décembre 2005, la préfecture de police notifia au requérant une lettre dans laquelle elle releva :

« A votre arrivée au centre de rétention, vous avez reçu notification des droits que vous êtes susceptible d’exercer, notamment en matière d’asile. Ainsi, conformément aux articles L551-1, L551-2 et L551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, vous avez été informé qu’au-delà de cinq jours à compter de la notification de vos droits au centre de rétention, une éventuelle demande d’asile de votre part ne serait plus recevable.

Par l’intermédiaire de la CIMADE (...) vous avez déclaré vouloir solliciter le 07/12/2005 une demande d’asile.

A cet effet, un formulaire vous a été remis le 09/12/2005, par un agent du 8ème Bureau de la Direction de la Police Générale et vous avez été informé que cette demande devait être adressée le 12/12/2005 dans mes services.

Or, depuis cette date, vous n’avez toujours pas remis ce formulaire dûment rempli en langue française à l’administration en vue de sa transmission à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) pour étude de votre demande.

En conséquence, conformément à l’article L551-3 susvisé, votre demande d’asile n’est plus recevable. »

Le 19 décembre 2005, le président en exercice de la deuxième section décida de ne pas indiquer au Gouvernement français, en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour, qu’il était souhaitable de ne pas expulser le requérant vers l’Afghanistan (il prit également cette décision pour deux autres afghans ayant fait une demande au titre de l’article 39 du règlement en même temps que le requérant).

Le 20 décembre 2005, le requérant fut rapatrié par avion en Afghanistan.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

Il est renvoyé pour l’essentiel à la partie droit interne de l’arrêt Sultani précité (paragraphes 30 à 44). Pour le reste, les dispositions pertinentes pour l’examen de l’affaire sont les suivantes :

Décret no 2004-814 du 14 août 2004 relatif à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés (CRR)

Article 1

« (...) La demande d’asile ou du statut d’apatride est rédigée en français sur un imprimé établi par l’office. (...) »

Décret no 2005-617 du 30 mai 2005 relatif à la rétention administrative et aux zones d’attente (...)

Article 18

« L’administration met un interprète à la disposition des étrangers maintenus en zone d’attente ou en centre ou en local de rétention administrative qui ne comprennent pas le français, dans le seul cadre des procédures de non-admission ou d’éloignement dont ils font l’objet. Dans les autres cas, la rétribution du prestataire est à la charge de l’étranger. »

Dans un arrêt du 12 juin 2006 (no 282275), le Conseil d’Etat, saisi par le groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) et le comité inter‑mouvement auprès des évacués (Cimade), de l’annulation du décret du 30 mai 2005, dont l’article 18, se prononça comme suit :

« Considérant que ni les articles L 111-7, L 111-8, L 551-2 et L 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ni aucune autre disposition législative, ni aucun principe s’imposant au pouvoir réglementaire ne font obligation à l’Etat d’assumer les frais résultant de l’assistance des interprètes mis à disposition des demandeurs d’asile dans le cadre de la présentation des demandes d’asile ;

Considérant que si les associations requérantes font valoir que ces dispositions sont incompatibles avec la proposition de directive [2003/9/CE] du Conseil [du 27 janvier 2003] relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres[1], un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant que si les associations requérantes soutiennent que les demandeurs d’asile ne sont pas tous placés dans une situation identique, dès lors que certains maîtrisent la langue française ou peuvent avoir recours, à leur charge, à un interprète, cette circonstance de pur fait ne saurait révéler une différence dans la situation juridique des intéressés ; qu’elle est, dès lors, sans incidence sur le respect du principe d’égalité ; (...) »

GRIEFS

1.  Invoquant les articles 3 et 13 de la Convention le requérant se plaint d’avoir été rapatrié de force en Afghanistan, pays où il estime être exposé au risque de traitements inhumains et dégradants. Ce rapatriement a eu lieu alors qu’il n’a jamais été placé dans des conditions matérielles et administratives lui permettant de justifier de ces risques et de s’en prévaloir de manière effective. Il expose en effet que la conjonction des dispositions des décrets du 30 mai 2005 et du 14 août 2004 (voir partie « droit interne pertinent ») rendent non effectif le droit de demander l’asile en rétention puisque, dans ces circonstances, la prise en charge des frais d’interprétariat et de traduction ne s’applique exclusivement qu’à la procédure relative au placement et au maintien en rétention. A défaut de moyens financiers, il n’a donc pas pu introduire une nouvelle demande d’asile.

2.  Le requérant allègue également une violation de l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention.

EN DROIT

1.  Le requérant se plaint de son retour forcé en Afghanistan et de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé de demander l’asile alors qu’il se trouvait en centre de rétention en décembre 2005. Il invoque les articles 3 et 13 de la Convention qui disposent :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

a)  Le Gouvernement

Selon le Gouvernement, le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes qui s’offraient à lui. Il aurait pu contester la décision d’éloignement prise à son encontre (article 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), saisir la CRR contre la décision de refus du statut de réfugié, et, enfin, déposer une nouvelle demande d’asile auprès de l’OFPRA lors de son placement en centre de rétention en décembre 2005 (article L 551-3). Le Gouvernement précise, s’agissant du dernier point, que le requérant était assisté d’un avocat lors de son audition le 8 décembre 2005 devant le juge des libertés, à une date où il se trouvait encore dans les délais légaux.

