CJCE, n° C-415/93, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, Royal club liégeois SA contre Jean-Marc Bosman et autres et Union des associations européennes de football (UEFA) contre Jean-Marc Bosman, 20 septembre 1995

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Chronologie de l’affaire

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Curia · CJUE · 22 mai 2003

Division de la Presse et de l'Information COMMUNIQUÉ DE PRESSE Nº 44/03 22 mai 2003 Conclusions de l'avocat général M. Francis Jacobs les affaires C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01 AOK Bundesverband e.a./Ichthyol-Gesellschaft Cordes e.a. L'AVOCAT GÉNÉRAL ESTIME QUE LA DÉTERMINATION DES MONTANTS PAYÉS PAR LES CAISSES DE MALADIE POUR CERTAINS MÉDICAMENTS EST EN PRINCIPE CONTRAIRE AU DROIT DE LA CONCURRENCE, MAIS QU'ELLE PEUT ÊTRE JUSTIFIÉE. Il appartient aux juridictions nationales de rechercher si les caisses de maladie ont fait un usage …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 20 sept. 1995, Bosman, C-415/93
Numéro(s) : C-415/93
Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 20 septembre 1995. # Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, Royal club liégeois SA contre Jean-Marc Bosman et autres et Union des associations européennes de football (UEFA) contre Jean-Marc Bosman. # Demande de décision préjudicielle: Cour d'appel de Liège - Belgique. # Libre circulation des travailleurs - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Joueurs professionnels de football - Réglementations sportives concernant le transfert des joueurs obligeant le nouveau club au paiement d'indemnités à l'ancien - Limitation du nombre de joueurs ressortissants d'autres États membres pouvant être alignés en compétition. # Affaire C-415/93.
Date de dépôt : 6 octobre 1993
Précédents jurisprudentiels : 17 février 1993, Poucet et Piste ( C-159/91 et C-160/91
19 juin 1991, la Cour a dès lors rayé l' affaire C-340/90
20 mai 1992, Ramrath, C-106/91
24 novembre 1993 ( C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097
30 mars 1993 ( C-168/91, Rec. p. I-1191, p. I-1198, p. I-1212
6 juillet 1995, Mars ( C-470/93
Arrêts du 6 avril 1995, Société métallurgique de Normandie/Commission ( T-147/89
Banchero ( C-157/92
C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393
Commission/Luxembourg ( C-351/90
Corsica Ferries ( C-18/93, Rec. p. I-1783
Cour a rendu le 26 janvier 1993 dans l' affaire Telemarsicabruzzo e.a. ( 77
Cour du 26 janvier 1990 ( C-286/88, Rec. p. I-191
Crispoltoni ( C-368/89
Dzodzi ( C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763
Eurico Italia e.a. ( C-332/92, C-333/92 et C-335/92
Gmurzynska-Bscher ( C-231/89
Grau Gomis e.a. ( C-167/94
Lourenço Dias ( C-343/90
ordonnance du 4 octobre 1991, Bosman/Commission, C-117/91
Ramrath ( C-106/91, Rec. p. I-3351
Scholz ( C-419/92
SIV e.a./Commission ( T-68/89, T-77/89 et T-78/89
Spotti ( C-272/92, Rec. p. I-5185
Vlassopoulou ( C-340/89, Rec. p. I-2357
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61993CC0415
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1995:293
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61993C0415

Conclusions de l’avocat général Lenz présentées le 20 septembre 1995. – Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, Royal club liégeois SA contre Jean-Marc Bosman et autres et Union des associations européennes de football (UEFA) contre Jean-Marc Bosman. – Demande de décision préjudicielle: Cour d’appel de Liège – Belgique. – Libre circulation des travailleurs – Règles de concurrence applicables aux entreprises – Joueurs professionnels de football – Réglementations sportives concernant le transfert des joueurs obligeant le nouveau club au paiement d’indemnités à l’ancien – Limitation du nombre de joueurs ressortissants d’autres États membres pouvant être alignés en compétition. – Affaire C-415/93.


Recueil de jurisprudence 1995 page I-04921


Conclusions de l’avocat général


A – Introduction

I – Position du problème

1 La présente demande préjudicielle de la cour d’appel de Liège soulève deux questions qui concernent la compatibilité de certains règlements relatifs au football avec le droit communautaire. Il s’agit tout d’abord des règlements qui permettent à un club de football d’exiger une certaine somme d’argent (qu’il est convenu d’appeler la «somme de transfert») au cas où un de ses joueurs change de club au terme de son contrat. Par ailleurs, la demande préjudicielle a trait aux réglementations qui restreignent la faculté des joueurs étrangers d’accéder aux différentes compétitions (ce qu’il est convenu d’appeler la «clause de nationalité»).

2 Nous nous attacherons tout d’abord à exposer les faits qui sont à l’origine de la procédure au fond et les réglementations dont la compatibilité avec le droit communautaire se trouve posée en l’espèce. Comme les faits qui sous-tendent la procédure pendante devant la cour d’appel de Liège ne peuvent se comprendre que dans le contexte de ces règlements, il est utile de commencer par ces derniers.

II – L’organisation du football

3 Les règlements que nous devons examiner ont été adoptés par des associations privées. Ainsi que nous le montrerons, à ce jour, il n’y a que dans un petit nombre d’États membres que le législateur national a adopté des textes qui intéressent les questions qui nous occupent en l’espèce. Comme les règlements de ces associations s’interpénètrent et se réfèrent plus ou moins les uns aux autres, il faut d’abord se représenter l’organisation du football pour pouvoir les comprendre.

4 Le football organisé se pratique au sein de clubs qui sont regroupés en associations. En principe, dans chaque État membre, il n’existe qu’une seule association qui organise le jeu de football sur le plan national. En Belgique, il s’agit de l’ASBL Union royale belge des sociétés de football association (ci-après l'«URBSFA»). Le Royaume-Uni où, pour des raisons historiques, l’Angleterre, le pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord ont chacun leur propre association, fait exception.

5 Sur le plan mondial, ces associations sont regroupées au sein de la Fédération internationale de football association (ci-après la «FIFA») qui a son siège en Suisse à Zürich (1). Au sein de la FIFA, il existe plusieurs confédérations qui regroupent les associations d’un continent. Parmi elles, il y a l’Union des associations européennes de football (ci-après l'«UEFA») à laquelle sont affiliées les associations européennes de football. En plus des 18 associations des États membres de la des Communautés européennes, l’UEFA compte un certain nombre d’autres associations qui viennent d’États européens. A l’époque, l’UEFA comptait environ 50 membres en tout. L’UEFA a notamment pour mission d’organiser le championnat d’Europe de football pour des équipes représentatives nationales et, à l’intention des équipes de clubs, la coupe des clubs champions européens, la coupe des vainqueurs de coupe européenne et la coupe UEFA (2). L’UEFA a elle aussi son siège en Suisse (3).

III – Les règlements relatifs aux transferts

1. Belgique

6 D’après le règlement de l’URBSFA de 1982, il convient de distinguer trois rapports: l’affiliation (4) du joueur, son affectation (5) et sa qualification. Seul un joueur qualifié est admis à participer à des compétitions organisées par l’association. La qualification suppose que le joueur soit affilié à l’Union belge et à un club belge. Le transfert est défini comme étant l’opération par laquelle un joueur affilié change d’affectation (6). Cette définition n’englobe donc en elle-même que les changements de club à l’intérieur de la Belgique, car, si le changement se fait vers l’étranger ou à partir de l’étranger vers la Belgique, le joueur change également d’affiliation. Au cas où le transfert est temporaire, le joueur continue à faire partie du club auquel il appartenait tout en obtenant une qualification pour le nouveau club.

7 Dans son règlement, l’association distingue trois types de transfert, à savoir le transfert dit «imposé», le transfert dit «libre» et le transfert administratif (7). Le transfert imposé requiert l’accord du joueur et de son nouveau club mais pas celui de son ancien club. Un transfert libre requiert l’accord du joueur et des deux clubs concernés. Le transfert administratif n’intéresse pas la présente procédure (8).

8 Dans son règlement, l’URBSFA fait une distinction entre, d’une part, un amateur qui change de club et, d’autre part, un joueur professionnel et un joueur non amateur qui change de club (9). Il n’y a pas lieu en l’espèce d’expliciter les règles de transfert applicables aux amateurs. Pour saisir la suite de l’exposé, il importe néanmoins de savoir qu’un amateur peut changer de club en faisant l’objet d’un transfert imposé qui expose le nouveau club au paiement d’une somme de transfert qui ne peut pas excéder 1 000 000 BFR (10).

9 Les règles de transfert applicables aux joueurs professionnels et non amateurs peuvent se décrire comme suit: les clubs passent avec ces joueurs des contrats qui garantissent en particulier une rémunération et des primes minimales. Bien que ce soient les parties qui débattent les conditions de ces contrats, le règlement de l’URBSFA impose néanmoins un certain nombre de montants minimaux et notamment un montant fixe minimal de 30 000 BFR par mois pour un joueur professionnel (11). Tous ces contrats, qui peuvent avoir une durée allant de un à cinq ans (12), doivent venir à échéance un 30 juin (13). Avant que le contrat n’arrive à échéance – et au plus tard le 26 avril de l’année en question -, le club doit proposer un nouveau contrat au joueur. Sinon, à partir du 1er mai, on assimile le joueur en question à un joueur amateur (14) en ce qui concerne les règles de transfert.

Le joueur est libre de refuser cette offre. S’il la refuse, son nom est repris dans une liste de transfert qui doit être communiquée à l’URBSFA le 30 avril au plus tard (15). Le joueur dont le nom figure sur cette liste peut faire l’objet d’un transfert imposé entre le 1er et le 31 mai. Cela signifie que, dans ce cas, le transfert intervient sans l’accord de l’ancien club pour autant que le nouveau club verse à l’ancien club la somme de transfert prévue. Le montant de cette somme de transfert, appelée «indemnité de formation» dans le règlement de l’URBSFA de 1982, se calcule en multipliant le revenu annuel brut du joueur par un coefficient qui est fonction de son âge, variant de 14 à 2 (pour les joueurs professionnels) et de 16 à 4 (pour les joueurs non amateurs) (16). Pour un joueur professionnel qui a entre 25 et 26 ans par exemple, la somme de transfert s’élève à dix fois le revenu brut.

Du 1er au 25 juin suit la période des transferts libres (17). Dans ce cas, les parties conviennent librement de la somme de transfert. Le changement de club ne peut en tout cas pas intervenir avant que l’ancien et le nouveau club ne soient tombés d’accord sur le montant de cette somme de transfert (18). Si la somme n’est pas versée, le club s’expose à des sanctions prises par l’URBSFA (19).

S’il n’y a pas de transfert, le club dont le joueur fait partie doit lui proposer un nouveau contrat d’une saison aux mêmes conditions que celui proposé au mois d’avril. Si le joueur refuse cette offre, le club peut prendre une mesure de suspension avant le 1er août. S’il ne le fait pas, le joueur est automatiquement requalifié d’amateur (20). En cas de suspension, si, par la suite, aucun nouveau contrat n’est conclu ou aucun transfert n’intervient, le joueur peut se faire transférer en qualité d’amateur à l’issue de deux saisons au cours desquelles il n’a pas été admis à jouer (21).

10 L’URBSFA applique un nouveau régime de transfert depuis le 1er janvier 1993. Comme à vrai dire ce nouveau régime se rapproche très fort de la réglementation que nous venons de décrire, nous nous contenterons de souligner quelques différences. Le nouveau régime souligne la liberté contractuelle du joueur tout en insistant sur l’obligation du nouveau club de payer une somme de transfert à l’ancien club:

«Sans préjudice de la liberté contractuelle du joueur, le club acquéreur est tenu de verser une indemnité au dernier club d’affectation (Art. IV/61.4)» (22)

Dans la disposition contenue dans l’article précité, la somme de transfert est définie comme étant un paiement qui doit servir d'«indemnité compensant la formation, la promotion, le savoir-faire et le remplacement» de ce joueur.

A l’instar de l’ancienne réglementation, en cas de transfert imposé, la somme de transfert se calcule en multipliant le revenu brut du joueur par un coefficient qui est fonction de son âge (23). Les valeurs ont toutefois été légèrement revues. Ainsi, par exemple, la somme de transfert d’un joueur professionnel âgé de 25 à 27 ans qui évolue en première division s’élève désormais à huit fois son revenu brut.

11 Le règlement de l’URBSFA de 1993 comporte également des dispositions visant le joueur affilié à une association étrangère qui change de club pour venir dans un club belge. Sur ce point, il renvoie à la réglementation applicable de la FIFA (24). Le joueur en question ne peut obtenir de qualification pour un club belge qu’après que l’URBSFA a reçu un certificat international de transfert qui est établi par l’association que le joueur souhaite quitter. La FIFA peut ordonner à l’association d’établir ce certificat et elle peut aussi elle-même en délivrer un de ce type. Sous certaines conditions, l’URBSFA peut délivrer elle-même un certificat provisoire (25).

2. Les règles de l’UEFA

12 Les règles de transfert de l’UEFA, qui étaient en vigueur à l’époque des faits qui sont à l’origine de la procédure au fond pendante devant la cour d’appel de Liège, sont contenues dans un document intitulé «Principes de collaboration entre les Associations-membres de l’UEFA et leurs clubs» (ci-après le «règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts»), approuvé par le comité exécutif de l’UEFA le 24 mai 1990 et qui a dû entrer en vigueur le 1er juillet 1990 selon sa disposition finale.

13 D’après cette réglementation, à l’échéance du contrat, le joueur est libre de conclure un nouveau contrat avec le club de son choix (26). Le nouveau club doit immédiatement informer le club cédant de la conclusion du contrat. Ce dernier doit aussitôt en informer sa fédération nationale. Celle-ci doit alors établir sans délai le certificat international de transfert (27).

14 L’ancien club a toutefois droit à une «indemnité de promotion ou de formation» à charge du nouveau club. L’indemnité de formation est due si le joueur change de club pour la première fois. A chaque nouveau changement, il y a lieu de verser une indemnité de promotion qui est censée compenser les progrès que le club a permis au joueur d’accomplir (28). En cas de désaccord entre les clubs, une commission d’experts constituée par l’UEFA fixe le montant de cette somme de transfert qui s’impose aux parties (29). Elle le détermine en multipliant par un coefficient allant de 1 à 12, en fonction de l’âge du joueur, le revenu brut qu’il a perçu au cours de la saison écoulée, y compris d’autres prestations. Pour un joueur de 25 à 26 ans par exemple, la somme de transfert s’élève à huit fois ce montant. Cette somme de transfert ne peut toutefois pas dépasser 5 000 000 SFR (30).

15 L’article 16 de ces dispositions comporte la règle suivante:

«Les relations économiques entre les deux clubs pour ce qui concerne l’indemnité de promotion ou de formation n’auront aucune incidence sur les activités sportives ou professionnelles du joueur. Le joueur pourra jouer librement pour le club avec lequel il a signé son nouveau contrat.»

16 A la fin du règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts, il est exposé qu’il est souhaitable que les principes des systèmes de transfert nationaux pour le football d’élite soient adaptés le plus vite possible au système défini dans le présent document.

17 En ce qui concerne le territoire de la Communauté, les principes établis dans le règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts, à l’intention de tous ses membres, sont déjà repris dans une large mesure dans un document intitulé «Principes de collaboration entre les clubs de différentes associations nationales des États membres de la CEE» que le comité exécutif de l’UEFA a adopté le 2 mai 1988.

18 Le 5 décembre 1991, l’UEFA a adopté une nouvelle version des «Principes de collaboration entre les Associations-membres de l’UEFA et leurs clubs» qui a dû entrer en vigueur le 1er juillet 1992 (ci-après le «règlement de l’UEFA de 1992 relatif aux transferts»). Les dispositions de cette réglementation sur les transferts correspondent en grande partie au règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts. Il y a cependant des différences qui portent sur le calcul de la somme de transfert. Cette réglementation ne semble en particulier plus comporter de montant maximal au cas où un joueur professionnel change de club (31).

19 Cette réglementation a été remplacée par le «Règlement de l’UEFA pour la fixation d’une indemnité de transfert» (ci-après le «règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts») qui a dû entrer en vigueur le 1er août 1993. Il se fonde sur l’article 16, deuxième alinéa, du règlement de la FIFA relatif au statut et aux transferts des joueurs de football et dispose que le «changement de club de joueurs au plan international» est régi par ce règlement de la FIFA. Les dispositions du règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts règlent «uniquement la procédure et la manière de calculer l’indemnité de formation et/ou de promotion selon l’art. 14 du Règlement de la FIFA», et cela seulement au seul cas où les clubs ne parviennent pas à s’entendre sur le montant de cette somme de transfert (32).

Le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts confirme qu’au terme de son contrat le joueur est libre de conclure un nouveau contrat avec un club de son choix et que la question de la somme de transfert à payer ne doit pas avoir d’incidence sur l’activité sportive du joueur. Le joueur «pourra être libre de jouer pour le club avec lequel il a conclu un nouveau contrat» (33).

A l’instar des anciennes réglementations, le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts dispose qu’en cas de contestation il appartient à une commission de fixer le montant de la somme de transfert et qu’elle la déterminera en multipliant le revenu brut du joueur par un coefficient allant de 0 à 12 en fonction de l’âge du joueur (34). Il semble que la base de calcul soit conçue de façon plus stricte que dans les anciennes réglementations (35).

3. Les règles de la FIFA

20 Les règles de transfert de la FIFA, qui étaient en vigueur en 1990, figurent dans un règlement adopté les 14 et 15 novembre 1953 et modifié pour la dernière fois le 29 mai 1986 (ci-après le «règlement de la FIFA de 1986»).

21 Ce règlement dispose que chaque association nationale établit le statut et la qualification de ses joueurs et que les autres associations ainsi que la FIFA elle-même reconnaissent ces décisions (36).

Conformément à l’article 14, premier alinéa, de ce règlement, un joueur professionnel ne peut pas quitter son association nationale aussi longtemps qu’il est lié par son contrat et les règlements de son club, de sa ligue ou de son association nationale, quelque sévères qu’ils puissent être. Il s’ensuit qu’un transfert suppose que l’ancienne association nationale délivre un certificat de transfert. Ce faisant, l’ancienne association confirme que toutes les obligations d’ordre financier, y compris une somme éventuelle de transfert, ont été réglées (37). Aucune association ne peut qualifier un joueur avant d’être en possession du certificat de transfert (38).

22 La FIFA a elle aussi modifié ses règles de transfert dans l’intervalle. Le nouveau règlement a été adopté par la FIFA en avril 1991 et il a été révisé en décembre 1991 ainsi qu’en décembre 1993. Dans le présent exposé, nous nous en tiendrons à la nouvelle version qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1994 (ci-après le «règlement de la FIFA de 1994»).

23 Le règlement de la FIFA de 1994 traite du statut et de la qualification des joueurs de football qui «opèrent un transfert d’une association nationale à une autre» (39). Ces joueurs ne peuvent être qualifiés pour un club d’une autre association que si celle-ci est en possession d'«un certificat international de transfert établi par l’association nationale que le joueur désire quitter» (40). La nouvelle association est seule compétente pour demander le certificat international de transfert nécessaire (41). Une association nationale ne peut refuser d’établir ce certificat de transfert que si le joueur en question «n’a pas rempli toutes ses obligations contractuelles à l’égard de son ancien club» ou si, entre l’ancien et le nouveau club, il existe «un litige d’un ordre autre que financier … au sujet du transfert» (42). La FIFA peut ordonner à une association nationale d’établir un tel certificat de transfert ou rendre une décision en tenant lieu. Si le certificat n’est pas établi par l’ancienne association dans un délai de 60 jours courant dès la date de la demande de la nouvelle association, la nouvelle association peut elle-même émettre un certificat provisoire (43).

24 Conformément à l’article 14, premier alinéa, du règlement de la FIFA de 1994, en cas de transfert d’un joueur non amateur, l’ancien club a droit à une «indemnité de promotion et/ou de formation». Lorsqu’un joueur amateur conclut avec un nouveau club un contrat aux termes duquel il perd son statut de joueur amateur, son ancien club a droit à une «indemnité de formation» (44). Si les deux clubs ne sont pas parvenus à s’entendre sur le montant de la somme de transfert, le litige devra être soumis à la FIFA qui tranchera (45). Le règlement permet néanmoins à des confédérations faisant partie de la FIFA (46) d’arrêter leur propre règlement pour régler des litiges de cette nature. Le cas échéant, seule la confédération a compétence pour trancher les litiges en question qui surviendraient entre des clubs ayant leur siège dans le territoire de cette confédération (47). Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, l’UEFA a fait usage de cette faculté (48).

25 L’article 20, premier alinéa, du règlement de la FIFA de 1994 dispose qu’un désaccord sur le montant de la somme de transfert ne doit pas avoir d’incidence sur les activités sportives ou professionnelles du joueur. Il ajoute par ailleurs:

«… un certificat international ne peut en aucun cas être refusé pour ce motif.

Un joueur est dès lors libre de jouer pour le nouveau club avec lequel il a signé un contrat dès que le certificat international de transfert a été reçu.»

26 Conformément au deuxième alinéa du préambule du règlement de la FIFA de 1994, «les principes qu’il pose à ses chapitres I, II, III, VII, VIII et X» sont également obligatoires sur le plan national. N’est pas mentionné le chapitre V intitulé «Transferts de joueurs d’une association nationale à une autre» et qui comporte les articles 12 à 20. Aux termes du troisième alinéa du préambule, toute association nationale est tenue d’organiser, par voie de règlement, son propre régime de transfert sur le plan interne. Ce règlement doit inclure «les dispositions obligatoires mentionnées à l’alinéa 2, respecter les principes généraux posés par les articles qui suivent et contenir des dispositions permettant de régler les litiges survenant lors de transferts en son sein».

4. Réglementations dans d’autres États membres

27 Par souci d’exhaustivité, il convient de passer succinctement en revue les règles de transfert qui prévalent dans les autres États membres de la Communauté. Répondant à une demande écrite de la Cour, l’UEFA a produit les réglementations qui sont, d’après elle, actuellement en vigueur dans les différents États membres et elle en a aimablement joint une synthèse. Dans le présent contexte, il n’est pas possible ni utile d’examiner toutes ces réglementations. Nous nous limiterons dès lors à quelques États membres et aux points qui nous paraissent dignes d’être relevés. Il convient de remarquer que l’exposé qui suit se fonde exclusivement sur les textes produits par l’UEFA qui, dans la majorité des cas, sont rédigés à chaque fois dans la langue nationale. Il se peut dès lors que l’une ou l’autre inexactitude mineure se soit glissée dans l’exposé.

28 En Autriche, les règles en question sont contenues dans le «Regulativ für die dem ÖFB angehörigen Vereine und Spieler» (règlement destiné aux joueurs et aux clubs affiliés à la fédération autrichienne de football), qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1994. Conformément à l’article 25, paragraphe 3, de ce règlement, l’ancien club a droit à une somme de transfert si le joueur change de club. Aux termes de l’article 30, paragraphe 1, du règlement, cette somme de transfert «compense financièrement la détérioration de la situation concurrentielle du club due au départ du joueur. Par ailleurs, elle couvre également des frais proportionnels de formation».

Aux termes de l’article 30, paragraphe 4, du règlement, les désaccords entre les clubs sur le montant de cette somme de transfert n’ont «pas d’incidence sur la qualification du joueur. La notification en faveur du nouveau club emporte qualification du nouveau joueur conformément aux dispositions applicables».

D’après l’article 32, paragraphe 5, du règlement, les «règles correspondantes de la FIFA ou de l’UEFA» s’appliquent aux transferts vers l’étranger ou en provenance de l’étranger.

29 En Allemagne, c’est essentiellement le Lizenzspielerstatut (le statut du joueur licencié) des Deutschen Fußballbundes (de la fédération allemande de football) (ci-après la «DFB») qui comporte les règles de transfert. Il convient en outre de prendre en compte le Spielordnung (règlement sur le jeu) de la DFB. D’après l’article 29, paragraphe 1, du statut du joueur licencié, un club qui prend sous contrat un joueur d’un autre club doit payer une somme de transfert à l’ancien club. A cet égard, les effets du contrat de travail ne peuvent pas «dépendre d’une condition consistant en un certain montant ou en un accord sur une somme de transfert». Les dispositions visant le transfert d’amateurs vers des clubs professionnels présentent un intérêt. Au cours de la saison 1994/1995, un club de première division qui prenait sous contrat comme joueur licencié un joueur amateur d’un autre club devait verser une somme de transfert de 100 000 DM. A cette même époque, un club de deuxième division devait verser 45 000 DM pour le même joueur. Cette somme de transfert doit être répartie entre les clubs au sein desquels le joueur en question a été qualifié dans les sept dernières années précédant le transfert (49).

En cas de transfert vers l’étranger, l’ancien club a droit à une «indemnité de formation et de promotion» (50). «Le règlement de l’UEFA relatif au payement d’une indemnité de formation et de promotion» dans la version en vigueur s’applique au changement d’association à l’intérieur de la Communauté (51).

30 En ce qui concerne le Danemark, l’UEFA a produit un contrat type que l’association danoise de football a élaboré à l’intention des joueurs de football. La troisième section de ce contrat comporte les règles visant le transfert des joueurs professionnels. Il apparaît qu’une somme de transfert ne doit être payée que lorsque le joueur change de club pour aller dans un club étranger ou dans un club danois de première division (52). Au cas où le joueur va dans un club danois de première division, la somme de transfert se calcule en multipliant le revenu brut du joueur par certains coefficients allant de 0 à 3 en fonction de l’âge du joueur et de son revenu. Pour les joueurs de 25 à 27 ans par exemple le coefficient est de 0,80 pour la première tranche de 100 000 DKR du revenu brut, de 1,60 pour la tranche supérieure à 100 000 DKR et inférieure à 200 000 DKR et de 2,40 pour le reste du revenu (53). En revanche, au cas où le joueur va dans un club étranger, la somme de transfert se calcule en multipliant le revenu brut du joueur par un coefficient unique allant de 12 à 1. Pour un joueur de 25 à 27 ans, ce coefficient est de 8 (54).

Lors de la procédure orale devant la Cour, l’agent du gouvernement danois a exposé qu’une loi tendant à abolir les sommes de transfert était toutefois en gestation.

31 En Espagne, le Real Decreto (décret royal) n_ 1006/1985 du 26 juin 1985 dispose que, en cas de transfert, une somme de transfert («una compensación por preparación o formación» – une indemnité pour l’entraînement et la formation) peut être exigée conformément à une convention collective (55). L’UEFA a produit une convention collective de ce genre qui, d’après son article 4, était en vigueur du 1er juin 1992 au 30 mai 1995. Aux termes de l’article 18 de cette convention collective, une somme de transfert est due en cas de transfert lorsque le joueur concerné et le prix fixé figurent dans une liste de transfert. Les joueurs professionnels âgés de 25 ans ou plus ne peuvent pas figurer sur cette liste. Il s’ensuit que ces joueurs peuvent changer de club en Espagne (56) sans qu’il y ait lieu de verser une somme de transfert.

D’après l’article 21 de cette convention collective, en cas de transfert le joueur a droit à 15 % de la somme de transfert.

32 En France, les règles pertinentes figurent dans ce qu’il est convenu d’appeler la «charte du football professionnel». Le chapitre 4 du titre III de ce règlement est consacré au statut du joueur professionnel.

L’article 15, paragraphes 1 et 2, de ce chapitre dispose:

«1. Tout départ d’un joueur, du club où il a signé son premier contrat professionnel vers un autre club, habilite le premier club (club formateur) à percevoir une indemnité de formation.

2. L’indemnité de formation est due au club quitté lorsque:

— ce club a assuré au joueur une formation au minimum d’une saison effectuée sous licence de « stagiaire »,

— cette formation s’est déroulée dans le cadre d’un Centre de Formation de Football agréé» (57).

Le montant de cette indemnité de formation correspond à l’indemnité de base ou à un pourcentage de cette dernière, en fonction de la durée de la formation. L’indemnité de base correspond en principe au montant brut que le joueur a perçu au cours des deux dernières années. Si la formation a duré plus de trois saisons, c’est l’entièreté de l’indemnité de base qui est due; si la formation ne couvre qu’une saison, la somme de transfert ne s’élève qu’à 10 % de ce montant (58).

Il s’ensuit qu’une somme de transfert n’est due que pour le premier transfert et seulement si les conditions précitées sont remplies. Abstraction faite de ces cas, il n’y a pas lieu de verser une somme de transfert pour une mutation à l’intérieur de la France.

33 Dans le cas d’une mutation vers l’étranger, l’article 18 de ce chapitre double la somme de transfert due au titre de l’article 15.

34 D’après les indications de l’UEFA, en Grèce, l’article 29, paragraphe 1, de la loi n_ 1958 du 5 août 1991 permet au joueur de rejoindre un nouveau club en toute liberté à l’expiration de son ancien contrat sans qu’une somme de transfert ne soit due. L’article 29, paragraphe 3, de cette loi permet néanmoins de stipuler dans le contrat entre le club et le joueur que celui-ci ne pourra quitter le club qu’après lui avoir versé un certain montant. Ce montant doit figurer dans le contrat. Toutefois, d’après les indications de l’UEFA, c’est en réalité le nouveau club qui le plus souvent paie ce montant.

35 En Italie, le football (et le sport en général) est régi par la loi n_ 91 du 23 mars 1981. Aux termes de l’article 6 de cette loi, une somme de transfert («indemnità di preparazione e di promozione» – indemnité de préparation et de promotion) peut être exigée lors d’un transfert, et son bénéficiaire doit l’investir à des fins sportives. Les détails du calcul sont déterminés dans un règlement que la fédération italienne de football a adopté en exécution de cette loi.

36 Enfin, nous devons encore évoquer les Pays-Bas. Il ressort de l’article 49, paragraphe 1, sous a), du règlement de la fédération produit par l’UEFA que, en cas de départ d’un joueur à l’étranger, la fédération néerlandaise de football ne délivre le certificat de transfert visé à «l’article 12 du règlement de la FIFA» que si la somme de transfert a été payée à l’ancien club (59).

IV – Les clauses de nationalité

37 A partir des années soixante, de nombreuses associations de football -mais pas toutes- ont introduit des règles limitant la possibilité d’engager des joueurs de nationalité étrangère. Il est à noter à cet égard que ces règles font parfois référence à une notion de nationalité sportive qui ne tient pas seulement compte de la nationalité comme telle mais également de la circonstance qu’un joueur a déjà évolué un certain temps au sein d’une association (60).

38 A la suite de l’arrêt que la Cour a rendu le 14 juillet 1976 dans l’affaire Donà (61), des négociations se sont ouvertes entre les instances européennes du football et la Commission des Communautés européennes. En 1978, l’UEFA s’est engagée vis-à-vis de la Commission à supprimer les limitations apportées au nombre de joueurs étrangers qu’un club est autorisé à prendre sous contrat pour autant qu’il s’agisse de ressortissants communautaires. Par ailleurs, l’UEFA s’est engagée à fixer à deux le nombre de ces joueurs pouvant participer à un match, tout en précisant que cette limite ne s’applique pas aux joueurs établis depuis cinq ans dans le territoire de l’association en question.

39 A la suite de nouvelles discussions engagées avec la Commission, l’UEFA a adopté la règle dite «3 + 2» aux termes de laquelle, à compter du 1er juillet 1992, le nombre de joueurs étrangers, dont les noms peuvent figurer dans la feuille de rapport officielle de l’arbitre, ne peut pas être limité à moins de trois par équipe plus deux joueurs ayant joué dans le pays en question pendant une période ininterrompue de cinq ans, dont trois dans le secteur des juniors (62). Dans un premier temps, cette réglementation est censée s’appliquer aux clubs de première division de chaque État membre de la Communauté et être étendue à toutes les divisions du football professionnel à la fin de la saison 1996/1997 au plus tard.

40 Comme l’UEFA a pris cette initiative en ne formulant que des règles minimales, il est loisible à chaque fédération d’admettre davantage de joueurs étrangers. La fédération anglaise par exemple ne range pas parmi les étrangers les joueurs du pays de Galles, d’Écosse, d’Irlande du Nord et d’Irlande. En Écosse, le nombre de joueurs étrangers n’est pas limité.

41 La règle «3+2» s’applique également aux matchs que l’UEFA organise elle-même pour les clubs (63).

V – Les faits à l’origine de la procédure au principal et la procédure devant les juridictions nationales

42 M. Bosman est né en 1964 et possède la nationalité belge. Il s’est affilié dès son jeune âge à la fédération belge de football et a commencé à jouer – d’abord dans l’équipe junior – au Standard de Liège, un club belge de première division. En 1986, il a signé son premier contrat de travail dans ce club et est ainsi devenu joueur professionnel. En mai 1988, moyennant une somme de transfert de 3 000 000 BFR, il est passé du Standard de Liège à une équipe rivale locale, le Royal club liégeois SA (ci-après le «RC Liège») qui, jusqu’à la saison passée, jouait également en première division belge. Le contrat avec le RC Liège, qui a expiré le 30 juin 1990, garantissait à M. Bosman une rémunération de base de 75 000 BFR brut. Compte tenu des primes et autres suppléments, M. Bosman percevait une rémunération mensuelle moyenne de l’ordre de 120 000 BFR.

43 En avril 1990, le RC Liège a proposé à M. Bosman un nouveau contrat pour une saison, en réduisant la rémunération de base à 30 000 BFR, soit le montant minimal imposé par le règlement de l’URBSFA. M. Bosman ayant refusé de signer ce contrat, il a été inscrit sur la liste de transfert. Conformément aux règles applicables de la fédération, la somme de transfert a été fixée à 11 743 000 BFR en cas de transfert imposé.

44 Aucun club n’ayant manifesté son intérêt pour un transfert imposé, M. Bosman est finalement entré en contact avec un club français, la SA d’économie mixte sportive de l’union sportive du littoral de Dunkerque (ci-après l'«US Dunkerque») qui jouait en deuxième division française. Ce club a engagé M. Bosman par contrat signé le 30 juillet 1990 qui garantissait une rémunération de base mensuelle de plus de 90 000 BFR. Dès le 27 juillet 1990, l’US Dunkerque avait arrêté avec le RC Liège les modalités du transfert (temporaire) du joueur. Il était convenu que le RC Liège céderait le joueur pour une saison à l’US Dunkerque contre paiement d’une indemnité de 1 200 000 BFR exigible dès réception du certificat de transfert de l’URBSFA. L’US Dunkerque se verrait accorder dans le même temps une option irrévocable sur le transfert définitif du joueur pour un montant de 4 800 000 BFR (supplémentaire). Les deux contrats – celui entre M. Bosman et l’US Dunkerque et celui entre le RC Liège et l’US Dunkerque – étaient toutefois assortis d’une condition résolutoire qui les rendrait caducs si la fédération belge ne transmettait pas le certificat de transfert à la fédération française de football avant le 2 août inclus. Il semble que cette condition ait été inspirée par la volonté de l’US Dunkerque d’aligner M. Bosman dès le 3 août 1990 dans un match important.

Nourrissant des doutes sur la solvabilité de l’US Dunkerque, le RC Liège s’est abstenu de demander à l’URBSFA d’émettre le certificat de transfert en sorte que les deux contrats sont devenus caducs. De surcroît, le RC Liège a suspendu M. Bosman dès le 31 juillet 1990, l’empêchant ainsi tout d’abord de jouer durant la nouvelle saison.

45 M. Bosman a alors saisi le tribunal de première instance de Liège le 8 août 1990. Parallèlement à l’action au fond, il a engagé une demande en référé tendant tout d’abord à entendre condamner le RC Liège et l’URBSFA à lui verser 100 000 BFR par mois jusqu’à ce qu’il trouve un nouvel employeur, à interdire ensuite aux parties adverses d’entraver ses possibilités d’engagement en exigeant ou en percevant quelque montant que ce soit à cette occasion et, troisièmement, à poser à la Cour une question préjudicielle. Le 9 novembre 1990, le président du tribunal a ordonné au RC Liège de payer provisoirement à M. Bosman 30 000 BFR par mois, a prononcé l’interdiction sollicitée et a posé à la Cour une question sur la compatibilité du système des transferts avec les articles 3, sous c), et 48 du traité CEE. Cette affaire a été enregistrée au greffe de la Cour sous le numéro C-340/90.

46 Saisie d’un recours, la cour d’appel de Liège a réformé l’ordonnance du président du tribunal de première instance de Liège en ce qu’elle posait une question préjudicielle à la Cour. Elle a néanmoins confirmé la condamnation du RC Liège à payer des mensualités à M. Bosman et ordonné à l’URBSFA et au RC Liège de mettre M. Bosman à la disposition de tout club qui souhaiterait bénéficier de ses services, sans exiger d’indemnité de ce club. Par ordonnance du 19 juin 1991, la Cour a dès lors rayé l’affaire C-340/90 du rôle.

47 La décision de référé a permis à M. Bosman d’être engagé en octobre 1990 par Saint-Quentin, club français de deuxième division. Au terme de la première saison, ce contrat a toutefois été résilié. En février 1992, M. Bosman a signé un nouveau contrat avec le club de Saint-Denis de la Réunion, qui a été également résilié par la suite. Après de longues recherches, M. Bosman a signé le 14 mai 1993 un contrat avec le Royal olympic club de Charleroi, club belge de troisième division. Selon la juridiction de renvoi, il existe des indices clairs qui autorisent à penser qu’en dépit de toute la latitude que lui garantissait la décision de référé M. Bosman a fait l’objet d’un boycott de la part de l’ensemble des clubs européens susceptibles de l’engager.

