CJCE, n° C-207/91, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Eurim-Pharm GmbH contre Bundesgesundheitsamt, 18 février 1993

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 18 févr. 1993, Eurim-Pharm, C-207/91
Numéro(s) : C-207/91
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 18 février 1993. # Eurim-Pharm GmbH contre Bundesgesundheitsamt. # Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Berlin - Allemagne. # Accord de libre-échange - Importation parallèle de médicaments - Restriction quantitative à l'importation - Mesure d'effet équivalent. # Affaire C-207/91.
Date de dépôt : 1 août 1991
Précédents jurisprudentiels : 16 juillet 1992, Legros, point 26 ( C-163/90
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61991CC0207
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1993:71
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61991C0207

Conclusions de l’avocat général Tesauro présentées le 18 février 1993. – Eurim-Pharm GmbH contre Bundesgesundheitsamt. – Demande de décision préjudicielle: Verwaltungsgericht Berlin – Allemagne. – Accord de libre-échange – Importation parallèle de médicaments – Restriction quantitative à l’importation – Mesure d’effet équivalent. – Affaire C-207/91.


Recueil de jurisprudence 1993 page I-03723


Conclusions de l’avocat général


++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Dans la présente affaire, la Cour est appelée à interpréter les articles 13 et 20 de l’ accord de libre-échange entre la Communauté et la République d’ Autriche (1), dispositions qui reprennent en substance la formulation des articles 30 et 36 du traité instituant la Communauté économique européenne.

2. Les faits qui sont à l’ origine de la présente procédure sont relativement simples et peuvent être résumés comme suit.

La société Eurim-Pharm, dont le siège est en République fédérale d’ Allemagne, avait l’ intention de vendre sur le marché allemand un médicament dénommé « Adalat », lequel est fabriqué en France par la société Bayer qui le commercialise sous la même dénomination en Allemagne et en Autriche. A cet effet, Eurim-Pharm a acheté de l’ Adalat sur le marché autrichien en vue de le revendre en Allemagne, parallèlement au circuit de distribution de Bayer, après y avoir apposé une étiquette avec sa propre raison sociale.

La demande d’ autorisation de mise sur le marché présentée aux autorités sanitaires allemandes a cependant été rejetée, au motif qu’ elle ne comportait pas les indications qui, selon la législation nationale, doivent être communiquées à l’ autorité de contrôle.

3. Après une réclamation infructueuse, Eurim-Pharm a formé un recours devant le Verwaltungsgericht Berlin, en faisant valoir que la législation nationale en question est contraire à l’ interdiction de mesures d’ effet équivalant à des restrictions quantitatives édictée aux articles 13 et 20 de l’ accord entre la Communauté et l’ Autriche. Plus particulièrement, le fait d’ exiger de l’ importateur d’ un médicament originaire d’ Autriche une documentation sur le médicament en question, alors que l’ autorité compétente de l’ État membre d’ importation dispose de toutes les pièces nécessaires, puisqu’ elle a déjà autorisé la commercialisation du même produit par le distributeur désigné par le fabricant, constituerait une mesure d’ effet équivalent interdite par les articles précités. Et ce a fortiori si, comme en l’ espèce, la documentation requise ne peut en fait pas être obtenue sans le consentement du producteur ou des distributeurs agréés par ce dernier.

4. Eurim-Pharm estime que son point de vue est conforté par l’ arrêt de Peijper (2), relatif à l’ importation parallèle de médicaments entre États membres. En effet, de l’ avis de la demanderesse au principal, les règles énoncées dans cet arrêt, bien qu’ elles concernent les échanges intracommunautaires, sont également applicables à un produit importé d’ Autriche, puisque les articles 13 et 20 de l’ accord précité et les articles 30 et 36 du traité CEE ont un contenu analogue et poursuivent le même objectif, à savoir l’ élimination des entraves aux échanges.

