CJCE, n° C-11/70, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, 2 décembre 1970

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 2 déc. 1970, Internationale Handelsgesellschaft, C-11/70
Numéro(s) : C-11/70
Conclusions jointes de l'Avocat général Dutheillet de Lamothe présentées le 2 décembre 1970. # Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel. # Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Frankfurt am Main - Allemagne. # Affaire 11-70. # Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel contre Köster et Berodt & Co. Kg # Demande de décision préjudicielle: Hessischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne. # Affaire 25-70. # Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel contre Günther Henck. # Demande de décision préjudicielle: Hessischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne. # Affaire 26-70. # Otto Scheer contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel. # Demande de décision préjudicielle: Hessischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne. # Affaire 30-70.
Date de dépôt : 26 mars 1970
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61970CC0011
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1970:100
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GENERAL M. ALAIN DUTHEILLET DE LAMOTHE,

PRÉSENTÉES LE 2 DÉCEMBRE 1970

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les quatre affaires (11-70, 25-70, 26-70 et 30-70) que vous avez à examiner aujourd’hui, présentent, à juger sur de nombreux points, les mêmes questions ou des questions très voisines.

De quoi s’agit-il pour l’essentiel?

1)

De la validité des dispositions incluses dans trois règlements communautaires, les règlements 102/64, 120/67 et 473/67, et qui prévoient que l’obtention d’un certificat d’importation ou d’exportation pour les produits visés par le règlement de base no 19 est subordonnée au dépôt d’une caution et que, sauf le cas de force majeure, la caution est perdue si l’opération n’est pas réalisée par le titulaire du certificat;

2)

Dans une des affaires, 30-70, de la validité, au regard de la loi communautaire d’un règlement 87/62 et de l’organisation par un État membre de ce régime de caution à compter du 30 juillet 1962, c’est-à-dire avant l’intervention en 1964 du premier règlement communautaire précisant le régime de la caution pour l’ensemble de la Communauté.

Ces questions vous sont posées par deux juridictions allemandes: une juridiction d’appel, la Cour administrative du Land de Hesse, dans les affaires 25, 26 et 30-70, et par une juridiction de première instance, le Verwaltungsgericht de Francfort-sur-le-Main, dans l’affaire 11-70.

Mais ces questions ne vous ont pas été posées sous la même forme dans les diverses affaires.

Dans les affaires 11, 25 et 26-70, elles prennent la forme d’un recours en appréciation de validité; dans l’affaire 30-70, d’un recours en interprétation de l’article 16 du règlement du Conseil no 19 du 4 avril 1962, combiné avec une question relative à la validité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 87 de la Commission.

Mais peu importe sur le fond, car ces différences ne pourront avoir de conséquence que sur la forme des arrêts que vous rendrez dans ces différentes espèces, et nous reviendrons sur ce point à la fin de nos conclusions.

Ces quatre affaires présentent à juger de très nombreuses questions que l’on peut, croyons-nous, rassembler en trois groupes :

celles qui sont relatives à ce que nous appellerons la légalité externe des dispositions contestées, c’est-à-dire la compétence des autorités communautaires pour les édicter et la régularité de la procédure selon laquelle elles ont été prises;

celles qui sont relatives à la légalité interne de ces dispositions auxquelles il est reproché essentiellement de violer un principe dit de proportionnalité qui s’imposerait aux autorités communautaires;

celles enfin qui se rattachent à la validité du règlement 87/62, à la compatibilité avec la loi communautaire du système mis en place en Allemagne fédérale avant l’intervention du règlement 120/64.

I

Examinons tout d’abord les questions relatives à la légalité externe des dispositions contestées.

Les critiques adressées à ces dispositions sont multiples, mais à la vérité elles se ramènent toutes à trois ordres de considérations :

1)

L’incompétence de toute instance communautaire quelle qu’elle soit pour les édicter;

2)

L’irrégularité de la procédure d’élaboration des règlements et notamment de l’intervention des Comités de gestion;

3)

Enfin et subsidiairement, les vices propres qui entacheraient en tout état de cause la légalité externe de certaines seulement des dispositions contestées.

A — Sur le premier point, incompétence radicale de toute instance communautaire pour édicter les dispositions contestées, deux arguments ont été avancés, qui semblent avoir en partie séduit le tribunal de Francfort.

1.

Le premier de ces arguments est que les textes créeraient une obligation d’importer ou d’exporter, c’est-à-dire une obligation de faire, alors qu’aucune disposition du traité ne permettrait aux autorités communautaires d’imposer aux particuliers une telle obligation.

L’argument ne nous retiendra guère.

Tout d’abord, la question de savoir si certaines dispositions du traité, et notamment celles relatives à l’agriculture, n’habilitent pas les instances communautaires à imposer dans certaines circonstances à des agents économiques des obligations de faire est fort douteuse et s’il fallait y répondre nous pencherions plutôt, à première vue, pour une réponse affirmative.

Mais en réalité, selon nous, la question ne se pose pas en l’espèce. En effet, les dispositions contestées ne créent en réalité aucune obligation d’importer ou d’exporter.

La seule portée desdites dispositions est de prévoir que le certificat ne peut être demandé que pour réaliser effectivement une opération d’importation ou d’exportation et non à raison d’une simple velléité. En cela, elles ne créent pas une obligation, mais elles posent seulement une condition à la délivrance d’un titre nécessaire à l’opération déjà décidée par l’agent économique.

L’importateur ou l’exportateur sont libres non seulement de ne pas demander de certificat d’importation ou d’exportation, c’est évident, mais même de ne pas réaliser l’importation ou l’exportation qu’ils ont déclaré vouloir effectuer. Dans ce cas, certes, ils perdent leur caution, mais leur liberté d’agir, si elle peut évidemment être influencée quant à ses déterminations par cette perspective, n’en reste pas moins entière en droit.

Le système ne crée donc pas une obligation de faire, mais pose seulement une condition pour l’octroi d’une permission de faire.

2.

Le deuxième argument qu’on fait valoir en faveur d’une incompétence totale des instances communautaires pour édicter les dispositions contestées mérite un examen plus approfondi.

Il est soutenu en effet que ce système, qui oblige ceux qui demandent un certificat d’importation ou d’exportation à déposer une caution et qui prévoit que cette caution est, sauf cas de force majeure, perdue en cas de non-réalisation de l’opération dans les délais prévus par le certificat, constitue en réalité l’institution d’un régime de sanction.

On vous affirme que les États membres n’ont pas, en règle générale, confié aux instances communautaires de pouvoirs répressifs, sauf dans les cas expressément prévus par le traité, comme par exemple pour les ententes ou pour l’exploitation abusive de positions dominantes, par l’article 87, alinéa 2, paragraphe a, qui prévoit expressément l’institution d’amendes et d’astreintes.

Il est tout d’abord extrêmement contestable d’affirmer que le traité ne donne aux instances communautaires le pouvoir d’édicter des sanctions que dans les cas qu’il prévoit expressément.

En matière agricole notamment, le paragraphe 3 de l’article 40 prévoit que l’organisation commune des marchés peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l’article 39. On peut légitimement se demander si une formule aussi large n’inclut pas la possibilité d’instituer éventuellement des sanctions pécuniaires pour assurer le respect des règlements communautaires.