48 Dans l’action au fond qu’il a également portée le 8 août 1990 devant le tribunal de première instance de Liège, M. Bosman réclamait au RC Liège une indemnité provisoirement fixée à 30 000 000 BFR. Cette action se fondait tout d’abord sur le manquement de la défenderesse à ses obligations contractuelles et ensuite sur l’illégalité du régime des transferts. Le 3 juin 1991, l’URBSFA est intervenue dans l’instance aux fins d’entendre consacrer la licéité de ses règlements et des règlements analogues de l’UEFA. Le 20 août 1991, M. Bosman a mis l’UEFA à la cause. A cette occasion, il a formé une demande contre l’UEFA tendant à prononcer la nullité du règlement de l’UEFA pour contrariété aux articles 48, 85 et 86 du traité CEE, dans la mesure où il instaure un régime de transfert qui permet d’exiger une somme de transfert au cas où un joueur change de club à l’expiration de son contrat et dans la mesure où il n’assimile pas les joueurs ressortissants des autres États membres de la Communauté européenne aux joueurs nationaux pour l’accès aux compétitions nationales. Par ailleurs, M. Bosman demandait également de condamner l’UEFA à mettre un terme à ces pratiques et à retirer les règlements nuls dans les 48 heures. Le 5 décembre, le RC Liège a mis l’US Dunkerque à la cause.

49 Le 9 avril 1992, M. Bosman a introduit des nouvelles demandes devant le tribunal de première instance de Liège par lesquelles il a non seulement modifié l’action initiale dirigée contre le RC Liège, mais en outre formé une action distincte contre l’URBSFA et développé les demandes engagées contre l’UEFA. Désormais, l’action consistait à interdire au RC Liège, à l’URBSFA et à l’UEFA de faire obstacle à sa liberté de contracter avec un nouvel employeur, à condamner ces parties solidairement ou in solidum à lui payer 11 368 350 BFR du chef du préjudice souffert depuis le 1er août 1990, 11 743 000 BFR en réparation du dommage subi depuis le début de sa carrière jusqu’au 9 novembre 1990 du fait de l’application du régime des transferts et 1 franc provisionnel pour le coût des procédures. De surcroît, M. Bosman demandait que les règlements relatifs aux transferts et les clauses de nationalité de l’URBSFA et de l’UEFA lui soient déclarés inapplicables. Enfin, M. Bosman proposait de saisir la Cour à titre préjudiciel.

50 Deux associations de joueurs professionnels – l’Union nationale française des footballeurs professionnels (ci-après l'«UNFP») et la Vereniging van contractspelers (l’association néerlandaise des joueurs sous contrat) (ci-après la «VVCS») sont intervenues dans l’instance à l’appui des demandes de M. Bosman.

51 Dans son jugement du 11 juin 1992, le tribunal de première instance de Liège a rejeté l’exception soulevée par l’UEFA selon laquelle les actions dirigées contre elles doivent être portées devant les juridictions suisses et il s’est déclaré compétent pour trancher le litige qui lui était soumis. Il a dit recevables les interventions de l’UNFP et de la VVCS. De surcroît, le tribunal a reçu toutes les actions engagées. Il a décidé que le RC Liège avait agi illicitement en faisant échouer le transfert de M. Bosman à l’US Dunkerque et qu’il est tenu de réparer le dommage qui en est né. Le tribunal a néanmoins débouté le RC Liège de l’action en intervention et garantie qu’il avait dirigée contre l’US Dunkerque, la preuve d’une faute du club français n’étant pas rapportée. Enfin, le tribunal a adressé à la Cour une demande préjudicielle en interprétation des articles 48, 85 et 86 du traité CEE par rapport au régime des transferts. Cette affaire a été enregistrée au greffe de la Cour sous le numéro C-269/92.

52 En degré d’appel, la cour d’appel de Liège a, par arrêt du 1er octobre 1993, confirmé le jugement entrepris en tant qu’il reçoit les interventions volontaires, que le tribunal se dit compétent et que les demandes sont jugées recevables. La juridiction d’appel fait sienne l’analyse du tribunal selon laquelle l’examen des prétentions émises contre le RC Liège, l’URBSFA et l’UEFA implique celui de la licéité du régime des transferts. Elle a dès lors déféré elle-même une demande préjudicielle à la Cour. Cette demande rendant sans objet l’affaire C-269/92, la Cour l’a rayée de son rôle. Accueillant une suggestion de M. Bosman, la juridiction de renvoi est de surcroît arrivée à la conclusion qu’il fallait aussi examiner la légalité des clauses de nationalité au motif que, sur ce point, l’action de M. Bosman est fondée sur l’article 18 du code judiciaire belge qui permet d’intenter une action «en vue de prévenir la violation d’un droit gravement menacé».

En revanche, la juridiction d’appel a rejeté la suggestion de l’UEFA de demander à la Cour si les questions posées appellent une autre réponse au cas où un régime de transfert permet au joueur de jouer librement pour le nouveau club même si celui-ci n’a pas payé la somme de transfert à l’ancien club.

VI – Les questions préjudicielles

53 La cour d’appel de Liège a dès lors posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Les articles 48, 85 et 86 du traité de Rome du 25 mars 1957 doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent:

— qu’un club de football puisse exiger et percevoir le paiement d’une somme d’argent à l’occasion de l’engagement d’un de ses joueurs arrivé au terme de son contrat, par un nouveau club employeur;

— que les associations ou fédérations sportives nationales et internationales puissent prévoir dans leurs réglementations respectives des dispositions limitant l’accès des joueurs étrangers ressortissants de la Communauté européenne aux compétitions qu’elles organisent?»

VII – Procédure ultérieure et procédure devant la Cour

54 L’URBSFA a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Liège et elle a demandé que l’arrêt soit déclaré commun au RC Liège, à l’UEFA et à l’US Dunkerque. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi le 30 mars 1995 et a décidé que ce rejet rendait sans objet les demandes tendant à étendre les effets de l’arrêt (64).

55 Dans la procédure devant la Cour, M. Bosman, l’URBSFA, l’UEFA, le gouvernement français, le gouvernement italien ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites. Ces parties étaient également présentes à l’audience qui s’est tenue devant la Cour le 20 juin 1995. A cette audience, le gouvernement danois et le gouvernement allemand ont également présenté des observations sur la demande préjudicielle.

B – Appréciation

I – Observation préalable

56 On apercevra immédiatement la portée de la présente affaire. La réponse à la question de la compatibilité du régime des transferts et des clauses de nationalité avec le droit communautaire aura une incidence décisive sur l’avenir du football professionnel dans la Communauté.

57 Quelques exemples chiffrés pourront suffire à prouver l’importance du régime des transferts dans le football professionnel actuel. D’après une étude d’une société anglaise de réviseurs, en Angleterre, les clubs de première division (Premier League) ont dépensé près de 51 millions de UKL (au cours de change actuel près de 62 millions d’écus) en sommes de transfert pendant la saison 1992/1993 (65). D’après des articles de presse, en Italie, les 18 clubs de première division ont dépensé pour les seuls joueurs étrangers plus de 96 millions de DM (plus de 51 millions d’écus) au cours de la saison 1995/1996 (66). A ce jour, le transfert le plus onéreux de l’histoire du football a eu lieu en Italie où le nouveau club a versé une somme de transfert de près de 19 millions d’écus (67).

En ce qui concerne les clauses de nationalité, il convient d’indiquer que, dès à présent, dans la Communauté, les clubs professionnels ont engagé un nombre considérable de joueurs venant d’autres États membres ou de pays tiers. D’après les chiffres que l’URBSFA a produits, au début de la saison 1993/1994 par exemple, les 18 clubs de première division belge comptaient 398 joueurs belges pour 175 étrangers dont il est vrai seuls 61 étaient considérés comme tels au regard de la clause de nationalité (68). Au cas où la Cour considérerait que les clauses de nationalité heurtent le droit communautaire, on peut s’attendre à ce que le nombre de joueurs ressortissants communautaires qui gagnent leur vie dans un club établi dans un autre État membre continuera de croître.

58 Dans d’autres disciplines sportives pratiquées dans la Communauté, il existe également différentes formes de clauses de nationalité et de réglementations relatives aux transferts. L’arrêt de la Cour sera dès lors un arrêt de principe à leur égard aussi.

59 Les faits qui ont donné lieu à la procédure au fond devant la cour d’appel de Liège se sont produits il y a maintenant plus de cinq ans. Depuis lors, plusieurs juridictions ont été saisies de la présente affaire. Dans ce contexte, la Cour a déjà été saisie à trois reprises d’une demande préjudicielle, dont les deux premières, ainsi que nous l’avons indiqué, n’ont pas donné lieu à un arrêt. Si la présente procédure aboutit à un arrêt qui réponde aux questions, elle est loin d’être close devant les juridictions nationales. On sait toutefois d’expérience que la période qui s’offre au joueur professionnel pour accomplir sa carrière est limitée. A notre avis, compte tenu non seulement de l’importance que l’affaire revêt pour le football, mais également des intérêts de M. Bosman, il convient de la traiter dans les meilleurs délais possibles. C’est dans cet esprit que nous avons préparé les présentes conclusions.

60 Il convient de relever que les questions posées ont une portée limitée car elles n’embrassent pas l’ensemble du football. La première question préjudicielle qui a pour objet le régime des transferts porte sur la mutation d’un joueur qui est sous contrat dans un club. Cette question concerne dès lors les seuls joueurs qui jouent au football moyennant un salaire, c’est-à-dire le domaine du football rémunéré. Elle ne couvre pas le football amateur. Il n’appartiendra donc pas à la Cour de décider s’il est compatible avec le droit communautaire d’exiger une somme de transfert lorsqu’un joueur, qui jusque là était amateur, quitte son club et conclut un contrat en tant que joueur professionnel. A première vue, la seconde question est formulée en termes plus larges, et, dans une interprétation littérale, on pourrait comprendre qu’elle soumet l’examen de la compatibilité de toute clause de nationalité avec le droit communautaire – indépendamment de la question de savoir s’il s’agit du sport professionnel ou du sport amateur – et éventuellement qu’elle se rapporte à toutes les disciplines sportives. Il ressort néanmoins de l’arrêt de renvoi que cette question ne doit se rapporter qu’aux clauses de nationalité dans le football rémunéré. Toutes les parties qui sont intervenues dans la présente procédure ont elles aussi considéré à juste titre qu’il fallait comprendre la question préjudicielle dans ce sens.

61 Pour justifier les règles qui sont au centre du débat, les associations concernées ont avancé non seulement des considérations sportives, mais aussi économiques. Tous ces arguments ont été largement abordés en particulier par M. Bosman lui-même mais aussi par la Commission et d’autres parties. Selon nous, il va de soi que l’importance de la présente affaire requiert d’examiner ces arguments de manière exhaustive.

62 L’issue de cette affaire intéresse un grand nombre de citoyens qui se passionnent pour le football. Un grand nombre d’entre eux pratiquent eux-mêmes le sport ou participent – souvent à titre bénévole – d’une autre manière à la vie de leur club. Plus important peut-être est le nombre de ceux qui vivent le sport comme spectateur et suivent en particulier avec intérêt les matchs des divisions professionnelles. C’est précisément pour ces motifs qu’il appartient à la Cour et à nous même en premier lieu d’examiner les questions posées sans préjugé et de manière objective.

II – Recevabilité des questions préjudicielles

1. Arguments des parties

63 D’après l’UEFA, les questions préjudicielles étant irrecevables, la Cour ne doit pas y répondre. Elle estime que le transfert de M. Bosman à l’US Dunkerque a échoué précisément parce que les règles de transfert de l’UEFA qui auraient dû recevoir application en l’espèce n’ont pas été respectées. Si ses règles avaient été appliquées, le transfert aurait pu se faire et le litige ne serait pas né. Se référant à la jurisprudence de la Cour, que nous commenterons ci-après, l’UEFA soutient qu’il n’est pas nécessaire de répondre aux questions posées pour rendre une décision dans l’affaire soumise à la cour d’appel de Liège. Elle émet dès lors les plus grands doutes quant à la recevabilité de la première question. En revanche, la seconde question serait d’après elle de nature purement hypothétique car la carrière de M. Bosman n’a été entravée à aucun moment par les clauses de nationalité. On serait en présence d’une procédure artificielle qui servirait des fins politiques. Les parties concernées tentent d’amener la Cour à se prononcer sur la compatibilité avec le droit communautaire de certaines pratiques qui n’ont rien à voir avec le véritable litige. Selon elle, la juridiction de renvoi n’a absolument pas exposé en quoi la réponse à la seconde question préjudicielle serait nécessaire pour trancher le litige au fond.

Au cas où la Cour devrait néanmoins décider de répondre, fût-ce partiellement, aux questions posées, elle devrait faire preuve de la plus grande prudence car ces questions remettent en question l’organisation même du football.

64 Dans ses observations écrites, l’URBSFA n’aborde pas la recevabilité des questions préjudicielles. A l’audience, elle a indiqué à la Cour qu’il fallait distinguer deux procédures dans la présente affaire. Il s’agit selon elle, tout d’abord, d’un litige entre M. Bosman et le RC Liège. D’après elle, celui-ci peut trouver sa solution sans qu’il soit nécessaire que la Cour statue à titre préjudiciel. D’autre part, il y aurait un litige artificiel qui opposerait un certain nombre de syndicats de joueurs professionnels à l’UEFA et à l’URBSFA. A cette occasion, l’URBSFA se réfère également à l’arrêt que la Cour de cassation a rendu dans la procédure au fond. Elle estime qu’il serait souhaitable que la Cour prenne cet arrêt en compte dans son délibéré.

65 Les gouvernements français, italien et danois ont soutenu eux aussi que les clauses de nationalité n’avaient absolument aucune incidence dans la procédure au fond. Le litige porterait uniquement sur la licéité du régime des transferts. La seconde question préjudicielle ne serait dès lors que purement hypothétique. A cet égard, le gouvernement français indique notamment que, dans son action initiale, M. Bosman n’avait absolument pas fait état des clauses de nationalité.

Après que différentes parties eurent évoqué au cours de la procédure orale devant la Cour la teneur de l’arrêt précité de la Cour de cassation, l’agent du gouvernement français a exposé qu’il semblait que, compte tenu de cet arrêt, la Cour ne devait plus répondre à la seconde question préjudicielle car elle n’existait peut-être pas – ou plus.

66 Dans ses observations écrites, la Commission a tout d’abord conclu à l’irrecevabilité de la seconde question au motif qu’elle serait de nature hypothétique. Au cours de la procédure orale devant la Cour, les agents de la Commission ont indiqué que la Commission avait revu son analyse. Nous avons déduit de ces explications que la Commission était à présent encline à considérer que la seconde question était elle aussi recevable. Elle ne l’a toutefois pas exprimé formellement.

67 M. Bosman conteste fermement que le présent cas d’espèce soit un litige artificiel. Il indique que la juridiction de renvoi a dit recevables les différentes actions qu’il a engagées notamment sur la base de l’article 18 du code judiciaire belge qui admet une action préventive pour empêcher un préjudice grave imminent. D’après les constatations de la juridiction de renvoi, il ressort des dispositions pertinentes du droit belge que le litige implique d’examiner la licéité du régime des transferts et des clauses de nationalité. Selon lui, la Cour peut difficilement remettre en question l’interprétation que la cour d’appel de Liège a faite des dispositions de droit national. Si l’on voulait malgré tout le faire, on porterait atteinte à la procédure de collaboration entre la Cour et les juridictions nationales qui sous-tend l’article 177 du traité CE. La juridiction de renvoi a connaissance de la jurisprudence de la Cour sur la question de la recevabilité des demandes préjudicielles et elle a plus que satisfait aux obligations qui en découlent, en particulier à celle qui impose de motiver la demande préjudicielle.

Il ne s’agirait pas non plus d’un cas d’abus de la procédure de l’article 177 du traité CE. S’agissant en particulier des clauses de nationalité admises d’après la réglementation de l’UEFA, M. Bosman a, d’après lui, un intérêt à entendre prononcer leur nullité ou leur inapplicabilité car elles seraient à la base des réglementations des différentes associations européennes de football qui réduisent ses possibilités d’être recruté dans d’autres États membres.

Il s’ensuit que les questions remplissent les conditions de recevabilité qui résultent de la jurisprudence de la Cour.

2. L’article 177 et la jurisprudence de la Cour sur la recevabilité des questions préjudicielles

68 Aux termes de l’article 177, premier alinéa, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation du traité CE et sur la validité et l’interprétation des dispositions adoptées au titre de ce traité et d’autres actes.

L’article 177, deuxième alinéa, du traité CE (69) dispose:

«Lorsqu’une telle question est soulevée devant une juridiction d’un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.»

Il ressort de l’énoncé de cette disposition que c’est aux juridictions nationales qu’il appartient d’apprécier si une question préjudicielle est nécessaire. L’article 177 ne prévoit pas que la Cour ait compétence pour refuser de répondre à de telles questions préjudicielles.

69 La Cour a réaffirmé dans une jurisprudence constante que «il appartient aux seules juridictions nationales, qui sont saisies du litige et doivent assumer la responsabilité de la décision judiciaire à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour» (70). Cela est corroboré par la circonstance que le juge national, qui est seul à avoir une connaissance directe et précise des faits de l’affaire, est le mieux placé pour apprécier ces questions (71). Dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, «la Cour est, en principe, tenue de statuer» (72). Il apparaît toutefois que la Cour ait fait exception à ce principe dans certains cas en refusant de répondre à certaines questions posées ou à toutes (73).

70 Si l’on tente de se livrer à une systématisation, on en arrive à la conclusion qu’à cet égard on peut distinguer différentes catégories d’affaires. Nous inclinons à penser que l’on peut en substance distinguer trois catégories d’affaires. Il y a d’abord les affaires dans lesquelles la juridiction de renvoi n’a pas fourni à la Cour toutes les informations dont elle avait besoin pour pouvoir rendre une décision utile. Dans un deuxième ensemble d’affaires, la Cour a refusé de répondre aux questions posées lorsqu’elles ne présentaient manifestement aucun lien avec le litige au fond. Enfin, il faut mentionner en troisième lieu les affaires dans lesquelles la Cour a rejeté la demande préjudicielle au motif qu’elle estimait que le juge national abusait de la procédure de l’article 177. Nous rangeons aussi dans cette dernière catégorie les affaires dans lesquelles la Cour a estimé que les questions préjudicielles étaient des questions générales ou hypothétiques. On peut naturellement discuter la classification, en particulier parce que les limites entre les deux dernières catégories que nous avons distinguées sont mouvantes. Ainsi, on pourrait parfaitement estimer que les affaires mentionnées en dernier lieu devraient être rangées dans la deuxième catégorie. La classification que nous avons choisie ici nous paraît néanmoins plus judicieuse pour des raisons que nous exposerons ci-dessous.

71 Pour répondre à la question de la recevabilité des questions posées par la cour d’appel de Liège dans la présente procédure, nous estimons qu’il est nécessaire de passer tout d’abord au crible la jurisprudence que la Cour y a consacrée à ce jour. A cet effet, nous nous référerons à la classification proposée ci-dessus.

72 La première des catégories énoncées n’a connu une importance croissante que dans un passé récent. Certes, la Cour avait déjà indiqué auparavant que la «nécessité de parvenir à une interprétation utile du droit communautaire» exige que soit défini le cadre juridique dans lequel doit se placer l’interprétation demandée (74). Pour permettre à la Cour de remplir la mission qui lui est confiée, il est «indispensable que les juridictions nationales expliquent, lorsque ces raisons ne découlent pas sans équivoque du dossier, les raisons pour lesquelles elles considèrent qu’une réponse à leurs questions est nécessaire à la solution du litige» (75). Dans des affaires où les indications nécessaires n’avaient pas été données, la Cour a exposé qu’elle n’était pas à même de répondre utilement aux questions posées (76).

73 Ce n’est que depuis l’arrêt que la Cour a rendu le 26 janvier 1993 dans l’affaire Telemarsicabruzzo e.a. (77) que ce point de vue s’est de plus en plus imposé. La Cour s’y est référée à son ancienne jurisprudence en exposant «que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit communautaire qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou qu’à tout le moins il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées» (78). La Cour a souligné que cela vaut tout particulièrement dans le domaine de la concurrence qui «est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes». Les décisions de renvoi ne contenant aucune indication à cet égard, la Cour a refusé de statuer sur les questions (79).

On ne saurait nier que la Cour a ainsi suivi l’avis de son avocat général qui lui avait conseillé d’adopter une «attitude un peu plus restrictive» à l’égard des exigences auxquelles il fallait soumettre les demandes préjudicielles (80).

74 Depuis, la Cour a réaffirmé cette conception dans plusieurs arrêts (81). A cette occasion, elle a rappelé que cette exigence ne sert pas seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à donner aux États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de faire pleinement usage du droit de présenter des observations (82) que l’article 20 du statut CEE de la Cour leur réserve.

75 L’idée qui préside à toutes ces décisions est claire. La Cour ne peut en tout état de cause répondre utilement aux questions posées par une juridiction nationale que si elle connaît les circonstances du litige. Nous estimons néanmoins que sur ce point il s’impose d’adopter une approche bienveillante. Le rejet d’une demande préjudicielle en raison de lacunes dans l’exposé du contexte factuel et juridique doit être limité à des cas exceptionnels. Dans plusieurs décisions citées, la Cour nous paraît avoir fait preuve d’une rigueur excessive.

76 La première des décisions à ranger dans la deuxième catégorie est l’arrêt que la Cour a rendu le 16 juin 1981 dans l’affaire Salonia (83). Dans cette décision, la Cour expose que l’article 177 est fondé sur une «nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour» et ne permet pas à celle-ci de censurer les motifs de la décision de renvoi. La Cour poursuit:

«En conséquence, le rejet d’une demande formée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaissait de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire ou l’examen de la validité d’une règle communautaire, demandés par cette juridiction, n’ont aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige principal» (84).

77 Dans l’affaire Salonia, ces conditions n’étaient pas remplies en sorte que la Cour a répondu aux questions. Il en est allé autrement dans l’affaire Falciola (85) dans laquelle la Cour a statué en juin 1990, et que nous aborderons succinctement ici en tant qu’affaire représentative de cette catégorie d’affaires. Le litige concernait un projet de travaux routiers qui, selon les indications de la juridiction de renvoi, tombait dans le champ d’application de certaines directives CE sur les marchés publics de travaux. Les questions préjudicielles ne présentaient pas de rapport tangible avec le litige. Il ressortait des motifs de la décision de renvoi qu’elle tendait en réalité à faire dire par la Cour si les tribunaux italiens pouvaient encore offrir toutes les garanties que pourrait exiger le droit communautaire pour que des juges nationaux puissent exercer de manière satisfaisante leur fonction de juge communautaire malgré l’adoption de la loi italienne n_ 117/88, du 13 avril 1988, relative à la réparation des dommages causés dans l’exercice des fonctions judiciaires et à la responsabilité civile des magistrats (86). La Cour a conclu que la juridiction italienne s’interrogeait seulement sur les «réactions psychologiques» que pourraient avoir certains juges italiens en raison de l’adoption de la loi italienne précitée. Comme il n’y avait manifestement pas de rapport avec le droit communautaire, la Cour s’est déclarée incompétente pour répondre aux questions posées (87).

78 Les motifs précités de l’arrêt Salonia ont été rappelés et réaffirmés par la Cour non seulement dans l’affaire Falciola, mais encore dans nombre d’arrêts ultérieurs (88).

79 Il faut néanmoins constater que, dans un certain nombre d’autres décisions, la Cour s’est contentée de considérer qu’il n’y avait «aucun rapport» entre les dispositions de droit communautaire qu’on lui demandait d’interpréter et la procédure au fond (89). Le nombre de ces décisions donne à penser qu’à chaque fois la Cour a délibérément écarté la caractéristique supplémentaire qui veut que l’absence de rapport soit manifeste. Pour différentes raisons, il semble toutefois douteux qu’il en allait bien ainsi. Tout d’abord, dans tous ces arrêts, la Cour se réfère à l’affaire Salonia dans laquelle elle a précisément fait dépendre de cette caractéristique supplémentaire la possibilité de ne pas répondre à une question préjudicielle. Par ailleurs, dans une ordonnance du 16 mai 1994, la Cour, se référant expressément à l’arrêt Salonia et à l’ordonnance Falciola, a parlé d’une «jurisprudence bien établie» (90). Enfin, on n’aperçoit pas de succession chronologique. On rencontre tantôt des décisions dans lesquelles ce critère est évoqué et tantôt des décisions dans lesquelles on n’en trouve pas trace.

80 Il convient en tout cas de relever que seule paraît acceptable la conception selon laquelle la Cour n’a la faculté de rejeter une demande préjudicielle que si elle n’a aucun rapport avec la procédure au fond de manière tout à fait manifeste. Il faut rappeler que l’on ne peut pas fonder la pratique de la Cour sur les termes de l’article 177. Ainsi que l’a exactement posé l’arrêt Salonia, cette disposition est caractérisée par une «nette séparation des fonctions» entre la Cour et les juridictions nationales. Ce n’est qu’à titre exceptionnel – et encore – que la Cour peut dès lors vérifier si une décision préjudicielle est nécessaire. A cet effet, il faut que cette compétence de la Cour soit limitée aux cas dans lesquels les questions préjudicielles n’ont manifestement pas de rapport avec la procédure au fond. Si l’on se bornait à ne considérer que l’absence objective de rapport de cette nature, on renverserait la répartition des fonctions, inscrite à l’article 177. Nous estimons qu’une telle approche est inacceptable.

81 Enfin, la troisième catégorie de décisions est apparue avec les arrêts que la Cour a rendus dans l’affaire Foglia. La procédure qui se déroulait devant la juridiction italienne portait sur un litige qui opposait un négociant italien en vin à une cliente qui était elle aussi italienne. Mme Novello était convenue avec le négociant en vin qu’il expédie en France les cartons de vin de liqueur italien qu’elle avait achetés et qu’elle ne prendrait pas en charge des droits prélevés par les autorités italiennes ou françaises qui seraient incompatibles avec les dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des marchandises. Une clause analogue avait été stipulée dans le contrat que le négociant en vin avait conclu avec l’entreprise chargée du transport. Les autorités françaises ont prélevé des droits, sur les marchandises importées, que le transporteur a acquittés et qu’il a facturés au négociant. Ce dernier a alors cité Mme Novello en paiement de ce montant. La juridiction saisie a posé à la Cour plusieurs questions sur la compatibilité des dispositions fiscales françaises avec le traité CE. Dans son arrêt du 11 mars 1980, la Cour a refusé de répondre à ces questions en indiquant plus particulièrement que le «caractère artificiel de cette construction» était manifeste (91).

82 Ensuite, la juridiction nationale a de nouveau déféré à la Cour une demande de décision préjudicielle. Dans l’arrêt qu’elle a alors rendu (92), la Cour a réaffirmé son refus de répondre aux questions préjudicielles et a en même temps développé les motifs de sa position.

Elle y est partie du fait qu’il appartenait en principe aux juridictions nationales de se prononcer sur la nécessité d’une décision préjudicielle et qu’elles disposaient à cet effet d’un «pouvoir d’appréciation» (93). A cet égard, la Cour a néanmoins tracé un certain nombre de limites:

«Il faut en effet souligner que l’article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l’administration de la justice dans les États membres. Elle ne serait donc pas compétente pour répondre à des questions d’interprétation qui lui seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d’amener la Cour à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne répondent pas à un besoin objectif inhérent à la solution d’un contentieux. Une déclaration d’incompétence dans une telle hypothèse ne porte en rien atteinte aux prérogatives du juge national mais permet d’éviter l’utilisation de la procédure de l’article 177 à des fins autres que celles qui lui sont propres»(94).

La Cour a ensuite ajouté que lorsqu’elle remplit les missions dont l’article 177 l’a investie, elle doit tenir compte «non seulement des intérêts des parties au litige, mais encore de ceux de la Communauté et de ceux des États membres». Elle ne le ferait pas si elle acceptait telles quelles les appréciations portées par les juridictions des États membres quant à la nécessité de poser une question préjudicielle «dans les cas exceptionnels où celles-ci pourraient avoir une incidence sur le fonctionnement régulier de la procédure prévue par l’article 177»(95).

L'«esprit de la collaboration» qui caractérise l’article 177 impose précisément «que le juge national, dans l’usage qu’il fait des possibilités ouvertes par l’article 177, ait égard à la fonction propre remplie en la matière par la Cour»(96).

83 Depuis, la Cour a rappelé dans plusieurs arrêts la position qu’elle a adoptée dans cette décision, selon laquelle l’article 177 ne lui donne pas mission de statuer sur des questions générales ou hypothétiques (97). Il convient néanmoins de relever que cet aspect ne constitue qu’une partie des motifs que la Cour a exposés dans l’affaire Foglia. A notre avis, le motif qui a inspiré la Cour dans ces arrêts est que l’on ne doit pas abuser de la procédure de l’article 177. Dans le cas d’espèce, l’abus a dû consister dans le fait que les parties ont tenté de concert, selon toute vraisemblance, de mettre en cause la compatibilité de dispositions françaises avec le droit communautaire par le biais d’un litige qu’elles avaient construit dans une procédure menée en Italie.

84 Le fait que cette jurisprudence s’inspire en réalité de la notion d’abus de droit ressort particulièrement clairement de deux arrêts de 1990 que nous avons déjà cités, dans lesquels la Cour énonce en même temps la justification des affaires relevant de la deuxième catégorie. Dans l’arrêt Gmurzynska-Bscher, la Cour tempère l’idée de base selon laquelle c’est aux juridictions nationales qu’il appartient de juger de la nécessité d’une décision préjudicielle, en s’exprimant comme suit:

«Il n’en irait différemment que dans les hypothèses où soit il apparaîtrait que la procédure de l’article 177 du traité a été détournée de son objet et tend, en réalité, à amener la Cour à statuer par le biais d’un litige construit, soit il serait manifeste que la disposition de droit communautaire soumise à l’interprétation de la Cour ne peut trouver à s’appliquer»(98).

On retrouve une formulation identique dans l’arrêt Dzodzi (99).

85 Il n’y a pas lieu de préciser davantage que cette jurisprudence n’appelle pas de réserve en principe. Si l’on abuse de la procédure de l’article 177, la Cour peut refuser de répondre aux questions qui lui sont déférées. Il convient néanmoins d’examiner à chaque fois très soigneusement si l’on a bien affaire à un abus de cette nature.

3. Examen de la recevabilité des questions préjudicielles de la cour d’appel de Liège

86 Si l’on considère les questions posées par la cour d’appel de Liège à la lumière des considérations que nous avons émises ci-dessus, on ne saurait raisonnablement douter que les affaires relevant de la première catégorie n’intéressent pas le présent cas d’espèce puisqu’on ne peut pas reprocher à la juridiction nationale de ne pas avoir fourni à la Cour les informations sur le cadre juridique et factuel dans lequel s’insèrent les questions qu’elle pose.

87 L’arrêt de renvoi comporte près de 80 pages denses. Celles-ci ne retracent pas seulement de manière exhaustive les circonstances de fait de la procédure mais exposent également les considérations juridiques qui ont amené la juridiction nationale à recevoir les demandes et à adresser des questions préjudicielles à la Cour. Peu de décisions de renvoi de juridictions nationales sont élaborées de manière aussi approfondie et exhaustive.

88 Il est néanmoins exact que cet arrêt de renvoi aborde essentiellement des questions qui touchent au régime des transferts. En revanche, la problématique des clauses de nationalité est traitée de manière relativement sommaire. Cette concision n’empêche pas de saisir clairement les éléments essentiels du raisonnement de la juridiction de renvoi. On peut les résumer comme suit: le volet correspondant de la demande de M. Bosman tend à entendre dire que ces clauses sont nulles ou qu’elles lui sont inapplicables. M. Bosman a formé cette demande en affirmant que ces clauses menacent gravement le déroulement ultérieur de sa carrière. Selon la cour d’appel de Liège, la recevabilité de cette demande s’apprécie au regard de la situation qui prévalait au moment où elle a été introduite. D’après la juridiction de renvoi, la demande de M. Bosman remplissait à cette époque les conditions de recevabilité posées par l’article 18 du code judiciaire belge, car on ne saurait exclure qu’au terme de son contrat avec le club de la Réunion il aurait trouvé un nouveau club dans la Communauté, en dehors de la Belgique. C’est pour cette raison que la juridiction nationale a dès lors reçu la demande dans cette mesure.

D’après la juridiction nationale, il était donc possible que M. Bosman cherche un club étranger dans la Communauté. Les clauses de nationalité se seraient révélées être un obstacle dans ces recherches. Dans cette perspective, M. Bosman avait dès lors un intérêt à entendre dire préalablement que ces clauses ne pouvaient pas lui être appliquées. A cet effet, il fallait demander une décision préjudicielle à la Cour, car la compatibilité des clauses de nationalité avec le droit communautaire n’avait pas encore été complètement clarifiée.

89 Ces motifs sont formulés avec concision mais ils permettent néanmoins à eux seuls de retracer le cheminement du raisonnement de la juridiction nationale. C’est uniquement cela qui compte ici. La question de l’exactitude ou même du caractère plausible de l’approche du juge national n’a aucune incidence dans ce contexte. Il faut simplement que la Cour soit mise en mesure de rendre une décision préjudicielle utile en connaissant les circonstances de la procédure au fond. A notre avis, l’arrêt de renvoi le lui permet.

90 Il est plus difficile d’apprécier si la question de la recevabilité de la demande de décision préjudicielle appelle éventuellement des réserves au regard des affaires relevant de la deuxième catégorie. Il s’agit en d’autres mots de savoir si les questions préjudicielles n’ont manifestement pas de rapport avec «la réalité ou l’objet du litige principal». A vrai dire, seule la seconde question présente cette difficulté. Les tentatives de l’UEFA et de l’URBSFA de mettre en cause la recevabilité de la première question préjudicielle ne sont pas convaincantes. La question de savoir si le transfert de M. Bosman à l’US Dunkerque serait intervenu si les dispositions applicables de l’UEFA avaient reçu une application conforme n’a pas d’incidence déterminante dans le présent cas d’espèce. Cette question se posera à la rigueur lorsqu’on déterminera celui qui doit être déclaré directement responsable de l’échec de ce transfert. Toutefois, M. Bosman a soulevé la question plus fondamentale de la légalité de cette réglementation relative aux transferts en tant que telle. Pour répondre à cette question, il ne fait aucun doute qu’une décision préjudicielle de la Cour est nécessaire. S’il devait apparaître que ces règles de transfert sont illégales, cela aurait une incidence sur la décision de la juridiction nationale. Il y a donc certainement un rapport entre l’interprétation du droit communautaire demandée dans la première question et le litige principal.

91 La seconde question elle aussi est en rapport avec l'«objet» du litige principal. Celui-ci est déterminé par les actions du demandeur. Dans la procédure devant les juridictions nationales il a demandé de dire que les clauses de nationalité ne lui sont pas applicables. Il l’a demandé en affirmant que ces clauses de nationalité heurtent le droit communautaire. Compte tenu de ces circonstances, nous n’apercevons dès lors pas en quoi l’on pourrait douter qu’il existe un rapport entre l’interprétation du droit communautaire sollicitée et le litige principal.

92 A notre avis, la lecture des décisions rendues à ce jour, dans lesquelles la Cour a refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées dans des affaires de cette nature, conforte cette analyse. Nous avons déjà exposé les faits qui étaient à l’origine de l’ordonnance intervenue dans l’affaire Falciola (100). On y apercevait immédiatement que les questions préjudicielles n’avaient rien à voir avec la procédure au fond. Comme nous l’avons déjà indiqué, tel n’est pas le cas en l’espèce. Dans l’affaire Lourenço Dias (101), la procédure engagée devant la juridiction portugaise de renvoi portait sur un véhicule neuf fabriqué en 1989 et importé de France. La Cour a refusé de répondre à six des huit questions posées au motif qu’elles n’avaient «manifestement aucun rapport avec la réalité du litige au principal» (102). Deux exemples suffiront à le clarifier. La première question se rapportait à l’importation de véhicules d’occasion et la septième question concernait des véhicules automobiles fabriqués avant 1951 (103). En revanche, dans le présent cas d’espèce, on ne peut contester que les questions posées se rapportent aux faits qui sont soumis à l’appréciation de la juridiction de renvoi. Dans la deuxième ordonnance qu’elle a rendue dans l’affaire Monin, la Cour a déterminé que les questions préjudicielles ne pourraient intéresser qu’une éventuelle action en responsabilité contre l’administration française et une action devant le conseil de la concurrence français. Le juge de renvoi devait toutefois assurer seulement certains devoirs dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire. Il n’avait été saisi d’aucune des deux actions précitées ou il ne pouvait pas l’être. Le juge de renvoi n’avait dès lors pas à appliquer les dispositions de droit communautaire en question (104). En revanche, dans le présent cas d’espèce, la juridiction nationale a précisément déjà décidé qu’elle est compétente pour trancher le litige qui lui est soumis. A cet égard, l’arrêt que la Cour a rendu dans l’affaire Corsica Ferries (105) paraît encore plus important. La Cour y a décidé que la Commission avait relevé à juste titre que la demande dont le juge de renvoi était saisi avait trait uniquement à des éléments de fait bien déterminés. C’est pour cette raison que la Cour a rejeté les questions préjudicielles qui se rapportaient à d’autres éléments de fait (106). Ainsi que nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, M. Bosman demande toutefois précisément aux juridictions nationales de dire que les clauses de nationalité ne lui sont pas applicables. L’ordonnance intervenue dans l’affaire La Pyramide est formulée de façon succincte mais les motifs semblent correspondre à ceux que la Cour a invoqués dans l’affaire Corsica Ferries (107).