5. La juridiction de renvoi, ayant constaté en fait que le produit que l’ on souhaite importer d’ Autriche par la voie parallèle est identique à celui qui est déjà commercialisé en République fédérale d’ Allemagne, incline à penser que, s’ il fallait appliquer au cas dont elle est saisie la jurisprudence de Peijper, le refus opposé par les autorités sanitaires allemandes serait incompatible avec le droit communautaire. Comme elle nourrit cependant quelques doutes quant au point de savoir si une telle jurisprudence peut entièrement et en toute hypothèse être transposée dans le cadre d’ un accord de libre-échange, elle demande à la Cour de dire si les articles 13 et 20 de l’ accord entre la Communauté et l’ Autriche doivent être interprétés, en ce qui concerne l’ importation parallèle de médicaments, selon les mêmes principes que les articles 30 et 36 du traité CEE. En effet, en cas de réponse affirmative, il en résulterait que l’ autorisation de commercialiser un médicament, importé d’ Autriche en République fédérale d’ Allemagne et en tous points identique au produit non parallèle déjà autorisé dans ce dernier pays, ne saurait être subordonnée à la condition que l’ importateur fournisse à l’ autorité sanitaire compétente des documents ou des informations dont celle-ci dispose déjà.

6. Avant d’ aborder le fond de ce problème, il convient d’ examiner plusieurs questions préalables.

Les gouvernements britannique et italien soutiennent en effet que l’ importation du médicament en question ne rentre pas dans le domaine d’ application de l’ accord.

Selon ces gouvernements, l’ objectif de l’ accord, qui consiste à favoriser le développement des activités économiques des parties contractantes grâce à une libéralisation des échanges, impliquerait que, pour pouvoir bénéficier du régime de libre-échange prévu, le produit ait en tout état de cause subi une certaine transformation dans le pays d’ exportation. En d’ autres termes, l’ accord s’ appliquerait aux produits originaires d’ Autriche qui sont importés dans la Communauté et vice versa, mais pas aux produits originaires d’ un État membre qui, après un simple passage en Autriche, sont réimportés dans la Communauté.

7. Disons d’ emblée qu’ une interprétation aussi étroite de l’ accord nous semble dénuée de fondement et, en définitive, guère convaincante.

En premier lieu, il est utile de rappeler que, pour ce qui concerne le libellé même, l’ article 2, qui définit la portée de l’ accord en précisant que ce dernier s’ applique aux produits originaires de la Communauté et de l’ Autriche, ne fait aucunement allusion à l’ exigence que les produits communautaires soient exportés vers l’ Autriche ou inversement.

8. En second lieu, il nous semble que précisément les objectifs et le contexte d’ un accord tel que celui dont il s’ agit ici ne sont guère conciliables avec une interprétation qui tend à en restreindre sensiblement la portée.

Rappelons en effet qu’ aux termes de son article 1er, l’ accord vise à promouvoir, par l’ expansion des échanges commerciaux réciproques, le développement harmonieux des relations économiques entre les parties contractantes et à favoriser ainsi l’ essor de l’ activité économique, l’ amélioration des conditions de vie et des conditions d’ emploi, l’ accroissement de la productivité et la stabilité financière, tout en assurant aux échanges entre les parties contractantes des conditions équitables de concurrence.

A cette fin, on a prévu l’ élimination des droits de douane et des taxes d’ effet équivalent dans les échanges entre la Communauté et l’ Autriche (articles 3 à 7). Le même principe est appliqué aux restrictions quantitatives et aux mesures d’ effet équivalent (article 13). Ces dispositions sont complétées par l’ interdiction de toute mesure ou pratique fiscale à caractère discriminatoire (article 18) et par l’ élimination de toute restriction concernant les paiements afférents aux échanges de marchandises (article 19). En outre, l’ accord contient quelques dispositions sur la concurrence, les aides publiques et les pratiques de dumping (articles 23 et 25).

9. D’ autre part, ainsi qu’ il a été souligné dans le préambule de l’ accord, la décision des parties contractantes d’ éliminer progressivement les obstacles pour l’ essentiel de leurs échanges s’ inscrit dans le cadre plus général des dispositions de l’ Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) concernant la création de zones de libre-échange. En vertu de l’ article XXIV, n 8, du GATT, on entend par zone de libre-échange « un groupe de deux ou plusieurs territoires douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives … sont éliminés pour l’ essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre-échange ».