Mais vous n’aurez pas, croyons-nous, à trancher la question dans la présente espèce, car il vous suffira, pensons-nous, d’examiner et de préciser la nature juridique de la caution prévue par les textes pour constater que sa perte n’a en aucune façon le caractère d’une sanction.

Il y a lieu tout d’abord de remarquer que les termes de caution ou de cautionnement, dans la langue française contemporaine, présentent une ambiguïté que les commentateurs ont depuis longtemps soulignée en proposant parfois d’y mettre fin.

En effet, jusqu’au milieu du XIXe siècle, le terme de cautionnement n’avait qu’un seul sens: celui que lui donne l’article 2011 du Code civil français, l’ancienne «fidejussio» du droit romain, c’est-à-dire l’engagement par lequel un tiers intervient dans des rapports entre créancier et débiteur pour garantir au créancier qu’il exécutera les obligations du débiteur en cas de carence de celui-ci.

Mais très rapidement est apparu un autre sens du mot caution, qu’on a parfois appelée caution «administrative» et qui signifie le dépôt obligatoire d’une somme d’argent avant de pouvoir effectuer certains actes ou exercer certaines fonctions pour garantir les responsabilités éventuelles qui pourraient en résulter, notamment à l’égard de la puissance publique.

Cette dernière sorte de cautionnement, qui, du point de vue du droit civil, s’apparente plutôt à un «nantissement», est fort différente de la «fidejussio» que constitue le cautionnement pris dans son premier sens.

Mais ces deux formes de cautionnement peuvent se combiner entre elles, par exemple, comme c’est fréquemment le cas dans la pratique, lorsque la «caution nantissement», si l’on peut dire, est elle-même garantie par un «fidejussio», le plus souvent une banque.

Mais qu’est-ce en réalité que cette «caution nantissement»? Ce n’est, à notre avis, rien d’autre qu’une forme de sûreté destinée à garantir le respect d’engagements préalablement ou concomitamment souscrits.

Or, l’institution d’une sûreté est à l’évidence difficilement assimilable à l’institution d’une sanction. Une sanction a pour objet de punir. Une sûreté a pour objet de prévenir et éventuellement de réparer.

Le moyen articulé à l’encontre des dispositions contestées et tiré de ce que les autorités communautaires ne seraient pas compétentes pour instaurer des sanctions manque donc selon nous «en fait» puisque ces dispositions n’ont pas institué un régime de sanction, mais un régime de sûreté.

B — Examinons donc la seconde série de questions relatives à la légalité externe des dispositions contestées et tirées de l’irrégularité de la procédure d’élaboration des règlements dans lesquels elles sont incluses.

Ces règlements ont tous été élaborés selon la procédure dite des comités de gestion dont vous connaissez bien le principe.

Sur proposition de la Commission et après avis du Parlement, le Conseil arrête des règlements de base, mais confie sous certaines conditions à la Commission le soin d’élaborer les mesures nécessaires à leur application.

L’exercice des pouvoirs ainsi confiés par le Conseil à la Commission est organisé de la façon suivante: la Commission établit un projet des mesures à prendre. Elle le soumet à un Comité de gestion composé de représentants des États membres, mais présidé par un représentant de la Commission. L’avis de ce comité est communiqué à la Commission. Celle-ci, au vu de cet avis, arrête des mesures qui sont immédiatement applicables.

Toutefois, lorsque ces mesures ne sont pas conformes à l’avis du Comité de gestion, d’une part la Commission peut différer d’un mois leur application, d’autre part le Conseil, auquel elles ont été immédiatement transmises, peut les abroger ou les modifier dans ce même délai d’un mois.

La légalité de ce système, qui a été très largement utilisé puisqu’il a servi à l’élaboration de plus de deux mille règlements communautaires, est contestée et au moins l’une des juridictions allemandes qui vous a saisis paraît avoir eu des doutes sur sa légalité.

Il a été soutenu devant vous que cette procédure serait doublement contraire au traité :

d’une part, parce qu’elle confierait au Comité de gestion un droit de participation au travail législatif de la Commission;

d’autre part, parce qu’elle donnerait aux États membres la possibilité d’obtenir du Conseil une «cassation» des règlements de la Commission.

Enfin, argument qui a été développé surtout à la barre, cette procédure porterait atteinte aux prérogatives du Parlement.

Ainsi ce serait tout l’équilibre institutionnel de la Communauté qui serait remis en cause par cette procédure.

Cette argumentation, Messieurs, avait déjà été très longuement développée devant le Parlement européen et elle a été également magistralement réfutée par la commission juridique du Parlement sur le rapport de M. Jozeau-Marigné qui est, par une heureuse conjonction, à la fois un législateur et un excellent juriste. Nous reprendrons à notre compte bien des conclusions développées dans ce rapport.

Cette argumentation ne résiste pas en effet, croyons-nous, à une confrontation sérieuse entre les modalités du système dit du Comité de gestion et les textes du traité.

Le texte essentiel, c’est celui de l’article 155, dernier alinéa, qui dispose que (nous citons) «la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confie pour l’exécution des règles qu’il établit». Il en résulte, à notre avis, clairement trois points :

1)

Le Conseil possède institutionnellement non seulement un pouvoir normatif général et de base, mais encore le pouvoir de prendre lui-même les textes d’exécution nécessaires pour l’application des règles générales qu’il édicte.

2)

Ce pouvoir en matière d’exécution, le Conseil peut soit l’exercer lui-même soit en confier l’exercice à la Commission.

3)

Aucune disposition ne limite le droit du Conseil d’user ou de ne pas user de la faculté qui lui est ouverte par le texte ni ne lui interdit de fixer les conditions dans lesquelles la Commission exercera le pouvoir qui lui est délégué.

Or, comment s’analyse le système des comités de gestion?

1)

le Conseil confie à la Commission, et à elle seule, le soin de prendre des mesures d’application d’un règlement de base;

2)

il prévoit cependant à cette délégation une limite.

En cas de désaccord entre le comité de gestion et la Commission, le Conseil peut reprendre en quelque sorte sa compétence, légiférer lui-même sur la question dans un délai d’un mois pour abroger ou modifier le texte adopté par la Commission.

Tout ce système nous paraît parfaitement conforme au texte de l’article 155 du traité.

Venons- en maintenent a argument selon lequel la procédure du comité de gestion, même si elle n’est pas contraire à la lettre du traité, porterait atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par ce traité.

Nous ne pouvons sur ce point que prendre à notre compte ce qu’écrivait à ce sujet M. Jozeau-Marigné dans le rapport précité, lorsque, avant d’exprimer ses réserves sur le plan politique, il examinait sur le plan juridique la compatibilité avec le traité de la procédure des comités de gestion.

1.

Le Conseil, quand il confère des compétences exécutives à la Commission en vertu de l’article 155 pour l’exécution des règles qu’il établit, est en droit d’assortir l’attribution de ces compétences exécutives de certaines conditions en ce qui concerne les modalités de leur exercice;

2.

Il n’y a pas de subordination de la Commission au comité puisque la Commission reste maîtresse de sa proposition ;

3.

Il n’y a pas de transfert des compétences de la Commission au Conseil puisqu’aux termes du traité c’est ce dernier qui peut en attribuer l’exercice à la Commission;

4.