93 A notre avis, le rapport entre la seconde question préjudicielle et l’objet de la procédure au fond ne fait par conséquent pas défaut. Même si l’on ne voulait pas partager cet avis, il faudrait prendre en compte le fait qu’une question préjudicielle ne peut être rejetée que si un rapport de cette nature fait manifestement défaut. Il ne saurait en être question pour les raisons évoquées ci-dessus.

94 Dans les motifs des décisions à ranger dans cette catégorie, la Cour ne considère à vrai dire pas seulement l’absence de rapport entre l’interprétation du droit communautaire sollicitée et l’objet du litige au fond mais indique également qu’il faut aussi qu’un rapport de cette nature existe à l’égard de la réalité de la procédure au fond (108). Cette considération, qui n’a pas eu d’incidence dans les arrêts de cette catégorie que nous avons commentés ci-dessus, se raccroche manifestement aux motifs que la Cour a énoncés dans les arrêts de la troisième catégorie. S’interroger sur la «réalité» d’un litige ne peut que vouloir dire qu’il faut vérifier si dans le fond on n’a pas affaire à un litige fictif ou construit. Nous nous y attacherons lorsque nous exposerons l’intérêt des arrêts de la troisième catégorie dans la présente procédure.

95 Il convient toutefois d’aborder au préalable les moyens tirés de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 1995, qui nous paraissent être plus adéquatement examinés à ce stade. La position que le gouvernement français soutient en exposant que cet arrêt a peut-être rendu la seconde question préjudicielle sans objet ne résiste pas à l’examen. Cette question préjudicielle n’ayant pas directement fait l’objet du pourvoi, elle n’a pas été examinée par la Cour de cassation. Dans les motifs de cette décision, la juridiction expose que, dans l’arrêt du 1er octobre 1993 de la cour d’appel de Liège, celle-ci n’a pas dit recevable la demande de M. Bosman tendant à entendre dire que le règlement de l’URBSFA relatif à la nationalité ne lui est pas applicable. On peut y voir un correctif apporté à l’arrêt de la juridiction de renvoi en ce que – ainsi que nous l’avons indiqué – celle-ci avait considéré que les demandes étaient globalement recevables. A notre avis, l’arrêt se limite toutefois sur ce point à rectifier une éventuelle inadvertance de la cour d’appel de Liège. La clause de nationalité de la fédération belge ne peut effectivement pas porter atteinte de quelque manière que ce soit à M. Bosman, ressortissant belge. Cela n’a toutefois aucune conséquence sur l’appréciation de la seconde question préjudicielle qui se rapporte aux clauses de nationalité, puisque M. Bosman a formé à l’égard de l’UEFA une demande analogue tendant à entendre dire qu’elles ne lui sont pas applicables et que cette demande vise les règles de l’UEFA ou les règles des fédérations nationales qui s’en inspirent.

96 Tournons-nous à présent vers les affaires relevant de la troisième catégorie, qui ont une importance décisive pour apprécier la recevabilité des questions préjudicielles. Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, un certain nombre de parties estiment que par la seconde question on tenterait d’amener la Cour à statuer sur des questions générales ou hypothétiques. L’UEFA et l’URBSFA exposent à cette occasion qu’il s’agirait d’un litige construit ou fictif.

97 Il n’échappera à personne que l’une et l’autre position ne sont pas dépourvues de tout fondement. Cela ne vaut certes que pour la seconde question. Pour ce qui est de la question de la compatibilité du régime des transferts avec le droit communautaire, il ne peut faire aucun doute que la demande de M. Bosman est aussi légitime que compréhensible. M. Bosman a subi un dommage du fait de l’application – régulière ou irrégulière – des règles de transfert, dont il veut obtenir réparation devant les juridictions nationales. Il a parfaitement le droit de remettre en cause à cette occasion la légalité du régime des transferts.

Les raisons pour lesquelles il porte le débat sur le terrain des clauses de nationalité sont en revanche moins claires. Il n’est pas évident que la carrière de joueur professionnel de M. Bosman ait été entravée à ce jour par l’application de ces clauses dans un cas précis. On relève à juste titre à cet égard qu’il a déjà joué dans des clubs à l’étranger. L’origine des difficultés qu’il a rencontrées après les événements de l’été 1990 pour trouver un nouveau club devrait moins être recherchée – indépendamment d’autres circonstances – dans sa nationalité que dans le boycott dont il semble avoir fait l’objet. On pourrait dès lors parfaitement soutenir que le risque que ces clauses de nationalité entravent M. Bosman à l’avenir est bien incertain et qu’il est de nature purement hypothétique.

De surcroît, il est remarquable que la question des inconvénients éventuels qui résulteraient de l’application de ces clauses de nationalité n’ait pas été évoquée dans l’action initiale ni dans la procédure de référé. Il semble que ce n’est que dans la demande que M. Bosman a formée en août 1991 qu’elle est devenue significative. Les motifs par lesquels la juridiction de renvoi cherche à justifier son analyse selon laquelle cette question se trouvait dès le départ en germe dans les demandes de M. Bosman ne me paraissent pas être à l’abri de toute critique.

98 Ces raisons pourraient bien sûr amener la Cour à rejeter la seconde question préjudicielle pour irrecevabilité sur la base de sa jurisprudence. Nous souhaitons néanmoins fortement conseiller à la Cour de ne pas faire ce pas. Nous estimons qu’il ne suffit pas de considérer que ce sont des faits – éventuellement – hypothétiques qui sous-tendent la question préjudicielle. Il convient de prendre plutôt en compte la finalité de la faculté de rejeter des questions préjudicielles. Cet examen conduit, à notre sens, à la conclusion qu’il est possible mais pas nécessaire ni adéquat de rejeter la question préjudicielle. Les raisons en sont les suivantes.

99 Il convient au préalable d’examiner succinctement la question du caractère hypothétique de la question préjudicielle. La procédure pendante devant les juridictions belges porte sur une demande visant à prévenir la survenance d’un dommage ultérieur. Il ne faut pas de longs développements pour justifier que la circonstance qu’il s’agit d’un dommage que l’on attend dans l’avenir est sans importance dans ce contexte. La question n’est pas encore de nature hypothétique lorsque les circonstances de fait qui la sous-tendent ne se sont pas encore produites. L’action ad futurum est un moyen important d’assurer une protection juridictionnelle effective. Un tribunal saisi d’une action de cette nature doit dès lors avoir lui aussi la faculté d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit communautaire applicable.

D’autre part, il est évident que cette faculté ne saurait être illimitée. Ainsi que la Cour l’a exactement rappelé elle-même, l’article 177 du traité lui donnant mission de «contribuer à l’administration de la justice dans les États membres» (109), elle n’est appelée à se prononcer que dans les cas où son intervention est effectivement nécessaire. Tel n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de questions purement hypothétiques dont la réponse ne contribue pas à l’administration de la justice dans les États membres. Cela doit également valoir pour des demandes de la nature de celles qui nous occupent en l’espèce.

100 Ainsi qu’on le sait, le droit national soumet lui aussi la recevabilité de telles demandes à des restrictions tirées de motifs analogues. Les juridictions nationales ne devront se prononcer que lorsque cela est réellement nécessaire. D’après les indications de la juridiction de renvoi, l’article 18 du code judiciaire belge, que nous avons déjà cité, soumet la recevabilité d’une demande de cette nature à plusieurs conditions. Ainsi, la demande ne sera notamment reçue que si le droit en question est gravement et sérieusement menacé et non pas s’il l’est de manière simplement hypothétique. Comme, en l’espèce, la cour d’appel de Liège a reçu la demande, elle a à l’évidence estimé que le litige n’est absolument pas de nature simplement hypothétique.

101 Cette analyse de la juridiction de renvoi ne lie pas la Cour. La cour d’appel de Liège devait décider de la recevabilité de la demande dont elle était saisie. Il appartient en revanche à la Cour de décider dans le cadre de l’article 177 du traité CE si la question préjudicielle l’amènerait à rendre un avis sur une question purement hypothétique. Il est néanmoins évident que la Cour doit prendre en compte l’analyse de la juridiction de renvoi. Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que le juge national est le mieux placé pour apprécier si une décision préjudicielle de la Cour est nécessaire. Ce n’est que dans des cas exceptionnels et motivés que la Cour s’écartera de cette appréciation. Cette seule circonstance incite à ne pas considérer que la question préjudicielle est irrecevable en l’espèce.

102 A cela s’ajoute que la juridiction de renvoi connaissait la jurisprudence de la Cour sur la question de l’irrecevabilité éventuelle de questions préjudicielles et qu’elle en a fait une courte synthèse dans la décision de renvoi. Si la cour d’appel de Liège a tout de même posé la seconde question, cela signifie qu’elle a estimé, nonobstant cette jurisprudence, avoir besoin d’une réponse de la Cour à cette question pour pouvoir trancher le litige dont elle est saisie. Il appartiendra à la Cour de le prendre également en compte dans ce contexte.

103 Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, la question du caractère éventuellement hypothétique de la question préjudicielle ne nous paraît pas être déterminante. Il faut bien plus se demander si nous n’avons pas affaire en l’espèce à un abus de la procédure instaurée par l’article 177, qui autoriserait la Cour à rejeter la question préjudicielle. Il convient par conséquent à cet égard de se demander si, en l’espèce, la procédure de l’article 177 n’a pas été utilisée «à des fins autres que celles qui lui sont propres», pour reprendre la formulation de l’arrêt Foglia (110).

104 Dans cet arrêt, la Cour a indiqué que l’article 177 lui donne mission de «contribuer à l’administration de la justice dans les États membres» (111). Cette contribution consiste à fournir aux juridictions nationales une réponse qui les lie sur l’interprétation du droit communautaire, laquelle leur est nécessaire pour pouvoir trancher le litige dont elles sont saisies. Cette mission découle de sa mission générale d’assurer le respect du droit dans l’interprétation et l’application du traité CE, ainsi que l’article 164 du traité CE l’énonce. A notre avis, il en résulte que la Cour n’est appelée à se prononcer au titre de l’article 177 du traité CE que dans la mesure nécessaire à l’accomplissement conforme de cette mission. Il y aurait donc abus de la procédure instaurée par l’article 177 au cas où la Cour serait saisie de questions dont la réponse ne contribuerait pas à l’administration de la justice dans les États membres.

105 Pour trancher la question de savoir si, en l’espèce, on peut parler d’un abus de cette nature, il convient tout d’abord d’examiner les deux arrêts les plus importants que la Cour a prononcés à ce sujet, à savoir les arrêts Foglia et Meilicke. Dans l’arrêt Meilicke (112), le litige au fond se déroulait devant une juridiction allemande qui était saisie de la demande qu’un actionnaire avait dirigée contre le directoire de la société pour obtenir certaines informations. Ces informations concernaient directement une augmentation de capital à laquelle la société avait procédé et l’utilisation des fonds ainsi récoltés. Elle cherchait toutefois en substance à savoir si la théorie de l’apport en nature occulte, développée par la deuxième chambre du Bundesgerichtshof, se conciliait avec les dispositions applicables de droit communautaire. Les questions préjudicielles portaient sur l’interprétation de ces dispositions de droit communautaire. La juridiction de renvoi a exposé devoir rejeter la demande dont elle était saisie au cas où la jurisprudence précitée du Bundesgerichtshof ne devait pas se concilier avec le droit communautaire.

La Cour a indiqué que, d’après les indications fournies par la juridiction de renvoi, il n’était pas établi que cette jurisprudence du Bundesgerichtshof était bien applicable au cas d’espèce et elle en a conclu que les questions préjudicielles étaient de nature hypothétique. Elle a ajouté que la juridiction nationale ne lui avait pas fourni toutes les informations dont elle avait besoin pour répondre aux questions posées. Ces motifs ont conduit la Cour à rejeter les questions préjudicielles pour irrecevabilité (113).

Ces motifs laissent un certain nombre de questions ouvertes. On les comprend mieux lorsqu’on les lit à la lumière de l’exposé clair de l’avocat général M. Tesauro. L’avocat général a fait observer que dans la procédure devant la juridiction nationale (et déjà avant), M. Meilicke avait soutenu que la jurisprudence en question du Bundesgerichtshof était contraire au droit communautaire. Il s’ensuit que M. Meilicke défendait un point de vue qui devait conduire à rejeter sa demande. L’avocat général M. Tesauro a dès lors constaté de manière aussi exacte que concise: «La procédure devant la juridiction nationale a été manifestement « construite » par M. Meilicke lui-même» (114).

106 Le présent cas d’espèce n’est pas comparable. La question préjudicielle concerne directement la demande de M. Bosman. En outre, M. Bosman soutient que les clauses de nationalité heurtent le droit communautaire. Il faut donc que notamment cette analyse soit exacte pour que l’action qu’il a introduite devant les juridictions belges aboutisse.

107 Nous avons déjà exposé les faits qui sont à l’origine de l’arrêt Foglia. Trois éléments s’en dégagent. Tout d’abord, il tombe sous le sens que dans cette affaire-là toutes les parties s’étaient à l’évidence arrangées pour obtenir une décision préjudicielle de la Cour. En deuxième lieu, la Cour a manifestement attaché une certaine importance au fait que dans cette procédure les dispositions d’un État membre étaient remises en cause dans un autre État membre par le biais d’une procédure construite. Elle ne le dit pas dans l’arrêt, mais, à notre avis, la référence qu’elle fait aux intérêts des États membres dont elle doit tenir compte (115) est suffisamment claire. En troisième lieu, il saute aux yeux que le rejet des questions préjudicielles est resté sans suite alors que toute juridiction confrontée à un litige effectif concernant ces dispositions françaises a toujours eu la faculté de demander à la Cour une décision préjudicielle sur ces questions. Ainsi, l’entreprise chargée du transport du lot de vin ou une des autres parties concernées aurait pu saisir les juridictions françaises compétentes pour contester les droits prélevés par les autorités françaises. Ces juridictions auraient alors pu demander à la Cour une décision préjudicielle.

108 Dans le présent cas d’espèce, il est tout d’abord évident que dans le litige dont les juridictions belges sont saisies la question du caractère «fictif» ou «construit» ne peut se poser à la rigueur qu’à l’égard de l’action du demandeur. Les associations défenderesses n’acceptent précisément pas la façon dont M. Bosman procède et soulèvent l’irrecevabilité de la demande préjudicielle. Enfin, et ce n’est pas rien, la procédure orale qui s’est déroulée devant la Cour a clairement montré que la présente affaire est bien réelle et qu’il ne s’agit pas d’un différend (juridique) «fictif» ni «construit».

109 En ce qui concerne la question de savoir si le litige au principal a été éventuellement porté devant une juridiction d’un État membre d’une manière qui pourrait nuire aux droits d’autres États membres ou d’autres parties ressortissants d’autres États membres, celle-ci peut tout au plus concerner l’UEFA qui n’a pas son siège en Belgique mais en Suisse. C’est par ces mêmes motifs que l’UEFA a également contesté la compétence des juridictions belges dans la procédure au principal. Il ne fait toutefois aucun doute que les réglementations de l’UEFA s’appliquent notamment dans l’ensemble des États membres de la Communauté. Il s’ensuit que les juridictions de chacun de ces États membres sont à même de soulever la question de la compatibilité de ces règles avec le droit communautaire. Enfin, il convient d’indiquer que cette question ne pouvait absolument pas être examinée par les juridictions suisses ou déférées par celles-ci à la Cour au titre de l’article 177 du traité CE.

110 Nous arrivons donc à la conclusion que, aux termes de l’article 177 et également de la jurisprudence que la Cour lui a récemment consacrée, les questions posées sont recevables.

111 Même celui qui veut contester cette conclusion en se référant à la jurisprudence récente sera bien obligé d’admettre que la Cour a tout au plus le droit, mais en aucun cas l’obligation, de rejeter pour irrecevabilité une question ici posée ou les questions ici posées. On en arrive ainsi à la question de savoir si la Cour devrait faire usage de cette faculté.

112 La raison qui nous incite à répondre négativement à cette question est que nous n’apercevons pas comment la question de la compatibilité des clauses de nationalité avec l’article 48 du traité CE (il peut en aller autrement des articles 85 et 86) pourrait être soumise à la Cour d’une autre manière. Bien que la Commission critique ces clauses depuis longtemps, elle n’a pas introduit de recours en constatation de manquement au titre de l’article 169 car, d’après elle, les chances de succès apparaissaient incertaines pour des raisons de forme (116). Depuis l’affaire Donà, qui remonte à 1976 (et que nous devrons encore aborder), la Cour n’a plus été saisie d’une demande d’une juridiction nationale concernant ces clauses. Cela ne nous paraît pas être le fruit du hasard. Les parties concernées ne veulent pas ou ne sont pas en mesure d’amener les tribunaux à trancher la question.

113 L’expérience des dernières années le confirme. Dans deux cas au moins les clauses de nationalité ont déjà joué un rôle déterminant sans que les parties intéressées aient entrepris d’initiatives judiciaires pour les contester (117). Dans un cas qui s’est produit aux Pays-Bas, le match a été rejoué (118). Le second cas s’est présenté récemment en Allemagne. Au printemps 1995, le 1. FC Nürnberg, menacé de relégation, a reçu le SV Meppen pour un match de deuxième division allemande. Quelques minutes avant la fin, alors que le score était de deux buts à zéro, le club de Nürnberg a fait monter par mégarde un quatrième joueur étranger qui possédait la nationalité autrichienne. Alors que ce match s’était terminé par deux buts à zéro pour Nürnberg, la fédération allemande de football l’a homologué deux points à zéro et deux buts à zéro en faveur du SV Meppen, en raison de cette entorse au règlement. Le club de Nürnberg a accepté qu’on lui retire ces points. Cela corrobore l’idée bien connue qu’en règle générale les sportifs se soumettent volontairement aux règles en vigueur et ne sont pas enclins à porter leurs différends devant les juridictions nationales (119).

114 Indépendamment de cela, on imagine difficilement comment un litige de cette nature pourrait aboutir devant la Cour par une autre voie que celle qui a été empruntée en l’espèce. Si par exemple le 1. FC Nürnberg s’était tourné vers les juridictions nationales dans le cas précité et que celles-ci avaient adressé une question préjudicielle à la Cour, la réponse aurait pris – ainsi que le prouve la présente affaire – un certain temps. Cela aurait pu signifier que la question de la sortie de la deuxième division (et de toutes les conséquences qui en découlent pour les autres équipes) n’aurait trouvé sa solution qu’après deux années ou même plus. Il est évident que cela aurait été inacceptable.

115 On pourrait éventuellement imaginer qu’un joueur saisisse les juridictions nationales au cas où le club pour lequel il aurait souhaité jouer refusait de l’engager dans les liens d’un contrat de travail en excipant de sa nationalité étrangère qui interdit de l’aligner en raison de la clause de nationalité. Tout porte néanmoins à croire qu’il s’agit d’un cas hypothétique qui ne devrait pratiquement pas se présenter. De surcroît, on n’imagine guère qu’un joueur puisse se lancer dans un litige de ce genre et le mener à terme. L’exemple de M. Bosman atteste parfaitement les difficultés qu’un tel joueur doit se préparer à rencontrer.

116 Si, en revanche, les juridictions nationales sont effectivement saisies, les enseignements que l’on peut tirer dans d’autres disciplines sportives montrent que la Cour n’est pas nécessairement consultée (120). Les juridictions liégeoises qui ont été saisies de la procédure au principal constituent dès lors l’exception à la règle.

117 On peut conclure des motifs qui précèdent qu’il est très improbable que la Cour soit à nouveau saisie d’une question préjudicielle qui soulève la question de la compatibilité des clauses de nationalité avec le droit communautaire. Il est tout aussi évident que les fédérations de football estiment que les clauses de nationalité sont compatibles avec le droit communautaire et qu’elles ne sont pas disposées à les abandonner. En répondant à la question préjudicielle, la Cour aurait l’occasion de faire toute la lumière sur la question et de lever les incertitudes que la jurisprudence antérieure a laissé subsister. Nous estimons qu’en procédant de la sorte, la Cour parviendrait pleinement à «contribuer à l’administration de la justice dans les États membres». En toute hypothèse, on peut difficilement faire grief à la cour d’appel de Liège d’avoir abusé dans les présentes circonstances de la procédure de l’article 177 du traité CE. Si, en revanche, la Cour refuse de répondre à la question, la réglementation de cette matière continuera à être l’apanage des associations sportives. Cela, nous estimons qu’on peut difficilement l’accepter.

Nous ne pouvons pas apercevoir l’intérêt légitime que les associations concernées pourraient avoir à ce que la Cour ne réponde pas à la question. En voyant l’énergie que ces parties ont déployée pour soutenir que la seconde question est irrecevable, un observateur impartial pourrait vite se convaincre qu’elles ne souhaitent tout simplement pas que les clauses de nationalité soient examinées sous l’angle du droit communautaire. Il va sans dire que – si tel devait être le cas – il n’y aurait pas lieu de prendre en compte une tel souhait.

118 Ainsi que nous l’avons déjà exposé, la Cour a la faculté de rejeter une question préjudicielle à certaines conditions. Cela ne veut pas dire qu’elle doit en user dans tous les cas. En l’espèce, les arguments plus pertinents militent à notre avis en faveur d’une réponse à la question préjudicielle. D’ailleurs, nous pouvons rappeler par exemple que l’avocat général M. Tesauro a estimé lui aussi dans l’affaire Meilicke que, en dépit des circonstances décrites, il appartenait à la Cour de répondre aux questions préjudicielles (121).

119 Enfin, l’arrêt Donà incline lui aussi à répondre à la question préjudicielle. A cet égard, il est nécessaire de se remémorer les faits qui étaient à l’origine de cet arrêt. A cette époque (en 1976), il était en principe formellement interdit d’aligner des joueurs étrangers dans des équipes professionnelles italiennes. Le président d’un club de football avait néanmoins chargé M. Donà de sonder les milieux étrangers du football pour savoir si l’on pouvait trouver des joueurs disposés à jouer pour ce club italien. M. Donà a alors fait paraître dans un journal sportif belge une annonce dans ce sens. Le commettant a toutefois refusé de désintéresser M. Donà des frais exposés à cet effet au motif que ce dernier avait agi de manière prématurée. Il invoquait les règles de la fédération italienne qui n’admettaient pas l’alignement de joueurs étrangers. M. Donà a alors cité en paiement devant le juge conciliateur de Rovigo. Celui-ci a interrogé la Cour sur la compatibilité de la clause de nationalité avec le droit communautaire (122).

Plusieurs commentateurs ont soupçonné que le litige au fond était une procédure construite qui avait pour seul but d’amener la Cour à se prononcer sur les clauses de nationalité (123). En fait, on ne peut pas d’emblée dissiper ce soupçon. Néanmoins, la Cour a – à juste titre – répondu aux questions qui lui étaient soumises. Elle est appelée à en faire de même dans le présent cas d’espèce et à ne pas refuser d’apporter à l’administration de la justice dans les États membres la contribution qui lui est à nouveau demandée.

III – La jurisprudence rendue à ce jour par la Cour de justice dans le domaine sportif

120 Dans les années 70, la Cour s’est prononcée dans deux arrêts fondamentaux sur l’applicabilité du droit communautaire dans le domaine sportif. Il s’agit de l’arrêt Walrave (124), d’une part, et de l’arrêt Donà, qui a déjà été cité plusieurs fois, d’autre part. Ces arrêts ont déjà été évoqués en détail dans la présente procédure. C’est pourquoi, il convient de présenter brièvement ces deux arrêts avant d’examiner les deux questions préjudicielles.

121 La première affaire concernait deux ressortissants néerlandais, MM. Walrave et Koch, qui participaient à des courses cyclistes de demi-fond dites «Stayers», en qualité d’entraîneurs professionnels. Dans ce sport, chaque cycliste court dans le sillage de la moto de son entraîneur. Les intéressés ont notamment participé aux championnats du monde. L'«union cycliste internationale» avait établi un règlement pour ces championnats aux termes duquel, à partir de 1973, l’entraîneur et le cycliste devaient posséder la même nationalité. MM. Walrave et Koch estimaient que cette règle enfreignait le droit communautaire. L’Arrondissementsrechtbank te Utrecht, qu’ils avaient saisi, a posé à la Cour plusieurs questions qui concernaient entre autres les articles 7, 48 et 59 du traité CEE.

122 La Cour a examiné en premier lieu si le droit communautaire peut s’appliquer au sport:

«Attendu que, compte tenu des objectifs de la Communauté, l’exercice des sports ne relève du droit communautaire que dans la mesure où il constitue une activité économique au sens de l’article 2 du traité;

Que, lorsqu’une telle activité a le caractère d’une prestation de travail salariée ou d’une prestation de service rémunérée, elle tombe, plus particulièrement, dans le champ d’application, suivant le cas, des articles 48 à 51 ou 59 à 66 du traité;

Que ces dispositions, qui mettent en oeuvre la règle générale de l’article 7 du traité, interdisent toute discrimination fondée sur la nationalité dans l’exercice des activités qu’elles visent;

Qu’à cet égard la nature exacte du lien juridique en vertu duquel ces prestations sont accomplies est indifférente, la règle de non-discrimination s’étendant, en des termes identiques, à l’ensemble des prestations de travail ou de service;

Que, cependant, cette interdiction ne concerne pas la composition d’équipes sportives, en particulier sous forme d’équipes nationales, la formation de ces équipes étant une question intéressant uniquement le sport et, en tant que telle, étrangère à l’activité économique;

Que cette restriction du champ d’application des dispositions en cause doit cependant rester limitée à son objet propre» (125).

La Cour a laissé à la juridiction nationale le soin de déterminer si, en l’espèce, il s’agissait d’une activité relevant du droit communautaire et si, dans le sport en cause, l’entraîneur et le coureur constituaient une équipe (126). Elle a ajouté que les réponses sont «données dans les limites, ci-dessus définies, du champ d’application du droit communautaire» (127).

123 La Cour a ensuite examiné si le droit communautaire peut aussi s’appliquer aux règlements des associations sportives privées. La Cour a répondu affirmativement à cette question:

«Attendu que la prohibition de ces discriminations s’impose non seulement à l’action des autorités publiques mais s’étend également aux réglementations d’une autre nature visant à régler, de façon collective, le travail salarié et les prestations de service;

Qu’en effet, l’abolition entre les États membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services, objectifs fondamentaux de la Communauté, énoncés à l’article 3, lettre c), du traité, serait compromise si l’abolition des barrières d’origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l’exercice de leur autonomie juridique par des associations ou organismes ne relevant pas du droit public…» (128).

La Cour a décidé que cette conclusion établie en premier lieu pour l’article 48 valait également pour l’article 59:

«Attendu que les activités visées à l’article 59 ne se distinguent pas de celles visées à l’article 48 par leur nature mais seulement par la circonstance qu’elles sont exercées en dehors des liens d’un contrat de travail;

Que cette seule différence ne saurait justifier une interprétation plus restrictive du champ d’application de la liberté qu’il s’agit d’assurer» (129).

124 L’arrêt Donà, dont les faits ont déjà été exposés (130), est encore plus significatif pour le cas d’espèce. Dans cet arrêt, la Cour a réaffirmé, en se référant à l’arrêt Walrave, que le droit communautaire est applicable aux règlements des associations sportives (131).

S’agissant de l’affaire même, la Cour a exposé:

«Attendu que, compte tenu des objectifs de la Communauté, l’exercice des sports relève du droit communautaire dans la mesure où il constitue une activité économique au sens de l’article 2 du traité;

Que tel est le cas de l’activité de joueurs professionnels ou semi-professionnels de football, ceux-ci exerçant une activité salariée ou effectuant des prestations de service rémunérées;

Que lorsque de tels joueurs ont la nationalité d’un État membre, ils bénéficient donc, dans tous les autres États membres, des dispositions communautaires en matière de libre circulation des personnes et des services;

Que ces dispositions ne s’opposent pas, cependant, à une réglementation ou pratique excluant les joueurs étrangers de la participation à certaines rencontres pour des motifs non économiques, tenant au caractère et au cadre spécifique de ces rencontres et intéressant donc uniquement le sport en tant que tel, comme il en est, par exemple, de rencontres entre équipes nationales de différents pays;

Que cette restriction du champ d’application des dispositions en cause doit cependant rester limitée à son objet propre;

Qu’il appartient à la juridiction nationale de qualifier, au regard de ce qui précède, l’activité soumise à son appréciation» (132).

125 Ces deux arrêts nous permettent de tirer les conclusions suivantes qui intéressent la présente affaire:

1) les règlements des associations sportives privées relèvent aussi du droit communautaire;

2) le domaine du sport relève du droit communautaire dans la mesure où il constitue un élément de la vie économique;

3) l’activité des joueurs de football professionnels étant une activité rémunérée, elle relève du droit communautaire;

4) cette activité relève soit de l’article 48 soit de l’article 59 sans que cela entraîne des différences;

5) la Cour admet certaines exceptions aux interdictions figurant dans ces dispositions. Alors que, dans l’arrêt Walrave, la Cour exclut toujours de l’interdiction la formation des équipes en compétition, dans l’arrêt Donà, elle limite l’exception à l’exclusion de joueurs étrangers de certaines rencontres. Dans les deux arrêts, la Cour lie les exceptions à des motifs non économiques intéressant exclusivement le sport.

IV – Interprétation de l’article 48

1. Applicabilité de l’article 48

126 Bien que, dans l’arrêt Donà, la Cour ait conclu que l’activité des joueurs de football professionnels ou semi-professionnels constituait un élément des activités économiques au sens de l’article 2 du traité CE, ce qui la faisait relever du droit communautaire, l’URBSFA et l’UEFA ont présenté différents arguments dont il résulte, selon elles, que ni l’article 48 ni les règles de la concurrence de la Communauté européenne ne seraient applicables en l’espèce. Aucun de ces arguments ne peut nous convaincre.

127 L’URBSFA a indiqué que seuls les grands clubs de football européens exerceraient une activité économique. Tel ne serait cependant pas le cas des clubs concernés en l’espèce, à savoir le RC Liège et l’US Dunkerque. S’il fallait cependant considérer que ces clubs exercent une activité économique, celle-ci serait d’une nature insignifiante. Cette argumentation doit être rejetée. Ainsi que la Cour l’a conclu à bon droit, le football professionnel est une activité économique. L’ampleur de cette activité est tout aussi peu importante que la question de savoir dans quelle mesure elle est source de profit.

128 L’UEFA fait valoir, en ce qui concerne les clauses de transfert, qu’il serait difficile de cantonner l’application de l’article 48 à ces règles et aux effets qui en découlent sur le football professionnel. Comme, d’après elle, ces règles ont notamment pour finalité de subventionner les clubs plus modestes, une décision de la Cour, limitée au domaine du football professionnel, aurait forcément des effets sur l’ensemble de l’organisation du football. Cet argument concerne les conséquences de la décision de la Cour, mais pas la question de l’applicabilité du droit communautaire et il ne peut par conséquent pas lui faire obstacle. La réponse aux questions préjudicielles devra cependant prendre en compte les conséquences possibles de la décision de la Cour.

129 L’URBSFA a tenté de démontrer, en invoquant notamment le statut d'«association sans but lucratif» de la plupart des clubs de football qui en sont membres, que les clauses de transfert ne se rapporteraient pas à la relation entre le club et son joueur ce qui exclurait l’applicabilité de l’article 48. Si nous comprenons bien cet argument, l’URBSFA indique que les clauses de transfert ne concerneraient que le rapport des clubs entre eux tandis que l’article 48 n’intéresserait que la relation de travail entre le club et le joueur. Il ne faut pas suivre cette argumentation. La distinction proposée par l’URBSFA est artificielle et elle ne correspond pas à la réalité. Comme nous devons encore le démontrer, les clauses de transfert sont d’une importance centrale et directe pour un joueur qui veut changer de club. Le cas d’espèce le montre précisément: s’il n’y avait pas eu de règles de transfert, rien ne se serait opposé au passage de M. Bosman à l’US Dunkerque. On ne peut donc pas sérieusement prétendre que ces clauses ne concerneraient que les relations juridiques entre les clubs. Cela ne signifie cependant pas encore que ces clauses enfreignent l’article 48. Nous devons l’examiner dans les lignes qui suivent. Il faudra aussi examiner à cet égard si ces clauses sont uniquement de nature sportive comme le prétend en particulier l’UEFA.

130 L’UEFA présente en outre quelques arguments de nature politique. Elle se demande notamment si l’article 48, qui ne souffrirait pas d’exception, serait apte à résoudre les problèmes que l’on rencontre dans le domaine sportif. Nous estimons cependant que cette question ne se pose pas. Comme le football professionnel est une activité économique, il est donc soumis au droit communautaire. On peut tenir compte des particularités de ce secteur lorsqu’on interprète les dispositions correspondantes. Il en va de même pour la référence faite par l’UEFA au principe de subsidiarité qui se trouve à présent inscrit à l’article 3 b du traité CE. Selon l’énoncé de l’article 3 b, le principe de subsidiarité ne vaut cependant pas dans le domaine qui relève de la compétence exclusive de la Communauté, comme dans le domaine des libertés fondamentales. Ce principe ne permet pas non plus de conclure que le droit communautaire ne pourrait pas s’appliquer au football professionnel.

131 L’UEFA expose enfin qu’il s’agirait ici d’une situation purement nationale à laquelle, on le sait, l’article 48 ne pourrait pas s’appliquer. Elle souligne à cet égard qu’il s’agirait d’un litige entre un joueur de football ayant la nationalité belge et l’association belge portant sur la délivrance du certificat de transfert qui lui aurait permis de quitter son club. Cet argument n’est pas convaincant. Certes, selon une jurisprudence constante, les dispositions du traité en matière de libre circulation ne peuvent «être appliquées aux activités dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre» (133). C’est cependant le passage avorté d’un club belge à un club français qui est à l’origine du litige. Cet échec a empêché M. Bosman de passer au club français et d’exercer ainsi son droit à la libre circulation. Il s’agit donc manifestement de faits qui vont au-delà des frontières d’un État membre. Pour les clauses de nationalité, cela se comprend en tout cas de soi.

132 Nous allons examiner ci-après si les règles de transfert, d’une part, et les clauses de nationalité, d’autre part, sont compatibles avec l’article 48. Il nous semble opportun de commencer par examiner les clauses de nationalité.

2. L’article 48 et les clauses de nationalité

a) Violation du principe de non-discrimination de l’article 48

133 Les deux premiers paragraphes de l’article 48 du traité CE sont rédigés comme suit:

«1) La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté au plus tard à l’expiration de la période de transition.

2) Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.»

Aux termes de l’article 48, paragraphe 3, la libre circulation des travailleurs comporte le droit «sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique» de répondre à des emplois effectivement offerts, de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres, de séjourner sur le territoire d’un autre État membre en vue d’exercer un emploi et, le cas échéant, d’y demeurer après y avoir exercé un emploi. L’article 48, paragraphe 4, qui contient une exception pour les emplois dans l’administration publique n’a aucune incidence en l’espèce.

134 Dans l’arrêt Donà, la Cour a laissé ouverte la question de savoir si l’activité des footballeurs professionnels relevait des règles applicables aux travailleurs, figurant à l’article 48, ou des dispositions sur les services (articles 59 et suivants). Les questions préjudicielles concernent uniquement l’article 48. En fait, il paraît exact de considérer les footballeurs professionnels engagés dans un club de football comme étant des travailleurs au sens de cette disposition. Les considérations qui suivent se limitent par conséquent à cette disposition. Les conclusions ne seraient cependant pas différentes si l’examen avait été fait sous l’angle des articles 59 et suivants.

135 Il n’est pas nécessaire de s’interroger longuement pour conclure que les clauses de nationalité ont un caractère discriminatoire. Il s’agit d’un cas tout à fait classique de discrimination en raison de la nationalité. Ces clauses limitent le nombre de joueurs ressortissants d’autres États membres qu’un club situé dans un État membre déterminé peut aligner dans un match. Ces joueurs sont ainsi défavorisés en ce qui concerne l’accès aux emplois par rapport aux joueurs qui possèdent la nationalité de cet État membre. A cet égard, la Commission se réfère à juste titre à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil, du 13 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (134) selon lequel les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres limitant «en nombre ou en pourcentage» l’emploi des étrangers ne sont pas applicables aux ressortissants des autres États membres. Les clauses de nationalité ne sont par conséquent pas compatibles avec le principe de non-discrimination figurant à l’article 48, paragraphe 2, dans la mesure où elles visent des ressortissants d’autres États membres (135).

136 L’UEFA soutient que ces clauses n’enfreindraient toutefois pas l’article 48 au motif qu’elles concerneraient uniquement le nombre de joueurs étrangers qu’un club pourrait aligner dans un match. Chaque club serait cependant libre de prendre sous contrat autant de joueurs étrangers qu’il le souhaiterait. M. Bosman et la Commission estiment à juste titre que cela ne change rien au fait que les clauses litigieuses portent atteinte au droit à la libre circulation. Tout club faisant des projets et agissant intelligemment tiendra compte des clauses de nationalité dans sa politique du personnel. Aucun de ces clubs ne recrutera par conséquent plus – ou notablement plus – de joueurs étrangers qu’il ne peut en aligner dans un match (136). Seuls quelques rares grands clubs seront en mesure de se permettre le luxe d’engager plus de joueurs étrangers qu’ils ne peuvent en aligner (137). On a aussi fait référence à juste titre à l’article 48, paragraphe 3, sous c), selon lequel les travailleurs ressortissants d’autres États membres peuvent séjourner dans un État membre afin d’y exercer un emploi «conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux» (138). La règle actuelle, qui limite seulement le nombre de joueurs étrangers qui peuvent être alignés, et non plus le nombre de joueurs qu’un club peut engager, représente certes sur ce point un progrès certain par rapport à la situation antérieure, mais il n’en demeure cependant pas moins que cette règle méconnaît, comme auparavant, l’article 48 (139). Cela vaut également pour les modifications introduites par l’UEFA en 1991 qui permettent désormais aux clubs d’aligner plus de joueurs étrangers qu’auparavant.

b) Exception ou justification possible

137 Il convient cependant d’examiner si l’on peut considérer que les clauses de nationalité sont néanmoins légitimes au regard de la jurisprudence de la Cour. Comme nous l’avons déjà indiqué, la Cour a dit pour droit dans l’arrêt Walrave que le principe de non-discrimination figurant à l’article 48 ne concerne pas la «composition d’équipes sportives, en particulier sous forme d’équipes nationales». En revanche, dans l’arrêt Donà, la Cour a dit pour droit que cette interdiction n’est pas méconnue si des joueurs étrangers sont exclus «de la participation à certaines rencontres pour des motifs non économiques, tenant au caractère et au cadre spécifique de ces rencontres et intéressant donc uniquement le sport en tant que tel, comme il en est, par exemple, de rencontres entre équipes nationales de différents pays» (140).