A titre subsidiaire, et s’agissant du grief tiré de l’article 3 de la Convention, le Gouvernement soutient, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que le risque encouru de mauvais traitements en Afghanistan ne reposait pas sur des motifs sérieux et avérés (ne pouvant se limiter au contexte général de violence) et que le requérant n’établissait pas personnellement et spécialement qu’il était exposé à des traitements contraires à l’article 3. Ses déclarations s’appuyaient sur le climat général d’insécurité, et non sur une menace spéciale contre sa personne et il ne fournissait aucun document à l’appui de ses prétentions, ni devant l’OFPRA ni devant la Cour.

A titre subsidiaire également, et s’agissant du grief tiré des articles 3 et 13 de la Convention, le Gouvernement rappelle qu’un recours contre l’arrêté de reconduite à la frontière pris à l’encontre du requérant lui aurait permis de se prévaloir des stipulations de l’article 3 devant le tribunal administratif. Celui-ci, saisi dans les quarante-huit heures, devait statuer dans un délai de soixante-douze heures. Le recours était suspensif et le requérant pouvait demander à être assisté gratuitement d’un interprète. Concernant la seconde demande d’asile en décembre 2005, que le requérant dit n’avoir pu formaliser faute de comprendre le français et faute d’assistance gratuite d’un interprète, le Gouvernement observe que la première demande faite en juillet 2005 auprès de l’OFPRA avait été présentée dans les formes requises alors que le requérant se trouvait également en centre de rétention. Il rappelle à titre surabondant que l’article 5 du décret du 30 mai 2005 prévoit que, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits par les étrangers se trouvant en centre de rétention, l’Etat a dévolu une mission à la Cimade (Comité inter-mouvement auprès des évacués) chargée de veiller aux droits des étrangers ; or le requérant a manifesté la volonté de formuler une demande de réexamen de sa demande d’asile par l’intermédiaire de la Cimade. Il disposait donc de l’assistance nécessaire pour présenter auprès de l’OFPRA les éléments tendant à démontrer qu’il était menacé en cas d’exécution de la mesure de reconduite à la frontière.

b)  Le requérant

S’agissant du recours contre l’arrêté de reconduite à la frontière, le requérant rappelle qu’il a été arrêté dans le Finistère puis transféré au centre de rétention de Vincennes près de Paris. Or, il disposait de quarante-huit heures pour former un recours contre l’arrêté, par écrit et en français, devant le tribunal administratif de Rennes (département où il ne se trouvait plus). Il considère que, dans ces circonstances, ce recours ne pouvait être exercé et qu’il n’était pas adéquat au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. Quant au recours contre la décision de l’OFPRA du 13 juillet 2005, le requérant rappelle qu’il avait été libéré sans qu’on lui demande d’adresse et qu’il était ainsi matériellement impossible d’exercer ce recours. Enfin, sur l’absence de dépôt d’une nouvelle demande d’asile lors du deuxième placement en rétention en décembre 2005, le requérant explique qu’il était dans l’incapacité de le faire, faute de prise en charge par l’administration des frais d’interprète indispensable pour rédiger une demande d’asile en français.

Sur le fond de son grief, le requérant rappelle tout d’abord que la seule demande d’asile qu’il a pu déposer en juillet 2005 a été rédigée en centre de rétention et examinée par l’OFPRA en procédure prioritaire ; il n’a donc pu qu’exposer très généralement les risques encourus dans son pays. Pour le reste, il se réfère au site web du ministère des Affaires étrangères, dans la rubrique « conseils aux voyageurs » de 2005 pour affirmer que la situation était suffisamment tendue et dangereuse pour que l’administration, sachant les conditions déplorables dans lesquelles il avait demandé l’asile, en tienne compte. Par courrier du 19 février 2008, le représentant du requérant informa la Cour que M. Sultani, qui avait saisi la Cour en même temps que M. Ghulami, avait été reconnu réfugié politique par la Cour nationale du droit d’asile (C.N.D.A).

c)  Appréciation de la Cour

La Cour relève que les exceptions de non-épuisement soulevées par le Gouvernement posent de sérieux problèmes dans la mesure où le requérant n’a exercé aucune voie de recours, qu’il s’agisse du recours contre la décision d’éloignement du territoire devant le tribunal administratif ou du recours contre la décision de l’OFPRA de juillet 2005 devant la CRR ou de la possibilité de demander l’asile selon la procédure prioritaire alors qu’il se trouvait en centre de rétention en décembre 2005. Elle observe également que le requérant soutient n’avoir pas eu l’occasion de les exercer en pratique, ce qui les rendraient ineffectifs et inaccessibles au sens de l’article 35 § 1 de la Convention.

Toutefois, la Cour n’estime pas nécessaire d’examiner ces questions de recevabilité car elle estime les griefs irrecevables pour défaut manifeste de fondement pour les raisons suivantes.