Enfin, le Conseil ne dépasserait les limites que lui donne le traité que s’il conférait aux comités de gestion un quelconque pouvoir de décision, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Une procédure qui réserve au Conseil lui-même le droit de décider en dernier ressort, doit par contre être considérée comme compatible avec le traité.

Enfin, en ce qui concerne les droits du Parlement, il est certain que la procédure du comité de gestion instituée par le règlement no 19 ne porte pas atteinte par elle-même aux attributions du Parlement.

Il n’est pour s’en convaincre que de relire la résolution adoptée le 3 octobre 1968 et dans laquelle le Parlement reconnaît l’existence et la légalité de cette procédure tout en fixant les limites politiques et juridiques de son emploi.

Nous pensons donc que le système du comité de gestion instauré par l’article 26 du règlement de base no 19 n’est contraire ni à l’article 155 du traité ni à l’équilibre institutionnel instauré par celui-ci.

Reste un dernier point: il avait été soutenu devant la Cour administrative du Land de Hesse, qui vous interroge à ce sujet, que cette procédure serait contraire à l’article 189 du traité qui prévoit les différentes catégories d’actes qui peuvent être pris par la Commission ou par le Conseil: règlements, directives, etc.

Nous comprenons très mal la portée de ce moyen qui n’a d’ailleurs pas été repris devant vous à la barre par ceux qui l’avaient initialement soulevé.

Dès lors que l’article 155 du traité donne au Conseil la faculté de confier à la Commission le pouvoir de prendre des mesures d’exécution des règles qu’il établit, il en résulte implicitement et nécessairement que la Commission doit donner à ces règles la forme qui correspond à leur nature juridique: règlement ou directive; et que, d’autre part, c’est cette même forme qu’adoptera le Conseil s’il est amené à abroger ou modifier un texte pris par la Commission.

En résumé, nous vous proposons donc de dire que la procédure du comité de gestion prévue par l’article 26 du règlement no 19 et en vertu de laquelle ont été pris les règlements contestés est conforme au traité dans la mesure où le Conseil n’a confié à la Commission que le pouvoir de prendre des règlements d’application de règlements de base pris par lui-même.

C — Et ceci nous amène directement à la troisième série de critiques formulées à titre subsidiaire à l’encontre des règlements contestés quant à leur légalité externe.

Ces critiques pourraient être ainsi résumées :

Même si l’on admet la légalité de la procédure du comité de gestion, les dispositions contestées relatives à la caution ne pourraient pas être édictées par la Commission selon cette procédure parce que, d’une part, l’institution d’une telle condition pour la délivrance des certificats dépasse très largement le cadre de mesures d’exécution et que, d’autre part et plus spécialement, le Conseil, dans le règlement no 19, avait expressément prévu que cette condition ne pouvait être imposée que pour les importations de céréales et non, comme le prévoient les dispositions attaquées, pour les exportations et les importations de grains ainsi que pour les exportations et importations de produits céréaliers.

La première branche de cette argumentation n’appellera de notre part qu’une brève remarque.

Elle s’appuie essentiellement sur le fait que l’instauration de la caution résulte tantôt de textes pris par le Conseil lui-même, tantôt de textes pris par la Commission selon la procédure des comités de gestion, mais cette circonstance, bien que traduisant parfois une certaine incohérence, n’est pas, croyons-nous, par elle-même de nature à établir l’illégalité des textes pris selon la procédure des comités de gestion.

En effet, comme nous vous l’avons dit tout à l’heure et comme nous serons amenés à le rappeler encore dans un instant, le Conseil est parfaitement libre de se réserver l’édiction d’une mesure d’exécution ou, au contraire, de conférer à la Commission le soin de le faire.

La seule question qui se pose et que nous allons examiner à propos du règlement no 19, c’est de savoir si l’instauration d’un régime de caution constitue ou non une mesure d’application d’un règlement de base.

L’article 16 du règlement no 19 pose à cet égard une question délicate et nous ne vous cacherons pas que nous avons beaucoup hésité sur la réponse que nous vous proposerions d’y donner.

Cet article 16 est en effet ainsi conçu :

Le premier paragraphe impose pour toute opération d’importation et d’exportation portant sur tout produit visé à l’article 1 du règlement no 19 la délivrance, à l’opérateur économique, d’un certificat.

Le deuxième paragraphe est uniquement consacré au certificat d’importation des grains.

Il prévoit la durée de validité de ces certificats et la procédure selon laquelle cette durée peut être modifiée.

Il précise enfin et surtout que la délivrance du certificat est subordonnée à la constitution d’une caution qui garantit l’engagement d’importer pendant la durée de validité du certificat et que cette caution reste acquise au cas où l’importation n’est pas effectuée dans ce délai.

Le troisième paragraphe enfin renvoie à la procédure prévue à l’article 26, c’est-à-dire à celle du comité de gestion pour la détermination des modalités d’application de l’ensemble de l’article, notamment, dit-il, pour la détermination de la durée des certificats d’importation de tous les produits entrant dans le champ d’application du règlement no 19.

En présence de cette rédaction, on peut légitimement se demander si le Conseil n’a pas entendu limiter l’obligation de la caution aux seules importations de grains qu’il vise expressément et si, dès lors, l’extension de cette obligation, d’une part aux exportations de grains et d’autre part aux importations et exportations de produits céréaliers autres que les grains, n’est pas illégale.

On peut d’autant plus se le demander que, d’après les explications qui nous ont été données à la barre l’autre jour sur cette question, deux tendances se seraient manifestées, paraît-il, au sein du Conseil, la tendance des «faucons», si l’on peut dire, qui voulaient un régime de cautionnement très étendu et très rigide, la tendance des «colombes» qui préconisaient au contraire des solutions moins contraignantes.

Le texte finalement adopté ne constituerait-il pas un compromis entre ces deux tendances: les faucons ayant obtenu que le système du cautionnement soit appliqué aux importations de grains, les colombes ayant réussi à faire admettre qu’il ne serait imposé ni pour les exportations de grains ni pour les importations ou exportations de produits céréaliers?

Après avoir, comme nous l’avons dit, beaucoup hésité, nous vous proposerons de répondre à cette question par la négative pour les trois raisons suivantes :

1)

C’est le texte seul qu’il convient de prendre en considération pour régler la question, car il n’existe pas, pour ce règlement de base, de travaux préparatoires susceptibles de déterminer le juge dans son interprétation.

2)

Le premier paragraphe de l’article 16 pose sans équivoque le principe de l’obligation, pour l’opérateur économique, d’obtenir pour toute importation ou toute exportation de tout produit visé à l’article 1 du règlement, c’est-à-dire aussi bien des grains que des produits céréaliers ou des produits transformés, un certificat d’importation ou un certificat d’exportation.

3)

Le troisième paragraphe de cet article confie enfin expressément à la Commission le soin de prendre, selon la procédure prévue à l’article 26, les modalités d’application des règles générales posées par le paragraphe 1. Nous pensons pour notre part que l’institution de la caution n’est en réalité que la définition d’une des conditions nécessaires à la délivrance des certificats d’importation et d’exportation prévue par l’article 16, paragraphe 1, c’est-à-dire une modalité d’application dudit article.

Certes, le principe de la caution et de sa perte en cas de non-réalisation de l’opération ont été, dans certains cas, posés par un règlement de base et, dans d’autres cas, par un règlement pris par la Commission selon la procédure dite du comité de gestion.