10. En conséquence, s’ il est vrai que l’ accord a été conçu principalement pour favoriser l’ exportation de produits originaires d’ une partie contractante vers l’ autre, il est non moins vrai qu’ il n’ existe pas d’ éléments qui militent en faveur d’ une interprétation restrictive de cet accord. Bien au contraire, l’ absence d’ une référence précise dans ce sens et le contexte général évoqué ci-dessus conduisent plutôt à tenir pour arbitraire une interprétation qui, en excluant complètement du domaine d’ application l’ hypothèse d’ une réimportation de produits, risque de peser sur une partie considérable des flux commerciaux, en réduisant ainsi les effets bénéfiques qu’ un accord de ce type tend à produire.

11. Le gouvernement italien soutient en outre que la juridiction de renvoi se réfère à tort aux articles 13 et 20 de l’ accord, alors que la disposition pertinente en l’ espèce serait plutôt l’ article 15, paragraphe 2, qui a une portée plus limitée, et aux termes duquel « en matière vétérinaire, sanitaire et phytosanitaire, les parties contractantes appliquent leurs réglementations d’ une manière non discriminatoire et s’ abstiennent d’ introduire de nouvelles mesures ayant pour effet d’ entraver indûment les échanges ».

Une telle interprétation de l’ article 15, paragraphe 2, en tant que disposition générale concernant tous les problèmes d’ ordre sanitaire afférents aux échanges de marchandises, ne nous semble cependant pas pouvoir résister à un examen plus approfondi. En effet, ainsi qu’ il ressort clairement de la lecture de la disposition prise dans son ensemble, l’ article 15 est une disposition particulière qui concerne exclusivement les échanges de produits agricoles, tandis que la protection de la santé est garantie en termes plus généraux précisément par l’ article 20 de l’ accord, qui, à l’ instar de l’ article 36 du traité CEE, permet les restrictions ou interdictions justifiées par des raisons de protection de la santé des personnes, à condition qu’ elles ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les parties contractantes.

12. Avant d’ aborder le fond du problème qui a été soumis à la Cour, il faut enfin résoudre l’ autre question visant à savoir si les dispositions pertinentes de l’ accord peuvent être invoquées devant la juridiction nationale.

La jurisprudence de la Cour sur ce point nous paraît suffisamment abondante et articulée pour permettre de trouver sans trop de difficulté une solution appropriée dans un cas tel que celui visé en l’ espèce.

Il résulte en effet d’ une jurisprudence désormais constante qu’ « une disposition d’ un accord conclu par la Communauté avec des pays tiers doit être considérée comme étant d’ application directe lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’ à l’ objet et à la nature de l’ accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’ est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’ intervention d’ aucun acte ultérieur » (3).

13. En outre, dans l’ affaire Kupferberg I (4), confrontée au problème de l’ effet direct de l’ article 21 de l’ accord de libre-échange entre la Communauté et le Portugal, la Cour, après avoir rejeté plusieurs objections fondées notamment sur l’ éventuelle absence de réciprocité et sur l’ existence d’ un cadre institutionnel particulier pour les consultations et négociations relatives à l’ exécution de l’ accord, a précisé que ledit accord « vise à la création d’ un régime de libre-échange dans le cadre duquel les réglementations commerciales restrictives sont éliminées pour l’ essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires des parties, notamment par la suppression des droits de douane et des taxes d’ effet équivalent ainsi que par l’ élimination des restrictions quantitatives et des mesures d’ effet équivalent ». Elle est par conséquent arrivée à la conclusion que l’ article 21, premier alinéa, de l’ accord, rédigé en termes analogues à l’ article 95, premier alinéa, du traité CEE, « impose aux parties contractantes une règle de non-discrimination inconditionnelle en matière fiscale qui est subordonnée à la seule constatation du caractère similaire des produits concernés par un régime d’ imposition déterminé et dont les limites ressortent directement de l’ objet de l’ accord. Comme telle, cette disposition est susceptible d’ être appliquée par une juridiction et donc de produire des effets directs dans l’ ensemble de la Communauté ».

14. Or, étant donné que l’ accord examiné par la Cour dans l’ arrêt Kupferberg I avait une structure analogue à celui en cause en l’ espèce et que les articles 13 et 20 de l’ accord avec l’ Autriche reprennent en substance l’ interdiction de mesures d’ effet équivalent contenue dans les articles 30 et 36 du traité, il nous semble que le raisonnement suivi par la Cour dans l’ arrêt précité est tout à fait transposable dans le cas qui nous occupe. D’ ailleurs, la Cour, bien qu’ elle n’ ait pas expressément abordé cette question, semble avoir implicitement reconnu l’ effet direct d’ une disposition contenue dans l’ accord de libre-échange entre la Communauté et la Suisse dont la formulation est identique à celle de l’ article 13 de l’ accord en question (5).