138 Il faut tout d’abord faire observer selon nous que, dans le présent contexte, la formulation choisie dans l’arrêt Donà doit être prise en considération. Non seulement le fait que cet arrêt a été rendu après l’arrêt Walrave mais aussi que, contrairement à celui-ci, il concernait le football dont il s’agit en l’espèce plaide en ce sens. La formulation de l’arrêt Donà représente en outre une limitation par rapport au point de vue choisi dans l’arrêt Walrave. C’est l’évidence ne serait-ce que parce que, dans l’arrêt Donà, il s’agissait précisément de la composition d’équipes. Si la composition des équipes avait effectivement été une «question intéressant uniquement le sport», comme la Cour semblait l’admettre dans l’arrêt Walrave, celle-ci aurait pu se contenter de renvoyer simplement, dans l’affaire Donà, à cet arrêt. Elle ne l’a pas fait, avec raison, car il ne semble pas lui avoir échappé que la question de la composition des équipes de compétition peut très bien être dominée par des motifs autres que sportifs.

139 On a cependant reproché avec raison à la Cour de ne pas avoir répondu clairement aux questions posées ni dans son arrêt Walrave ni dans son arrêt Donà (141). Ces arrêts ne permettent de dégager ni le fondement de cette «exception» ni son étendue. Selon la formulation des deux arrêts – où il est question d’une «restriction du champ d’application» du droit communautaire – il semble qu’il s’agisse d’une sorte d’exception limitée concernant le domaine (142). Ce qui est de toute façon très clair, c’est que, dans ces arrêts, la Cour a estimé que les règles qui imposent de n’aligner dans l’équipe nationale d’un pays que des joueurs de la nationalité de cet État sont conformes au droit communautaire. Les conclusions paraissent évidentes et convaincantes, mais il n’est pas simple de les justifier. Si l’on tient compte en particulier du fait que, actuellement, les matchs opposant les équipes nationales – pensons seulement à la coupe du monde de football – ont des enjeux financiers considérables, il serait très difficile de considérer qu’il ne s’agirait pas dans ce cas d’une activité – également – économique (143). Le régime d’exception admis par la Cour ne peut pas se fonder sur l’article 48, paragraphe 3 (144). Comme la question n’intéresse pas la décision à rendre ici en l’espèce, il n’est pas nécessaire que nous nous y attardions davantage ici (145).

140 Quelle que soit la manière dont on puisse justifier cette exception, nous estimons qu’elle n’est cependant pas applicable en l’espèce. Dans l’arrêt Donà, la Cour a explicitement limité l’exclusion d’étrangers à certaines rencontres qui se distinguent par leur caractère et leur cadre spécifique et elle a expressément relevé que cette limitation ne peut aller au-delà de ce que sa finalité exige. Si l’on voulait permettre d’exclure aussi des rencontres des divisions nationales des joueurs ressortissants d’autres États membres, le droit à la libre circulation se déprécierait ou, dans des cas extrêmes, serait complètement ruiné à leur égard (146). Cela ne peut pas être exact. Certes, dans les deux arrêts, la Cour n’a cité les équipes nationales qu’à titre d’exemple. On ne peut cependant pas en déduire que la Cour estimait que les clauses de nationalité seraient admissibles à l’égard des divisions nationales. Dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Donà, l’avocat général M. Trabucchi avait certes considéré que c’était possible (147). Nous estimons que ce n’est cependant ni compatible avec la définition très restrictive que la Cour a donnée de cette exception dans l’arrêt Donà ni avec l’effet utile de l’article 48. On a relevé à juste titre qu’en citant comme exemple des rencontres d’équipes nationales la Cour a pu avoir visé en outre des matchs opposant des équipes représentant une région, un arrondissement ou une entité de cet ordre (148).

141 Un ensemble d’autres considérations ont été avancées pour justifier les clauses de nationalité; nous devons à présent les examiner. Il faut faire essentiellement la distinction entre trois types d’arguments. L’accent est tout d’abord mis sur le fait que l’aspect national jouerait un rôle important dans le football. L’identification du spectateur à son équipe ne serait garantie que si celle-ci est composée au moins majoritairement de ressortissants de l’État membre en question. En outre, les équipes qui enregistrent des succès dans les divisions nationales représenteraient leur État dans les compétitions internationales. En second lieu, on indique que les règles seraient nécessaires pour s’assurer qu’il y ait suffisamment de joueurs susceptibles de jouer dans chaque équipe nationale. L’absence de clauses de nationalité porterait aussi atteinte à la formation des nouvelles recrues. Enfin, on prétend en troisième lieu que les clauses de nationalité auraient pour but d’assurer un certain équilibre entre les clubs parce que, à défaut, les grands clubs pourraient attirer à eux les meilleurs joueurs.

142 Les premiers arguments avancés se réfèrent selon toute apparence à l’observation faite par la Cour dans l’affaire Donà selon laquelle les rencontres dont les joueurs étrangers peuvent être exclus présentent un caractère et un cadre spécifiques. L’agent du gouvernement allemand a particulièrement insisté sur ce point dans ce contexte lors de la procédure orale devant la Cour. Il a soutenu que le «caractère national de la prestation» caractériserait le football professionnel en première division. Si l’on examine la réalité du football actuel, on voit que cela ne correspond pas aux faits. La très grande majorité des clubs de première division des États membres alignent des joueurs étrangers. Dans la première division allemande par exemple, nous ne connaissons aucun club qui renonce totalement aux joueurs étrangers. Si l’on considère les clubs européens qui ont connu le plus de succès au cours des dernières années, il est clair qu’ils comptent presque tous plusieurs étrangers dans leurs rangs. Dans de nombreux cas, ce sont précisément ces joueurs étrangers qui ont marqué leurs équipes de leur empreinte. Il suffit de penser à l’équipe de l’AC Milan au début des années 90 qui comptait parmi ses fers de lance les joueurs néerlandais Gullit, Rijkaard et Van Basten. Il peut certes exister certaines différences de pays à pays en ce qui concerne, par exemple, la manière de jouer ou la mentalité des joueurs. Cela n’a nullement empêché de faire évoluer des joueurs étrangers dans les divisions nationales.

Même si l'«aspect national» devait cependant avoir l’importance que certains lui attribuent, il ne pourrait pas justifier les clauses de nationalité. Le droit à la libre circulation et le principe de non-discrimination à l’égard des ressortissants d’autres États membres font partie des fondements de l’ordre juridique communautaire. Les clauses de nationalité enfreignent ces principes de manière tellement évidente et grave que l’on ne saurait admettre à leur égard des intérêts nationaux qui ne peuvent pas être fondés sur l’article 48, paragraphe 3.

143 En ce qui concerne l’identification des spectateurs à leur équipe, il n’est pas non plus nécessaire de rentrer dans les détails pour démontrer la faiblesse de cet argument. Ainsi que la Commission et M. Bosman l’ont exposé à juste titre, dans leur grande majorité, les supporters d’un club portent bien plus d’intérêt au succès de leur club qu’à la composition de l’équipe (149). La participation de joueurs étrangers n’empêche pas non plus les supporters d’une équipe de s’identifier à celle-ci. Il est au contraire loin d’être rare que ces joueurs s’attirent particulièrement l’admiration et la sympathie des amateurs de football. Parmi les joueurs les plus populaires que le TSV 1860 München ait jamais eu, on compte sans aucun doute Petar Radenkovic qui est originaire de l’ancienne Yougoslavie. Le joueur national anglais Kevin Keegan fut pendant des années le favori des supporters du SV Hambourg. La popularité d’Eric Cantona au Manchester United ainsi que celle de Jürgen Klinsmann dans son ancien club Tottenham Hotspur est bien connue.

L’inconséquence de ceux qui défendent cette thèse apparaît en outre si l’on examine une considération émise à ce sujet par l’URBSFA. D’après elle, comme les clubs portent souvent le nom d’un lieu, les spectateurs devraient voir des joueurs de la même nationalité dans l’équipe en question. Toutefois, si un club choisit un nom qui comporte le nom d’un lieu, on pourrait alors à la limite attendre ou exiger que les joueurs de ce club viennent de l’endroit en question. Chacun sait cependant que, parmi les joueurs du FC Bayern de Munich par exemple, seuls quelques-uns viennent de Bavière (ou même de Munich). Si sur ce point les ressortissants d’autres régions de l’État en question sont acceptés sans problème, nous ne voyons pas pourquoi il ne devrait pas en aller de même pour les ressortissants d’autres États membres.

Il faut enfin faire observer que c’est en grande partie l’entraîneur qui détermine le succès et la manière de jouer d’une équipe. La Cour a pourtant déjà conclu que les entraîneurs de football ont droit à la libre circulation aux termes de l’article 48 (150). Elle n’a absolument pas considéré qu’ils puissent être soumis à d’autres restrictions que celles qui sont explicitement admises par l’article 48. Dans la pratique, ce droit est largement exercé. L’exemple le plus connu est sans doute celui du FC Barcelone qui a depuis longtemps un entraîneur néerlandais. Le SV Hambourg a connu ses plus grands succès avec un entraîneur autrichien, et le FC Bayern de Munich a eu, au cours des dernières décennies, de nombreux entraîneurs étrangers. Même l’équipe nationale d’un pays n’est pas toujours entraînée par un ressortissant de ce pays. Ainsi, l’entraîneur de l’équipe nationale irlandaise est un Anglais. Cela souligne que l’on ne peut guère dire qu’il y ait une empreinte «nationale» du football au sens où les joueurs et l’entraîneur devraient avoir la nationalité du pays dans lequel le club en question est établi.

144 On a aussi soutenu que les clubs connaissant des succès dans les divisions nationales représenteraient leurs États membres respectifs dans les compétitions européennes et qu’ils devraient par conséquent au moins être constitués majoritairement de ressortissants de cet État. Le «champion d’Allemagne» par exemple ne pourrait dès lors être issu que d’une compétition opposant des équipes dans lesquelles il y a «encore un minimum de joueurs allemands qui évoluent» (151). Cet argument non plus ne peut pas convaincre. Premièrement, les tenants de cette thèse ne peuvent pas expliquer en quoi précisément la réglementation actuelle serait nécessaire pour le garantir. S’il fallait en effet qu’une équipe soit constituée en majorité de ressortissants de l’État en question, il suffirait d’admettre généralement jusqu’à cinq joueurs étrangers étant donné qu’il y a un nombre de onze joueurs par équipe. S’il fallait qu’il n’y ait qu’un «minimum» de joueurs qui ait la nationalité de l’État en question, il faudrait même admettre davantage de joueurs étrangers. Il faut en outre signaler que la notion de «champion d’Allemagne» peut recevoir une autre acception que celle que prônent les partisans de cette thèse. Rien ne s’oppose à ce que l’on entende par là le club qui est sorti premier des matchs joués en Allemagne (152).

L’argument ne peut cependant pas convaincre pour une autre raison. Les clauses de nationalité ne jouent par exemple pas en Allemagne pour les équipes d’amateurs. Certaines de ces équipes participent en Allemagne à la coupe organisée par la fédération allemande de football. Il est dès lors théoriquement pensable qu’une équipe d’amateurs composée de onze joueurs de football étrangers remporte la coupe de la fédération allemande de football et qu’elle ait ainsi le droit de participer à la coupe d’Europe des vainqueurs de coupe. L’exemple des amateurs de Hertha BSC Berlin, qui, en 1993, ont atteint la finale de la coupe d’Allemagne, montre qu’il ne s’agit pas d’une situation purement hypothétique. La faiblesse de l’argument avancé est encore plus évidente si l’on pense qu’une association comme l’association écossaise ne connaît pas de clause de nationalité et que les autres associations britanniques ont des règles particulières pour leurs rapports réciproques (153). Ce qui peut dès lors très bien se produire, c’est que les clubs de ces associations alignent un grand nombre de joueurs ressortissants d’autres États membres dans les divisions et les compétitions organisées par leurs associations, tout en étant cependant obligés de réduire le nombre de ces joueurs s’ils participent aux compétitions de l’UEFA. Nous ne pouvons pas comprendre comment, dans un tel cas, l’argument cité pourrait justifier que l’on refuse à des joueurs de football professionnels ressortissants de la Communauté européenne de participer aux compétitions de la coupe d’Europe.

145 Le deuxième type d’objections ne peut pas nous convaincre non plus. Rien ne prouve que la suppression des clauses de nationalité affecterait la formation des jeunes joueurs dans un État membre. Seuls quelques clubs en tête du classement mettent tant l’accent sur la promotion de la nouvelle génération, comme l’Ajax Amsterdam. La plupart des talents se frayent au contraire leur voie vers le haut en passant par des petits clubs à l’égard desquels ces clauses ne jouent pas (154). En outre, beaucoup d’éléments portent à croire que la participation des joueurs d’élite étrangers favorise le développement du football (155). Un contact précoce avec des vedettes étrangères «ne peut qu’être bénéfique pour un joueur de la nouvelle génération» (156).

Il est cependant exact que le nombre d’emplois disponibles pour les joueurs nationaux sera d’autant plus réduit que les clubs engagent et alignent des joueurs étrangers. Il s’agit cependant d’une conséquence nécessaire du droit à la libre circulation. En outre, peu d’indices montrent que la suppression des clauses de nationalité pourrait aboutir à ce que les joueurs ayant la nationalité de l’État concerné soient réduits à une petite minorité dans une division. La suppression des clauses de nationalité n’obligerait pas les clubs à engager (davantage) d’étrangers, mais elle leur donnerait la possibilité de le faire s’ils en attendent du succès.

146 L’argument selon lequel les clauses de nationalité seraient nécessaires pour garantir qu’il y ait suffisamment de joueurs formés pour l’équipe nationale ne convainc pas non plus. Même si l’on voulait estimer que cette considération est légitime à la lumière des arrêts rendus par la Cour dans les affaires Walrave et Donà, elle ne pourrait pas justifier les clauses de nationalité. Comme nous l’avons déjà indiqué, il est invraisemblable que l’afflux de joueurs étrangers soit tellement important que les joueurs nationaux ne pourraient plus avoir accès au football. Ce qui est aussi important à cet égard est que le succès ou l’échec de l’équipe nationale a des répercussions sur l’intérêt porté au jeu des clubs du pays en question. La victoire à la coupe du monde de football suscite en général un intérêt accru des spectateurs même pour les matchs des divisions nationales. Les clubs d’un pays ont donc intérêt à contribuer au succès de l’équipe nationale en formant et en présentant de bons joueurs. Le prestige que ces joueurs acquièrent dans l’équipe nationale bénéficie aussi au club en tant que tel. Il faut en outre se référer à l’exemple de l’Écosse où l’absence de clause de nationalité n’a manifestement pas entraîné un manque de joueurs pour l’équipe sélectionnée (157).

De plus, de nos jours, il y a très souvent dans les équipes nationales des États membres de la Communauté des joueurs qui exercent leur profession à l’étranger sans que cela suscite des inconvénients particuliers. Il suffit que les joueurs doivent être mis à disposition pour les matchs de l’équipe nationale comme le prévoient aussi les réglementations des associations en vigueur actuellement. L’équipe nationale danoise qui a remporté le championnat d’Europe en 1992 est le meilleur exemple. L’équipe nationale allemande, qui a été championne du monde en 1990, comptait de nombreux joueurs qui évoluaient dans une division étrangère. Nous ne voyons par conséquent pas pourquoi les clauses de nationalité seraient nécessaires pour assurer la vivacité de jeu de l’équipe nationale.

147 On prétend enfin en troisième lieu que les clauses de nationalité serviraient à sauvegarder l’équilibre entre les clubs. Selon l’URBSFA, dans le cas contraire, les grands clubs pourraient s’assurer les services des meilleurs joueurs venant de l’ensemble de la Communauté et augmenter ainsi davantage l’écart économique et sportif qui les sépare des autres clubs. La préoccupation qui s’exprime ici est légitime, comme nous l’expliquerons encore davantage ci-dessous. Nous estimons cependant comme M. Bosman qu’il y a d’autres moyens qui permettent d’atteindre ce but sans porter atteinte au droit à la libre circulation. En outre, ces clauses sont de toute façon très peu adéquates pour assurer un équilibre entre les clubs. Les clubs les plus riches sont toujours en mesure de se permettre les meilleures vedettes étrangères qui sont aussi, en général, les plus chères. Un tel club a en même temps la possibilité d’engager les meilleurs joueurs nationaux sans que la moindre clause comparable puisse y mettre un frein.

148 Nous signalons uniquement par souci d’exhaustivité que le fait que les clauses de nationalité actuellement en vigueur aient été éventuellement élaborées avec la Commission et qu’elles aient été peut-être même approuvées par celle-ci n’a aucune incidence juridique. La Commission n’est ni compétente ni en mesure de modifier par son action le champ d’application ou la portée des dispositions du traité CE. Il appartient à la seule Cour de donner une interprétation obligatoire de ces dispositions.

3. L’article 48 et les règles de transfert

a) Les règles applicables

149 Examinons maintenant si les règles de transfert sont compatibles avec l’article 48. Se pose tout d’abord la question préalable de savoir sur quel règlement il faut porter cette appréciation. Si l’ancien club d’un joueur et son nouveau club adhèrent à la même association, ce sont les règles de transfert de cette association qui sont applicables au transfert. C’est dès lors le règlement de l’URBSFA qui est applicable par exemple pour un transfert à l’intérieur de la Belgique. En revanche, on n’aperçoit pas tout à fait clairement les règles qui devaient être appliquées au plan de la Communauté lorsque le club actuel et le nouveau club étaient affiliés à des associations différentes. Depuis le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts, qui dispose, comme nous l’avons déjà mentionné, que le règlement FIFA s’applique aux transferts internationaux de clubs au sein de l’UEFA, la question semble résolue. Ce n’est que pour le calcul des indemnités de transfert qu’il faut en revenir au règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts au cas où les clubs en question ne peuvent s’accorder sur leur montant (158). L’échec du transfert de M. Bosman à l’US Dunkerque s’est cependant produit en 1990, à savoir avant que le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts ne soit entré en vigueur. La question des règles applicables à l’époque aux transferts internationaux reste controversée. L’UEFA prétend que c’est son règlement en vigueur à l’époque qui aurait été applicable. La juridiction de renvoi estime cependant qu’en fait ce sont les dispositions de la FIFA en vigueur à l’époque qui ont été appliquées.

150 A l’instar de la juridiction de renvoi, nous estimons cependant que cette question est dénuée d’intérêt en l’espèce. Certes, il est vrai que le règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts disposait que les relations économiques entre les clubs concernés ne devaient avoir aucune incidence sur les activités sportives des joueurs pour autant qu’il s’agissait de la question de la somme de transfert (159). Cela constitue certainement un progrès par rapport au règlement de la FIFA de 1986 en vigueur à l’époque selon lequel le certificat de transfert de l’ancien club, qui était requis pour que le joueur soit qualifié, confirmait que la question de la somme de transfert avait été réglée (160). Contrairement à ces règles de la FIFA, il était dès lors possible, selon les règles de l’UEFA, qu’un joueur puisse déjà monter sur le terrain avant que les clubs concernés ne se soient mis d’accord sur le montant de la somme de transfert. Ce progrès n’est cependant qu’apparent. Les règles de l’UEFA imposaient aussi de payer une somme de transfert. Au cas où les clubs ne pouvaient pas se mettre d’accord sur son montant, c’est l’UEFA qui la fixait comme c’est le cas selon la réglementation en vigueur aujourd’hui. Au cas où le nouveau club ne payait pas cette somme de transfert, il était menacé de lourdes sanctions. Il est dès lors évident qu’aucun club sensé et calculant prudemment ne pourrait être disposé à engager un joueur avant que le montant de la somme de transfert n’ait été précisé ou avant de s’être au moins assuré du montant maximal qu’il devrait éventuellement payer. Un club n’engagera le joueur que s’il est prêt et en mesure de payer ce montant (161). Le montant de la somme de transfert a dès lors encore une incidence déterminante sur la faculté du joueur de changer de club, même si l’on prend pour base les nouvelles règles de l’UEFA. La juridiction de renvoi a dès lors à bon droit refusé d’accepter de changer l’énoncé de ses questions préjudicielles comme le proposait l’UEFA (162).

b) L’article 48 en tant que principe de non-discrimination

151 Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du traité CE, la libre circulation des travailleurs implique «l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail». La Cour a appliqué ce principe de non-discrimination dans un grand nombre d’arrêts et elle a relevé que, par cette disposition, le principe général de non-discrimination en raison de la nationalité, posé par l’article 6 du traité CE (auparavant l’article 7 du traité CEE), a été mis en oeuvre dans le domaine particulier qu’elle régit (163). Ce principe de non-discrimination en raison de la nationalité doit être interprété largement. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’article 48 interdit «non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat» (164).

152 Il faut dès lors examiner si les règles de transfert que nous devons analyser ici entraînent une quelconque discrimination à l’égard des ressortissants d’autres États membres.

153 L’URBSFA le nie en avançant comme justification que les règles de transfert de son règlement seraient uniformément applicables à tous les joueurs sans distinction selon la nationalité. L’UEFA conteste aussi que ses règles de transfert aboutissent à une discrimination en raison de la nationalité. Ces règles seraient applicables sans distinction à tous les joueurs qu’elles visent. Les gouvernements italien, français et allemand ont aussi défendu la thèse selon laquelle les règles de transfert n’aboutiraient pas à une discrimination au sens de l’article 48, paragraphe 2. La Commission a exposé dans ses observations écrites que les règles de transfert n’aboutiraient pas à une discrimination. Par contre, lors de la procédure orale, elle a estimé que des discriminations étaient possibles. Le point de vue de M. Bosman était que le régime des règles de transfert ne présenterait pas fondamentalement de caractère discriminatoire. Il a cependant attiré l’attention sur quelques aspects de l’application de ces règles de transfert qui conduiraient éventuellement à des discriminations. L’agent du gouvernement danois a indiqué, au cours de la procédure orale, qu’on ne saurait pas clairement si les règles de transfert entraînent ou non de telles discriminations.

154 Nous estimons qu’il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’application des règles de transfert dans la Communauté peut aboutir en principe à des discriminations. Il faut faire la distinction à ce sujet entre trois cas de figure différents.

155 Le premier cas de figure est celui qui est à première vue le plus évident. Il s’agit ici de situations dans lesquelles le règlement d’une association, soit pris en lui-même, soit en liaison avec les règles de l’UEFA et de la FIFA, a nécessairement pour conséquence qu’un transfert à l’étranger est traité de manière plus défavorable qu’un transfert au sein de la même association. Il semble, au vu des pièces disponibles, que c’est par exemple le cas au Danemark. Si l’on considère les modalités du calcul de la somme de transfert en cas de transfert à l’intérieur du Danemark d’une part et en cas de transfert vers l’étranger, d’autre part, il apparaît que la somme de transfert dans le dernier cas devrait être sensiblement plus élevée (165). Cela ressort de manière encore plus évidente des règles de l’association française, que nous avons déjà mentionnées, qui doublent la somme de transfert exigible en cas de transfert vers l’étranger (166).

Dans ces cas, c’est par conséquent le règlement d’une association qui, pris en lui-même, a pour conséquence que les joueurs qui veulent être transférés à l’étranger sont traités plus défavorablement que les joueurs qui veulent être transférés dans un club de la même association. Il s’agit cependant d’une discrimination qui n’est pas liée (ou du moins pas directement) à la nationalité du joueur. On peut cependant laisser sans réponse la question de savoir si, dans un tel cas, il pourrait s’agir d’une forme dissimulée de discrimination en raison de la nationalité. Il est en effet clair qu’une telle inégalité peut dissuader un joueur d’exercer son droit à la libre circulation inscrit à l’article 48. De telles discriminations méconnaissent dès lors l’article 48 qui vise précisément à donner au travailleur la possibilité de se rendre dans un autre État membre sans devoir subir des désavantages pour cette raison. La Cour a déjà maintes fois fondé ses arrêts sur cette considération, par exemple dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs migrants (167). Dans un arrêt plus récent, elle a dit de façon très générale, en se référant à sa jurisprudence antérieure, que «l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de la Communauté et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre» (168).

156 Sont comparables les situations dans lesquelles le règlement d’une association en liaison avec les règles de l’UEFA ou de la FIFA entraîne une inégalité de traitement. Là aussi, nous pouvons évoquer la réglementation française comme exemple. Ainsi que nous l’avons déjà vu, cette réglementation dispose qu’une somme de transfert ne peut être exigée lors d’un transfert que s’il s’agit du premier changement de club d’un joueur professionnel (169). Il est dès lors possible d’effectuer d’autres transferts en France sans s’exposer au paiement d’une somme de transfert. Pour les transferts vers l’étranger, ce sont cependant les règles de l’UEFA et de la FIFA qui sont applicables et qui imposent en principe de verser une somme de transfert. Il faut dès lors payer une somme de transfert pour un joueur qui est transféré à l’étranger alors que ce même joueur peut librement être transféré vers un autre club français. La Commission et M. Bosman l’ont fait observer à juste titre. En fait, un joueur, qui se serait trouvé dans la situation de M. Bosman, mais en ayant joué dans la division française, aurait pu librement passer dans un autre club français. Si, par contre, il avait eu l’intention de passer dans un club belge, celui-ci aurait dû payer une somme de transfert. L’interaction entre les règles de l’association nationale et les règles de l’association internationale de football a donc pour conséquence qu’un joueur évoluant en France peut plus facilement passer dans un autre club français qu’à l’étranger. Dans ce cas-là aussi, il faut y voir une infraction à l’article 48.

Les règles de transfert en vigueur en Espagne devraient produire des effets analogues. Les joueurs professionnels, qui ont au moins 25 ans, peuvent en effet changer librement de club en Espagne sans qu’il faille payer une somme de transfert (170). Les règles de l’UEFA et de la FIFA disposent que, lors d’un transfert vers l’étranger, l’ancien club puisse en revanche exiger une somme de transfert.

157 Ces discriminations ne jouent cependant aucun rôle en l’espèce étant donné que les règles de l’URBSFA, dont il s’agit en l’espèce, ne produisent, ni prises en elles-mêmes ni en liaison avec les règles de l’UEFA ou de la FIFA, des effets correspondants qui aboutiraient à ce qu’un transfert vers l’étranger soit traité de manière plus défavorable qu’un transfert au sein de l’association belge.

158 Il pourrait en aller différemment du deuxième cas de figure. Les joueurs qui veulent être transférés à l’étranger pourraient en effet éprouver un désavantage si les sommes de transfert à payer dans de tels cas étaient chaque fois plus élevées que celles qui seraient dues en cas de transfert vers un club de la même association. Étant donné que généralement les sommes de transfert sont librement débattues, on ne peut en effet dès lors comparer que les sommes de transfert qui sont à payer sur la base des règlements respectifs lorsque les clubs ne se mettent pas d’accord sur le montant. En l’espèce, l’application du règlement de l’URBSFA a abouti, comme on le sait, à une somme de transfert d’un montant de 11 743 000 BFR en cas de transfert imposé (171). M. Bosman a exposé au cours de la procédure orale que, lorsqu’on détermine la somme de transfert en se référant aux critères de l’UEFA, on aboutit nécessairement à un montant bien plus élevé que la valeur effective du joueur sur le marché. Il a indiqué, dans ses observations écrites, que la somme de transfert calculée selon les règles de l’UEFA se serait montée dans son cas à 14 millions de BFR. Au cours de la procédure orale, il a même évoqué un montant de plus de 20 millions de BFR.

159 Si, en se référant aux critères de l’UEFA et de la FIFA pour déterminer les sommes de transfert, on aboutit effectivement toujours ou très souvent à des montants plus élevés que ceux qu’il faudrait payer pour le transfert du même joueur à un club de la même association, il y aurait alors une discrimination à l’égard des joueurs qui veulent exercer leur droit à la libre circulation. Conformément à ce que nous avons dit ci-dessus, cette discrimination serait interdite par l’article 48. Les considérations qui semblent avoir été émises lors d’une réunion d’une commission de l’UEFA le 24 novembre 1976 semblent indiquer que les règles de l’UEFA pourraient avoir eu pour but de rendre plus difficile le transfert de joueurs vers une autre association que le transfert au sein d’une association (172). Ce qui est cependant déterminant c’est si les règles correspondantes de l’UEFA ou de la FIFA peuvent produire des effets de cet ordre. La juridiction de renvoi devra tirer cette question au clair si elle devait être amenée à l’aborder.

160 Le troisième et dernier cas de figure qui pourrait constituer une violation du principe de non-discrimination n’a été évoqué qu’au cours de la procédure orale. En examinant les règles litigieuses de l’UEFA et de la FIFA on constate que, dans tous les cas dans lesquels un joueur passe dans un club d’une autre association, un certificat de transfert de l’ancienne association est requis. Il semble qu’en revanche on ne l’exige pas pour un transfert au sein d’une association. Lors de la procédure orale, nous avons demandé à la Commission si ces circonstances font qu’un transfert à l’étranger est plus laborieux ou du moins qu’il se heurte à davantage d’obstacles qu’un transfert au sein d’une même association. L’agent de la Commission a répondu affirmativement à cette question en se référant aux données fournies par M. Bosman. Au cours de la procédure orale, l’UEFA ne s’est pas exprimée sur ce point.

161 Il n’est donc pas difficile de reconnaître qu’un transfert à l’étranger est traité différemment d’un transfert au sein d’une association et que dans le premier cas l’association cédante doit consentir au transfert. Ce n’est que s’il s’agissait d’une pure formalité liée au fait qu’un transfert vers l’étranger s’accompagne d’un changement d’affiliation à l’association que cette différence de traitement n’aurait pas d’incidence sur l’appréciation à laquelle il faut procéder en l’espèce – et encore à la rigueur. L’UEFA prétend que c’est le cas. On peut cependant plutôt douter qu’il ne s’agisse réellement que d’une telle formalité.

Certes, à son article 16, paragraphe 1, le règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts dispose que la somme de transfert n’a aucune incidence sur l’activité sportive du joueur. On remarque cependant que la phrase suivante utilise la forme future («pourra jouer») (173). Cela pourrait être plutôt compris comme voulant dire que le joueur en question peut être aligné par son nouveau club dès que son ancienne association a émis un certificat de transfert. Le règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts dispose certes que ce certificat de transfert doit être délivré sans délai. Tout porte à croire qu’il ne précise cependant pas ce qu’il faut entreprendre lorsqu’il n’est pas délivré pour une raison quelconque.

Le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts comporte, à son article 2, une disposition qui correspond à l’article 16 du règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts. Selon cette disposition aussi, le joueur «pourra être libre de jouer» pour son nouveau club. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, le règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts se réfère en grande partie aux règles correspondantes de la FIFA. Selon les dispositions du règlement de la FIFA de 1994, la qualification ne peut être délivrée à un joueur qui passe dans un club d’une autre association que lorsque cette association a reçu le certificat de transfert de l’ancienne association. La délivrance de ce certificat peut être refusée si le joueur en question «n’a pas entièrement rempli» ses obligations contractuelles à l’égard de l’ancien club ou s’il y a un différend qui «n’est pas de nature financière» entre les clubs concernés par le transfert (174). Il est dès lors bien évident qu’un joueur, dont le contrat qui le lie à son ancien employeur n’est pas encore arrivé à échéance et qui n’a dès lors pas encore entièrement rempli ses obligations contractuelles à l’égard de ce club, peut être empêché de jouer pour un nouveau club. L’énoncé du règlement de la FIFA de 1994 que nous avons cité est cependant rédigé de manière tellement large qu’il peut également couvrir un grand nombre d’autres situations.

Nous pouvons laisser en suspens la question de savoir comment cela se concilie avec la prétendue faculté du joueur de jouer «librement» pour son nouveau club. Quoi qu’il en soit, nous estimons que ce règlement montre clairement que le certificat de transfert n’est pas une simple formalité. L’article 7 du règlement de la FIFA de 1994 dénoue en effet la situation qui se présente lorsque l’ancienne association refuse – pour quelque raison que ce soit – de délivrer le certificat de transfert. Dans ce cas, les instances compétentes de la FIFA «peuvent» ordonner que l’ancienne association établisse ce certificat ou remplacer ce certificat par une décision propre. Si, dans un délai de soixante jours, l’ancienne association ne remet pas le certificat de transfert, la nouvelle association «peut» elle-même émettre un certificat provisoire (175). Un certificat de transfert ou une décision équivalente prise par la FIFA est dès lors requis dans tous les cas. En outre, le joueur dépend des démarches nécessaires que son ancienne association, la FIFA ou sa nouvelle association entreprennent pour obtenir ce certificat de transfert. L’ancienne association est obligée de délivrer ce certificat, mais elle peut cependant invoquer, le cas échéant, une disposition dérogatoire large et rédigée de manière relativement peu claire. La FIFA et la nouvelle association peuvent même agir. Ce qui n’est pas précisé, c’est si elles doivent aussi le faire afin de donner au joueur la possibilité de jouer pour son nouveau club.

Si, malgré les indications que nous avons déjà fournies, il fallait encore apporter un élément qui atteste que le certificat de transfert ne constitue pas une simple formalité, il suffirait de jeter un coup d’oeil sur une disposition du règlement de la FIFA de 1994. Cette disposition vise le cas où l’ancienne association ne délivre pas le certificat de transfert et où la nouvelle association elle-même émet un certificat provisoire après le délai cité de soixante jours. Elle dispose que: «Un joueur n’est en aucun cas autorisé à évoluer lors de matchs officiels de son nouveau club durant la période de soixante jours susmentionnée» (176).

162 Étant donné que le certificat de transfert n’est requis que pour un transfert vers une autre association et donc – hormis le cas exceptionnel des associations du Royaume-Uni – vers l’étranger, les transferts vers l’étranger sont ainsi soumis à des règles plus défavorables que les transferts au sein de la même association. Cette inégalité de traitement peut aboutir à ce que le joueur soit empêché d’exercer son droit à la libre circulation. Dans ce cas-là aussi on peut y voir, conformément aux considérations émises ci-dessus, une méconnaissance du principe de non-discrimination figurant à l’article 48. A cet égard, la circonstance que l’application des règles de transfert ne suscite dans la pratique de telles difficultés que dans des cas exceptionnels est sans incidence. Il suffit que cette inégalité de traitement risque de restreindre la libre circulation.

163 Par souci d’exhaustivité nous ajouterons que nous ne pouvons voir un cas pertinent de discrimination au sens de l’article 48 dans le fait que la somme de transfert varie selon le joueur, et cela contrairement à la thèse défendue par M. Bosman. Il est certes vrai qu’il y a une différence de traitement. Étant donné que les règles des différents règlements, concernant le calcul des sommes de transfert, se réfèrent à la rémunération des joueurs, la somme de transfert à payer est plus élevée lorsqu’il s’agit du transfert d’un joueur bien rémunéré (et donc en général talentueux) que lorsqu’il s’agit du transfert d’un joueur moins bien rémunéré. Il ne s’agit cependant pas ici d’une distinction découlant directement ou indirectement de la nationalité ou qui concerne de manière particulière les joueurs qui veulent exercer leur droit à la libre circulation.

164 Les éléments avancés à ce stade permettent dès lors d’estimer plutôt que les règles de transfert enfreignent d’une façon ou d’une autre le principe de non-discrimination figurant à l’article 48, paragraphe 2. La Cour ne devrait cependant examiner ces questions que si l’article 48 devait se limiter à fonder le principe de non-discrimination sur la nationalité. Nous sommes d’avis que cela n’est pas le cas. Selon nous, l’article 48 interdit fondamentalement toutes les restrictions à la libre circulation. Il convient à présent de l’établir en commençant par aborder la jurisprudence que la Cour a rendue à ce jour.

c) L’article 48 en tant qu’interdiction de restrictions à la libre circulation

aa) Jurisprudence rendue à ce jour sur l’article 48 et sur l’article 52

165 Si l’on examine la jurisprudence consacrée à l’article 48 sur la question de savoir si cette disposition n’interdit pas seulement des discriminations en raison de la nationalité, mais si elle peut aussi s’opposer à des règles indistinctement applicables qui gênent la libre circulation, il faut aussi englober les arrêts consacrés à l’article 52. Cela se justifie, premièrement, parce que les deux dispositions ont le même fondement, à savoir l’article 3, sous c), du traité CE. Selon cette disposition, l’action de la Communauté comporte «un marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux». Ce sont justement les articles 48 et 52 qui règlent la libre circulation des personnes dont il est question ici, la première disposition valant pour les travailleurs salariés tandis que l’article 52 est applicable aux indépendants (177). Il y a donc des parallèles évidents entre les deux dispositions dont on peut attendre qu’elles prévoient des solutions concordantes pour des faits déterminés. D’autre part, la Cour a déjà émis à maintes reprises dans sa jurisprudence des considérations qui concernaient aussi bien l’article 48 que l’article 52. Il convient, pour cette raison également, d’examiner les décisions qui ont été rendues sur les deux articles.