Mais cette circonstance n’est pas en elle-même déterminante puisque, comme nous vous l’avons dit il y a un instant, le Conseil est toujours libre de retenir ou de confier à la Commission l’édiction des mesures d’application des règlements de base.

Le seul problème est de savoir si l’instauration d’un régime de caution constitue bien une «mesure d’application» d’un règlement qui prévoit l’obligation de l’obtention d’un certificat d’importation ou d’exportation.

Nous le pensons pour notre part, car, dès lors que le Conseil posait l’obligation du certificat d’importation ou d’exportation, les conditions de délivrance dudit certificat ne constituaient, du point de vue de la légalité externe, que de simples modalités d’exécution de cette obligation pourvu que, et c’est là une question de légalité interne que nous allons examiner dans un instant, ces modalités n’imposent pas aux importateurs et aux exportateurs des charges excessives par rapport aux objectifs en fonction desquels le certificat d’importation avait été institué.

Si vous l’admettez également, ce qui, nous le reconnaissons bien volontiers une fois de plus, nécessite un certain effort d’interprétation, vous serez amenés à reconnaître la validité des dispositions contestées qui ont étendu le régime de la caution, d’une part aux exportations de grains, d’autre part aux exportations et importations des produits autres que les grains qui entrent dans le champ d’application du règlement no 19.

Un dernier moyen relatif à la légalité externe des dispositions contestées avait été soulevé dans la procédure écrite: l’absence ou l’insuffisance de motivation des règlements où elles sont incluses.

Si vous estimiez devoir y répondre, bien qu’aucune des juridictions allemandes ne vous l’ait expressément demandé, il vous suffirait, croyons-nous, de constater qu’en fait tous les règlements contestés sont motivés et suffisamment motivés.

Nous en avons donc fini maintenant avec les questions relatives à la légalité externe des dispositions contestées. Abordons maintenant celles relatives à la légalité interne de ces mêmes dispositions.

II

Les questions qui vous sont soumises en ce qui concerne la légalité interne des mesures contestées se rattachent toutes à un seul et même problème, celui de savoir si ces mesures respectent ou non un principe dit de «proportionnalité» et selon lequel ne peuvent être imposées aux citoyens, dans un but d’intérêt général, que les obligations strictement nécessaires pour que ce but soit atteint. Mais une question préalable se trouve immédiatement posée, celle de savoir de quelle source juridique ce principe doit tirer sa force pour être opposable à un acte pris par les autorités communautaires.

Trois thèses à cet égard s’affrontent :

1)

celle du tribunal de Francfort qui consiste à affirmer que selon le principe de la proportionnalité résultant de la combinaison des articles 2 et 12 de la loi fondamentale de la république fédérale d’Allemagne, les actes communautaires ne sauraient violer ces dispositions constitutionnelles, thèse dont cette juridiction a tiré toutes les conséquences puisqu’elle a, avant le jugement vous renvoyant cette question, déclaré non valides, comme contraires à la loi fondamentale, les dispositions contestées aujourd’hui devant vous;

2)

celle esquissée par la Cour administrative du Land de Hesse et qui consiste à trouver la source juridique de ce principe de proportionnalité dans le droit non écrit de la Communauté, dans les principes généraux du droit communautaire;

3)

celle enfin que nous vous proposerons et qui aboutit en l’espèce à trouver la source de ce principe dans une disposition expresse et fort claire du traité.

Même si la solution finale devait être la même, quel que soit le système retenu, il faudrait, croyons-nous, vous prononcer, car sinon on risquerait de voir se développer dans les États membres des jurisprudences divergentes sinon contradictoires.

Un premier point nous paraît certain, la thèse qui a séduit le tribunal de Francfort doit être formellement écartée.

La légalité d’un acte communautaire ne peut être appréciée qu’au regard de la loi commune, écrite ou non écrite, mais jamais au regard de la loi nationale, même si celle-ci est une loi constitutionnelle. Comme vous l’avez jugé dans votre arrêt Costa, l’acte communautaire «en raison de sa nature spécifique originale» ne peut «se voir juridiquement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même».

Ce principe s’applique selon votre jurisprudence quelle que soit la norme juridique nationale invoquée et vous avez notamment déjà jugé que la validité d’une décision communautaire ne pouvait être appréciée au regard de la loi fondamentale allemande (Comptoirs de vente des charbons de la Ruhr contre Haute Autorité, Recueil VI-1960, p. 861 et s.) et notamment au regard des articles 2 et 12 de cette loi fondamentale, c’est-à-dire ceux précisément qui sont invoqués en l’espèce (1-58, Stock et Cie contre Haute Autorité, V-1959, p. 62).

Est-ce à dire que les principes fondamentaux des droits nationaux sont sans valeur pour le droit communautaire?

Non, certes, ils contribuent à former ce substratum philosophique, politique et juridique commun aux États membres à partir duquel se dégage de façon prétorienne un droit communautaire non écrit dont l’un des buts essentiels est précisément d’assurer le respect des droits fondamentaux de l’individu.

En ce sens, les principes fondamentaux des droits nationaux contribuent à permettre au droit communautaire de trouver en lui-même les ressources nécessaires pour assurer, en cas de besoin, le respect des droits fondamentaux qui forment le patrimoine commun des États membres.

Cette possibilité pour le droit communautaire d’assurer par lui-même et en toutes circonstances la protection des droits de la personne humaine reconnus comme fondamentaux, vous l’avez déjà affirmée dans votre arrêt Stauder du 12 novembre 1969, Recueil, XV-1969, p. 419. Vous devrez, croyons-nous, la réaffirmer ici avec plus de force encore, car la présente espèce s’y prête particulièrement.

En effet, le droit fondamental qui est ici invoqué: celui pour l’individu de ne voir limiter sa liberté d’agir que dans la mesure nécessaire à l’intérêt général, mais il est déjà garanti tant par les principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect que par une disposition expresse du traité!

Par les principes généraux du droit communautaire: c’est ce qu’au moins deux de vos arrêts ont formellement affirmé : 29 novembre 1956, Fédération charbonnière de Belgique, Recueil 1955-1956, p. 304; 13 juin 1958, Hauts Fourneaux de Chasse, Recueil, IV-1958, p. 190.

Par une disposition expresse du traité: c’est celle qui figure à l’article 40 du titre consacré à l’agriculture et dont il résulte que l’organisation commune des marchés établie en vue d’atteindre les objectifs prévus à l’article 39 ne peut comporter que les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l’article 39.

Comme vous le voyez donc, Messieurs, non seulement vous n’aurez aucune peine à trouver au droit qui est invoqué devant vous des bases uniquement communautaires, mais encore vous pourrez hésiter sur celle de ces bases qu’il convient de retenir.

Pour notre part, nous vous proposerons celle résultant du droit écrit, car nous pensons, d’une part, qu’il est d’une bonne technique juridictionnelle de ne faire intervenir le droit non écrit qu’en cas d’obscurité, d’insuffisance ou de lacune du droit écrit et que, d’autre part, l’article 40 du traité se référant non à des buts d’intérêts généraux plus ou moins bien définis, mais plus précisément aux objectifs fixés à l’article 39 assure en cette matière une garantie plus précise des droits des individus que les principes généraux du droit communautaire.