S’agissant du grief tiré de l’article 3 de la Convention, la Cour constate que, tels que présentés par le requérant, les motifs de crainte d’être exposé à des mauvais traitements en Afghanistan, ne sont pas étayés et n’établissent pas dans quelle mesure il pouvait personnellement être exposé à un tel risque. Pas plus que dans sa requête urgente demandant l’application de l’article 39 du règlement de la Cour, à laquelle la Cour n’a pas fait droit, le requérant n’invoque dans le cadre du maintien de celle-ci au titre de l’article 34 de la Convention, aucun fait de sa situation personnelle qui l’exposait à un risque réel de subir des traitements inhumains. Or, si la situation générale de violence en Afghanistan était déjà réelle au moment de l’expulsion du requérant, la Cour a jugé qu’elle ne pouvait pas être à elle seule de nature à entraîner une violation de l’article 3 (Sultani, précité, § 67). En tout cas, rien n’indiquait qu’à l’époque des faits, une situation d’extrême violence eut pu justifier, isolément, ladite violation (N.A c. Royaume-Uni, no 25904/07, §§ 114-115, 17 juillet 2008).

Partant, cette partie du grief doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Concernant le grief tiré des articles 3 et 13 de la Convention, la Cour rappelle que l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant d’examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et d’offrir un redressement approprié (voir, parmi d’autres, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000-XI). Eu égard à sa conclusion ci-dessus selon laquelle on ne saurait considérer que le requérant avait, à l’époque, étayé une atteinte à son droit garanti par l’article 3 de la Convention, la Cour considère que le requérant ne peut invoquer l’article 13, faute de « grief défendable ». Partant, le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Le requérant se plaint d’une violation de l’article 4 du Protocole no 4 à la Convention qui dispose :

« Les expulsions collectives d’étrangers sont interdites. »

a)  Le Gouvernement

Se référant à l’arrêt Conka c. Belgique (no 51564/99, CEDH 2002-I), le Gouvernement ne considère pas en l’espèce qu’il y a eu expulsion collective. Il rappelle que le requérant n’a pas fait l’objet d’une « rafle » en décembre 2005 mais a été reconduit à la frontière dans le cadre d’une procédure normale de mise à exécution d’une décision de reconduite à la frontière prise antérieurement à sa dernière interpellation. Le Gouvernement souligne que parmi les quatre personnes originaires d’Afghanistan citées par l’avocat du requérant, seul celui-ci a effectivement été éloigné le 21 décembre 2005. Pour le reste, il rappelle les observations déjà faites dans l’affaire Sultani : le recours des autorités françaises à des vols spécifiques pour reconduire un certain nombre d’étrangers dans leur pays d’origine tient à des contingences matérielles et ne peut s’analyser comme une pratique d’expulsions collectives au sens de l’article 4 du Protocole no 4 ; il existe des garanties législatives et un contrôle exercé par les juridictions administratives pour que les décisions de renvoi fassent toujours l’objet d’un examen individuel ; les autorités n’ont fait aucune déclaration officielle annonçant l’intention de procéder à des expulsions collectives ; enfin, la situation du requérant a fait l’objet d’un examen particulier et individuel.

b)  Le requérant

Le requérant soutient que le vol groupé correspond à un expédient permettant de renvoyer des étrangers dans les pays où les compagnies aériennes ne veulent plus se poser pour des raisons de sécurité et que des objectifs de rentabilité guident les services de police au moment de la préparation de ces vols. Il estime qu’il n’existe pas d’examen individuel et circonstancié effectif des risques en cas de retour dans le pays d’origine et que la loi ne permet pas de faire obstacle à ce que l’autorité administrative procède à des expulsions collectives. Il rappelle les circonstances ayant entouré le « vol groupé » du 20 décembre 2005 (exposées dans l’arrêt Sultani, précité, §§ 79-80).

c)  Appréciation de la Cour

La Cour rappelle sa jurisprudence d’après laquelle il faut entendre par expulsion collective, au sens de l’article 4 du Protocole no 4, toute mesure contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise à l’issue et sur la base d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe. Ainsi, le fait que plusieurs étrangers fassent l’objet de décisions semblables ne permet pas en soi de conclure à l’existence d’une expulsion collective lorsque chaque intéressé a pu individuellement faire valoir devant les autorités compétentes les arguments qui s’opposaient à son expulsion (Sultani, précité, § 81).

En l’espèce, la Cour n’aperçoit aucun élément qui permette d’affirmer que l’examen de la situation du requérant ne s’est pas fait individuellement. Elle ne voit aucune raison de s’écarter du constat fait sur ce point dans l’affaire Sultani.

Partant, le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

              Claudia WesterdiekRait Maruste
GreffièrePrésident


[1] « Les Etats membres font en sorte que les informations prévues au paragraphe 1 soient fournies par écrit et, dans la mesure du possible, dans une langue dont les demandeurs sont censés avoir une connaissance suffisante. Le cas échéant, ces informations peuvent également être fournies oralement. »

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