15. Pour en venir à l’ interprétation des dispositions faisant l’ objet de la question déférée à la Cour, relevons tout d’ abord que, selon une jurisprudence constante, l’ interprétation qui a été donnée de dispositions du traité CEE ne peut pas être transposée, en vertu d’ une simple analogie, aux dispositions correspondantes d’ un accord de libre-échange (6).

Cette affirmation de principe, tout à fait acceptable en elle-même, doit toutefois être modérée dans sa portée qui ne consiste assurément pas à encourager ou à justifier en termes généraux des interprétations divergentes entre le traité CEE et les dispositions correspondantes contenues dans les accords de libre-échange auxquels la Communauté est partie.

En réalité, la prise de position susmentionnée, que l’ on retrouve également dans des décisions antérieures (7) à l’ arrêt plus connu Polydor, n’ est rien d’ autre que l’ application d’ un principe général d’ interprétation juridique, qui a été également repris par la Convention de Vienne sur le droit des traités (8), selon lequel une règle doit être interprétée compte tenu du contexte plus général dans lequel elle s’ insère (9).

16. En conséquence, s’ il est vrai qu’ en principe une interprétation donnée par la Cour dans le cadre du traité CEE ne peut pas être automatiquement transposée dans le contexte d’ un accord avec un pays tiers, il est également vrai qu’ en présence de dispositions rédigées en termes substantiellement identiques et qui expriment des règles d’ importance fondamentale tant dans le cadre du traité CEE que dans celui d’ un accord de libre-échange, il convient néanmoins de déterminer les raisons spécifiques qui peuvent éventuellement amener à une interprétation divergente.

17. Cette lecture de la « jurisprudence Polydor » est, selon nous, la plus correcte et semble corroborée également par la jurisprudence la plus récente (10).

En tout état de cause, c’ est dans cette perspective qu’ il convient, à notre avis, de considérer l’ arrêt de Peijper (11), dans lequel la Cour a répondu à deux questions soulevées dans le cadre d’ une procédure pénale intentée par le procureur de l’ arrondissement de Rotterdam contre un opérateur économique prévenu d’ avoir fourni à des pharmacies néerlandaises, sans l’ autorisation des autorités compétentes, des médicaments importés du Royaume-Uni.

18. Dans cette affaire, la Cour a tout d’ abord précisé qu’ une réglementation ou pratique qui conduit à canaliser les importations en ce sens que seuls certains opérateurs économiques peuvent y procéder, alors que d’ autres s’ en voient exclus, constitue une mesure d’ effet équivalant à une restriction quantitative interdite par l’ article 30 du traité.

Après avoir rappelé qu’ une réglementation ou pratique nationale ayant, ou étant susceptible d’ avoir, un effet restrictif sur les importations de produits pharmaceutiques n’ est compatible avec le traité, au sens de l’ article 36, que pour autant qu’ elle est nécessaire aux fins d’ une protection efficace de la santé et de la vie des personnes, la Cour a ensuite examiné les différentes hypothèses exposées par la juridiction de renvoi.

19. Elle a établi une distinction entre, d’ une part, les pièces relatives à un médicament en général, en l’ occurrence le « dossier » prévu par la législation néerlandaise, et, d’ autre part, celles concernant un lot concret de ce médicament importé par un opérateur déterminé, en l’ espèce les « protocoles » exigés par cette législation.

Quant aux pièces relatives à un produit pharmaceutique donné, la Cour a observé que "si les autorités sanitaires de l’ État membre d’ importation disposent déjà, à la suite d’ une importation antérieure, de toutes les indications pharmaceutiques relatives au médicament en question et jugées indispensables aux fins du contrôle de l’ efficacité et de l’ innocuité du médicament, il n’ est manifestement pas nécessaire, pour protéger la santé et la vie des personnes, que lesdites autorités exigent d’ un second opérateur, ayant importé un médicament en tous points identique, de leur soumettre à nouveau les indications susvisées; que, par conséquent, une réglementation ou pratique nationale imposant une telle exigence ne serait pas justifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes, au sens de l’ article 36 du traité" (points 21 et 22).