En définitive, nous pensons donc que le problème qui vous a été posé dans des termes très larges et parfois même politico-philosophiques se ramène à une question plus simple : «en instituant le régime de cautionnement contesté, les autorités communautaires ont-elles violé l’article 40 du traité en vertu duquel ne peuvent être édictées que les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs du marché commun agricole définis à l’article 39?»

Pour répondre à cette question, il y a lieu, croyons-nous, d’examiner successivement :

1)

le principe du système de la caution;

2)

les modalités de ce système.

A —

Dans son principe nous pensons, quant à nous, que non seulement le système critiqué est strictement nécessaire au fonctionnement normal du marché communautaire des céréales et produits céréaliers, mais encore que, tout en étant perfectible, il est probablement la mesure la moins contraignante que l’on puisse imaginer pour garantir un fonctionnement correct de ce marché.

Nous allons essayer de vous le montrer en replaçant ce système dans le contexte dans lequel il s’insère et en fonction duquel il doit être apprécié.

L’organisation du marché des céréales a essentiellement pour but d’assurer un niveau de vie équitable pour les producteurs européens dans le respect des autres objectifs fixés par le traité pour la politique commune.

Elle prévoit des moyens puissants de soutien et d’intervention en ce qui concerne les prix intérieurs.

Chaque année est fixé tout d’abord un prix indicatif, c’est-à-dire le prix auquel il est souhaité que les transactions se fassent sur le marché intérieur de la Communauté.

A partir de ce prix indicatif est établi, légèrement en-dessous de façon à ne pas bloquer les échanges intracommunautaires, un prix d’intervention. Ce prix d’intervention constitue en quelque sorte le prix garanti au producteur.

Ses variations constituent l’un des éléments qui déclenchent l’action des organismes d’intervention, soit sous la forme d’achats obligatoires sans limitation de quantité, soit par des aides au stockage privé, soit enfin par des moyens indirects comme la dénaturation.

Il est bien évident qu’un tel système ne peut fonctionner qu’assorti et épaulé par une action aux frontières de la Communauté, par une action sur le commerce extérieur des produits.

Les prix intérieurs de la Communauté fixés en fonction d’objectifs sociaux autant que d’objectifs économiques sont en effet supérieurs aux prix mondiaux dont on sait d’ailleurs tout ce qu’ils ont en général d’artificiel et combien ils correspondent peu au prix idéal d’un marché parfait tel que l’imaginaient les économistes libéraux du XIXe siècle.

S’il n’y avait donc aucune action aux frontières de la Communauté, deux phénomènes ne manqueraient pas de se produire :

1)

Aucune exportation ne serait possible, même lorsque l’excédent de la production communautaire par rapport aux besoins les rendrait souhaitables.

2)

Le marché communautaire risquerait d’être inondé par des importations en provenance de pays tiers, cela amènerait un fléchissement des cours, l’action des organismes d’intervention se déclencherait et ainsi les charges auxquelles les citoyens des Etats membres ont consenti pour soutenir leurs agriculteurs seraient directement ou indirectement détournées au profit soit des producteurs de pays tiers, soit des importateurs de grains ou produits céréaliers.

Si la nécessité d’une intervention aux frontières de la Communauté est donc indiscutable, le choix des modalités de cette intervention a posé à ceux qui ont eu à en décider un problème délicat.

La solution la plus simple aurait consisté bien évidemment à réserver à un organe communautaire ou à des organes agissant pour le compte de la communauté le monopole du commerce extérieur. Ces organes, connaissant parfaitement la situation de l’approvisionnement, auraient importé en cas d’insuffisance, exporté à perte en cas de surplus et cherché à compenser sur le plan financier les résultats contraires de ces deux opérations.

Une autre solution également possible eut été, tout en maintenant en principe la liberté du commerce extérieur, de fixer périodiquement et en fonction de la situation du marché intérieur des contingents à l’exportation et à l’importation.

Ces solutions qui furent défendues par de nombreux spécialistes auraient certainement été celles qui auraient assuré avec le plus de sécurité le contrôle nécessaire du commerce extérieur.

Mais elles n’ont pourtant pas été retenues parce que peut-être elles ont paru aux autorités responsables imposer à la liberté des agents économiques des entraves trop grandes, des contraintes qui, aux yeux de beaucoup, ne paraissaient pas absolument nécessaires pour atteindre les buts poursuivis.

Aussi ce fut un système beaucoup plus souple, le moins coercitif vraiment qu’on puisse concevoir, qui fut adopté.

Ni monopole des importations ou des exportations ni contrôle quantitatif.

Tout un régime basé tout entier sur le principe de l’incitation et non sur celui de la contrainte.

Pour les exportations, non seulement la liberté d’exporter mais, pour que cette liberté ne reste pas théorique, une subvention à l’exportation: la «restitution» dont l’effet global est de couvrir la différence entre les cours ou les prix de ces produits dans la Communauté et sur le marché mondial.

Pour les importations :

1)

un prix de seuil, fixé par les autorités communautaires et qui correspond grosso modo avec des corrections géographiques au prix d’intervention, constitue le prix minimum au-dessous duquel les produits ne peuvent être commercialisés sur les marchés de la Communauté;

2)

un droit d’importation communautaire, le «prélèvement» qui, à la différence d’un droit de douane du type traditionnel, est variable, correspond grosso modo, dans la plupart des cas, à la différence entre le prix de seuil et le prix d’offre à la frontière;

3)

enfin, pour les importations et pour les exportations, la possibilité de l’intervention d’un certain nombre de mesures de sauvegarde permettant, au cas où le mécanisme se déréglerait, de prendre rapidement, sur le marché de la Communauté, les mesures appropriées.

Ainsi, Messieurs, sauf le cas de crise aiguë les seuls moyens permettant d’assurer l’équilibre du marché que l’article 39 mentionne expressément parmi les objectifs du marché commun agricole sont :

le maniement du prélèvement,

le maniement de la ristourne.

Si l’offre sur le marché communautaire tend à dépasser la demande, la ristourne est augmentée pour faciliter l’écoulement des surplus.

Si la demande tend à dépasser l’offre, le prélèvement est abaissé pour permettre de combler le déficit de l’approvisionnement communautaire.

Mais pour manier dans le «bon sens», si l’on peut dire, le prélèvement ou la ristourne, certaines données s’avèrent nécessaires :

tout d’abord les données relatives à la situation intérieure du marché, ce qui ne pose guère de problème étant donné les liens étroits qui unissent les autorités communautaires responsables et les organes compétents des États membres;

mais également la connaissance du volume et des conditions des importations et des exportations que les agents économiques, qui sont entièrement libres de les pratiquer, vont réaliser pendant une période considérée.

Faute de cette dernière donnée, l’action communautaire en matière de commerce extérieur se développerait à tâtons. L’autorité communautaire connaîtrait bien les déséquilibres internes, mais elle ignorerait les décisions des agents économiques susceptibles d’aggraver ou au contraire de diminuer ces déséquilibres; elle ne pourrait donc pas agir dans le sens que requiert l’équilibre du marché.

C’est la raison pour laquelle il est non seulement nécessaire mais indispensable, si l’on veut maintenir la liberté économique des importateurs et exportateurs, d’une part de soumettre leurs opérations à la délivrance d’un certificat d’importation ou d’exportation, d’autre part de prévoir que ce document n’est pas une vague déclaration d’intention mais que la condition de sa délivrance est un engagement de réaliser l’opération décidée, engagement garanti par une caution.