Dans quelques cas, la Cour a développé des solutions qui non seulement devraient valoir pour l’article 48 ou l’article 52, mais également pour l’article 59. On pourrait citer ici comme exemple les arrêts Walrave et Donà, mentionnés déjà à plusieurs reprises. Nous ne nous pencherons pourtant sur la jurisprudence rendue sur l’article 59 que plus tard. Cela apparaît adéquat étant donné que la question qui nous intéresse ici est déjà clarifiée pour cette disposition.

166 Comme nous l’avons déjà mentionné, dans un grand nombre d’arrêts l’article 48 est compris comme étant une disposition interdisant les discriminations en raison de la nationalité. Nous allons par contre examiner ci-après surtout les affaires dans lesquelles on trouve des appréciations militant en faveur d’une acception large de cette disposition.

167 Le premier arrêt qu’il faut mentionner ici concerne l’affaire Rutili tranchée en 1975 (178). Dans cette décision, il s’agissait d’une interdiction de séjourner dans certaines parties de la France, infligée par les autorités françaises à un ressortissant italien. La Cour a dit pour droit que de telles interdictions de séjour restrictives prononcées à l’égard de ressortissants d’autres États membres n’étaient admissibles que dans les cas dans lesquels ces interdictions pouvaient aussi être prononcées à l’égard des nationaux de l’État en cause. Cette conclusion se déduit aisément de l’article 48, paragraphe 2. Il est intéressant de constater que la Cour a dit cependant dans cette décision que les questions préjudicielles concernaient les «principes de libre circulation et d’égalité de traitement» (179). Il n’est cependant pas certain que la Cour ait voulu dire ainsi que la libre circulation ne se limite pas à une simple interdiction de discriminer en raison de la nationalité.

168 L’arrêt Thieffry (180) rendu en 1977 concernait la liberté d’établissement des avocats. Il s’agissait dans ce cas d’un avocat belge qui avait sollicité son inscription à la liste du stage du barreau de Paris. M. Thieffry était titulaire d’un diplôme belge dont l’équivalence avec la licence en droit française avait été reconnue par une université française. En outre, il avait présenté un examen, conformément à la législation française, qui lui avait permis d’obtenir le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Son admission à la liste du stage du barreau de Paris avait cependant été refusée au motif qu’il n’était pas titulaire d’un diplôme français. La Cour a décidé que la liberté d’établissement ferait l’objet d’une restriction illicite si on refusait d’admettre une personne comme M. Thieffry au barreau d’un État membre au seul motif qu’elle n’est pas titulaire d’un diplôme obtenu dans cet État membre. La Cour n’a pas examiné dans ce contexte si la réglementation française était de nature discriminatoire, mais elle s’est fondée sur les articles 5 et 52 du traité CE (181). Il faut cependant relever que l’avocat général M. Mayras était d’avis qu’il s’agissait là d’un cas de discrimination dissimulée (182).

169 On trouve dans l’arrêt Kenny (183) datant de 1978, dont il est question dans la présente procédure, des indications selon lesquelles il apparaît clairement que, selon la Cour, l’article 48 ne fait qu’établir un principe de non-discrimination. Selon cet arrêt, les différences de traitement résultant de disparités entre les législations des États membres sont en effet acceptables «du moment que celles-ci affectent toutes personnes tombant sous leur application, selon des critères objectifs et sans égard à leur nationalité» (184). Il nous apparaît cependant douteux que cette analyse de l’arrêt s’impose effectivement. Si, en effet, l’article 48 devait se limiter au «principe de non-discrimination», il faudrait se demander pourquoi la Cour a fait en outre observer que les règles en question doivent être applicables «selon des critères objectifs».

170 En revanche, l’arrêt rendu dans l’affaire Choquet (185) en 1978 nous semble important. Il s’agissait dans cette affaire d’un ressortissant français qui habitait en Allemagne et qui y exerçait une activité de travailleur salarié. M. Choquet possédait un permis de conduire français. Les autorités allemandes ont pourtant engagé des poursuites à son égard pour conduite sans permis au motif que, selon la législation allemande, tout étranger habitant depuis plus d’un an en Allemagne était tenu d’obtenir un permis de conduire allemand. A cette époque, la Communauté n’avait pas encore arrêté de réglementation dans ce domaine.

La Cour a décidé que compte tenu de l’absence de disposition harmonisant les conditions d’octroi du permis de conduire dans les États membres il n’y avait pas de violation des dispositions sur la libre circulation, la liberté d’établissement et la libre prestation de services quand un État membre persistait à exiger que les titulaires d’un permis de conduire, obtenu dans un autre État membre, et qui résidaient sur son territoire, satisfassent aux conditions applicables à ses propres ressortissants. De telles dispositions ne pourraient être considérées comme contraires au droit communautaire que dans le cas où leur application aux personnes concernées «créerait (…) une gêne telle qu’elle porterait, en fait, atteinte au libre exercice, par les personnes visées, des droits que les articles 48, 52 et 59 du traité leur garantissent au titre de la libre circulation des personnes, de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services» (186). Tel pourrait par exemple être le cas de l’exigence d’une épreuve faisant manifestement «double emploi» avec une épreuve déjà subie ou si les intéressés étaient soumis à des «charges financières exorbitantes» (187).

La Cour n’a donc pas examiné si les dispositions allemandes désavantageaient les ressortissants d’autres États membres. Elle a plutôt évalué ces dispositions au regard du principe de proportionnalité. Il faut aussi relever que la Cour s’est référée simultanément aux articles 48, 52 et 59 bien qu’il se soit agi, dans le cas de M. Choquet, d’un travailleur salarié.

171 L’arrêt Klopp (188) rendu en 1984 est particulièrement important. Il s’agissait dans ce cas d’un avocat allemand qui voulait ouvrir un cabinet à Paris. A cet effet, il avait sollicité son inscription à la liste du stage du barreau de Paris. Il avait déclaré à cette occasion qu’il voulait conserver son cabinet en Allemagne. La demande de M. Klopp a été rejetée au motif que la législation française imposait aux avocats la règle de l’unicité du cabinet.

La Cour a relevé que l’on n’apercevait pas si les règles françaises en question étaient de nature discriminatoire et que par conséquent il fallait répondre aux questions préjudicielles en considérant qu’elles ne l’étaient pas (189). Elle a ensuite ajouté qu’une réglementation, telle que celle qui était en vigueur en France, avait pour conséquence qu’un avocat, établi dans un État membre, ne pourrait invoquer le droit d’établissement dans un autre État membre qu’au prix de l’abandon concomitant de son ancien établissement. La Cour a décidé que cela n’était pas compatible avec l’article 52 qui dispose explicitement que la liberté d’établissement s’étend également à la création d’agences, de succursales ou de filiales dans un autre État membre (190). Elle a reconnu que, «dans l’intérêt de la bonne administration de la justice», les États membres pouvaient soumettre l’activité des avocats à certaines règles. Celles-ci ne pouvaient cependant pas avoir pour effet d’empêcher les ressortissants des autres États membres «d’exercer effectivement le droit d’établissement qui leur est garanti par le traité» (191). Concrètement, les buts légitimes visés par la législation française – la garantie d’un contact suffisant avec les clients et les autorités judiciaires et le respect des règles déontologiques – pouvaient être assurés d’une autre manière (192).

172 Le recours en manquement de la Commission contre la République française (193), tranché en 1986, concernait des faits analogues. Il s’agissait de dispositions françaises imposant aux médecins et aux praticiens de l’art dentaire, établis dans un autre État membre, de faire rayer leur inscription ou leur enregistrement dans cet autre État membre pour pouvoir exercer leurs activités en France, en y faisant un remplacement, en y ouvrant un cabinet ou en y travaillant en tant que salarié. La Cour a cependant motivé l’arrêt en s’écartant des motifs de l’arrêt Klopp. Elle a conclu en effet de façon très générale que toutes les restrictions à la libre circulation des travailleurs, au droit d’établissement et à la libre prestation des services ne sont compatibles avec le traité CE que si elles sont «effectivement justifiées par la considération d’obligations générales inhérentes au bon exercice des professions en cause et qui s’imposent indistinctement aux nationaux» (194). La suite des motifs énoncés par la Cour montre qu’il s’agit en fait de deux critères différents. La Cour y constatait en effet, tout d’abord, que les règles en question étaient appliquées de façon plus stricte à l’égard des praticiens d’autres États membres qu’à l’égard des médecins français (195). Poursuivant, elle a conclu que l’interdiction générale imposée à l’ensemble des médecins et praticiens de l’art dentaire établis dans un autre État membre d’exercer en France était «indûment restrictive» (196).

On retrouve les mêmes motifs dans un arrêt rendu en 1992 sur un recours en manquement de la Commission contre le Luxembourg, qui avait trait à la même problématique (197).

173 La Cour a en revanche statué tout à fait différemment en 1987 dans un recours en manquement de la Commission contre la Belgique (198). Cette affaire concernait une réglementation excluant certaines prestations, effectuées par des laboratoires, du remboursement par la sécurité sociale lorsque ces laboratoires étaient exploités par des personnes morales dont les membres, associés et administrateurs n’étaient pas tous des personnes physiques habilitées à effectuer des analyses médicales. La Commission soutenait que cette réglementation violait l’article 52. Elle a défendu explicitement la thèse selon laquelle les restrictions au droit d’établissement interdites par l’article 52 englobaient non seulement des mesures discriminatoires, mais aussi des mesures appliquées indistinctement qui constituaient une «entrave injustifiée» pour les ressortissants d’autres États membres (199).

La Cour a cependant conclu que l’article 52 visait à garantir aux ressortissants des autres États membres le «bénéfice du traitement national». Étant donné que, selon la Cour, il fallait conclure en l’espèce qu’il n’y avait pas d’indice d’une discrimination vis-à-vis des ressortissants d’autres États membres, elle a rejeté le recours de la Commission (200). La Cour n’a pas évoqué dans cette décision l’arrêt que nous avons mentionné ci-dessus dans l’affaire Commission/France.

174 Ce n’est pas seulement parce qu’il concerne le football que l’arrêt rendu dans l’affaire Heylens en 1987 (201) présente un intérêt en l’espèce. M. Heylens, un ressortissant belge titulaire d’une diplôme belge d’entraîneur de football, avait été engagé comme entraîneur par une équipe française. Selon la législation française, un diplôme national d’entraîneur de football ou un diplôme étranger reconnu comme équivalent par les autorités compétentes était requis pour exercer cette profession. Cette reconnaissance a été refusée à M. Heylens sans justification objective.

La Cour a conclu que la libre circulation des travailleurs constitue un des «objectifs fondamentaux» du traité CE (202). Invoquant l’arrêt Thieffry, elle a dit que les États membres étaient tenus d’examiner objectivement, dans le cadre de la procédure de reconnaissance de l’équivalence du diplôme en question, si le diplôme étranger atteste dans le chef de son titulaire des connaissances et qualifications identiques ou du moins équivalentes à celles du diplôme national. Il fallait en outre que la décision adoptée au terme de cette procédure soit susceptible d’être soumise à une juridiction (203). La Cour a relevé dans ce contexte que le libre accès à l’emploi constituait un «droit fondamental conféré par le traité individuellement à tout travailleur de la Communauté» (204).

175 Dans l’arrêt Gullung (205), rendu en 1988, il s’agissait d’un juriste de nationalités française et allemande qui était avocat en Allemagne et qui invoquait les libertés fondamentales garanties par le traité CE pour pouvoir exercer sa profession en France alors que l’accès au barreau lui avait été refusé pour des raisons tenant à la moralité.

La Cour a conclu que, en vertu de l’article 52, deuxième alinéa, du traité, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice «dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants». L’obligation de s’inscrire au tableau des avocats d’un barreau était dès lors licite au regard du droit communautaire à la condition, toutefois, qu’une telle inscription fût ouverte aux ressortissants de tous les États membres «sans discrimination». La Cour a en même temps relevé que cette obligation poursuivait «un objectif digne de protection» (206). Il semble donc ici qu’une autre exigence intervienne à côté du principe de non-discrimination.

176 Il s’agissait, dans l’arrêt Stanton (207) rendu également en 1988, d’une disposition belge qui permettait de libérer des indépendants, sous certaines conditions, de l’obligation de verser des cotisations au régime social belge des travailleurs indépendants. Parmi ces conditions il fallait qu’ils exercent en ordre principal une activité salariée. Les autorités belges estimaient que l’activité devait être soumise au régime belge de sécurité sociale. M. Stanton exerçait au Royaume-Uni une activité salariée, et c’est là qu’il versait les cotisations relatives à cette activité.

La Cour a estimé que la législation belge n’avait pas de caractère discriminatoire (208). Elle a indiqué cependant, en se référant à l’arrêt Klopp, que la liberté d’établissement comporte la faculté d’entretenir, à l’intérieur de la Communauté, plus d’un centre d’activités. Elle a étendu cette considération au salarié, établi dans un État membre, qui désire accomplir, en outre, un travail indépendant dans un autre État membre. Selon la Cour, l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des ressortissants communautaires vise à «faciliter l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de la Communauté». Elles s’opposent «à une réglementation nationale qui pourrait défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent étendre leurs activités hors du territoire d’un seul État membre». Étant donné que la réglementation belge désavantageait ceux qui exerçaient des activités professionnelles en dehors de la Belgique, elle était incompatible avec les articles 48 et 52 (209). Ce qui est remarquable, en dehors du fait que la Cour ne s’est pas référée à une éventuelle discrimination, c’est aussi le traitement identique de l’article 48 et de l’article 52.

La Cour a statué dans les mêmes termes dans l’arrêt Wolf (210) rendu le même jour.

177 L’arrêt Daily Mail and General Trust, rendu en 1988 (211), concernait la question de savoir si une société, ayant son siège dans un État membre déterminé, peut le déplacer dans un autre État membre sans que son identité en soit modifiée. La Cour a conclu que les dispositions sur la liberté d’établissement «visent notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil» tout en s’opposant à ce que l’État d’origine «entrave l’établissement» de ses ressortissants «dans un autre État membre». Les droits garantis par l’article 52 et suivants seraient «vidés de leur substance si l’État d’origine pouvait interdire aux entreprises de partir en vue de s’établir dans un autre État membre» (212). Dans le cas d’espèce, la Cour a cependant conclu que ces dispositions n’avaient pas été méconnues.

178 L’arrêt Groener (213) rendu en 1989 concernait une disposition qui exigeait des connaissances suffisantes de l’irlandais pour pouvoir occuper un poste de professeur dans les institutions publiques d’enseignement professionnel. La Cour a conclu que le traité ne s’opposait pas à ce qu’un État membre adopte une politique visant à défendre et à promouvoir sa langue. Cette politique ne devait toutefois pas porter atteinte à la libre circulation des travailleurs. Les mesures en question «ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport au but poursuivi et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d’autres États membres» (214). Dans ce cas-ci aussi, il semble que la Cour ait examiné non seulement si la législation en question discriminait des ressortissants d’autres États membres, mais également si cette réglementation était conforme au principe de proportionnalité.

179 L’arrêt Corsica Ferries France (215), rendu lui aussi en 1989, concerne la libre prestation des services et il n’est pas nécessaire de l’examiner ici de manière plus approfondie. Le considérant suivant de cet arrêt vaut cependant la peine d’être cité dans le présent contexte:

«En effet, comme la Cour l’a jugé à différentes reprises, les articles du traité CEE relatifs à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux constituent des dispositions fondamentales pour la Communauté, et toute entrave, même d’importance mineure, à cette liberté est prohibée» (216).

180 L’arrêt Biehl (217), rendu en 1990, concernait la législation luxembourgeoise sur le remboursement du trop-perçu au titre de l’impôt sur le revenu. Ce remboursement n’intervenait que si le contribuable résidait au Luxembourg durant tout l’exercice fiscal. M. Biehl, un ressortissant allemand, avait exercé une activité salariée au Luxembourg à partir de 1973. Le 1er novembre 1983, il est rentré en Allemagne. L’administration fiscale luxembourgeoise avait refusé de lui rembourser le montant des impôts retenus pendant les dix premiers mois de l’année 1983, montant qui dépassait le montant total de l’impôt dû. La Cour a estimé que le critère de résidence permanente sur le territoire national s’applique certes indépendamment de la nationalité mais qu’il risque de jouer, en particulier, au détriment des contribuables ressortissants d’autres États membres. En effet, ce seront souvent ces derniers qui quitteront le pays en cours d’année ou qui s’y établiront (218).

On a objecté à juste titre à cet arrêt que la motivation choisie par la Cour, s’appuyant sur une discrimination voilée, n’aurait pas été suffisante s’il s’était agi, dans le cas litigieux, non pas d’un Allemand mais d’un Luxembourgeois. Dans les deux cas, l’exercice du droit à la libre circulation aurait été cependant de la même manière la source d’un désavantage (219).

181 L’arrêt Vlassopoulou (220), rendu en 1991, concernait à nouveau la liberté d’établissement des avocats. Une avocate de nationalité grecque, inscrite au barreau d’Athènes, avait obtenu le titre de docteur en droit à l’université de Tübingen et travaillait depuis 1983 dans un cabinet d’avocats allemands. En 1988, elle a sollicité son admission au tableau d’un barreau allemand. Cette demande a été rejetée au motif que Mme Vlassopoulou ne remplissait pas les conditions posées par la loi allemande.

La Cour a conclu que «des conditions nationales de qualification, même appliquées sans discrimination, tenant à la nationalité, peuvent avoir pour effet d’entraver l’exercice, par les ressortissants des autres États membres, du droit d’établissement qui leur est garanti par l’article 52 du traité». Tel pourrait être le cas si les règles nationales en question faisaient abstraction des connaissances et qualifications déjà acquises par l’intéressé dans un autre État membre (221). Ces connaissances et qualifications doivent donc être prises en considération par l’État membre en question. S’il s’avère que celles-ci ne correspondent que partiellement aux exigences établies par l’État membre, «l’État membre d’accueil est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis des connaissances et qualifications manquantes» (222).

182 Dans l’arrêt Ramrath (223) rendu en 1992, il s’agissait de la réglementation de la profession de réviseur d’entreprises au Luxembourg. Selon les dispositions en vigueur, un réviseur d’entreprises devait entre autres avoir un établissement au Luxembourg et il ne pouvait pas exercer une activité de nature à porter atteinte à son indépendance professionnelle. En 1985, M. Ramrath a obtenu l’agrément permettant d’exercer l’activité de réviseur d’entreprises au Luxembourg. A cette époque, il travaillait pour une société établie au Luxembourg, qui bénéficiait également d’un tel agrément. En 1988, il a déclaré aux autorités qu’il était désormais salarié d’une société de réviseurs d’entreprises agréée en Allemagne et qu’il avait établi son établissement professionnel en Allemagne. D’après lui, cet employeur s’abstiendrait cependant d’exercer une quelconque influence sur les activités de réviseur qu’il accomplirait au Luxembourg. La société luxembourgeoise a déclaré que, lorsqu’il exercerait des activités au Luxembourg, M. Ramrath devait être considéré, à l’avenir aussi, comme son employé. Les autorités ont pourtant retiré l’agrément de M. Ramrath.

La Cour a tout d’abord dit que les conditions posées par la législation luxembourgeoise devaient être examinées en fonction de «l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes» sans qu’il soit nécessaire de se demander si le réviseur d’entreprises a le statut de salarié, de travailleur indépendant ou de prestataire de services (224). Elle a rappelé ensuite sa jurisprudence antérieure dans ces domaines et elle a conclu sur cette base que «les articles 48 et 59 du traité visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de la Communauté» et qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui défavoriserait ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent étendre leurs activités sur le territoire d’un autre État membre (225). La nature particulière de certaines activités professionnelles pourrait cependant requérir qu’elles soient soumises à certaines exigences. «Toutefois, la libre circulation des personnes, en tant que principe fondamental du traité, ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et s’appliquant à toute personne ou entreprise exerçant lesdites activités sur le territoire de l’État en question» dans la mesure où cet intérêt n’est pas déjà sauvegardé par des dispositions de l’État d’origine (226). En outre, ces exigences «doivent être objectivement nécessaires» (227). Il faut donc qu’il soit établi «qu’il existe (…) des raisons impérieuses liées à l’intérêt général qui justifient des restrictions à la libre circulation» et que le résultat visé ne puisse «être obtenu par des règles moins contraignantes» (228).

Devant les juridictions luxembourgeoises, M. Ramrath avait excipé du fait que les dispositions litigieuses le discriminaient. C’est à peine un hasard si les motifs de la Cour, exposés ci-dessus, n’abordent pas davantage cette question. Il faut aussi relever que la Cour ne s’est pas penchée sur la question de la nationalité qu’avait M. Ramrath (229).

183 M. Bosman a invoqué l’arrêt Singh (230), rendu également en 1992. Dans cette décision, il s’agissait des désavantages résultant, pour l’époux d’une ressortissante d’un État membre, de la circonstance que celle-ci avait exercé son droit à la libre circulation. La Cour a réaffirmé dans cet arrêt les conclusions qu’elle avait déjà tirées dans l’arrêt Stanton et selon lesquelles le droit à la libre circulation s’oppose à des dispositions nationales qui désavantagent des citoyens voulant étendre leurs activités économiques sur le territoire d’un autre État membre. En outre, nous estimons que cette affaire présente peu d’intérêt dans l’examen auquel nous devons procéder ici.

184 L’arrêt Kraus (231) rendu en 1993 est en revanche très important. Il s’agissait d’un ressortissant allemand qui avait obtenu, en Grande-Bretagne, un titre universitaire après avoir terminé des études de troisième cycle. Selon la législation allemande en vigueur, il ne pouvait porter ce titre en Allemagne que moyennant autorisation. La méconnaissance de ces dispositions pouvait l’exposer à des amendes ou à un emprisonnement d’un an au maximum.

La Cour a fait observer que les articles 48 et 52 mettaient en oeuvre un «principe fondamental» consacré par l’article 3, sous c), du traité CE, à savoir l’abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes (232). Elle a en outre rappelé les obligations qui incombaient sur ce point aux États membres en vertu de l’article 5 (233). La Cour en a déduit:

«En conséquence, les articles 48 et 52 s’opposent à toute mesure nationale, relative aux conditions d’utilisation d’un titre universitaire complémentaire, acquis dans un autre État membre, qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants communautaires, y compris ceux de l’État membre auteurs de la mesure, des libertés fondamentales garanties par le traité. Il n’en irait autrement que si une telle mesure poursuivait un objectif légitime compatible avec le traité et se justifiait par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 1977, Thieffry, 71/76, Rec. p. 765, points 12 et 15). Mais encore faudrait-il, en pareil cas, que l’application de la réglementation nationale en cause soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir arrêt du 20 mai 1992, Ramrath, C-106/91, Rec. p. I-3351, points 29 et 30)» (234).

bb) Enseignements de la jurisprudence rendue à ce jour

185 Quels sont les enseignements que l’on peut tirer de la jurisprudence rendue à ce jour par la Cour? Il ne faut pas perdre de vue à cet égard que, dans les affaires que nous venons d’évoquer, il s’agit – comme nous l’avons déjà indiqué au début – d’un choix qui n’est nullement représentatif de la jurisprudence dans ce domaine. Il est cependant clair qu’un grand nombre des arrêts évoqués vont au-delà de l’acception traditionnelle qui cantonne l’article 48 à un principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

186 L’arrêt Thieffry va déjà dans ce sens puisque la Cour ne s’y réfère pas à la question d’une éventuelle discrimination (235). Pourtant, on pourrait soutenir qu’en définitive il se serait tout de même agi d’une discrimination (indirecte) étant donné que les ressortissants français devaient être bien plus souvent en mesure de produire un diplôme français que les ressortissants d’autres États membres. Déjà l’arrêt Choquet pourrait cependant à peine davantage être expliqué de cette manière (236). Lorsque la Cour y conclut qu’il pourrait y avoir violation des articles 48, 52 et 59 si, lors de l’examen de la conformité d’un permis de conduire étranger aux exigences applicables aux permis nationaux, un État membre impose aux intéressés des «charges financières exorbitantes», cela pourrait certes encore s’analyser comme étant une discrimination dissimulée (237). La Cour ne s’est cependant pas référée à cet aspect mais, ainsi que l’indique la formulation précisément citée, elle a apprécié cette règle au regard du principe de proportionnalité (238). L’arrêt Vlassopoulou concernait aussi des conditions qui pouvaient être bien plus souvent remplies par des nationaux que par les ressortissants d’autres États membres. Ici aussi, cependant, cet aspect n’a eu aucune incidence sur l’arrêt. La Cour a plutôt explicitement considéré qu’il n’y avait pas de discrimination.

187 L’arrêt Klopp est encore plus clair. Ici aussi la Cour a posé l’hypothèse qu’il n’y avait pas de discrimination. L’appréciation de la Cour revenait au fond à rechercher s’il y avait une restriction à la liberté d’établissement et si celle-ci pouvait être justifiée par certaines considérations d’intérêt supérieur (239). La Cour a adopté la même approche dans les arrêts Stanton et Wolf. Dans ce contexte, la réponse à la question de savoir si la restriction à la libre circulation était justifiée a été très sommaire. La Cour a seulement relevé que les intéressés étaient déjà assurés dans d’autres États membres et que l’assurance belge ne leur offrait donc pas de protection sociale complémentaire (240).

On peut laisser en suspens la question de savoir si ces arrêts auraient pu aussi trouver leur solution sur la base d’un principe de non-discrimination entendu dans une acception très large (241). Ce qui est décisif, c’est que la Cour n’a précisément pas choisi cette voie dans les arrêts cités. Le bien-fondé de l’approche choisie par la Cour apparaît en outre si l’on se contente de modifier les faits qui sous-tendent l’arrêt Stanton. Si un ressortissant belge, travaillant comme indépendant en Belgique, avait de surcroît entamé une activité salariée dans un autre État membre, il se serait trouvé, en vertu des dispositions litigieuses, dans la même situation que M. Stanton. Il aurait été désavantagé parce qu’il aurait exercé son droit à la libre circulation. Cette question ne peut cependant trouver sa solution dans le principe de non-discrimination que si l’on se contente du désavantage subi par les ressortissants qui exercent ce droit par rapport à ceux qui ne l’exercent pas. Nous estimons qu’une telle interprétation est conforme au sens de l’article 48, paragraphe 2 (242). Il est cependant évident que l’on ne se réfère précisément plus dans ce contexte à l’inégalité de traitement en raison de la nationalité.

188 Dans les arrêts Commission/France et Commission/Luxembourg (243), la Cour poursuit et précise la ligne qu’elle a adoptée dans l’affaire Klopp. La Cour y examine si une restriction à la libre circulation (et à la libre prestation des services) est justifiée et proportionnelle. L’arrêt Gullung est moins clair sur ce point bien que la Cour y relève aussi que la restriction en question sert un «objectif digne de protection». Dans l’arrêt Groener, la Cour examine non seulement l’existence d’un objectif digne de protection, mais aussi la proportionnalité.

189 L’arrêt Daily Mail, dont il découle que l’État d’origine peut aussi enfreindre l’article 52 et que les limitations imposées par cet État membre à la liberté d’établissement dans un autre État membre doivent donc être évaluées en fonction de cette disposition, montre aussi que le droit à la libre circulation ne peut pas être limité au principe du traitement national.

190 D’après nous, tous les doutes concernant la question de savoir si l’article 48 établit des exigences allant au-delà du principe du traitement national, qui peuvent encore avoir subsisté après ces arrêts, ont été dissipés par les arrêts Ramrath et Kraus. La Cour y a clairement dit que les restrictions à la libre circulation ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles sont justifiées par des «motifs impératifs d’intérêt général» et si elles sont conformes au principe de proportionnalité. Compte tenu des conclusions claires que la Cour a tirées, il est sans importance de savoir s’il s’agissait éventuellement de discriminations (dissimulées) au regard des règles examinées par la Cour (244). Si, en effet, l’article 48 se limitait à imposer aux États membres l’obligation de traiter de manière égale les nationaux et les ressortissants d’autres États membres, il ne serait ni nécessaire ni permis d’examiner si la législation nationale en question est légitime. C’est exactement cette question que la Cour examine ici. Cela montre que, selon la Cour, l’article 48 peut aussi viser les législations d’un État membre qui s’appliquent indistinctement à ses propres ressortissants et aux ressortissants d’autres États membres.

191 Ainsi que nous l’avons déjà signalé, on trouve dans la jurisprudence que la Cour a rendue à ce jour un grand nombre d’arrêts qui se réfèrent à l’existence d’une discrimination fondée sur la nationalité dans le cadre de l’examen de l’article 48. Ces arrêts n’abordent généralement pas la question de savoir si l’article 48 pourrait comporter une interdiction qui aille au-delà des discriminations de cet ordre. Sauf erreur de notre part, il n’y a, parmi ces arrêts, que deux arrêts dans lesquels la Cour a abordé cette question. Il s’agit, d’une part, de l’arrêt Kenny et, d’autre part, de l’arrêt rendu en 1987 sur le recours en manquement Commission/Belgique. Nous avons déjà exposé pourquoi, selon nous, le premier arrêt ne permet pas de tirer des conclusions allant par trop loin (245). Le deuxième arrêt cité, qui concerne l’article 52, pourrait en revanche tout à fait se comprendre comme étant un rejet de la thèse que nous avons défendue ici. Après tout, la Commission y avait explicitement soutenu que l’article 52 peut aussi s’appliquer à des mesures non discriminatoires, mais la Cour a dit que cette disposition vise à garantir le traitement national. Il est cependant frappant que la Cour n’a pas explicitement rejeté la thèse de la Commission et qu’elle n’a pas évoqué l’arrêt Commission/France (246), intervenu peu de temps auparavant, qui abondait dans le sens de la Commission. Il faut d’ailleurs faire observer que les arrêts Ramrath et Kraus ont été rendus de nombreuses années après cet arrêt.

192 A notre avis, la seule conclusion que l’on peut tirer de la coexistence de ces deux courants dans la jurisprudence est que la Cour n’estime pas qu’ils soient nécessairement contradictoires. Cette coexistence peut aussi s’expliquer très simplement. Ernst Steindorff a dit à propos de la jurisprudence consacrée à l’article 52 que l’interprétation que cette disposition avait principalement reçue en l’assimilant à un principe de non-discrimination était «conditionnée par les problèmes qui avaient donné lieu à ces décisions». «Il se peut que ces problèmes aient pu être tranchés en recourant au principe de non-discrimination.» Il se peut toutefois que de nouveaux faits qui se présenteraient différemment appellent une autre approche (247). Nous estimons cette analyse aussi conforme que convaincante.

193 Il convient dès lors d’examiner les raisons qui incitent à devoir considérer que l’article 48 n’interdit pas seulement les discriminations mais qu’il interdit de manière générale les restrictions à la libre circulation des personnes.

cc) Raisons militant en faveur d’une conception de l’article 48 comme étant une interdiction générale des restrictions à la libre circulation des personnes

1) Le texte de l’article 48

194 La formulation de la disposition indique déjà à elle seule que la teneur de l’article 48 va plus loin qu’une simple interdiction de discriminer en raison de la nationalité. Aux termes de l’article 48, paragraphe 1, la libre circulation des travailleurs est assurée au plus tard à l’expiration de la période de transition. Selon le paragraphe 2, elle «implique» l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. Il s’ensuit que rien ne s’oppose à ce que l’on considère la disposition de l’article 48, paragraphe 2, comme étant un volet d’un régime plus global intéressant la libre circulation des personnes (248). L’énonciation spéciale des discriminations au paragraphe 2 s’expliquerait par le fait qu’il s’agit là de la restriction «la plus évidente et la plus grave» à la libre circulation des personnes (249).

A cet égard, on a relevé à juste titre que l’article 67, paragraphe 1, qui a pour objet la libre circulation des capitaux et des paiements, opère une distinction entre les «restrictions» et les «discriminations» (250).

195 La formulation de l’article 48, paragraphe 3, pourrait elle aussi corroborer le fait que la teneur de l’article 48 va au-delà d’une simple interdiction de discriminer. Il confère en effet de manière expresse un certain nombre de droits aux travailleurs salariés sans les subordonner au fait que l’État membre concerné garantisse ces mêmes droits à ses propres ressortissants (251).

2) Rapport systématique

196 Dans une perspective systématique, il s’impose d’envisager l’article 48 en dépassant l’approche traditionnelle, ne serait-ce que parce qu’il est fondé sur l’article 3, sous c), qui impose l'«abolition… des obstacles» à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Si l’article 48 se bornait effectivement à interdire les discriminations fondées sur la nationalité, l’article 6 du traité CE, qui interdit pareilles discriminations de manière générale, rendrait cette disposition superflue – ou à tout le moins celle de l’article 48, paragraphe 2.

197 Il convient de surcroît de considérer que l’article 48 n’est pas le seul à être fondé sur l’article 3, sous c), mais que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises (les articles 30 et suivants) ainsi que celles relatives à la libre prestation des services (les articles 59 et suivants) le sont aussi. En ce qui concerne la circulation des marchandises, il est constant, depuis l’arrêt Cassis de Dijon (252), que les législations nationales qui s’appliquent indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés peuvent en principe constituer également des mesures d’effet équivalent interdites par l’article 30, lorsque leur application n’est pas justifiée par des exigences impératives tenant à l’intérêt général. Dans sa jurisprudence ultérieure, inaugurée par l’arrêt Keck et Mithouard (253), la Cour a tempéré ce principe sans toutefois l’abandonner. Une approche analogue vaut à l’égard de la libre prestation des services. Depuis les arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda e.a. (254) et Säger (255), il est constant que «l’article 59 du traité CEE exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber ou à gêner autrement les activités du prestataire…». De telles restrictions ne sont admises que si elles sont «justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général». Elles ne doivent pas «aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs» (256).

198 Si la Cour n’adoptait pas la même approche pour interpréter l’article 48 (et l’article 52) elle se livrerait à notre avis à une appréciation antinomique difficilement acceptable.

199 Il convient tout d’abord de relever que la structure des dispositions relatives à la libre prestation des services est analogue à celle de l’article 48. L’article 59, premier alinéa, dispose que les restrictions à la libre prestation des services sont supprimées au cours de la période de transition. Aux termes de l’article 60, troisième alinéa, le prestataire peut exercer son activité dans le pays où la prestation est fournie dans les «mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants». D’après le texte de cette disposition, c’est le principe du traitement national qui se trouve ici consacré. Cela est comparable au rapport qui existe entre l’article 48, paragraphe 1, et l’article 48, paragraphe 2. On ne s’étonnera dès lors pas que, dans un premier temps, on ait interprété les articles 59 et suivants comme interdisant les discriminations (257). Cette seule raison déjà incite à transposer à l’article 48 l’évolution qui s’est dessinée dans l’interprétation de l’article 59 à la suite de la nouvelle jurisprudence de la Cour.

200 Des éléments objectifs imposent aussi de se livrer à une telle interprétation qui favorise la «convergence des libertés économiques dans le droit communautaire» (258). Les libertés fondamentales du marché commun ne sont pas seulement fondées sur un socle commun. A notre avis, elles constituent également un tronc commun qui doit être traité le plus largement possible selon des critères identiques (259). On n’aperçoit par exemple pas de motif raisonnable pour lequel la libre circulation des marchandises devrait être mieux assurée que la libre circulation des personnes alors qu’elles ont toutes les deux une importance fondamentale pour la marché intérieur (260). On ne trouvera pas dans le traité la trace d’une hiérarchie entre les libertés fondamentales si ce n’est à l’article 60, premier alinéa, qui dispose que les articles 59 et suivants ne recevront application que dans la mesure où les prestations en question ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Il serait dès lors curieux de soumettre l’interprétation de ces dispositions-là à des critères différents alors que les prestations visées par la libre prestation des services, qui en sont le receptacle commun, devraient être interprétées de manière uniforme.

Au reste, nous sommes en tout cas d’avis que l’examen de la compatibilité de législations nationales avec les règles communautaires relatives aux libertés fondamentales ne consiste pas tant à rechercher la liberté fondamentale dont des faits précis doivent relever. Ce qui devrait être plutôt décisif c’est de déterminer si la législation en question entrave les activités économiques intracommunautaires et – le cas échéant – si ces restrictions sont justifiées. Cela n’exclut pas que, lorsqu’on examine si elles sont justifiées, il faille opérer des distinctions selon qu’il s’agit d’un obstacle discriminatoire ou non discriminatoire. La circonstance qu’il s’agit d’une activité exercée dans un autre État membre de manière durable ou seulement temporaire peut elle aussi justifier de faire des distinctions ainsi que la jurisprudence l’admet déjà.

201 Il ne s’agit pas là du tout d’une préoccupation purement académique. La jurisprudence de la Cour montre qu’il est très souvent difficile de faire le départ entre des faits relevant de l’une des libertés fondamentales et des faits relevant d’une autre. Le présent cas d’espèce en est un bon exemple. En principe – ainsi que nous l’avons exposé – il devrait être objectivement conforme de ranger les joueurs de football professionnels parmi les travailleurs salariés au sens de l’article 48. Aux termes de l’article 60, troisième alinéa, le critère essentiel qui permet de faire la distinction entre l’article 48 et l’article 59 est que ce dernier ne vise que des activités qui sont exercées «à titre temporaire» dans un autre État membre. Qu’en est-il par exemple d’un contrat par lequel un club engage un joueur pour quelques matchs? (261) On peut se demander s’il ne faudrait pas plutôt parler d’une prestation de service dans ce cas. En fixant des délais, les règles de transfert qui sont actuellement en vigueur tendent, certes, avant tout à ce que les contrats passés avec les joueurs aient une durée minimale d’une saison entière ou à tout le moins d’une demi-saison. Cela n’est toutefois pas nécessaire ainsi qu’on peut le voir dans d’autres disciplines sportives (262).