20. La Cour est arrivée en substance à la même conclusion pour ce qui concerne les pièces relatives aux lots concrets du médicament importé, puisque, tout en reconnaissant que les autorités de contrôle ont un intérêt légitime à être en mesure de vérifier à tout moment et de manière sûre si un lot déterminé du médicament est conforme aux indications figurant dans le dossier, elle a relevé, en premier lieu, que les autorités nationales disposent de moyens législatifs et administratifs susceptibles de contraindre le fabricant ou son représentant agréé à fournir les indications permettant de constater que le médicament effectivement importé par la voie parallèle est identique au médicament au sujet duquel les autorités nationales sont déjà renseignées; et, en second lieu, qu’ une simple collaboration entre les autorités des États membres les mettrait en état de se procurer mutuellement, pour certains produits plus ou moins standardisés d’ une grande diffusion, les documents nécessaires de vérification.

21. Enfin, se fondant également sur la faculté de l’ administration compétente de l’ État membre importateur de recueillir des données et des informations auprès du fabricant ou de son représentant agréé, la Cour a souligné que la solution énoncée ci-dessus est valable également lorsque le médicament importé constitue une variante du produit déjà autorisé, à condition que les différences soient insignifiantes et ne comportent pas une autre incidence thérapeutique.

22. La Commission et les deux gouvernements qui ont déposé des observations en l’ espèce soulignent que l’ approche suivie par la Cour dans l’ arrêt de Peijper a été possible grâce aux progrès qui avaient déjà été réalisés à l’ époque dans le domaine de l’ harmonisation de la législation relative aux médicaments (12) ainsi qu’ à la coopération existant dans ce secteur entre les administrations des États membres (13).

Dans ce contexte, il a été fait référence également à la Communication de la Commission sur les importations parallèles de spécialités pharmaceutiques (14), publiée à la suite de l’ arrêt de Peijper, où la Commission insiste tout particulièrement sur l’ importance de la coopération entre les autorités administratives des États membres pour exercer un contrôle efficace sur les médicaments importés par la voie parallèle.

Or, c’ est précisément sur la base de ces considérations que la Commission et les gouvernements qui sont intervenus en l’ espèce estiment qu’ il n’ est pas possible de transposer une telle jurisprudence dans le cadre d’ un accord de libre-échange, accord qui ne prévoit aucune harmonisation législative ni une obligation spécifique de coopération dans ce secteur de la part des administrations des parties contractantes.

23. Ces remarques, auxquelles nous pourrions théoriquement souscrire, ne nous semblent cependant pas pertinentes en ce qui concerne le cas d’ espèce que le juge a quo a soumis à la Cour.

Ainsi qu’ il ressort clairement de l’ ordonnance de renvoi, le Verwaltungsgericht Berlin a en effet constaté que le médicament dont l’ importation est demandée est en tous points identique à un produit qui est déjà commercialisé sur le marché allemand.

En d’ autres termes, le cas soumis à la Cour correspond à la première des hypothèses envisagées par l’ arrêt de Peijper, relative à des produits dont l’ identité a été constatée et qui ne nécessitent aucune activité particulière d’ enquête ni coopération de la part de l’ administration concernée, qui dispose déjà de toute la documentation nécessaire.

L’ obstacle opposé à l’ importateur parallèle est donc purement formel et ne saurait trouver la moindre justification plausible sur le plan de la protection de la santé des personnes, même dans le cadre d’ un accord de libre-échange tel que celui visé en l’ espèce.

24. Quant aux objections, qui ont été également avancées en cours de procédure, relatives au risque d’ une lecture des dispositions de l’ accord qui ne serait pas partagée par l’ autre partie et, partant, à la possibilité d’ une application divergente de cet accord, susceptible d’ affecter les conditions de concurrence dans les échanges commerciaux contre l’ Autriche et la Communauté, elle ne sont pas non plus convaincantes.