Ainsi replacé dans son véritable contexte, le système du certificat d’importation et d’exportation, l’engagement de réaliser l’opération décidée ainsi que le régime de la caution qui garantit cet engagement, apparaît sous un jour bien différent de celui sous lequel certains ont voulu le représenter.

Ce n’est nullement un système destiné à garantir une sorte d’obligation purement statistique comme a semblé le penser le tribunal de Francfort.

Ce n’est nullement, comme on vous l’a suggéré l’autre jour, une sorte de brimade imposée aux agents économiques par des bureaucrates soucieux de voir finalement les tableaux de prévision qu’ils ont dressés correspondre à la réalité.

C’est une donnée fondamentale de l’organisation du marché des céréales sans laquelle la liberté qu’on a voulu maintenir au profit des agents économiques risquerait soit d’aboutir à l’anarchie et au chaos, soit d’obliger les autorités responsables à recourir à des mesures de coercition.

C’est de plus, et c’est là un aspect de la question qu’il ne faut pas négliger, un moyen nécessaire pour que l’augmentation des dépenses, que constitue un relèvement de la ristourne, ou la diminution des recettes, que constitue une réduction du prélèvement, serve bien uniquement l’intérêt du marché pour que les charges qu’imposent les Etats de la Communauté à leurs ressortissants pour le soutien du marché agricole commun servent bien à cette fin.

Les obligations que ce système fait peser sur les importateurs et les exportateurs sont, à notre avis, la rançon minimum, la rançon indispensable de la liberté d’action qui leur a été laissée.

Certes, on a tenté de vous démontrer que certificats d’importation ou d’exportation d’une part, caution d’autre part, n’étaient pas indissolublement liés et que l’on pouvait imaginer des procédés moins coercitifs mais aboutissant aux mêmes résultats du point de vue de l’équilibre du marché.

L’un de ces procédés est décrit dans le jugement du tribunal de Francfort et l’agent des sociétés céréalières vous en a fait l’autre jour l’apologie. Il consisterait, tout en maintenant l’obligation de délivrance d’un certificat d’importation ou d’exportation, à restreindre les obligations de l’importateur ou de l’exportateur qui décide finalement de ne pas procéder à l’opération qu’il avait initialement décidée à la souscription sous peine d’amende d’une déclaration de non-importation ou de non-exportation.

Mais, Messieurs, lorsque l’agent économique adresserait cette déclaration à l’autorité compétente, le mal serait déjà fait: l’importation préalablement décidée et maintenant annulée aurait déjà été prise en ligne de compte pour apprécier la situation du marché.

Ce serait, si vous nous permettez d’employer une locution populaire française, «fermer les portes de l’écurie quand les chevaux se sont enfuis».

On a, il est vrai, l’autre jour à la barre, longuement tenté de vous démontrer que le système contesté n’était pas parfait et ne permettait pas, dans tous les cas, la réalisation complète de l’objectif poursuivi; autrement dit, que quelques chevaux arrivaient à passer à travers les ventaux entreouverts de la porte de l’écurie dont nous parlions tout à l’heure.

Nous le croyons bien volontiers, Messieurs, mais les imperfections mêmes qui sont signalées montrent que seul un système plus coercitif aurait été pleinement efficace et que dès lors le système contesté constitue vraiment le «minimum incompressible», si l’on peut dire, des contraintes que doit supporter l’agent économique s’il veut garder sa liberté de se livrer aux opérations dont s’agit.

Nous pensons donc que, dans son principe, le système instauré par les règlements contestés et qui consiste à assortir la délivrance des certificats d’importation et d’exportation d’un engagement de réaliser l’opération décidée et d’une caution destinée à garantir l’exécution de cet engagement est strictement nécessaire au fonctionnement du marché commun des céréales tel qu’il a été organisé et que, dès lors, en l’instituant, les autorités communautaires n’ont pas violé les dispositions de l’article 40 du traité.

Vous l’avez déjà jugé en ce qui concerne le marché communautaire des produits laitiers par votre décision 4/68 du 11 juillet 1968. Vous devez, selon nous, le juger également pour le marché communautaire des céréales.

B —

Reste alors à examiner si certaines des modalités d’application de ce système ne seraient pas excessives, ne constitueraient pas des mesures que l’article 40 du traité n’aurait pas habilité les autorités communautaires à imposer aux agents économiques.

A cet égard deux questions vous sont posées :

1.

La première a trait à la différence du régime qui, selon certains, devrait exister entre les deux catégories de certificats prévus par les règlements :

les certificats d’importation ou d’exportation pour lesquels le taux du prélèvement ou le taux de la ristourne est celui en vigueur au jour où est réalisée l’opération;

les certificats d’importation ou d’exportation pour lesquels le taux du prélèvement ou de la ristourne est celui en vigueur au jour de la demande du certificat, sous réserve de certains ajustements en fonction du prix de seuil en vigueur au moment où l’opération sera réalisée.

L’argumentation qui vous est proposée est la suivante.

Même si vous admettez que, dans son principe, le régime des certificats et du cautionnement n’impose aux agents économiques que les contraintes strictement nécessaires à l’organisation du marché, vous devriez reconnaître qu’il est inutile en ce qui concerne les certificats pour lesquels les taux du prélèvement ou de la restitution sont ceux en vigueur au jour où l’opération est réalisée.

Pour ceux-ci en effet il n’existerait aucun risque de spéculation ou d’abus, il n’existerait aucune raison valable d’assujettir leur délivrance à la fourniture d’une caution.

Ce raisonnement serait au moins partiellement admissible si le seul but du système contesté était de protéger les finances de la Communauté. Les certificats dont s’agit présentent en effet, de ce point de vue, moins de danger d’abus ou de «détournement», si l’on peut dire, que les certificats pour lesquels le prélèvement ou la restitution sont fixés à l’avance, et c’est ce qui justifie, notons-le au passage, la différence qui existe pour ces deux opérations quant à la fonction de la caution qui risque d’être perdue.

Mais la protection des finances communautaires n’est, comme nous avons cherché à vous le montrer tout à l’heure, que l’une des considérations qui rendaient nécessaire le système adopté. L’autre est, à notre avis, la plus importante, c’est la nécessité d’une connaissance aussi précise, aussi exacte que possible de l’évolution de l’approvisionnement communautaire pour que soient fixés en conséquence: prix de seuil, taux de prélèvement et taux de restitution.

Or, de ce point de vue, quelle que soit la clause dont peut être assorti chaque certificat, l’ensemble des certificats d’importation ou d’exportation forme un tout. En distraire une fraction, permettre que certains certificats puissent être demandés sans intention réelle de procéder à l’opération qu’ils concernent, ce serait fausser tout le système de prévision qui, comme nous avons essayé de vous le montrer tout à l’heure, est indispensable à la régularisation du marché tel qu’il a été très libéralement organisé.

Nous pensons donc que les dispositions des règlements communautaires assujettissant à la caution les deux types de certificats sont nécessaires à l’organisation du marché des céréales et donc ne sont pas contraires aux dispositions de l’article 40, troisième alinéa, du traité.

2.

La deuxième question qui vous est posée relativement au caractère «abusif» en quelque sorte de certaines modalités du système de la caution a trait à la disposition qui prévoit que c’est seulement en cas de force majeure que la caution n’est pas perdue si l’opération pour laquelle le certificat est délivré n’est pas réalisée.