C’est dès lors à juste titre que dans un ensemble d’affaires la Cour a laissé ouverte la question de l’applicabilité au cas d’espèce, par exemple, de l’article 48 ou de l’article 59. Elle l’a notamment fait dans les affaires Walrave et Donà qui présentent un intérêt particulier en l’espèce (263). La Cour a clairement indiqué par là que ces deux dispositions posaient des critères analogues et que, lorsqu’on s’y référait dans un cas donné, on aboutissait aux mêmes conclusions. Cette position conforte l’approche que nous adoptons et que nous avons exposée ci-dessus.

202 L’interprétation de l’article 48 dans le sens que nous proposons ici permettrait également de dissiper une incohérence de la jurisprudence rendue à ce jour. Si l’on considère en effet que le contenu de la libre circulation des personnes garantie par l’article 48 se limite à l’interdiction de discriminer que cette disposition énonce, on ne pourrait alors logiquement justifier ces discriminations qu’au titre des raisons énumérées par l’article 48, paragraphe 3, à savoir l’ordre public, la sécurité publique et la santé publique. La Cour a toutefois décidé à plusieurs reprises qu’en cas de discriminations indirectes, une restriction de la libre circulation des personnes pouvait être justifiée par des «raisons objectives» (264). Il ressort clairement des arrêts que la Cour a rendus en 1992 dans les affaires Bachmann (265) et Commission/Belgique (266) qu’il s’agit là de se livrer au même examen que celui auquel les restrictions non discriminatoires à la libre prestation des services sont soumises au titre de l’article 59. L’approche que nous défendons ici permettrait de lever cette contradiction.

3) L’article 48 en tant que droit fondamental

203 Enfin, il nous paraît que l’interprétation que nous défendons est la seule qui puisse traduire de manière conforme la nature du droit à la libre circulation des personnes qui est un «droit fondamental conféré par le traité individuellement à tout travailleur de la Communauté» (267). Toute limitation du droit à la libre circulation des personnes porte atteinte à ce droit fondamental de l’intéressé et doit dès lors être justifiée. S’agissant d’une violation d’un droit fondamental, nous ne pouvons pas, à l’instar de l’avocat général M. Jacobs dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Konstandinidis, apercevoir dans quelle mesure la nature non discriminatoire de la mesure pourrait faire en sorte qu’elle ne relève pas du champ d’application de l’article 48 (268). Pour cette raison aussi nous estimons que l’article 48 doit également trouver application à des restrictions non discriminatoires touchant à la libre circulation des personnes. Cela doit à tout le moins être le cas lorsque la restriction concerne l’accès au marché du travail dans d’autres États membres.

dd) Critiques possibles de cette analyse

204 La conception que nous défendons ici soulève un certain nombre de critiques que nous devons examiner. L’objection majeure est certainement celle qui est tirée de la jurisprudence récente de la Cour sur l’article 30. Ainsi qu’on le sait, dans son arrêt Keck et Mithouard déjà cité, la Cour a revu l’ancienne jurisprudence qu’elle avait consacrée à l’article 30. Selon cet arrêt, «contrairement à ce qui a été jugé jusqu’ici», l’article 30 ne s’oppose pas à l’application de dispositions nationales qui «limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d’autres États membres» (269). Depuis, la Cour a réaffirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises (270). Il ressort de ces arrêts qu’ils ne visent que les réglementations relatives aux modalités de vente. Les règles nationales qui concernent le conditionnement des marchandises et les autres aspects de cet ordre continuent à être régies par l’article 30, même si ces règles sont indistinctement applicables aux produits nationaux et aux produits importés (271). La Cour a néanmoins réduit de la sorte le champ d’application de l’article 30. On se demande dès lors si, dans ce contexte, il apparaît opportun d’tendre le champ d’application de l’article 48. Plusieurs parties à la présente procédure ont évoqué cet aspect.

205 A notre avis, la jurisprudence plus récente que la Cour a consacrée à l’article 30 ne s’oppose pas à l’opinion que nous défendons quant à l’interprétation de l’article 48. Nous partageons l’avis de ceux qui ont estimé qu’auparavant le champ d’application de l’article 30 a reçu de temps à autre une interprétation trop large (272). La jurisprudence plus récente y a remédié, même si l’on peut se demander si l’approche que la Cour a adoptée constitue la meilleure solution. Il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’en ce qui concerne l’article 48 la situation de départ est totalement différente puisque, à ce jour, il n’y a pas de jurisprudence établie qui considère que les mesures indistinctement applicables sont elles aussi visées par cette disposition. L’interprétation extensive que nous proposons de lui donner ne veut absolument pas dire non plus que toutes les mesures non discriminatoires qui entravent potentiellement ou actuellement la libre circulation des personnes doivent nécessairement être soumises à des conditions aussi rigoureuses pour être justifiées. Si l’on veut se référer par analogie à la jurisprudence consacrée à l’article 30, on pourrait songer à opérer une distinction entre les mesures qui régissent l’accès à l’emploi et les mesures qui visent plutôt l’exercice de cette activité (273).

206 A cet égard, nous pensons pouvoir néanmoins nous autoriser de la jurisprudence de la Cour même. Notre opinion sur l’interprétation de l’article 48 est tirée – ainsi que nous l’avons vu – en grande partie de la symétrie avec l’article 59 et de la jurisprudence que cet article a suscitée. Cette jurisprudence s’étant développée sur le modèle de celle consacrée à l’article 30, on aurait pu imaginer que l’arrêt Keck et Mithouard aurait pu ne pas être sans incidence. Tel n’a cependant pas encore été le cas à ce jour.

Dans l’arrêt Schindler qu’elle a rendu en 1994, la Cour a à nouveau réaffirmé que des mesures non discriminatoires peuvent tomber sous le coup de l’article 59 (274). On trouve un exposé explicite sur les liens avec la nouvelle jurisprudence consacrée à l’article 30 (275) dans l’arrêt Alpine Investments récemment intervenu. Cette affaire concernait une mesure néerlandaise qui avait interdit à une société spécialisée dans les contrats à terme de marchandises de contacter par téléphone des éventuels clients aux Pays-Bas ou à l’étranger sans leur consentement préalable écrit. La question était de savoir si l’interdiction de cette pratique dite «cold calling» heurtait l’article 59. Se référant à l’arrêt Keck et Mithouard, les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni avaient prétendu que cette interdiction échappait au champ d’application de l’article 59 au motif qu’elle s’appliquait de manière générale et sans discrimination et qu’elle n’avait pas pour objet ni pour effet de procurer un avantage concurrentiel au marché national.

La Cour a rejeté ces arguments. D’après elle, l’idée qui a présidé à la décision rendue dans l’arrêt Keck et Mithouard doit être recherchée dans le fait que la réglementation qui y était en cause n’était pas de nature à «empêcher» les produits étrangers d’avoir accès au marché de l’État membre en question «ou à le gêner davantage qu’elle ne gêne celui des produits nationaux.» En revanche, l’interdiction en cause dans l’affaire Alpine investments «conditionne directement l’accès au marché des services dans les autres États membres. Elle est ainsi apte à entraver le commerce intracommunautaire des services.» (276)

On peut transposer ces considérations aux matières visées par l’article 48. A cet égard, il y a lieu de prendre particulièrement en compte le fait que les règles de transfert que nous devons examiner en l’espèce conditionnent directement l’accès au marché du travail dans les autres États membres (277).

207 Un autre argument qui s’oppose à une interprétation extensive des articles 48 et 52 est tiré de la jurisprudence relative à l’article 34 qui interdit les restrictions quantitatives à l’exportation et les mesures d’effet équivalent. Ainsi qu’on le sait, la Cour a décidé que l’article 34 vise les mesures qui «ont pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d’exportation» et qui assurent de cette manière un «avantage particulier» à la production nationale (278). D’après certains auteurs, on se trouverait toutefois en contradiction avec cette jurisprudence si l’on admettait que des mesures indistinctement applicables d’un État membre, qui compliqueraient l’usage que ses ressortissants ou des tiers feraient de leur droit à la libre circulation des personnes, tombent sous le coup de l’article 48 (279). Même s’il devait en aller ainsi, on ne pourrait à notre avis pas en conclure que l’article 48 appellerait une interprétation restrictive. Au contraire, il faudrait plutôt remettre en question la jurisprudence relative à l’article 34. Par conséquent, un obstacle à l’exercice du droit à la libre circulation des personnes doit toujours s’apprécier au regard de l’article 48 (280).

208 Nous avons déjà pris attitude sur l’importance que le principe de subsidiarité revêt dans le présent cas d’espèce (281).

ee) Application aux règles de transfert

209 Même si l’on voulait admettre que les règles de transfert s’appliqueraient indistinctement dans l’ensemble de la Communauté aux transferts intervenant à l’intérieur d’un État membre et à ceux qui s’effectuent vers un autre État membre, il n’en reste pas moins qu’elles restreignent la libre circulation des personnes. Au mépris des exigences de l’article 48, ces règles ne permettent pas à un joueur professionnel de football de se rendre, au terme de son contrat, en toute liberté dans un autre État membre pour évoluer dans un autre club. Il faut au contraire que dans tous les cas la somme de transfert exigible soit versée à l’ancien club. Ainsi que nous l’avons déjà exposé, la circonstance que, d’après les règles actuellement en vigueur de l’UEFA et de la FIFA, la qualification dans le nouveau club ne doit plus dépendre du règlement de la somme de transfert, n’y change rien (282). Il s’agit donc ici d’une restriction évidente du droit à la libre circulation des personnes visée par l’article 48. Si l’on s’en tient à l’opinion que nous défendons ici, le fait que ces règles restreignent en même temps la faculté de changer en toute liberté de club à l’intérieur d’un seul et même État membre ne peut rien y changer.

210 Les règles de transfert restreignent de la sorte directement l’accès au marché du travail dans les autres États membres. Elles se distinguent en cela fondamentalement des autres règles indistinctement applicables qui concernent l’exercice de la profession. Un exemple suffira à mettre cette différence en lumière. On a récemment soulevé la question de savoir si une division professionnelle devait comporter par exemple seize ou dix-huit clubs ou même davantage. Il est parfaitement clair que le nombre de clubs existants a une incidence sur les perspectives qu’un joueur a de trouver un emploi dans un club. Il sera en principe d’autant plus difficile de se faire engager que le nombre de clubs sera réduit. Toutefois des dispositions de cet ordre-là ne me paraissent pas être de nature à appeler des réserves au regard de l’article 48. Elles n’affectent pas la faculté des joueurs étrangers en tant que telle d’accéder à un emploi mais plutôt l’exercice de l’emploi. S’agissant des règles de transfert, la situation se présente de manière tout à fait différente. D’après les règles en vigueur, un joueur ne peut en effet changer de club pour aller dans un club étranger que si le nouveau club (ou le joueur lui-même) est en mesure de payer la somme de transfert exigée. A défaut, le joueur n’a pas la possibilité d’aller à l’étranger pour changer de club. Il s’agit d’une restriction directe à l’accès à l’emploi. Puisque la somme de transfert est exigée par l’ancien club et que l’entrave au changement de club trouve ainsi sa source dans le pays d’origine – même lorsqu’elle découle également des règlements des associations internationales – on peut bel et bien comparer ce cas de figure à celui que l’on rencontre dans l’affaire Alpine Investments.

211 L’URBSFA soutient que l’article 48 ne serait pas applicable en l’espèce en invoquant notamment une décision de la commission européenne des droits de l’homme de 1983 (283). Cette affaire concernait un joueur de football professionnel néerlandais qui soutenait que les règles de transfert heurtaient en particulier l’article 4, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Aux termes de cette disposition, nul ne peut être astreint à accomplir un «travail forcé ou obligatoire». La commission européenne des droits de l’homme a rejeté le recours (284). Elle s’est fondée à cet égard sur deux considérations. Premièrement, le requérant s’était librement décidé à devenir joueur professionnel alors qu’il était conscient que les règles en question le viseraient. D’autre part, ces règles ne concerneraient pas directement la liberté contractuelle du joueur.

Ces considérations n’intéressent pas le présent cas d’espèce. En réalité, les règles de transfert n’astreignent pas «directement» le joueur à accomplir un «travail forcé ou obligatoire». Les règles de droit communautaire ont toutefois une tout autre finalité. L’article 48 du traité CE protège de manière tout à fait générale le droit à la libre circulation des personnes entre les États membres. Au reste, lorsque la commission européenne des droits de l’homme considère que le requérant n’a pas été atteint dans ses droits au motif qu’en choisissant ce métier il a adhéré aux restrictions qui lui sont éventuellement liées, elle avance là une considération qui nous paraît plutôt sujette à caution. La décision que le Landesarbeitsgericht Berlin (le tribunal du travail de Berlin) a prononcée en 1979 dans une affaire analogue en appliquant le droit allemand est nettement plus convaincante. Il a considéré que les règles de transfert restreignent la liberté de choisir un emploi et, partant, méconnaissent l’article 12 de la loi fondamentale. Le Landesarbeitsgericht a estimé que les arrangements de droit privé eux non plus ne devaient pas méconnaître cette disposition, en sorte que l’adhésion du joueur à ces règles, si adhésion il y avait, était sans importance (285).

212 En conséquence nous rejoignons M. Bosman lorsqu’il expose que les règles de transfert méconnaissent l’article 48 et ne sont admissibles que si elles sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce but. L’agent du gouvernement danois a défendu le même point de vue au cours de la procédure orale devant la Cour. Dans ses observations écrites, la Commission a certes d’abord laissé cette question ouverte. Au cours de la procédure orale devant la Cour, elle a néanmoins indiqué qu’elle partageait la présente analyse en se référant à la position qu’elle avait adoptée dans l’affaire Vlassopoulos dans laquelle elle avait déjà défendu cette approche.

213 La plupart des autres parties qui estiment que l’article 48 ne saurait trouver application à des entraves non discriminatoires à la libre circulation des personnes ont défendu l’idée que les règles de transfert devaient en tout cas être considérées comme étant justifiées pour un certain nombre de raisons (286). Il convient à présent d’examiner ces justifications éventuelles.

ff) Les justifications éventuelles

1) Observations générales

214 Il convient tout d’abord de revenir à la question que nous avons déjà évoquée en abordant les clauses de nationalité, à savoir sous quel angle faut-il examiner ces justifications éventuelles? Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, dans les arrêts Walrave et Donà, la Cour a parlé à cet égard de raisons non économiques qui concernent exclusivement le sport (287). Il ressort néanmoins de la jurisprudence consacrée à l’article 30, d’une part, et à l’article 59, d’autre part, que des restrictions visées par ces dispositions peuvent être justifiées par des raisons qui ne sont pas seulement de nature non économique. Des considérations de nature économiques peuvent elles aussi jouer dans la mesure où il s’agit de raisons impérieuses d’intérêt général. Cela ressort en particulier des arrêts Bachmann et Commission/Belgique déjà cités, dans lesquels la Cour a décidé que des limitations à la libre circulation des personnes peuvent être admissibles lorsqu’elles sont susceptibles d’être justifiées par la nécessité de garantir la «cohérence du régime fiscal» (288).

215 Même si elle a repris la formulation des arrêts Walrave et Donà, la Cour devrait donc avoir voulu dire quelque chose d’autre. A notre avis, dans ces arrêts, la Cour se réfère aux règles qui, étant de nature exclusivement sportive, ne sont pas visées par le droit communautaire. Le fait par exemple qu’un match dure 90 minutes ou 80 et qu’une victoire soit homologuée à raison de deux points ou trois est sans importance et n’intéresse pas le droit à la libre circulation inscrit à l’article 48. Il en va autrement des règles de transfert. Celles-ci limitent directement le droit à la libre circulation et ne sont dès lors admissibles que si elles sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général.

216 A cet égard, il paraît opportun d’aborder un argument fondamental qui est invoqué pour justifier ces règles-là et d’autres. On soutient en effet que les associations sportives pourraient invoquer la liberté d’association qui est un droit. Ce droit pourrait entrer en conflit avec le droit de chaque sportif à la libre circulation en sorte qu’il faudrait le concilier avec ce dernier (289). Il est à présent certainement incontestable que les associations sportives ont le droit et le devoir d’élaborer des règles visant l’exercice et l’organisation du sport et que cette activité relève de leur autonomie associative qui est un droit fondamental garanti (290). Cela ne signifie toutefois pas qu’il suffirait d’une simple mise en balance des intérêts en présence pour résoudre le conflit entre le droit à la libre circulation et la liberté d’association (291). En procédant de la sorte, on ne prendrait pas suffisamment en compte l’importance fondamentale que l’article 48 revêt pour le marché intérieur et que la Cour a soulignée à plusieurs reprises (292). C’est la raison pour laquelle il faut approuver la conception selon laquelle seul un «intérêt important et marquant de l’association» peut justifier une limitation de la libre circulation des personnes (293). A notre avis, des intérêts de cette nature peuvent, le cas échéant, parfaitement répondre à la notion de raisons impérieuses d’intérêt général.

217 Enfin, il convient de relever que la question de la possibilité de justifier des règles de transfert joue également un rôle important au regard des règles de la concurrence et qu’elle a été examinée sous cet angle par les parties. Dans la mesure où cela est nécessaire à l’examen de la question posée, nous aborderons ici aussi les considérations intéressant les articles 85 et 86.

2) Maintien de l’équilibre financier et sportif

218 Un ensemble d’arguments ont été avancés pour justifier les règles de transfert. L’argument majeur consiste à notre avis à prétendre que les règles de transfert sont nécessaires pour maintenir un certain équilibre financier et sportif entre les clubs. On viserait par ces règles à assurer la survie des clubs plus modestes. Au cours de la procédure orale devant la Cour, l’URBSFA a expressément exposé à cet égard que les sommes de transfert qui étaient payées garantissent la survie des clubs amateurs.

Cette argumentation revient à affirmer que le régime des règles de transfert est nécessaire pour assurer l’organisation du football en tant que telle. Si le transfert de joueurs n’entraînait pas le paiement de sommes de transfert, les clubs prospères s’assureraient les meilleurs joueurs sans coup férir alors que les clubs plus modestes et les clubs amateurs seraient confrontés à des déficits financiers et devraient dès lors éventuellement cesser leurs activités. De la sorte, on courrait le risque de voir les clubs riches devenir toujours plus riches et les clubs moins prospères devenir encore plus pauvres.

219 Si cette affirmation était exacte, il faudrait selon nous considérer que les règles de transfert sont compatibles avec l’article 48. Le football occupe une place importante dans la Communauté tant sur le plan financier que sur celui de l’imaginaire collectif. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, un grand nombre de personnes s’intéressent au football dans la Communauté. Le nombre de spectateurs dans les stades ou devant les écrans le prouve de manière évidente. Dans certaines villes, l’équipe de football locale compte parmi les grandes attractions qui contribuent de manière décisive à la notoriété du lieu. Ainsi, en Allemagne, peu de personnes ne doivent pas établir de lien entre la ville de Mönchengladbach et le football. De surcroît, il y a longtemps que les grands clubs sont devenus des acteurs économiques importants. A notre avis, on pourrait dès lors considérer que le seul maintien d’une division professionnelle viable constitue une raison d’intérêt général susceptible de justifier des limitations à la libre circulation des personnes. Il y a lieu de relever à cet égard que – à l’instar des autres parties – nous partageons l’avis qu’une division professionnelle ne peut bien fonctionner que lorsqu’il n’y a pas de disparités trop importantes entre les clubs qui y participent. Si la division est nettement dominée par une équipe, il n’y aura plus le suspens nécessaire. L’intérêt des spectateurs devrait alors s’émousser dans un délai plus ou moins rapproché.

Le domaine du sport amateur est encore plus important. Il existe actuellement de nombreux clubs amateurs qui offrent à des jeunes et à des adultes la possibilité de pratiquer un sport. Nous n’avons pas besoin d’exposer davantage l’importance que cette possibilité d’occuper ses temps libres de manière utile a comme telle pour la société. Si les règles de transfert devaient être nécessaires pour garantir la survie de ces clubs amateurs, il s’agirait là sans aucun doute d’une raison impérieuse d’intérêt général à prendre en compte dans le cadre de l’article 48.

220 Il convient dès lors d’examiner si les clauses de transfert ont effectivement la portée que l’URBSFA ainsi que l’UEFA et d’autres leur confèrent. Il faut ici distinguer les effets à l’égard, d’une part, des clubs amateurs et, d’autre part, des clubs professionnels.

221 En ce qui concerne les clubs amateurs, aucune partie n’a avancé d’arguments concrets ni produit de chiffres pour étayer l’affirmation selon laquelle la suppression des règles de transfert aurait pour ces clubs ou à tout le moins pour certains d’entre eux des conséquences qui compromettraient leur existence.

Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner plus en avant la question. La question préjudicielle correspondante de la cour d’appel de Liège se rapporte à la situation que les règles de transfert créent à l’égard d’un joueur dont le contrat arrive à terme. Il s’agit donc de la mutation d’un joueur professionnel vers un autre club. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué (294), la Cour ne doit dès lors pas trancher dans la présente procédure la question de savoir si l’obligation de verser une somme de transfert lors de la mutation d’un joueur amateur vers un club professionnel est compatible avec le droit communautaire. La question soumise est dès lors cantonnée au football professionnel. La Cour ne doit dès lors pas statuer sur l’incidence que la réponse à la question de la légalité des clauses de transfert pourrait avoir sur les clubs amateurs sur ce point-là.

222 A l’égard des clubs professionnels aussi, les associations concernées se sont contentées d’étayer leur thèse en produisant des pièces qui présentent peu d’intérêt. A notre avis, c’est l’étude de Touche Ross sur le football anglais, que l’UEFA a produite et que nous avons déjà évoquée, qui présente le plus d’intérêt pour l’examen auquel nous devons nous livrer ici. Ainsi qu’on le sait, il existe en Angleterre quatre divisions professionnelles comprenant – de la plus haute à la plus basse – la Premier League, les première, deuxième et troisième divisions. Il ressort des chiffres avancés dans l’étude précitée qu’au cours de la période visée (295) les clubs de la Premier League ont dépensé environ 18,5 millions de UKL pour des nouveaux joueurs (après déduction des recettes provenant des sommes de transfert qu’ils avaient eux-mêmes encaissées). Après déduction de ce montant de l’ensemble des recettes, il restait alors à ces clubs un bénéfice global de 11,5 millions. En revanche, les clubs de première division ont atteint un excédent de plus de 9,3 millions dans les opérations de transfert, ceux de deuxième division un excédent de près de 2,4 millions et ceux de troisième division un excédent d’environ 1,6 million. De surcroît, il est remarquable que pour les trois dernières divisions citées, l’exploitation courante se soldait à chaque fois par une perte qui était largement couverte par les rentrées provenant des transferts (296).

Ces chiffres prouvent de façon très impressionnante le rôle significatif que les divisions inférieures jouent à l’égard de la division supérieure en servant de viviers de talents. Ils montrent aussi que, pour les clubs de ces catégories inférieures, les recettes procurées par les transferts constituent un poste important de leur bilan. S’il fallait considérer que les règles de transfert sont illégales et que ces payements n’intervenaient dès lors plus, il faudrait s’attendre à ce que ces clubs rencontrent de graves difficultés.

223 Nous partageons dès lors parfaitement l’avis que l’URBSFA et l’UEFA ont à nouveau exprimé clairement au cours des débats oraux devant la Cour, selon lequel il est d’une importance fondamentale de répartir adéquatement les recettes entre les clubs. Nous estimons néanmoins que dans la forme qu’elles revêtent actuellement les règles de transfert ne peuvent pas trouver de justification dans cette considération. Il est déjà douteux que les règles de transfert permettent d’atteindre le but que les associations évoquent. Par ailleurs, il existe en tout cas d’autres moyens d’atteindre ce but qui affectent moins la libre circulation des personnes ou même pas du tout.

224 Pour examiner si ces règles sont aptes à atteindre le but fixé, il convient tout d’abord d’indiquer que les règles actuellement en vigueur doivent souvent contraindre les clubs professionnels plus petits à se séparer de joueurs afin d’assurer leur survie par les recettes de transfert qu’ils obtiennent de cette façon. Comme les joueurs transférés aux plus grands clubs sont en règle générale les meilleurs joueurs des plus petits clubs professionnels, ces derniers en ressortent affaiblis sur le plan sportif. Il est certes exact qu’en recueillant les recettes de transfert ces clubs sont en mesure d’engager eux-mêmes des nouveaux joueurs si leur situation financière globale le permet. Cependant, ainsi que nous l’avons vu, les sommes de transfert se calculent en principe sur la base de la rémunération du joueur. Comme les grands clubs paient le plus souvent des rémunérations élevées, les clubs plus petits ne sont pratiquement jamais en mesure d’acheter eux-mêmes des bons joueurs à ces clubs. Sous cet angle, les règles de transfert renforcent donc la disparité qui existe entre les clubs prospères et les clubs moins prospères. La Commission et M. Bosman ont fait à juste titre état de cette conséquence.

225 M. Bosman a également exposé avec pertinence que les règles de transfert n’empêchent pas les clubs riches d’engager les meilleurs joueurs, ce qui le conduit à exprimer des réserves sur leur aptitude à contribuer à assurer l’égalité sportive. En réalité, l’obligation de verser une somme d’argent parfois considérable pour un nouveau joueur ne serait pas un obstacle significatif pour un club prospère ou pour une équipe soutenue par un puissant sponsor. L’exemple de l’AC Milan et des Blackburn Rovers le prouve très nettement (297).

Au reste, les règles de transfert ne renforcent pas nécessairement l’égalité financière entre les clubs. Si un club engage des joueurs de clubs d’autres États membres ou de pays tiers, les fonds nécessaire vont à l’étranger sans qu’en profitent les autres clubs qui rencontrent le club en question dans la même division.

226 Mais il est clair qu’il existe des solutions de rechange aux règles de transfert, qui permettent d’atteindre le but qu’elles poursuivent. Il s’agit dans le fond de deux possibilités différentes qui ont toutes les deux été évoquées par M. Bosman. Il y a tout d’abord moyen de soumettre par convention collective la rémunération que le club paie aux joueurs à certaines limites. Dans ses observations, M. Bosman développe davantage cette possibilité. Il a néanmoins indiqué qu’elle n’est pas aussi efficace que l’autre initiative que nous allons aborder maintenant. Compte tenu de la suite de l’exposé nous ne devons pas nous exprimer davantage sur cette première possibilité. Il serait d’autre part possible de répartir les recettes des clubs entre eux. Cela signifie concrètement qu’une partie des recettes qu’un club retire de la vente des billets d’entrée pour les matchs qui se jouent chez lui serait attribuée à l’autre club. De manière analogue, on pourrait répartir entre tous les clubs les recettes qui proviennent des droits accordés pour la diffusion des matchs à la télévision.

Pour écarter tout malentendu, nous souhaiterions indiquer clairement à cet endroit que nous ne comptons pas parmi les solutions de rechange abordées ici un soutien financier provenant d’aides d’État. La raison en est que des aides de cette nature déborderaient du champ des possibilités que les associations de football puisent dans leurs propres ressources conformément à leur autonomie associative. Le football professionnel serait alors conçu sur une base différente de celle qu’il convient d’examiner en l’espèce.

227 Il ne peut faire aucun doute qu’une telle répartition des recettes apparaît judicieuse et légitime d’un point de vue économique. L’UEFA elle-même a indiqué à juste titre que le football est caractérisé par la dépendance économique réciproque des clubs. Cette discipline sportive s’exerce en opposant deux équipes qui mesurent leurs forces. Chaque club a besoin de l’autre pour rencontrer le succès. C’est pour cette raison que chaque club a intérêt à ce que les autres clubs soient prospères. Les clubs qui évoluent dans une division ne visent dès lors pas à éliminer leurs concurrents du marché. C’est là que – ainsi que l’UEFA et M. Bosman l’ont très justement indiqué – réside une distinction significative par rapport à la concurrence qui règne entre les entreprises sur d’autres marchés. Il est tout aussi exact que le succès financier d’une division dépend avant tout d’une certaine égalité entre ses clubs. Lorsque la division est dominée par un club très puissant, on sait d’expérience que le désintérêt s’installe.

Si chaque club devait exclusivement se financer par les recettes qu’il retire de la vente des billets d’entrée, des contrats avec les radios et les télévisions et d’autres sources (comme la publicité, les cotisations des membres ou les parrainages), l’équilibre entre les clubs serait très rapidement mis en péril. Des grands clubs comme le FC Bayern de Munich ou le FC Barcelone exercent une certaine force d’attraction qui se traduit par un grand nombre de spectateurs. Il s’ensuit que ces clubs deviennent très intéressants pour les producteurs de télévision aussi et pour le monde de la publicité. Les importantes recettes qui en découlent permettent à ces clubs d’engager les meilleurs joueurs et de continuer ainsi à renforcer leur succès sportif et financier. Les clubs plus modestes connaîtraient eux une évolution exactement inverse. Une équipe qui n’est pas attractive finit par recueillir de faibles recettes, ce qui réduit à son tour les possibilités de renforcer l’équipe.

M. Bosman a certes indiqué que certains estiment que l’équilibre nécessaire s’instaure presque automatiquement étant donné que, pour les raisons que nous avons exposées, aucun club ne peut avoir intérêt a acquérir une supériorité écrasante dans sa division. L’expérience montre néanmoins que les directions des clubs ne calculent pas toujours de cette manière mais peuvent parfois se laisser guider par des considérations autres que purement sportives ou financières. A notre avis, il est donc bel et bien utile d’adopter des mesures qui veillent à assurer un certain équilibre entre les équipes. Une de ces possibilités est le système actuellement en place des paiements lors des transferts. Une autre possibilité consiste à répartir une partie des recettes.

228 M. Bosman a produit un ensemble d’études économiques qui montrent que la répartition des recettes est un moyen approprié de soutenir l’équilibre souhaité (298). La façon dont un tel système sera concrètement conçu dépendra évidemment des particularités de la division en question et d’autres considérations. Il devrait en particulier être clair qu’une répartition de cette nature ne peut être judicieuse et adéquate que si elle reste limitée à une petite partie des recettes. Si l’on distribue en effet aux autres clubs par exemple la moitié des recettes ou même davantage, on entamerait trop fortement la stimulation des clubs à accomplir de bonnes performances (299).

229 Ni l’URBSFA ni l’UEFA n’ont contesté que cette solution offrait une possibilité réaliste qui permette de promouvoir l’égalité sportive et financière entre les clubs. Sauf erreur lourde de notre part, elles n’ont même pas tenté de réfuter les arguments que M. Bosman a développés sur ce point.

230 Cela ne nous paraît pas être le fruit du hasard. Les associations elles aussi peuvent en effet difficilement contester que cette possibilité offre une solution adéquate et raisonnable. On en trouvera la meilleure preuve dans le fait qu’actuellement déjà des modèles analogues trouvent application dans le football professionnel. Dans la coupe d’Allemagne, par exemple, les deux clubs qui participent au match perçoivent à notre connaissance chacun la moitié des recettes après déduction de la part revenant à la fédération allemande de football. Les recettes provenant de la concession du droit de diffuser les matchs à la radio ou à la télévision sont réparties entre les clubs par la fédération allemande selon une clé précise (300). Les choses devraient se présenter de manière analogue dans les associations des autres États membres.

Au niveau de l’UEFA, on répartit aussi les recettes. Aux termes de l’article 18 du statut de l’UEFA (dans la version de 1990), l’UEFA a droit à une partie des recettes provenant des matchs qu’elle organise ainsi que de certains matchs nationaux. Un bon exemple est le règlement de la coupe UEFA pour la saison 1992/1993 que l’URBSFA a produit. Il attribue à l’UEFA pour chaque match de qualification 4 % des recettes brutes provenant de la vente des billets d’entrée ainsi que 10 % des recettes provenant de la cession des droits de télévision et de radio. Pour les deux matchs de la finale, les parts revenant à l’UEFA s’élèvent à respectivement 10 et 25 % (301).

231 Alors que cette réglementation sert à couvrir les dépenses de l’UEFA et qu’elle n’aboutit que de façon médiate à une répartition des recettes – par les sommes que l’UEFA alloue à certaines associations et à certains clubs (302) – il en va autrement de la «Ligue des champions de l’UEFA». Cette compétition, qui a succédé à l’ancienne coupe d’Europe des clubs champions, a été créée par l’UEFA en 1992. Un document de l’UEFA que M. Bosman a produit donne des éclaircissements sur la finalité et l’organisation de cette compétition. Il en ressort qu’elle a pour but de promouvoir les intérêts du football. A cet égard, il est expressément précisé que les recettes ne bénéficient pas seulement aux clubs participants mais que toutes les associations en recueillent une partie.

Le bilan de la saison 1992/1993 en est une bonne illustration. Les huit clubs qui avaient participé à la compétition ont conservé les recettes provenant de la vente des billets d’entrée pour les matchs qui se déroulaient chez eux. Par ailleurs, la compétition a procuré des recettes provenant de la commercialisation des droits de de télévision et de publicité s’élevant à 70 millions de SFR. Ce montant a été réparti comme suit: les clubs participants ont perçu 38 millions de SFR (54 %); 12 autres millions de SFR (18 %) ont été distribués à tous les clubs qui avaient été éliminés dans les deux premiers tours des trois compétitions que l’UEFA organise à l’intention des équipes de clubs; 5,8 millions de SFR (8 %) ont été répartis entre les 42 associations membres de l’UEFA. Les 14 millions de SFR restants (20 %) sont revenus à l’UEFA qui devait les consacrer au développement du football et prioritairement à la promotion du football féminin et du football des jeunes.

232 L’exemple de la Ligue des champions en particulier conforte pleinement notre avis que les associations et les clubs concernés ont reconnu la possibilité de promouvoir leurs intérêts propres ainsi que ceux du football en général en répartissant une partie des recettes et qu’ils en ont accepté le principe. Nous n’apercevons dès lors pas d’obstacle insurmontable qui empêcherait d’introduire cette méthode sur le plan national également ou au sein de chaque association. En concevant adéquatement ce système on éviterait que l’émulation des clubs ne se tarisse indûment et que les clubs plus modestes ne deviennent les pensionnaires des clubs nantis. Nous ne parvenons pas à apercevoir les éventuels effets négatifs que cela aurait sur l’esprit d’autonomie de chaque club. Même s’il devait en aller ainsi, ces effets seraient de nature purement psychologique et ils ne seraient donc pas aptes à justifier de maintenir la restriction à la libre circulation des personnes découlant du régime des transferts.

233 Enfin, il convient d’indiquer que la répartition d’une partie des recettes paraît nettement plus apte à atteindre le but poursuivi que le régime actuel des sommes de transfert. Elle permet en effet aux clubs concernés de prospérer sur une base nettement plus sûre. Si un club peut compter sur un montant de base précis, qu’il percevra en tout état de cause, cela assure nettement mieux la solidité des clubs que la possibilité de tirer une substantielle somme d’argent d’un propre joueur. Ainsi que M. Bosman l’a indiqué très justement, la découverte d’un joueur doué dans ses propres rangs, susceptible d’être transféré à un grand club à un prix onéreux, est très souvent bien plus le fait du hasard. La santé du football ne dépend toutefois pas seulement de la prospérité d’un tel club mais aussi du fait que tous les autres clubs plus modestes puissent survivre. Mais ce dernier aspect n’est pas garanti par les règles de transfert actuellement en vigueur.

234 Dans la mesure où les règles de transfert tendent à assurer l’égalité financière et sportive des clubs, il existe alors au moins une solution de rechange par laquelle ce but peut être au moins aussi bien poursuivi et qui n’affecte pas la libre circulation des joueurs. Les règles de transfert ne sont donc pas indispensables pour atteindre ce but et elles ne sont dès lors pas conformes au principe de proportionnalité.

3) Indemnisation des frais de formation

235 Le deuxième argument important sur lequel les associations concernées se fondent pour considérer que le régime des transferts est admissible, consiste à affirmer que les sommes de transfert serviraient uniquement à rembourser les frais de formation et de promotion d’un joueur. Les gouvernements italien et français ont eux aussi repris cet argument. Cet argument est évidemment intimement lié au premier argument que nous venons d’aborder.

236 Même si cet argument a été si souvent répété au cours de la présente procédure, il ne convaincra pas grand monde.

237 Les sommes de transfert ne peuvent pas être considérées comme étant une indemnisation des éventuels frais de formation ne serait-ce que parce que leur montant n’est pas déterminé en fonction de ces frais mais en fonction de la rémunération du joueur. On ne saurait non plus sérieusement soutenir que, par exemple, un joueur qui change de club pour une somme de transfert d’un million d’écus est censé avoir exposé l’ancien club à des frais de formation d’un montant aussi énorme. La vanité de la thèse des associations ressort bien du règlement de la fédération allemande de football relatif aux transferts, que nous avons déjà exposé ci-dessus, à l’égard du transfert d’un joueur amateur vers un club professionnel. Ainsi que nous l’avons vu, un club de première division devait alors payer une somme de transfert de 100 000 DM alors qu’un club de deuxième division ne devait débourser que 45 000 DM pour le même joueur (303). Cela montre que le montant de la somme de transfert n’est de toute évidence pas déterminé en fonction des frais de formation.