En effet, étant donné qu’ une telle éventualité existe toujours lorsqu’ un organe juridictionnel de l’ une des parties contractantes est appelé à appliquer les dispositions d’ un traité international, il ne nous semble pas que la présente procédure ait révélé le moindre élément qui autorise à penser que l’ autre partie contractante soit fondée à tenir pour compatibles avec l’ accord des mesures qui favorisent la canalisation des importations et qui ne trouvent aucune justification sur le plan de la protection de la santé des personnes. D’ autre part, une éventuelle divergence dans l’ application de l’ accord pourrait trouver un arrangement approprié par la voie des modes de règlement des différends prévus par l’ accord lui-même.

25. Avant de conclure, nous voudrions d’ ailleurs dissiper la crainte émise par le gouvernement britannique quant à la possibilité que, dans le cas d’ une interprétation de l’ accord qui favorise les importations parallèles de médicaments, les entreprises européennes soient amenées à augmenter les prix pratiqués pour les médicaments commercialisés dans les pays en voie de développement à l’ égard desquels la Communauté s’ est engagée à supprimer unilatéralement les obstacles aux importations.

Indépendamment de toute autre considération, il suffit en effet de relever que les critères d’ interprétation que la Cour a adoptés quant aux dispositions contenues dans des accords internationaux, en se fondant notamment sur la nature et sur l’ objet de l’ accord, ne permettent pas, de toute façon, qu’ une interprétation donnée dans le cadre d’ un accord de libre-échange puisse être automatiquement transposée dans le cadre d’ un accord avec des pays en voie de développement.

26. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de répondre comme suit à la question posée par le Verwaltungsgericht Berlin:

« Les articles 13 et 20 de l’ accord entre la République d’ Autriche et la Communauté économique européenne doivent être interprétés en ce sens que l’ autorisation de commercialiser une médicament importé d’ Autriche en République fédérale d’ Allemagne, qui est en tous points identique à un médicament déjà autorisé dans cet État, ne peut pas être subordonnée à la condition que l’ importateur fournisse à l’ autorité sanitaire compétente des documents ou des indications dont celle-ci dispose déjà ».

(*) Langue originale: l’ italien.

(1) – JO 1972, L 300, p. 1.

(2) – Arrêt du 20 mai 1976 (104/75, Rec. p. 613).

(3) – Arrêt du 31 janvier 1991, Kziber, point 15 (18/90, Rec. p. I-199); arrêt du 30 septembre 1987, Demirel, point 14 (12/86, Rec. p. 3719).

(4) – Arrêt du 26 octobre 1982 (104/81, Rec. p. 3641).

(5) – Arrêt du 24 avril 1980, Chatain (65/79, Rec. p. 1345).

(6) – Arrêt du 26 octobre 1982, Kupferberg, précité, point 30; arrêt du 9 février 1982, Polydor, points 15 et 16 (270/80, Rec. p. 329).

(7) – Arrêt du 11 octobre 1979, Bouhelier, point 6 (225/78, Rec. p. 3151).

(8) – Voir article 31, paragraphe 1, aux termes duquel un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but .

(9) – Nous rappelons l’ ancienne règle d’ interprétation, attribuée à Celse, selon laquelle: Incivile est, nisi tota lege perspecta, una aliqua particula eius proposita, iudicare vel respondere.

(10) – Dans le récent arrêt du 16 juillet 1992, Legros, point 26 (C-163/90, non encore publié au Recueil), la Cour, se référant à l’ accord de libre-échange avec la Suède, a jugé que l’ accord serait donc privé d’ une partie importante de son effet utile si la notion de taxe d’ effet équivalent, figurant dans son article 6, devait être interprétée comme ayant une portée plus restrictive que celle du même terme figurant dans le traité CEE .

(11) – Arrêt du 20 mai 1976, précité.

(12) – Voir la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO n 22, p. 369); la directive 75/318/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les normes et protocoles analytiques, toxico-pharmacologiques et cliniques en matière d’ essais de spécialités pharmaceutiques (JO L 147, p. 1); la deuxième directive (75/319/CEE) du Conseil, du 20 mai 1975, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO L 147, p. 13).

(13) – Voir notamment les articles 8 à 15 de la directive 75/319/CEE et la décision 75/320/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, portant création d’ un comité pharmaceutique (JO L 147, p. 23).

(14) – JO C 115 du 6 mai 1982, p. 5.

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