Il vous est demandé à ce sujet :

a)

si vous confirmez votre jurisprudence sur la «force majeure» ;

b)

d’apprécier d’autre part si, en ne prévoyant que cette exception à la règle selon laquelle la caution est perdue en cas de non-réalisation de l’opération, les autorités communautaires n’ont pas excédé leurs pouvoirs, n’ont pas imposé aux agents économiques un régime plus sévère qu’il n’était nécessaire de le faire.

Pour répondre à la première demande, vous ne pourrez, croyons-nous, que reprendre les considérations que vous avez déjà développées dans votre arrêt 4-68 du 11 juillet 1968 (Recueil, XIV-1968, p. 551) auquel nous faisions allusion tout à l’heure et que l’on peut ainsi résumer :

1.

L’importateur ou l’exportateur est libéré de l’obligation de procéder à l’opération pour laquelle il a demandé le certificat lorsque des circonstances étrangères lui rendent impossible la réalisation de l’importation ou de l’exportation dans les délais.

2.

Mais pour cela il faut :

a)

que l’événement qui a rendu l’opération impossible ait eu un caractère anormal;

b)

que les conséquences de cet événement anormal aient été inévitables ou en tout cas telles qu’elles n’auraient pu être évitées qu’au prix d’un préjudice excessif pour le titulaire du certificat d’importation ou d’exportation.

Sur la deuxième question, celle de la validité des dispositions qui ne prévoient le remboursement de la caution qu’en cas de force majeure, il a été soutenu devant vous que sa rigidité est excessive compte tenu des buts poursuivis, qu’il y aurait lieu de lui substituer un système plus souple tenant compte, notamment, du comportement du titulaire du certificat et des difficultés qu’il a pu éprouver à réaliser l’opération pour laquelle il avait demandé ce certificat.

Nous vous proposons d’écarter cette argumentation pour deux raisons :

D’une part, votre définition de la force majeure fait une large part, une part plus large que beaucoup de droits nationaux, au comportement de l’importateur puisqu’elle fait entrer en ligne de compte l’appréciation du caractère des prévisions qu’il a faites, de ses diligences, des sacrifices qu’il aurait dû consentir pour réaliser à tout prix l’opération.

Tous ces éléments donnent donc au juge national une large latitude d’appréciation et le système n’est donc pas aussi rigide que certains vous l’ont dit.

D’autre part et surtout, dans le raisonnement qui vous est proposé à l’occasion de la force majeure, nous trouvons le même principe de base que dans cette assimilation de la perte de la caution à une sanction que nous vous avons tout à l’heure proposé d’écarter.

C est parce que on voit dans la perte de la caution une sanction qu’on vous demande de prévoir qu’elle ne peut être prononcée qu’après qu’auront été pris en ligne de compte tous les éléments intentionnels, subjectifs ou circonstanciels qui expliquent la non-réalisation de l’opération pour laquelle le certificat avait été obtenu.

Mais, Messieurs, comme nous vous l’avons dit, le régime de la caution ne nous paraît point être un régime de sanction. C’est pour nous un régime tendant à garantir l’exécution d’un engagement souscrit lors de la délivrance du certificat et c’est dès lors à bon droit que les autorités communautaires ont décidé que seule la force majeure pouvait dispenser celui qui avait souscrit cet engagement de le remplir.

Pour conclure sur ces questions soulevées quant à la légalité interne des dispositions contestées, nous pensons que le système de caution qu’elles instaurent est, aussi bien dans son principe que dans ses modalités, nécessaire et même indispensable au bon fonctionnement du marché commun des céréales tel qu’il a été organisé et que les autorités communautaires, en édictant lesdites dispositions, ont parfaitement respecté les obligations qui résultaient pour elles de l’article 40, troisième alinéa, du traité.

III

Abordons, pour terminer, la troisième série de questions que pose cette affaire: celles relatives à la validité, au regard de la loi communautaire, du régime de caution organisé dans un État membre avant l’entrée en vigueur des règlements d’application pris par la Commission en vertu de l’article 16, paragraphe 3, du règlement no 19, et à la validité du règlement 87/62.

Les raisons pour lesquelles vous avez à connaître de ce problème sont les suivantes :

Le règlement no 19 est intervenu le 4 avril 1962 et est entré en vigueur le 21 avril 1962.

Un règlement no 87 pris le 25 juillet 1962 par la Commission et entré en vigueur le 30 juillet 1962 a prévu en son article 7 :

«La délivrance de certificats d’importation et d’exportation pour les produits visés à l’article 1 du règlement no 19 du Conseil est subordonnée à la constitution d’une caution. Sous réserve des dispositions de l’article 8, cette caution reste acquise en tout ou en partie lorsque l’obligation d’importer ou d’exporter n’a pas été remplie; jusqu’à leur harmonisation conformément aux dispositions de l’article 26 du règlement no 19 du Conseil, les modalités relatives à la constitution et à la perte de la caution, ainsi qu’à son montant, sont fixées par les États membres et portées sans délai à la connaissance de la Commission et des autres États membres.»

La République fédérale fit preuve d’un zèle extraordinaire puisque, dès le 26 juillet 1962, a été publiée en Allemagne une loi prise pour l’application du règlement no 19 qui organisait, à compter du 30 juillet 1962, un régime de cautionnement pour la délivrance des certificats d’importation et d’exportation de grains et produits céréaliers selon des modalités correspondant en gros aux dispositions qui devaient être ensuite incluses dans le règlement communautaire.

Cette hâte apparut contestable à certains, aussi, dans l’affaire 30-70, la Cour administrative du Land de Hesse, sous la forme tant d’un renvoi pour interprétation de l’article 16 du règlement no 19 et de l’article 7 du règlement no 87 que d’un recours en appréciation de validité de ce dernier règlement, vous a posé à ce sujet une question.

Cette question, fort longuement rédigée, semblerait vous inviter à apprécier la compatibilité avec le droit communautaire de la loi allemande du 26 juillet 1962, appréciation à laquelle, selon une jurisprudence constante, vous ne pouvez vous livrer.

Mais vous devrez, croyons-nous, l’interpréter et nous pensons que, comme vous le propose la Commission, elle peut être entendue de la façon suivante :

«Les États membres avaient-ils le droit, eu égard aux dispositions de l’article 16 du règlement no 19 et de l’article 7 du règlement no 87, de régler, avant l’intervention d’une réglementation communautaire sur ce point, les particularités relatives à la constitution, la perte et le montant de la caution exigée pour la délivrance des certificats d’importation?»

Avant d’examiner la réponse que vous aurez à donner à cette question, une remarque préalable nous paraît nécessaire.

A compter de l’entrée en vigueur du règlement no 87 qui institue le régime de la caution et qui prévoit sa perte en cas de non-exécution de l’opération pour laquelle le certificat a été délivré, la compétence des États membres pour prendre les mesures nécessaires à l’application de cette disposition a un fondement formel et parfaitement clair: les dispositions du dernier alinéa de l’article 7 du réglement no 87 qui a précisément pour objet de leur reconnaître cette compétence.

Dès lors, le problème soulevé et longuement débattu par les requérants au principal et qui a trait au point de savoir si, en l’absence ou indépendamment de cette disposition formelle, les États membres avaient en cette matière un pouvoir normatif originel n’a, à notre avis, qu’un intérêt théorique; il ne sera pas nécessaire de le résoudre si vous répondez par l’affirmative à la question qui est est posée quant à la validité du règlement no 87.