Deuxièmement, la circonstance que pareilles sommes – et dans de nombreux cas des montants extraordinairement élevés – sont également exigées lorsqu’un joueur professionnel formé change de club s’oppose à assimiler les sommes de transfert à une indemnisation des frais de formation exposés. Dans ce cas-là, il ne peut plus être question d’une «formation» et d’une indemnisation des frais d’une telle formation. La circonstance que dans pareils cas on parle d’une «indemnité de promotion» (et non pas d’une «indemnité de formation») n’y change rien. Tout club sensé assurera certainement à ses joueurs toutes les promotions nécessaires. Il s’agit toutefois là de dépenses qu’il expose dans son propre intérêt et que le joueur lui rend par ses performances. On n’aperçoit pas la raison pour laquelle un tel club devrait avoir droit à une somme de transfert à ce titre. C’est la raison pour laquelle les réglementations de l’association française tout comme celle de l’association espagnole ont à notre avis très justement tiré la conclusion que – du moins à partir d’un certain moment – il ne faut plus exiger de sommes de transfert (304).

238 Enfin, il est évident que la formation d’un joueur entraîne des frais. Ils seraient remboursés ou non selon que ce joueur irait dans un autre club ou n’y irait pas. Cela montre également que la justification que les parties intéressées avancent est incohérente.

239 Cela ne veut toutefois pas dire que dans la conception que nous défendons on devrait toujours considérer comme inadmissible de réclamer une somme de transfert pour un joueur. Selon nous, ce n’est pas tout à fait en vain que l’on considère qu’un club puisse porter en compte le travail de formation qu’il a accompli et qu’il ne faut pas permettre aux grands clubs riches de tirer profit des fruits de cet effort sans débourser eux-mêmes un montant. C’est la raison pour laquelle on peut se demander si l’on pourrait accepter à l’égard des joueurs professionnels une réglementation des transferts qui soit calquée sur la réalité des éléments objectifs. M. Bosman a indiqué lui-même que pareille réglementation des transferts pourrait éventuellement avoir un sens à l’égard des joueurs amateurs qui vont dans un club professionnel. Il n’y a pas lieu d’examiner davantage cette question dans la présente procédure qui ne concerne que le transfert des joueurs professionnels. En revanche, la Commission a indiqué en termes tout à fait généraux qu’une somme de transfert adéquate peut être justifiée.

A notre avis, une réglementation de cette nature devrait satisfaire à deux conditions. Premièrement, les sommes de transfert devraient être effectivement limitées au montant que l’ancien club (ou les anciens clubs) a ou ont dépensé pour former le joueur. Deuxièmement, une somme de transfert ne s’envisagerait que dans le cas du premier transfert et uniquement à l’égard de l’ancien club qui a formé le joueur. A l’instar de la réglementation des transferts qui est en vigueur en France, cette somme de transfert devrait de surcroît être réduite proportionnellement au nombre d’années que le joueur a passées au sein de ce club après avoir été formé, étant donné que, durant cette période, le club qui l’a formé a eu l’occasion de tirer profit des investissements qu’il a faits dans le joueur.

Les règles de transfert que nous devons examiner ici ne satisfont pas à ces exigences ou alors à la rigueur partiellement. Au reste, il se peut que pareille réglementation des transferts puisse également se voir opposer l’argument de M. Bosman qui expose que le but qu’elle poursuit peut aussi être atteint par un système de répartition d’une partie des recettes sans que le droit du joueur à la libre circulation doive être limité à cette fin. Les associations n’ont avancé aucun élément susceptible de répondre à cette critique. Au reste, il convient de constater que la réglementation de la fédération allemande relative aux transferts de joueurs amateurs vers des clubs professionnels, que nous avons déjà citée, semble dans le fond s’inspirer de considérations analogues lorsqu’elle détermine différentes sommes forfaitaires.

4) Autres arguments

240 En plus des arguments que nous venons d’examiner, on a présenté de surcroît un ensemble d’arguments tendant à justifier les règles de transfert, qu’il convient de considérer à présent.

241 L’UEFA a indiqué que le paiement des sommes de transfert permet aux clubs de rechercher des joueurs talentueux et les y incitent également. Il s’agit donc d’une activité vitale pour le football. Même s’il en va bien ainsi, nous ne parvenons pas à apercevoir les raisons pour lesquelles il devrait être nécessaire à cette fin de lier le transfert de joueurs au payement d’une somme de transfert. La possibilité de répartir une partie des recettes, que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises, procurerait aux clubs les moyens financiers nécessaires pour découvrir de jeunes talents et les former. Un tel système de répartition peut aussi bien être conçu de manière à permettre de continuer à stimuler la recherche de talents et la qualité du travail de formation (305).

242 Nous ne considérons pas que l’argument également avancé par l’UEFA selon lequel les sommes de transfert permettraient aux clubs de recruter du personnel – et elle ne pensait peut-être pas uniquement aux joueurs – soit convaincant. Ainsi que nous l’avons déjà montré, les clubs peuvent recourir à d’autres sources de financement qui n’affectent pas la libre circulation des joueurs.

243 Il n’y a pas lieu d’examiner davantage l’argument selon lequel le payement de sommes de transfert devrait être admis pour compenser les frais que les clubs ont dû exposer en payant eux-mêmes des sommes de transfert lorsqu’ils ont engagé des joueurs. Cette considération renferme une pétition de principes à l’instar de l’argument selon lequel la somme de transfert aurait pour but de compenser la perte que le club subit du fait du départ du joueur en question. Cela présuppose en effet précisément qu’un joueur puisse être considéré comme étant une sorte de marchandise dont le remplacement impose de payer un prix. Une telle approche peut correspondre à la réalité actuelle, telle qu’elle est caractérisée par les règles de transfert, dans laquelle il est constamment question d'«achat» et de «vente» de joueurs. Ce fait ne doit toutefois pas occulter qu’il s’agit d’une approche qui n’a pas de fondement juridique et qui ne se concilie pas avec le droit à la libre circulation.

244 M. Bosman a émis la supposition que les règles de transfert sont censées servir à réserver aux clubs les sommes en question. D’après lui, la suppression des règles de transfert conduirait en effet à une hausse générale des rémunérations des joueurs. Cette analyse n’est pas dénuée de tout fondement. Si cet objectif (économique) devait – lui aussi – effectivement présider aux règles de transfert, il ne serait en tout cas pas apte à justifier la limitation de la libre circulation qui en découle, car on n’aperçoit pas en quoi les clubs auraient un intérêt digne de protection à allouer des rémunérations plus modestes que celles qu’ils auraient à payer dans des circonstances normales et en l’absence de règles de transfert, intérêt qui devrait donc être soutenu au détriment des joueurs.

245 L’URBSFA a indiqué que la réglementation actuelle des transferts tend à garantir la qualité du football et à soutenir l’activité sportive et l’esprit du sport. Cette argumentation nous paraît très nettement viser le monde des amateurs qui – pour le rappeler à nouveau – ne fait pas l’objet de la présente affaire. De surcroît, on n’aperçoit absolument pas en quoi les règles de transfert sont censées contribuer à atteindre ce but énoncé en termes très généraux. Au reste, nous doutons sérieusement qu’un régime qui revient en fin de compte à traiter le joueur comme une marchandise est apte à promouvoir l’esprit sportif.

246 Plus important est le moyen selon lequel il faudrait conserver ces règles pour maintenir l’organisation mondiale du football. La question de la compatibilité de ces règles avec le droit communautaire n’intéresse le football mondial que dans la mesure où les associations établies dans la Communauté sont concernées. Il est dès lors clair que l’arrêt à intervenir dans la présente affaire ne vise que celles-là. Si la Cour suit la position que nous défendons, le transfert d’un joueur professionnel évoluant dans la Communauté, dont le contrat a expiré et qui possède la nationalité d’un État membre, vers un club d’un autre État membre, ne pourra plus dépendre du payement d’une somme de transfert. En revanche, il sera loisible aux associations des pays tiers de conserver ces règles. Cela aura pour conséquence qu’un club établi dans la Communauté, qui souhaiterait engager un joueur qui évoluait jusque là dans un club d’un pays tiers, devra toujours payer une somme de transfert – même si ce joueur possède la nationalité d’un des États membres de la Communauté. Cela pourrait très bien soulever un certain nombre de difficultés.

Ces difficultés ne doivent toutefois pas être surestimées. L’exemple de la France (et, dans une certaine mesure, de l’Espagne) montre que l’on peut largement renoncer au régime des sommes de transfert à l’intérieur d’un État membre alors qu’il continue à s’appliquer dans les relations avec l’étranger. Rien ne s’oppose dès lors à appliquer un régime unique dans la Communauté, à l’intérieur de laquelle les sommes de transfert devraient être abandonnées, tout en les maintenant à l’égard des transferts au départ de pays tiers ou vers ceux-ci. A notre avis, cela est d’ailleurs parfaitement conforme à la logique du marché intérieur.

247 Enfin, il convient d’aborder la crainte qui a été exprimée de voir la suppression des règles de transfert existantes conduire à des bouleversements dramatiques dans le football ou même à une expropriation (306). L’analyse que nous défendons signifie certainement que l’organisation du football dans la Communauté devrait subir de profondes modifications. Cela ne devrait néanmoins pas susciter des difficultés insurmontables à moyen ou à long terme. Comme le montre notamment la création de la Ligue des champions par l’UEFA, les associations sont parfaitement à même de prendre les mesures nécessaires à la bonne marche du football. A court terme, la suppression des sommes de transfert va certainement entraîner un certain nombre d’inconvénients, principalement à l’égard des clubs qui viennent de consacrer des fonds à pareilles sommes de transfert. Il ne saurait toutefois être question d’expropriation. Celui qui assimile des joueurs à des marchandises monnayables dont la valeur est, le cas échéant, inscrite dans les comptes, le fait à ses risques et périls. De surcroît, il convient de considérer que la suppression des sommes de transfert procure dans le même temps des avantages à un club en lui offrant la possibilité d’engager des nouveaux joueurs sans devoir payer de somme de transfert. A l’égard des clubs qui viennent d'«acquérir» des nouveaux joueurs, il faut relever que les contrats conclus avec le joueur le sont pour une certaine période au cours de laquelle ce joueur n’a la faculté de quitter le club qu’avec son accord. Ces clubs ne ressentiront dès lors la suppression des sommes de transfert qu’à l’expiration de cette période.

5) Synthèse

248 A notre avis, il ressort de tous ces éléments que les règles de transfert en vigueur à ce jour ne sont pas justifiées par un motif d’intérêt général. Les buts légitimes qu’elles poursuivent peuvent être atteints par d’autres solutions de rechange qui affectent moins ou pas du tout le droit du joueur à la libre circulation. Les règles de transfert ne sont dès lors pas indispensables pour atteindre ces buts. La solution de rechange la plus intéressante consiste à répartir une partie des recettes recueillies par les clubs. Actuellement, des associations et des clubs recourent déjà à cette méthode dans certains domaines. Il ne s’agit dès lors absolument pas d’une solution de rechange hypothétique ou coupée des réalités qui serait imposée au football de l’extérieur. C’est aux associations et aux clubs qu’il appartiendra toujours de décider quel système elles instaurent pour remplacer les règles de transfert et le régime des sommes de transfert qu’elles comportent. Le seul préalable que le droit communautaire impose sur ce point est que ce système doit garantir le droit des joueurs à la libre circulation qui est protégé par l’article 48 du traité CE.

249 Il convient dès lors de répondre à la question de la cour d’appel de Liège qui se rapporte aux règles de transfert – en ce qui concerne l’article 48 – qu’il n’est pas compatible avec cette disposition d’imposer au nouveau club de payer une somme de transfert à l’ancien club lors d’un transfert d’un joueur professionnel dont le contrat a expiré.

250 Cela ne rejoint pas seulement l’opinion que M. Bosman a défendue. La Commission s’est elle aussi exprimée en ce sens au cours de la procédure orale.

251 Il nous paraît particulièrement significatif qu’un État membre aussi – à savoir le royaume de Danemark – ait défendu cette analyse. Cela montre que les États membres n’ont aucun intérêt propre à voir maintenir ce régime de transfert.

252 L’opinion que nous exprimons ici rejoint également la position que le Parlement européen défend depuis longtemps. Nous pouvons nous contenter de citer le rapport du 1er mars 1989 (307) que la commission juridique et des droits des citoyens a fait sur la libre circulation des joueurs professionnels de football dans la Communauté et le rapport de la commission de la culture, de la jeunesse, de l’éducation et des médias sur «La Communauté européenne et le sport» du 27 avril 1994 (308) ainsi que les résolutions que le Parlement européen a adoptées sur cette base les 11 avril 1989 (309) et 21 novembre 1991 (310).

V – Interprétation des articles 85 et 86

1. Rapports avec l’article 48

253 Dans ses observations écrites, la Commission a soutenu qu’à l’égard des règles de transfert seules les dispositions du traité CE en matière de concurrence devaient trouver application et non l’article 48. Au cours de la procédure orale elle a néanmoins abandonné à juste titre cette position. On n’aperçoit pas en quoi les règles qu’il faut examiner en l’espèce ne pourraient pas être soumises à la fois à l’article 48 et au droit de la concurrence de la CE (311). Dans différents passages, le traité CE a réglé le rapport réciproque entre les différents champs d’application de ses dispositions (312). Une disposition de cette nature fait défaut, d’une part, pour l’article 48 et, d’autre part, pour les articles 85 et suivants, en sorte que les deux normes peuvent en principe trouver à s’appliquer à une seule et même situation donnée.

2. Applicabilité de l’article 85

a) Entreprises et associations d’entreprises

254 L’article 85, paragraphe 1, vise les accords entre entreprises, les décisions d’associations d’entreprises et les pratiques concertées. Il convient dès lors d’examiner tout d’abord si les clubs de football – et, le cas échéant, leurs associations – peuvent être considérés comme étant des entreprises et les associations de football comme étant des associations d’entreprises au sens de cette disposition.

255 La notion d’entreprise, qui n’est pas définie dans le traité CE, reçoit la même acception à l’article 85 et à l’article 86 (313). Selon la jurisprudence elle comprend «toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement» (314). Compte tenu de ce que nous avons déjà dit à ce sujet (315), on ne saurait sérieusement contester que les clubs professionnels exercent une activité économique de cette nature. L’argument de l’URBSFA selon lequel cela ne vaudrait que pour les grands clubs et non pour les clubs dont il s’agit en l’espèce au motif que ces derniers ne déploient qu’une activité économique réduite n’est pas sérieux. La taille de l’entreprise n’a en effet pas d’importance (316). La nature des activités de l’US Dunkerque et du RC Liège ne se distingue pas de celle des grands clubs. Seul diffère le succès économique que les clubs en question rencontrent dans leur activité. Cette circonstance n’a toutefois aucune incidence sur la question de savoir si l’on a affaire à une entreprise. C’est dès lors tout aussi vainement que le gouvernement italien soutient que les clubs de football ne poursuivraient pas de but lucratif. Même si cette affirmation devait être exacte – ce qui nous paraît très douteux – elle serait dénuée de pertinence puisque la notion d’entreprise qui sous-tend le droit communautaire de la concurrence ne requiert pas de but lucratif (317).

256 Il ne fait pas plus de doute que les différentes associations de football doivent être considérées comme étant des associations d’entreprises au sens de l’article 85. La circonstance que, en plus des clubs professionnels, de nombreux clubs amateurs en fassent partie n’y change rien.

De surcroît, des associations d’entreprises peuvent elles aussi être considérées comme étant des «entreprises» au sens précité dans la mesure où elles ont elles-mêmes des activités économiques (318).

257 Cette analyse est également conforme à la jurisprudence de la Cour ainsi qu’à la pratique qui se dégage des décisions de la Commission. Dans une décision du 27 octobre 1992 (319), la Commission a examiné la compatibilité avec l’article 85 de certaines pratiques que l’on rencontrait dans la distribution des billets d’entrée à la coupe du monde de football qui se déroulait en 1990 en Italie. A cette occasion, elle a constaté que la FIFA et l’association italienne entre autres exerçaient des activités économiques et devaient dès lors être considérées comme étant des entreprises (320). Depuis, cette décision ne peut plus faire l’objet d’un recours. Le Tribunal de première instance a récemment été appelé à statuer sur un recours de l’association écossaise de football (321). Ce recours visait une décision que la Commission avait adoptée au titre de l’article 11 du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (322). Cette disposition permet à la Commission de demander des renseignements à des entreprises et à des associations d’entreprises. L’association écossaise de football a soulevé un certain nombre de moyens contre la décision de la Commission. Elle n’a toutefois pas contesté que la Commission pouvait lui opposer cette disposition. Le Tribunal n’a dès lors pas abordé cette question. L’arrêt a acquis force de chose jugée.

b) Accords entre entreprises ou décisions d’associations d’entreprises

258 Les clauses de nationalité et les règles de transfert sont déposées dans les règlements des associations en question. A première vue, tout porte à croire qu’il s’agit en l’espèce de décisions d’associations d’entreprises. L’URBSFA rétorque néanmoins que ces règlements se borneraient à traduire fidèlement la volonté des membres des associations. Elle paraît dès lors estimer qu’il s’agit plutôt d’accords intervenus entre les clubs. Comme l’article 85 s’applique de la même manière à l’une ou l’autre forme de collaboration, la distinction n’a aucune incidence en l’espèce (323).

259 A une exception près, aucune des parties n’a sérieusement tenté de contester qu’il s’agit en l’espèce de décisions ou d’accords qui doivent être examinés au regard de l’article 85. Seul le gouvernement français a indiqué dans ses observations écrites que les règles de transfert ne pouvaient pas être réduites à un accord ni à une décision. D’après lui, l’entrave à la libre circulation que M. Bosman incrimine ne découle pas tant de l’obligation de payer une somme de transfert que du montant démesuré qui serait exigé. Il poursuit en ajoutant qu’on ne saurait toutefois y apercevoir une pratique concertée. Il s’agirait plutôt de la conséquence d’une situation de fait.

Nous devons avouer notre incapacité à suivre ce raisonnement. Il est à notre avis évident que les règles de transfert ne sont pas un phénomène naturel mais qu’elles ont été créées par les clubs et leurs associations.

c) Le commerce entre États membres est-il affecté?

260 Les décisions et les accords restrictifs de concurrence ne tombent sous le coup de l’article 85 que s’ils sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Sont seules visées les ententes «susceptibles de mettre en cause la liberté du commerce entre États membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d’un marché unique entre les États membres» (324). Encore faut-il que le commerce entre État membre soit affecté d’une manière sensible (325). En l’espèce, l’une et l’autre conditions sont remplies. Cela va de soi pour les clauses de nationalité. Les règles de transfert déploient également dans une large mesure leurs effets sur les échanges économiques entre États membres. Les chiffres que nous avons par exemple évoqués à propos de l’Italie sont éloquents à cet égard (326). Au reste, il suffit que le commerce entre États membres soit potentiellement affecté de manière sensible (327). Tel est certainement le cas.

261 Les moyens que, notamment, l’UEFA a avancés pour repousser cette appréciation ne sauraient convaincre. Lorsque l’UEFA prétend que les transferts de joueurs ne concerneraient pas le «commerce», elle perd de vue qu’aux articles 85 et 86, ce terme n’est pas limité au commerce des marchandises mais qu’il couvre l’ensemble des échanges économiques entre les États membres (328). Cette analyse ne saurait non plus être ébranlée par la prétendue circonstance que seul un petit nombre de transferts de joueurs se feraient vers l’étranger. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, il suffit qu’il y ait un effet potentiellement important pour que le commerce entre États membres soit affecté. Au reste, compte tenu des chiffres cités, il est en tout cas évident que ces clauses ont dès à présent un effet important sur le commerce entre États membres. En indiquant qu’il y a déjà un nombre important de joueurs étrangers qui évoluent dans les divisions belges, l’URBSFA ne contredit pas que les règles en question affectent le commerce entre États membres. Ils nous paraissent plutôt prouver que les joueurs manifestent un grand intérêt à changer de club en allant à l’étranger. Ainsi que nous l’avons déjà mentionné, c’est dans les années 60 – c’est-à-dire après l’entrée en vigueur du traité – que ces clauses de nationalité ont été instaurées. On ne comprendrait pas pourquoi ces clauses ont été instaurées et pour quelle raison elles sont âprement défendues dans la présente procédure si elles ne devaient effectivement avoir aucun effet appréciable sur le commerce entre États membres. A l’instar des règles de transfert, les clauses de nationalité sont susceptibles d’entraver la réalisation de desseins analogues.

d) Restriction de concurrence

262 A notre avis, il est aussi parfaitement clair que les règles que nous avons à examiner ici ont pour effet de restreindre la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1. Les clauses de nationalité entament les possibilités des différents clubs de se concurrencer par les joueurs qu’ils alignent. Cela constitue une restriction de concurrence entre ces clubs (329). La Commission a indiqué à juste titre que ces clauses aboutissaient à une «répartition des sources d’approvisionnement» au sens de l’article 85, paragraphe 1, sous c). Cela vaut également pour les règles de transfert. Ainsi que la Commission l’a exposé, ces règles substituent au régime normal de l’offre et de la demande un mécanisme uniforme qui aboutit à conserver la situation concurrentielle existante et à priver les clubs de la possibilité d’exploiter les occasions d’engager des joueurs, qui s’offriraient à eux dans des conditions normales de concurrence. S’il ne fallait pas payer de sommes de transfert, un joueur pourrait librement changer de club au terme de son contrat et rechercher le club qui lui offre les meilleures conditions. Dans ces circonstances, le club ne pourrait dès lors exiger de somme de transfert qu’au cas où cela aura été préalablement stipulé dans le contrat passé avec le joueur. Au contraire, le régime actuel de transfert aboutit à maintenir principalement le joueur dans les liens de son ancien club même après l’expiration de son contrat. Comme un transfert ne peut intervenir que moyennant paiement d’une somme de transfert, ce régime a tendance à maintenir la situation concurrentielle existante. Il s’ensuit que l’obligation de payer des sommes de transfert ne joue absolument pas au regard des règles de concurrence le «rôle neutre» que l’UEFA lui prête. Les règles de transfert restreignent donc elles aussi la concurrence (330). Au cours de la procédure orale, l’agent du gouvernement danois a également défendu cette approche.

Les éléments constitutifs de l’article 85, paragraphe 1, sont réunis lorsque l’entente a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. En l’espèce, il est évident que cette restriction de concurrence n’est pas qu’un simple effet des règles en question mais que les clubs et les associations l’ont voulue.

263 La concurrence que ces règles restreignent est celle qui existe entre les différents clubs. M. Bosman indique, certes, que les règles en question restreignent en même temps la liberté des joueurs et qu’elles maintiennent à son avis les rémunérations des joueurs à un niveau plus bas qu’il ne le serait en leur absence. On lui a toutefois rétorqué que les joueurs en eux-mêmes ne pouvaient pas être assimilés à des entreprises au sens du droit communautaire de la concurrence. Il n’est certes pas exclu d’assimiler des individus à des entreprises lorsque leurs activités se présentent comme des services rémunérés (331). Ainsi que nous l’avons déjà exposé, actuellement nous devrions toutefois avoir les meilleurs raisons de considérer les joueurs professionnels de football comme étant des travailleurs salariés et non des prestataires de services (332). Nous doutons dès lors très sérieusement que les considérations émises par M. Bosman puissent vraiment être pertinentes pour vérifier si les conditions de l’article 85, paragraphe 1, étaient réunies en l’espèce.

Cela vaut également pour la thèse de M. Bosman selon laquelle les règles de transfert érigeraient des barrières à l’entrée du marché, ce qui constituerait également une restriction à la concurrence. Les haies que ces règles dressent sont de nature purement financière. Celui qui dispose de fonds suffisants peut dès lors faire d’une équipe plus faible ou même insignifiante une équipe de pointe. Différents exemples nous le montrent. Il est dès lors fort douteux que cet aspect puisse avoir quelque importance pour savoir si l’on a affaire à une restriction de concurrence.

264 Dans la présente procédure, l’opinion défendue ici a essentiellement rencontré des objections de trois ordres. Elles concernaient tout d’abord la question de savoir si les règles de transfert peuvent bel et bien restreindre la concurrence puisque, s’imposant à tous les clubs, elles constituent un élément neutre sur le plan de la concurrence. Nous venons de nous expliquer sur ce point. Les deux autres arguments sont nettement plus importants. On a soutenu que les restrictions en question serviraient en définitive la concurrence et seraient dès lors compatibles avec l’article 85, paragraphe 1. Par ailleurs, on a indiqué que l’on se trouverait ici sur le terrain du droit du travail dans lequel, de manière générale, l’article 85 ne saurait trouver à s’appliquer.

265 En ce qui concerne le premier de ces deux arguments, on peut difficilement nier que l’idée qui le sous-tend est en principe exacte. Lorsqu’une règle, qui paraît comporter à première vue une restriction de concurrence, est nécessaire pour permettre justement au préalable cette concurrence, il faut effectivement considérer qu’elle ne heurte pas l’article 85, paragraphe 1. Il serait peu convaincant de le récuser au motif que l’article 85, paragraphe 3, offre toujours la possibilité d’exempter une entente interdite par le paragraphe 1.

266 L’UEFA et le gouvernement italien ont évoqué à cet égard la notion de «rule of reason». Il s’agit d’une théorie qui a été élaborée dans le droit américain des ententes. La règle centrale du droit des ententes aux États-Unis est la première section du Sherman Act qui interdit en termes généraux les accords qui restreignent la concurrence (333). L’éventualité qu’une autorité décide d’exempter une entente interdite est inconnue du droit américain, contrairement à l’article 85. Comme dans le fond, si l’on s’en tient à un simple examen du texte des clauses, tout contrat comporte une restriction de concurrence, les praticiens ont éprouvé des difficultés à déterminer les contrats qui étaient visés par cette disposition et ceux qui ne l’étaient pas. La jurisprudence a dès lors opéré une distinction entre les ententes qui tombent par nature («per se») sous le coup de cette disposition et les autres. A l’égard de cette dernière catégorie, les tribunaux doivent prendre en compte une «rule of reason» qui leur impose en particulier de faire la balance entre les éléments d’une entente qui restreignent la concurrence et les aspects de cette entente qui favorisent la concurrence (334).

267 On a souvent soutenu qu’une «rule of reason» de cette nature devait également trouver application dans le droit communautaire des ententes (335). On a toutefois rétorqué à juste titre que les différences entre les deux systèmes juridiques s’opposaient à transposer dans le droit communautaire cette théorie issue du droit américain (336). La jurisprudence s’est elle aussi refusée jusqu’ici à reprendre cette théorie. Dans un arrêt qu’il a rendu l’an dernier, le Tribunal de première instance a expressément indiqué qu’il n’existait pas en droit communautaire d’infractions «per se» à l’interdiction des ententes inscrite à l’article 85, paragraphe 1, non susceptibles d’être exemptées au titre de l’article 85, paragraphe 3 (337). Dans un certain nombre d’arrêts rendus en avril de cette année dans l’affaire des treillis soudés, le Tribunal a laissé ouverte la question de savoir si une «rule of reason» pouvait trouver application dans le droit communautaire en précisant que, dans cette hypothèse, les restrictions de concurrence en cause devraient être considérées comme étant des infractions «per se» aux règles de la concurrence (338).

268 Un survol de la jurisprudence montre également que la Cour n’interprète absolument pas l’article 85, paragraphe 1, en se référant à une notion abstraite de restriction de concurrence mais qu’au contraire elle apprécie les clauses. Ainsi, elle considère que des clauses qui sont nécessaires à la mise en oeuvre d’un contrat déterminé, qui ne heurte pas en lui-même l’article 85, paragraphe 1, ne restreignent pas la concurrence au sens de cette disposition. Elle l’a fait par exemple à l’égard de clauses de non-concurrence (raisonnables) dont étaient assorties des cessions d’entreprises (339). De surcroît, la Cour considère également que des restrictions de concurrence sont compatibles avec l’article 85, paragraphe 1, lorsque la prise en compte de toutes les circonstances du cas particulier fait apparaître que, faute de ces limitations, on ne pourrait pas du tout rencontrer la concurrence qui mérite protection (340). On trouve une bonne illustration de cette jurisprudence dans l’arrêt de la Cour du 15 décembre 1994 que l’UEFA a évoqué au cours de la procédure orale (341). Il s’agissait dans cette affaire de restrictions inscrites dans les statuts d’une coopérative qui interdisaient à ses membres de s’engager dans d’autres formes de coopération organisée en concurrence directe avec elle. La Cour a jugé que la question de la compatibilité des clauses en question avec les règles communautaires ne peut être appréciée de «façon abstraite» mais qu’elle est fonction de la teneur des dispositions particulières et des «conditions économiques sur les marchés concernés». Elle est arrivée à la conclusion que l’appartenance à une association coopérative concurrente mettrait en péril à la fois le bon fonctionnement de la coopérative et sa puissance contractuelle vis-à-vis des producteurs. Une interdiction de double appartenance «ne constitue donc pas nécessairement une restriction de la concurrence au sens de l’article 85, paragraphe 1», et peut «même produire des effets positifs sur la concurrence» (342).

269 Des affaires comme celles que nous venons de décrire montrent que la Cour attache bel et bien de l’importance aux enjeux qui sous-tendent la théorie de la «rule of reason». On peut laisser en suspens la question de savoir si l’on peut dès lors dire que, dans la jurisprudence, se dessine une certaine tendance à s’inspirer également de cette théorie dans le droit communautaire (343). En tout état de cause, le dernier arrêt cité montre également très clairement les limites de cette jurisprudence. La Cour y a en effet exposé que seules les restrictions qui étaient «nécessaires» pour assurer le bon fonctionnement de la coopérative et soutenir sa puissance contractuelle ne tombaient pas sous le coup de l’article 85, paragraphe 1. De plus, il y a lieu de vérifier que les sanctions frappant les manquements aux dispositions statutaires ne soient «pas disproportionnées» et que la période minimale d’affiliation imposée par les statuts ne soit «pas déraisonnable» (344).

Cela montre que seules les restrictions de concurrence qui sont indispensables pour atteindre les buts légitimes qu’elles poursuivent échappent à l’article 85, paragraphe 1.

270 Ainsi que nous l’avons déjà exposé, la circonstance que les clubs dépendent les uns des autres distingue nettement le monde du football professionnel des autres marchés (345). Compte tenu de ces spécificités, il n’est pas exclu que des restrictions puissent être nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de ce secteur. Dans la présente procédure, on n’a toutefois pas démontré que ce sont précisément les clauses de nationalité et les règles de transfert dont il s’agit qui sont nécessaires et indispensables pour atteindre ce but. Il s’ensuit que l’examen des effets positifs éventuels de ces dispositions ne peut s’opérer qu’au titre de l’article 85, paragraphe 3.

Lorsque nous avons examiné les règles de transfert au titre de l’article 48, nous avons déjà exposé les raisons pour lesquelles elles n’étaient pas indispensables pour atteindre les buts qu’elles poursuivent – pour autant qu’ils soient de nature légitime. Il existe des solutions de rechange, par exemple la répartition d’une partie des recettes, qui permettent de réaliser au moins aussi bien ces buts. Nous pouvons dès lors nous contenter ici de renvoyer à ces motifs (346).

Cela vaut également pour les clauses de nationalité. A leur égard, il est même encore plus simple de conclure qu’elles ne sont pas nécessaires ni même indispensables pour atteindre les buts qu’on leur donne (347). Nous pouvons également nous référer ici à cet examen.

271 Le dernier moyen qui nous reste à examiner est tiré de la considération que nous sommes ici sur le terrain du droit du travail. D’après l’UEFA, le présent cas d’espèce serait un «conflit collectif déguisé». D’après elle, les relations entre employeurs et travailleurs ne seraient pas soumises au droit des ententes. L’UEFA invoque aussi sur ce point l’exemple du droit américain.

272 En effet, les règles de transfert concernent directement les relations entre le joueur et son employeur (ancien ou futur). Si les matières relevant du droit du travail n’étaient dès lors pas régies par le droit des ententes, on pourrait soutenir qu’il devrait en aller de même pour les règles de transfert.

Il paraît douteux que cela vaille également pour les clauses de nationalité. La suite de l’exposé nous dispense toutefois d’aborder cette question.

273 A notre avis, il n’y a pas de règle qui ferait échapper de manière générale et globale au champ d’application des règles de la concurrence du traité CE les accords intéressant des relations de travail. Par ailleurs, une règle de cette nature est également inconnue du droit des États-Unis que l’UEFA invoque. Il n’est pas nécessaire d’examiner ici en détail les fondements et les différentes nuances de l’exception dite «labor exemption» (348). Il ressort des décisions des juridictions américaines, que l’UEFA a elle même produites, que cette exception vise les conventions collectives conclues entre les organisations patronales et les syndicats ainsi que les accords préalables intervenus au sein de chacune des parties à cette fin (349). La loi qui a exempté le Baseball des règles de la concurrence est manifestement un cas isolé qui est sans importance dans la présente procédure, ne serait-ce que parce que le droit communautaire ne comporte pas de disposition analogue pour le football (ni pour aucune autre discipline sportive).

M. Bosman a plus particulièrement invoqué l’arrêt de la United States Court of Appeals, Eighth Circuit, dans l’affaire Mackey v National Football League (350). Cet arrêt concernait des dispositions d’une association sportive qui présentaient de grandes similitudes avec les règles de transfert que nous avons à examiner en l’espèce. La Cour est arrivée à la conclusion que les règles en question ne pouvaient pas bénéficier de la «labor exemption» et a développé une conception qui, dans une certaine mesure, se rapproche très fort de celle que nous défendons. Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner plus en détail dans quelle mesure cette décision reflète fidèlement l’état de la question en droit américain.

274 A notre avis, le seul enseignement que le droit américain peut apporter au droit communautaire est que la préservation de l’autonomie conventionnelle des employeurs et des syndicats peut faire en sorte qu’il faille affranchir les conventions collectives des règles de la concurrence dans la mesure où cela apparaît nécessaire à cette fin. Il se pourrait que – à l’instar de ce qui existe dans la législation d’un certain nombre d’États membres (351) – on doive effectivement admettre une limitation analogue du champ d’application de l’article 85 (352). Elle serait néanmoins de nature limitée (353).

275 Cette question ne présente cependant pas le moindre intérêt dans le cas d’espèce. Ainsi que la Commission l’a exposé à juste titre au cours de la procédure orale, il ne s’agit pas ici de conventions collectives mais de simples accords horizontaux entre des clubs. Pour cette seule raison déjà le moyen de l’UEFA ne saurait être accueilli. On n’aperçoit en effet pas en quoi des accords ou des décisions de cette nature ne devraient pas être régis par l’article 85 (354).

276 Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, en Espagne, les règles de transfert sont déposées dans une convention collective. La «charte de football professionnel» qui est en vigueur en France, paraît être d’une nature analogue (355). Ces textes ne régissent toutefois que les changements de clubs au sein de l’association concernée. Les transferts vers des clubs établis dans d’autres États membres, qui nous intéressent en l’espèce, sont régis par les règlements de l’UEFA ou de la FIFA qui ne sont certainement pas des conventions collectives.

Au reste, cela vaut également dans les cas où les législations de certains États membres permettent d’adopter des règles imposant de payer des sommes de transfert. S’il ne devait pas en aller ainsi, il y aurait lieu d’indiquer à cet égard que les législations en question se bornent à autoriser des règles de cet ordre sans toutefois y contraindre les clubs et les associations.

e) L’article 85, paragraphe 3

277 Il n’y a pas lieu d’examiner ici si les règles de transfert et les clauses de nationalité pourraient être exemptées au titre de l’article 85, paragraphe 3. Seule la Commission pourrait délivrer cette exemption. Elle présupposerait qu’une demande allant dans ce sens lui ait été adressée (356).

278 Par souci d’exhaustivité, il convient d’indiquer qu’au cas où une demande de cette nature aurait été faite, il apparaît théoriquement pensable que la Commission délivre une exemption de l’interdiction de l’article 85, paragraphe 1, pour les règlements qui heurtent l’article 48. Comme cette exemption laisserait intacte la violation de l’article 48, il serait judicieux que la Commission prenne cette circonstance en compte dès la procédure d’exemption. Il convient toujours de tendre à un résultat cohérent (357). Cela signifierait qu’une exemption au titre de l’article 85, paragraphe 3, devrait aussi être écartée (358).

3. Interprétation de l’article 86

279 Enfin, il convient encore de déterminer si les clauses de nationalité et les règles de transfert dont il s’agit en l’espèce sont compatibles avec l’article 86 du traité CE. Aux termes de cette disposition, est incompatible avec le marché commun et interdit, «dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci».

280 Lorsque nous avons examiné l’article 85, nous avons déjà déterminé que les clubs professionnels pouvaient être assimilés à des entreprises au sens de cette disposition. Cela vaut également pour leurs associations dans la mesure où elles exercent elles-mêmes une activité économique. Nous avons également précisé à cette occasion que les règlements qui nous intéressent en l’espèce affectent le commerce entre États membres (359).

281 La plus importante des questions qu’il nous reste à examiner ici consiste par conséquent à déterminer si l’on peut parler en l’espèce d’une position dominante au sens de l’article 86. D’après la jurisprudence, cette notion «concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs» (360). Ainsi que l’énoncé de l’article 86 le montre, plusieurs entreprises peuvent également détenir ensemble une position dominante.