Au sujet de la légalité des dispositions de l’article 7, alinéa 2, du règlement no 87, il a été soutenu que ces dispositions sont illégales parce que :

d’une part, elles auraient été prises selon la procédure dite des comités de gestion:

d’autre part, elles seraient contraires tant à certains principes généraux posés par le traité de Rome qu’aux dispositions de l’article 16 du règlement no 19 pris par le Conseil.

Mais l’argumentation développée sur ces deux points ne saurait, croyons-nous, être retenue pour les raisons suivantes :

1.

En ce qui concerne la partie de cette argumentation qui se réfère à l’illégalité qui entacherait le règlement no 87 du fait qu’il aurait été pris selon la procédure dite des comités de gestion, nous ne pouvons que nous référer aux considérations que nous avons précédemment exposées.

2.

En ce qui concerne l’incompatibilité des dispositions du deuxième alinéa de l’article 7 du règlement no 87 avec les principes généraux du traité et du droit communautaire :

a)

Il est fait état d’un principe général qui obligerait en quelque sorte les autorités communautaires à ne mettre en application un marché communautaire que lorsque celui-ci pourrait être réglementé dans tous ses détails et sur toute l’étendue de la Communauté par des règlements communautaires.

Mais, comme nous vous le soulignerons dans un instant, le principe est au contraire la mise en place graduelle des mesures propres à assurer l’équilibre et le fonctionnement du marché communautaire.

b)

Il est fait état en second lieu du principe de non-discrimination qui s’opposerait à ce que les États membres puissent prendre des mesures d’application en raison du risque qu’il y a que ces mesures soient différentes.

Mais il ne faut pas confondre discrimination et diversité des situations nationales; il ne faut pas assimiler non-discrimination et harmonisation préalable et complète des législations nationales.

Le principe de non-discrimination ne joue que lorsqu’une même autorité prend, à l’égard de personnes placées dans des situations identiques ou analogues, des mesures différentes.

Il ne peut donc être utilement invoqué lorsqu’il n’y a pas d’autorité unique mais des autorités distinctes.

c)

Il est fait état enfin des charges excessives que ces dispositions imposeraient aux agents économiques, mais, sur ce point également, nous pensons qu’il est inutile de revenir sur les explications que nous avons données tout à l’heure.

3.

En ce qui concerne l’incompatibilité des dispositions contestées du règlement no 87 pris par la Commission avec celles de l’article 26 du règlement no 19 pris par le Conseil, l’argumentation développée soulève un problème plus délicat.

Le troisième alinéa de l’article 16 dispose en effet, vous vous en souvenez, que «les modalités d’application du présent article, et notamment la durée de validité du certificat d’importation, sont arrêtées suivant la procédure prévue à l’article 26», c’est-à-dire par la Commission après avis du comité de gestion.

Il est évidemment permis de se demander si la lettre même de ce texte ne réserve pas à la Commission et éventuellement au Conseil l’édiction de toutes les conditions auxquelles sera assujettie la délivrance des certificats d’importation ou d’exportation.

Nous pensons pour notre part qu’une interprétation littérale du texte n’impose pas une telle solution et que cette solution doit même être écartée par une interprétation téléologique du même texte.

En ce qui concerne l’interprétation littérale, trois remarques s’imposent en effet :

D’une part, première remarque: comme le souligne la Commission, le texte ne dispose nullement que toutes les mesures d’application de l’article 16 du règlement no 19 ne peuvent être prises que selon la procédure du comité de gestion; il peut s’entendre comme signifiant simplement que certaines d’entre elles, les plus importantes, doivent être prises selon cette procédure.

Et c’est bien en effet ce qui s’est passe puisque la Commission a, par le règlement no 87, d’une part institué l’obligation de la caution et d’autre part prévu la perte de cette caution lorsque l’opération d’exportation ou d’importation n’était pas réalisée et a seulement renvoyé aux États membres le soin de fixer des mesures complémentaires.

Deuxième remarque: il faut encore et surtout souligner que la forme verbale de l’indicatif présent montre bien que les auteurs du règlement ont voulu viser essentiellement les mesures générales prises dans le cadre de l’organisation complète du marché et non nécessairement toutes les mesures transitoires nécessaires à sa mise en place graduelle. Ainsi la lettre même du texte ne suffit pas à lui donner le sens que lui prête la société requérante au principal.

L’esprit qui doit l’éclairer amène au contraire à l’écarter.

En effet, ici aussi il y a lieu de replacer la disposition contestée dans son contexte.

Ce contexte, quel est-il?

d’une part, une disposition générale, celle prévue par l’article 40, premier alinéa, du traité et qui prévoit que les États membres développent graduellement la politique agricole commune pendant la période de transition (et c’est pendant cette période que le texte contesté est intervenu) ;

d’autre part, une disposition plus générale encore, celle figurant au premier alinéa de l’article 5 du traité et qui dispose que «les États membres facilitent (à la Communauté) l’accomplissement de sa mission» ;

troisièmement et enfin: le règlement communautaire no 19 qui précisément applique pleinement ces principes en prévoyant une mise en place graduelle des mécanismes qu’il instaure avec le concours des États membres, dont les compétences pendant cette période de transition sont progressivement aménagées.

Pris dans ce contexte et sans même taire entrer en ligne de compte la considération selon laquelle toute autre solution aurait amené un retard considérable dans la mise en œuvre de dispositions pourtant essentielles de l’organisation du marché communautaire des céréales, il nous paraît évident que les auteurs du règlement no 87, lorsque, après avoir posé le principe de la caution et de sa perte en cas de non-réalisation de l’opération, ils ont prévu que le «surplus», si l’on peut dire, des mesures d’exécution serait fixé par les États membres, n’ont nullement violé les dispositions du traité ou méconnu celles du règlement no 19, mais les ont au contraire exactement appliquées dans l’esprit dans lequel elles avaient été conçues.

Pour conclure ces trop longues observations, nous voudrions maintenant, en quelques phrases, regrouper les considérations que nous vous avons développées en fonction des questions qui vous ont été posées par les juridictions allemandes.

Nous concluons donc à ce qu’il soit répondu comme suit auxdites questions :

1)

La procédure prévue par l’article 26 du règlement no 19 du Conseil du 4 avril 1962 est conforme au traité.

2)

L’examen des questions dont la Cour administrative de Hesse et le tribunal administratif de Francfort ont saisi la Cour ne révèle aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 87 de la Commission du 25 juillet 1962, ni des articles 1 et 7, paragraphes 1 et 2, du règlement no 102/64 de la Commission du 28 juillet 1964, ni de l’article 12, troisième alinéa, du règlement no 120/67 du Conseil du 13 juin 1967, ni enfin de l’article 9 du règlement no 473/67 de la Commission du 21 août 1967.

3)

L’article 16, paragraphes 2 et 3, du règlement no 19 du Conseil du 4 avril 1962 ne s’opposait pas à ce que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 87, un État membre fixe les modalités d’application des règles relatives au cautionnement prévues par le règlement no 19 et par b règlement no 87 lui-même.

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CJCE, n° C-11/70, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Internationale Handelsgesellschaft mbH contre Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel, 2 décembre 1970