282 Il convient dès lors de préciser tout d’abord si, dans le présent cas d’espèce, il faut se placer au niveau des clubs ou bien de leurs associations. Les règles en question étant déposées dans les règlements des différentes associations, il serait logique de s’interroger sur la position que celles-ci occupent sur le marché. S’il s’agissait en l’espèce, par exemple, de la question de la commercialisation des droits de télévision relatifs à la Ligue des champions de l’UEFA, il serait clair que c’est à l’égard de l’UEFA que la question de la position sur le marché devrait se poser, laquelle organise cette compétition et la commercialise. Ici il s’agit toutefois de règles qui concernent le recrutement de joueurs. La Commission a fait observer à juste titre que le recrutement des joueurs relève des clubs et non des associations. D’après elle, il convient dès lors d’envisager ces règles comme étant des accords entre les clubs. Dans le présent contexte, c’est dès lors à l’égard des clubs et non des associations que l’on pourrait à la rigueur envisager une position dominante. Nous estimons cette analyse convaincante. Elle est également conforme à l’opinion que tant la Commission que l’UEFA ont exposée selon laquelle les règles en question ne découleraient pas d’un diktat des associations mais qu’au contraire elles reflèteraient fidèlement la volonté des clubs.

Dans la présente procédure il n’y a dès lors pas lieu d’examiner si l’UEFA occupe une position dominante par rapport aux associations qui en sont membres ou s’il ne peut nécessairement exister en principe qu’une seule association par État membre.

283 Les clauses de nationalité sont contenues dans les différents règlements de chaque association alors que les règles de transfert visant les mutations vers d’autres États membres sont déposées dans les règlements de l’UEFA et de la FIFA. On se demande dès lors si, dans le premier cas, ce ne sont pas les clubs professionnels de l’association concernée et, dans le second cas, les clubs professionnels de l’ensemble de la Communauté qui occupent ensemble une position dominante. La réponse à cette question dépend des conditions dans lesquelles on peut envisager une position dominante collective.

284 Dans l’application qu’elle fait des règles de la concurrence, la Commission a déjà considéré à plusieurs reprises qu’il y avait une position dominante collective de cet ordre (361). La Cour et le Tribunal de première instance n’ont dû aborder cette question que quelques fois. Dans l’arrêt Centre d’insiménation de la Crespelle (362), il s’agissait d’une réglementation française qui avait accordé à plus de 50 centres d’insémination pour bovins le droit exclusif d’exercer l’activité en question dans le territoire attribué. La Cour a estimé qu’en créant ces monopoles territorialement limités, mais couvrant, dans leur ensemble, tout le territoire français, ces dispositions nationales avaient créé une position dominante au sens de l’article 86 (363). L’arrêt que le Tribunal de première instance a rendu dans l’affaire SIV, ayant acquis dans l’intervalle force de chose jugée, est nettement plus important dans le présent contexte (364). Le Tribunal y a notamment indiqué:

«On ne saurait exclure, par principe, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes soient, sur un marché spécifique, unies par de tels liens économiques que, de ce fait, elles détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le marché. … Il convient toutefois de souligner que, aux fins d’établir une infraction à l’article 86 du traité, il ne suffit pas… de `recycler’ les faits constitutifs d’une infraction à l’article 85 en en tirant la constatation que les parties à un accord ou à une pratique illicite détiennent ensemble une part de marché importante, que de ce seul fait elles détiennent une position dominante collective et que leur comportement d’illicéité constitue l’abus de celle-ci.» (365).

285 A notre avis, on pourrait très bien admettre que les clubs d’une division professionnelle sont «unis par de tels liens économiques» qu’il faut considérer qu’ils occupent ensemble une position dominante. Le fait, déjà évoqué à plusieurs reprises, que ces clubs sont tributaires les uns des autres s’ils veulent rencontrer le succès, conforte plus particulièrement cette analyse (366). On ne saurait guère trouver dans aucun autre secteur une communauté d’intérêts aussi naturelle.

286 Il n’y a toutefois pas lieu d’approfondir la question. Dans la présente affaire, il ne s’agit en effet pas de la puissance que les clubs détiennent dans leur ensemble sur le marché vis-à-vis de concurrents, de clients ou de consommateurs (367). A notre avis, les joueurs ne relèvent d’aucune de ces catégories. On aurait en revanche affaire à une question de cette nature dans le cas où – pour reprendre un exemple que nous avons déjà mentionné – les clubs eux-mêmes intervenaient en se regroupant pour commercialiser les droits de télévision relatifs à leurs matchs. La présente affaire concerne toutefois des règles qui restreignent la possibilité de recruter des joueurs. Ces règles entraînent une restriction de la concurrence entre les clubs. En revanche, on n’aperçoit pas d’abus au sens de l’article 86 dans la mesure où seul le rapport entre les clubs et leurs joueurs est en jeu.

A l’instar de l’UEFA, de l’URBSFA, de la Commission et des gouvernements italien et français, ces motifs nous conduisent à estimer qu’il n’y a pas d’infraction à l’article 86.

C – Conclusions

287 Nous estimons dès lors qu’il y a lieu de répondre comme suit aux questions de la cour d’appel de Liège:

«1. L’article 48 du traité CE doit être interprété en ce sens qu’il interdit que:

a) un club de football puisse exiger et percevoir le paiement d’une somme d’argent à l’occasion de l’engagement d’un de ses joueurs, arrivé au terme de son contrat, par un nouveau club;

b) l’accès des joueurs possédant la nationalité d’un autre État membre aux compétitions organisées par des associations nationales et internationales à l’intention de clubs soit limité.

2. L’article 85 du traité CE doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle aux accords entre clubs et aux décisions d’associations sportives dont la teneur est analogue aux éléments décrits ci-dessus aux points 1, sous a), ou 1, sous b).»

(1) – Article 1er, sixième alinéa, du statut de la FIFA de 1992.

(2) – Dispositions combinées des articles 2, sous e), et 13 du règlement de l’UEFA (version de 1990).

(3) – Article 1er, quatrième alinéa, du règlement de l’UEFA.

(4) – Article 42, sous a), paragraphe 1, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982. A cet égard, il convient d’indiquer que nous n’avons pu disposer des statuts de l’URBSFA que dans la version établie en langue française. En ce qui concerne les règlements de la FIFA et de l’UEFA que nous commenterons ci-après, nous n’avons disposé qu’en partie de traductions autorisées par les associations. Lorsque ces traductions faisaient défaut, nous avons à chaque fois cité la version originale de la disposition en question en joignant le plus souvent une traduction libre.

(5) – Article 42, sous a), paragraphe 1, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(6) – Article 44, paragraphe 1, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(7) – Article 44, paragraphe 2, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(8) – Il s’agit apparemment d’une possibilité laissée à l’association d’intervenir dans des circonstances spéciales (voir article 46 bis, paragraphe 1, des statuts de l’URBSFA dans la version de 1982).

(9) – Pour la distinction entre le joueur professionnel et le joueur non amateur, voir articles 39 et 40 du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(10) – Voir article 48 ter, paragraphes 2 et 3, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(11) – Article 40, paragraphe 3, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(12) – Articles 39, paragraphe 4, et 40, paragraphe 4, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(13) – Article 36 ter, paragraphe 4, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(14) – Article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de l’URBSFA.

(15) – Article 46, paragraphe 2, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(16) – Article 46, paragraphe 3, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(17) – A l’égard des clubs de première division, cette période est prolongée jusqu’au 31 décembre de l’année en question, voir article 46, paragraphe 4, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(18) – Article 45, paragraphe 2, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(19) – Voir, notamment, les dispositions combinées des articles 45, paragraphe 6, et 128, paragraphe 3, du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(20) – Article 46, paragraphe 5, sous a), du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(21) – Article 46, paragraphe 5, sous b), du règlement de l’URBSFA dans la version de 1982.

(22) – Article IV/85.321 du règlement de l’URBSFA dans la version de 1993.

(23) – Article IV/85.322 du règlement de l’URBSFA dans la version de 1993.

(24) – Article IV/70.121 du règlement de l’URBSFA dans la version de 1993.

(25) – Article IV/70.122 et 123 du règlement de l’URBSFA dans la version de 1993.

(26) – Article 12 du règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts.

(27) – Article 13 du règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts.

(28) – Article 1er, sous e), de l’annexe au règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts.

(29) – Article 14 du règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts.

(30) – Article 3 de l’annexe au règlement de l’UEFA de 1990 relatif aux transferts.

(31) – Comparer l’article 3 de l’annexe au règlement de l’UEFA de 1992 relatif aux transferts. Les dispositions comportent néanmoins (à l’article 5 de l’annexe) un montant maximal de 600 000 SFR pour l’indemnité de formation qui ne vaut toutefois que pour les joueurs amateurs.

(32) – Article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts.

(33) – Article 2 du règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts.

(34) – Le coefficient 0 vaut pour les joueurs âgés de 39 ans et plus. Ces joueurs peuvent dès lors changer de club sans qu’une somme de transfert ne soit due.

(35) – Comparer l’article 8, paragraphe 2, du règlement de l’UEFA de 1993 relatif aux transferts, concernant le calcul du revenu brut de base.

(36) – Article 1er du règlement de la FIFA de 1986.

(37) – Article 12, cinquième alinéa, du règlement de la FIFA de 1986 qui dispose littéralement: «Par la remise du certificat de transfert, l’ancienne association reconnaît que toutes les obligations d’ordre financier, y compris une somme éventuelle de transfert, ont été réglées.»

(38) – Article 12, premier alinéa, troisième phrase, du règlement de la FIFA de 1986.

(39) – Premier alinéa du préambule du règlement de la FIFA de 1994.

(40) – Article 7, premier alinéa, du règlement de la FIFA de 1994.

(41) – Article 8, premier alinéa, du règlement de la FIFA de 1994.

(42) – Article 7, deuxième alinéa, du règlement de la FIFA de 1994.

(43) – Article 7, deuxième, troisième et quatrième alinéas, du règlement de la FIFA de 1994.

(44) – Article 14, deuxième alinéa, du règlement de la FIFA de 1994.

(45) – Article 16, premier alinéa, du règlement de la FIFA de 1994.

(46) – Il s’agit des associations au sein de la FIFA auxquelles nous avons déjà fait allusion (voir ci-dessus point 5).

(47) – Article 16, deuxième, troisème et quatrième alinéas, du règlement de la FIFA de 1994.

(48) – Voir ci-dessus point 19.

(49) – Voir article 32, point 1, du statut du joueur licencié.

(50) – Voir article 9, point 1, du règlement sur le jeu.

(51) – Voir article 28, point 3, du statut du joueur licencié.

(52) – Voir articles 2 et 7 de la troisième section du contrat type.

(53) – Article 4 de la troisième section du contrat type.

(54) – Article 7 de la troisième section du contrat type.

(55) – Article 14, paragraphe 1, du décret.

(56) – Pour les transferts vers l’étranger, il faut prendre en compte l’article 14, paragraphe 2, du décret précité. Il dispose que, dans pareils cas, lorsque les règles de l’autre état divergent des dispositions espagnoles, il convient d’appliquer des «critères de réciprocité».

(57) – Pour mieux saisir cette disposition il convient de relever qu’aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de ce chapitre le premier contrat professionnel a une durée de quatre ans.

(58) – Voir, à cet égard, (et pour d’autres particularités) l’article 15, paragraphes 3 et suiv. de ce chapitre.

(59) – Il s’agit de toute évidence de l’article 12 du règlement de la FIFA de 1986, à savoir l’ancien règlement. Il se peut que la fédération néerlandaise n’ait pas encore harmonisé son règlement avec le nouveau règlement de la FIFA de 1994.

(60) – Voir, notamment, l’article 22, point 2, sous b), du règlement de jeu de la fédération allemande de football, entré en vigueur le 30 août 1994, aux termes duquel est assimilé à un joueur allemand, le joueur qui, «au cours des cinq dernières années, a été qualifié comme joueur junior dans des clubs allemands, dont au moins trois années continues, sans posséder la nationalité allemande».

(61) – 13/76, Rec. p. 1333.

(62) – La référence à la feuille de rapport signifie que les cinq joueurs peuvent jouer simultanément. Si l’un de ces joueurs est remplacé, il ne peut toutefois pas l’être par un autre (sixième) joueur étranger.

(63) – Voir, à cet égard, ci-dessus point 5.

(64) – La Cour de cassation a aimablement communiqué le texte de cet arrêt à la Cour.

(65) – Touche Ross & Co., Survey of Football Club Accounts, Manchester, 1994 (réalisé par Gerry Boon, Dale Thorpe et Anuh Shah).

(66) – Süddeutsche Zeitung numéro 183 du 10 août 1995, p. 31.

(67) – Il s’agissait du transfert de Gianluigi Lentini de Turin au Milan AC en juillet 1992 (voir The Economist, édition du 17 juin 1995, p. 96).

(68) – Cela se comprend si l’on se rappelle que la clause de nationalité se réfère le plus souvent à une notion de la nationalité qui est propre au sport (voir, à cet égard, le point 37).

(69) – L’article 177, troisième alinéa, du traité CE, qui oblige les juridictions de dernière instance à soumettre une question préjudicielle à la Cour, n’a pas d’incidence dans la présente affaire.

(70) – Voir, par exemple, arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a. (C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 17).

(71) – Jurisprudence constante, voir notamment l’arrêt du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board (83/78, Rec. p. 2347, point 25).

(72) – Voir, notamment, l’arrêt du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher (C-231/89, Rec. p. I-4003, point 20).

(73) – A titre d’exemple du premier type, on citera l’arrêt du 17 mai 1994, Corsica Ferries (C-18/93, Rec. p. I-1783) dans lequel la Cour n’a répondu qu’à une partie des questions posées (ibidem, point 16).

(74) – Voir, notamment, l’arrêt du 12 juillet 1979, Union laitière normande (244/78, Rec. p. 2663, point 5); arrêt du 10 mars 1981, Irish Creamery Milk Suppliers Association (36/80 et 71/80, Rec. p. 735, point 6).

(75) – Arrêt du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 17). L’exigence ici posée se comprend lorsqu’on considère les affaires de la deuxième catégorie que j’ai établie.

(76) – Arrêt du 3 février 1977, Benedetti (52/76, Rec. p. 163, point 22) (à l’égard d’une partie des questions posées).

(77) – C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393.

(78) – Arrêt cité à la note 77, point 6.

(79) – Arrêt cité à la note 77, points 7 à 10.

(80) – Conclusions de l’avocat général M. Gulmann du 6 octobre 1992, Rec. 1993, p. I-409, à la p. I-417.

(81) – Ordonnance du 19 mars 1993, Banchero (C-157/92, Rec. p. I-1085, points 4 et suiv.); ordonnance du 26 avril 1993, Monin Automobiles (C-386/92, Rec. p. I-2049, points 6 et suiv.); ordonnance du 9 août 1994, La Pyramide (C-378/93, Rec. p. I-3999, points 14 et suiv.); ordonnance du 23 mars 1995, Saddik (C-458/93, Rec. p. I-511, point 12); ordonnance du 7 avril 1995, Grau Gomis e.a. (C-167/94, Rec. p. I-1023, point 8). Voir toutefois aussi l’arrêt du 3 mars 1994, Vaneetveld (C-316/93, Rec. p. I-763) où la rigueur de ce principe a été atténuée dans un domaine limité (ibidem points 13 et 14).

(82) – Voir l’ordonnance dans l’affaire Saddik (citée à la note 81), point 13, et l’ordonnance dans l’affaire Grau Gomis e.a. (citée à la note 81), point 10, se référant toutes deux à la jurisprudence existante.

(83) – 126/80, Rec. p. 1563.

(84) – Arrêt cité à la note 83, point 6 (c’est nous qui soulignons).

(85) – Ordonnance de la Cour du 26 janvier 1990 (C-286/88, Rec. p. I-191).

(86) – Comparer l’exposé fait dans l’ordonnance (citée à la note 85), point 5.

(87) – Ibidem (note 85), points 8 et suivants.

(88) – Arrêt du 26 septembre 1985, Thomasdünger (166/84, Rec. p. 3001, point 11); arrêt du 18 octobre 1990, Dzodzi (C-297/88 et C-197/89, Rec. p. I-3763, point 40); arrêt Gmurzynska-Bscher (cité à la note 72), point 23; arrêt du 11 juillet 1991, Crispoltoni (C-368/89, Rec. p. I-3695, point 11); arrêt du 28 novembre 1991, Durighello (C-186/90, Rec. p. I-5773, point 9); arrêt du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a. (C-67/91, Rec. p. I-4785, point 26); arrêt Eurico Italia (cité à la note 70), point 17. Relève également de ce type de décisions l’ordonnance du 16 mai 1994 dans l’affaire Monin Automobiles (II) (C-428/93, Rec. p. I-1707), dans laquelle la Cour, se référant à l’arrêt Salonia et à l’ordonnance Falciola, a exposé être «manifestement» incompétente pour répondre aux questions posées (ibidem, point 16). En relève également l’arrêt du 16 septembre 1982, Vlaeminck (132/81, Rec. p. 2953), qui concerne une affaire dans laquelle la juridiction de renvoi avait erronément considéré que des dispositions de droit communautaire étaient applicables.

(89) – Arrêt du 16 juillet 1992, Lourenço Dias (C-343/90, Rec. p. I-4673, point 18); arrêt Corsica Ferries (cité à la note 73), point 14, et ordonnance La Pyramide (citée à la note 81), point 12.

(90) – Ordonnance Monin Automobiles (II) (citée à la note 88), point 16.

(91) – Foglia (104/79, Rec. p. 745, point 10).

(92) – Arrêt Foglia II, cité à la note 75.

(93) – Ibidem (cité à la note 75), points 15 et 16.

(94) – Arrêt cité à la note 75, point 18.

(95) – Arrêt cité à la note 75, point 19.

(96) – Arrêt cité à la note 75, point 20.

(97) – Voir l’arrêt du 3 février 1983, Robards (149/82, Rec. p. 171, point 19); arrêt Lourenço Dias (cité à la note 89), point 17; arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke (C-83/91, Rec. p. I-4871, point 25); ordonnance La Pyramide (citée à la note 81), point 11; ordonnance Saddik (citée à la note 81), point 17.

(98) – Arrêt cité à la note 72, point 23.

(99) – Ibidem, cité à la note 88, point 40. Il est vrai que dans la version en langue allemande il est question dans ce passage non pas d’un litige «construit» mais d’un litige «fictif».

(100) – Voir ci-dessus point 77.

(101) – Arrêt cité à la note 89.

(102) – Arrêt cité à la note 89, point 42.

(103) – Arrêt cité à la note 89, points 24 et 25 et points 40 et 41.

(104) – Ordonnance citée à la note 88, points 12 à 15.

(105) – Arrêt cité à la note 73.

(106) – Arrêt cité à la note 73, points 15 à 16.

(107) – Ordonnance citée à la note 81, point 17.

(108) – Voir ci-dessus point 76.

(109) – Voir le passage de l’arrêt Foglia cité ci-dessus au point 82.

(110) – Voir ci-dessus au point 82.

(111) – Ibidem, cité à la note 75, point 18.

(112) – Ibidem, cité à la note 97.

(113) – Ibidem, cité à la note 97, points 29 à 34.

(114) – Conclusions du 8 avril 1992, Rec. p. I-4897, p. I-4900.

(115) – Ibidem, cité à la note 75, point 19.

(116) – Dans sa réponse à une question écrite d’un membre du Parlement européen, la Commission a par exemple indiqué le 18 décembre 1991 qu’un recours en manquement contre un État membre lui semblait «présenter des problèmes particuliers» la restriction éventuelle à la libre circulation étant le fait des «particuliers plutôt que des autorités publiques» (JO 1992, C 102, p. 41).

(117) – Ne relèvent pas de ces cas ceux dans lesquels une violation des clauses de nationalité n’a pas porté à conséquence pour l’une ou l’autre raison. Il s’agit tout d’abord du match du 21 août 1977 que l’Ajax d’Amsterdam a remporté contre le FC Utrecht par deux buts à un, au cours duquel le club d’Amsterdam avait aligné un joueur étranger de plus que le nombre autorisé. La fédération avait rejeté la réclamation que le FC Utrecht avait formée contre l’homologation du match (voir Giltay Veth, NJP: «Uitsluiting van buitenlandse voetballers: mogelijk binnen de EEG?», NJB 1978, p. 504, p. 505). La violation de la clause de nationalité par le 1. FC de Cologne lors du match du 29 janvier 1977 contre l’Eintracht de Francfort est restée sans suite car le club de Cologne avait de toute façon perdu par quatre buts à zéro (voir Schweitzer, Michael: «Die Freizügigkeit des Berufssportlers in der Europäischen Gemeinschaft», dans Einbindung des nationalen Sportrechts in internationale Bezüge, éd. Dieter Reuter, Heidelberg, 1987, p. 71). Le cas de loin le plus spectaculaire concernait le VFB Stuttgart qui, en automne 1992, avait remporté par trois buts à zéro le match aller du premier tour de la coupe d’Europe des clubs champions contre Leeds United. Au match retour, les anglais l’avaient remporté par quatre buts à un, ce qui aurait suffi au club allemand selon les règles de qualification. Comme Stuttgart avait toutefois fait monter un quatrième joueur étranger, l’UEFA avait homologué le match retour à raison de trois buts à zéro pour Leeds, qui a ensuite remporté le match décisif devenu nécessaire. Le cas ne présente néanmoins pas d’intérêt dans l’affaire qui nous occupe, car les joueurs étrangers qui avaient été alignés étaient des ressortissants de pays tiers.

(118) – Giltay Veth, ibidem, cité à la note 117, p. 510.

(119) – Alessandra Giardini l’a exprimé de manière particulièrement heureuse en disant que les clubs faisaient preuve d’une sorte de «quiétude sportive» («quiete sportiva») («Diritto comunitario e libera circolazione dei calciatori» dans Diritto comunitario e degli scambi internazionali, 1988, p. 437, p. 444).

(120) – Dans un arrêt que la cour d’appel de Bruxelles a rendu le 16 mars 1994 (Te Velde), produit par l’UEFA, qui concernait le basket, il semble que la question n’ait absolument pas été abordée. Un jugement du Langericht Frankfurt, qui concernait la clause de nationalité de la fédération allemande de tennis de table, affirme la compatibilité des clauses de nationalité avec le droit communautaire et refuse de poser une question à la Cour au curieux motif que la Cour aurait déjà tranché «suffisamment clairement» cette question (jugement du 18 janvier 1994, EWS 1994, p. 405).

(121) – Ibidem, cité à la note 114, p. I-4901.

(122) – Voir la partie en fait de l’arrêt, ibidem, cité à la note 61, p. 1334 et suiv.

(123) – En ce sens notamment, Hilf Meinhard: «Die Freizügigkeit des Berufsfußballspielers innerhalb der Europäischen Gemeinschaft», NJW, 1984, p. 517, p. 520; Marticke Hans-Ulrich: «Ausländerklauseln und Spielertransfer aus europarechtlicher Sicht», dans Sport und Recht in Europa, éd. Michael R. Will, Saarbrücken, 1988, p. 53, p. 54.

(124) – Arrêt du 12 décembre 1974 (36/74, Rec. p. 1405).

(125) – Arrêt cité à la note 124, points 4 à 9.

(126) – Arrêt cité à la note 124, point 10.

(127) – Arrêt cité à la note 124, point 11.

(128) – Arrêt cité à la note 124, points 17 à 19.

(129) – Arrêt cité à la note 124, points 23 et 24.

(130) – Voir ci-dessus point 119.

(131) – Arrêt cité à la note 61, points 17 et 18.

(132) – Arrêt cité à la note 61, points 12 à 16; voir également le point 19.

(133) – Voir l’arrêt du 28 janvier 1992, Steen (C-332/90, Rec. p. I-341, point 9).

(134) – JO L 257, p. 2 (rectifié dans le JO 1968, L 295, p. 12).

(135) – Hans Arno Petzold et Athanase Safaris concluent en ce sens: «Europäische Freizügigkeit von Berufsfußballspielern aus deutscher und griechischer Sicht», EuR, 1982, p. 76, p. 80; Ruiz-Navarro Pinar José Luis, La libre circulación de deportistas en la Comunidad Europea, Boletín de Derecho de las Comunidades Europeas, 1989, p. 169, p. 180 et 181; Weatherill Stephen: «Discrimination on Grounds of Nationality in Sport», Yearbook of European Law 9 (1989), Oxford, 1990, p. 55, p. 66 («plainly in breach of Article 48»).

(136) – Voir également en ce sens Hilf, note 123, p. 521; Marticke, note 123, p. 65; Castellaneta Maria: «Libera circolazione dei calciatori e disposizioni della FIGC», Diritto comunitario e degli scambi internazionali, 1994, p. 635, p. 643.

(137) – Même pour ceux-ci, il y a cependant des limites. Ainsi les clubs financièrement les plus forts de la Bundesliga allemande, le FC Bayern de Munich et Borussia Dortmund ont, pour la saison 1995/1996 en l’état actuel (et en englobant les amateurs sous contrat) respectivement 6 et 5 joueurs étrangers sous contrat. A titre de comparaison: le cadre de Dortmund comprend pour cette saison 25 joueurs, celui des munichois 21 joueurs (voir Sonderheft Bundesliga 1995/1996 du Kicker Sportmagazin, p. 67 et 71).

(138) – Hilf (note 123), p. 521 (c’est nous qui avons mis en évidence).

(139) – De même Castellaneta, notamment, (note 135), p. 644 («solo un mutamento della violazione del Trattato»).

(140) – Voir ci-dessus le point 124.

(141) – Laura Forlati Picchio, par exemple, est très critique: «Discriminazioni nel settore sportivo e Comunità Europee», dans Rivista di Diritto Internazionale 59 (1976), p. 745, qui parle d’un «escamotage» à la p. 757; Hilf (note 123), p. 520, constate l’existence de deux «décisions plutôt sibyllines»; Christoph Palme, Hermann Hepp-Schwab et Stephan Wilske, «Freizügigkeit im Profisport – EG-rechtliche Gewährleistungen und prozessuale Durchsetzbarkeit», JZ, 1994, p. 343 et 344, parlent de «conclusions particulièrement vagues et peu claires».

(142) – Ainsi Schweitzer, notamment, note 117, p. 83.

(143) – Voir Marticke (note 123), p. 58.

(144) – Castellaneta (note 135) va à bon droit dans ce sens, p. 653. De manière comparable, Zuleeg Manfred: «Der Sport im europäischen Gemeinschaftsrecht», dans Sportrecht in Europa, éd. Michael R. Will, Heidelberg 1993, p. 1, p. 6.

(145) – Voir, cependant, sous les chiffres 214 et suiv. Nous renvoyons par exemple aux tentatives de justification de l’avocat général M. Warner dans l’affaire Walrave [conclusions du 24 octobre 1974, Rec. 1974, p. 1423, p. 1428 («Test du `spectateur trop curieux'»), et celles de Hilf (note 123), p. 521 (les «aspects sportifs» prévaudraient encore].

(146) – Ainsi pense à juste titre Hans Georg Fischer, «EG-Freizügigkeit und Sport. Zur EG-rechtlichen Zulässigkeit von Ausländerklauseln im bezahlten Sport» dans SpuRT, 1994, p. 174, p. 176.

(147) – Conclusions du 6 juillet 1976 sous l’arrêt Donà, précité note 61 (Rec. p. 1343, p. 1344).

(148) – Ainsi déjà, Steindorff Ernst: «Berufssport im Gemeinsamen Markt» RIW, 1975, p. 253 et 254.

(149) – Forlati Picchio va aussi en ce sens (note 141), p. 759.

(150) – Arrêt du 15 octobre 1987, Heylens (222/86, Rec. p. 4097).

(151) – Ainsi Kahlenberg Harald, notamment, «Zur EG-rechtlichen Zulässigkeit von Ausländerklauseln im Sport», dans EWS, 1994, p. 423, p. 429.

(152) – Va aussi en ce sens Roger Zäch: «Wettbewerbsrecht und Freizügigkeit für Arbeitnehmer im Bereich des Sports nach dem Recht der EG», dans Hommage à Arnold Koller, éd. Walter R. Schluep e.a., Bern, Stuttgart, Vienne, 1993, p. 837, p. 847 et suiv.

(153) – Voir ci-dessus point 40.

(154) – Pour citer seulement deux exemples connus de joueurs dont la carrière a commencé dans des petits clubs d’amateurs: Franz Beckenbauer a commencé à jouer au football au SC München 1906; Gerd Müller a tiré ses premiers buts pour le TSV 1861 Nördlingen.

(155) – Giardini est, par exemple, de cet avis, cité à la note 119, p. 454.

(156) – Palme, Hepp-Schwab et Wilske, cités à la note 141, p. 345.

(157) – On ne pourrait pas objecter à cela que l’équipe sélectionnée d’Écosse n’a enregistré que relativement peu de succès depuis un certain temps. Les clubs écossais n’ont en effet pas non plus obtenu de grands succès au cours des précédentes années dans les compétitions pour la coupe d’Europe. On est en droit d’attendre que cela change un jour.

(158) – Voir ci-dessus point 19.

(159) – Voir ci-dessus point 15.

(160) – Voir ci-dessus le point 21 et l’énoncé de la disposition pertinente du règlement de la FIFA de 1986 cité à la note 37.

(161) – Le cas du transfert de Heiko Herrlich de Borussia Mönchengladbach à Borussia Dortmund au cours de l’été 1995 ne contredit pas cette interprétation. Ce joueur a certes selon toute vraisemblance signé un contrat avec son nouveau club avant que les négociations entre les clubs sur un transfert éventuel n’aient commencé. Ce qui était cependant particulier c’est que, selon les affirmations de son ancien club, le joueur était encore lié à celui-ci par contrat et que dès lors il avait manqué à ses obligations contractuelles en signant le nouveau contrat.

(162) – Voir ci-dessus point 52.

(163) – Voir, par exemple, l’arrêt du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, Rec. p. 1461, point 12).

(164) – Arrêt du 23 février 1994, Scholz (C-419/92, Rec. p. I-505, point 7).

(165) – Voir ci-dessus le point 30.

(166) – Voir le point 33.

(167) – Voir par exemple l’arrêt du 9 décembre 1993, Lepore et Scamuffa (C-45/92 et C-46/92 Rec. p. I-6497, point 21).

(168) – Arrêt du 7 juillet 1992, Singh (C-370/90, Rec. p. I-4265, point 16).

(169) – Voir ci-dessus le point 32.

(170) – Voir ci-dessus, le point 31.

(171) – Voir ci-dessus le point 43.

(172) – M. Bosman a présenté à la Cour de justice un protocole d’une réunion d’une «commission des professionnels et non amateurs» dont l’UEFA n’a pas contesté l’authenticité. Selon le protocole, un des participants était d’avis que les arrêts de la Cour de justice avaient clarifié la situation juridique en ce qui concerne les clauses de nationalité. Il résulte du contexte que le participant en question considérait que, selon l’article 48, les joueurs pouvaient tout simplement se faire transférer dans les autres États membres. Il en concluait qu’il fallait maintenant «tourner la loi».

(173) – Voir la terminologie au point 15.

(174) – Voir ci-dessus le point 23.

(175) – Voir ci-dessus le point 23.

(176) – Article 7, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de la FIFA de 1994 (c’est nous qui avons mis en évidence).

(177) – L’article 58 assimilant certaines sociétés aux personnes physiques ressortissantes des États membres.

(178) – Arrêt du 28 octobre 1975 (36/75, Rec. p. 1219).

(179) – Ibidem, cité à la note 178, point 7.

(180) – Arrêt du 28 avril 1977 (71/76, Rec. p. 765).

(181) – Ibidem, cité à la note 180, points 15 à 19.

(182) – Conclusions du 29 mars 1977 dans l’affaire Thieffry, précité note 180.

(183) – Arrêt du 28 juin 1978 (1/78, Rec. p. 1489).

(184) – Ibidem, cité à la note 183, point 18.

(185) – Arrêt du 28 novembre 1978 (16/78, Rec. p. 2293).

(186) – Ibidem, cité à la note 185, points 7 et 8.

(187) – Ibidem, cité à la note 185, point 8.

(188) – Arrêt du 12 juillet 1984 (107/83, Rec. p. 2971).

(189) – Ibidem, cité à la note 188, point 14.

(190) – Ibidem, cité à la note 188, points 18 et 19.

(191) – Ibidem, cité à la note 188, point 20.

(192) – Ibidem, cité à la note 188, point 21.

(193) – Arrêt du 30 avril 1986, Commission/France (96/85, Rec. p. 1475).

(194) – Ibidem, cité à la note 193, point 11.

(195) – Ibidem, cité à la note 193, point 12.

(196) – Ibidem, cité à la note 193, point 13.

(197) – Arrêt du 16 juin 1992, Commission/Luxembourg (C-351/90, Rec. p. I-3945, point 14). A la différence de la procédure Commission/France, ce litige concernait aussi l’activité des vétérinaires. L’examen se limitait ici cependant aux articles 48 et 52.

(198) – Arrêt du 12 février 1987, Commission/Belgique (221/85, Rec. p. 719).

(199) – Ibidem, cité à la note 198, point 5.

(200) – Ibidem, cité à la note 198, points 10 à 12.

(201) – Ibidem, cité à la note 150.

(202) – Ibidem, cité à la note 201, point 12.

(203) – Ibidem, cité à la note 201, points 13 et 14.

(204) – Ibidem, cité à la note note 201, point 14.

(205) – Arrêt du 19 janvier 1988 (292/86, Rec. p. 111).

(206) – Ibidem, cité à la note 205, points 28 à 29.

(207) – Arrêt du 7 juillet 1988 (143/87, Rec. p. 3877).

(208) – Ibidem, cité à la note 207, point 9.

(209) – Ibidem, cité à la note 207, points 11 à 14.

(210) – Arrêt du 7 juillet 1988 (154 et 155/87, Rec. p. 3897).

(211) – Arrêt du 27 septembre 1988 (81/87, Rec. p. 5483).

(212) – Ibidem, cité à la note 211, point 16.

(213) – Arrêt du 28 novembre 1989 (C-379/87, Rec. p. 3967).

(214) – Ibidem, cité à la note 213, point 19.

(215) – Arrêt du 13 décembre 1989 (C-49/89, Rec. p. 4441).

(216) – Ibidem, cité à la note 215, point 8.

(217) – Arrêt du 8 mai 1990 (C-175/88, Rec. p. I-1779).

(218) – Ibidem, cité à la note 217, point 14.

(219) – Knobbe-Keuk Brigitte, «Niederlassungsfreiheit: Diskriminierungs- oder Beschränkungsverbot?», dans DB, 1990, p. 2573, p. 2576.

(220) – Arrêt du 7 mai 1991, Vlassopoulou (C-340/89, Rec. p. I-2357).

(221) – Ibidem, cité à la note 220, point 15.

(222) – Ibidem, cité à la note 220, point 19.

(223) – Arrêt du 20 mai 1992, Ramrath (C-106/91, Rec. p. I-3351).

(224) – Ibidem, cité à la note 223, point 24.

(225) – Ibidem, cité à la note 223, point 28.

(226) – Ibidem, cité à la note 223, point 29.

(227) – Ibidem, cité à la note 223, point 30.

(228) – Ibidem, cité à la note 223, point 31.

(229) – Selon toute vraisemblance, M. Ramrath était allemand.

(230) – Ibidem, cité à la note 168.

(231) – Arrêt du 31 mars 1993, Kraus (C-19/92, Rec. p. I-1663).

(232) – Ibidem, cité à la note 231, point 29.

(233) – Ibidem, cité à la note 231, point 31.

(234) – Ibidem, cité à la note 231, point 32.

(235) – Ernst Steindorff penche en ce sens, «Reichweite der Niederlassungsfreiheit», dans EuR, 1988, p. 19, p. 24.

(236) – Albert Bleckmann est aussi de cet avis, «Die Personenverkehrsfreiheit im Recht der EG», dans DVBl 1986, p. 69, p. 71.

(237) – José Carlos de Carvalho Moitinho de Almeida est cependant d’un autre avis, «La libre circulation des travailleurs dans la jurisprudence de la Cour de justice (article 48 CEE/article 28 EEE)», Accord EEE, dans éd. Olivier Jacot-Guillarmod, Zurich, 1992, p. 179, p. 188, selon lequel de telles règles ne provoquent ni directement ni indirectement une discrimination.

(238) – José Carlos Moitinho de Almeida est ainsi à juste titre de cet avis, «Les entraves non discriminatoires à la libre circulation des personnes; leur compatibilité avec les articles 48 et 52 du traité CE», dans Festskrift til Ole Due, Copenhague, 1994, p. 241, p. 247.

(239) – Wulf-Henning Roth va aussi en ce sens, «Grundlagen des gemeinsamen europäischen Versicherungsmarktes», dans RabelsZ 54 (1990), p. 63, p. 81.

(240) – Arrêt Stanton, cité à la note 207, point 15; arrêt Wolf, cité à la note 210, point 15.

(241) – Ulrich Everling va en ce sens, «Das Niederlassungsrecht in der Europäischen Gemeinschaft», dans DB, 1990, p. 1853, p. 1855 (en ce qui concerne l’arrêt Klopp); Nachbaur Andreas, «Art. 52 EWGV – Mehr als nur ein Diskriminierungsverbot?», dans EuZW, 1991, p. 470, p. 471.

(242) – Voir les discriminations débattues au point 155 ci-dessus.

(243) – Voir ci-dessus le point 172.

(244) – Dans le cas Kraus, par exemple, l’avocat général M. Van Gerven avait défendu, dans ses conclusions du 13 janvier 1993, la thèse selon laquelle il s’agissait, dans ce cas, d’une discrimination interdite par l’article 48, paragraphe 2 (Rec. 1993, p. I-1674, p. I-1677).

(245) – Voir ci-dessus le point 169.

(246) – Voir ci-dessus le point 172.

(247) – Ibidem, cité à la note 235, p. 20 et suiv.

(248) – Ernst Steindorff, ibidem, cité à la note 235, p. 21 (concernant l’article 52, paragraphe 2).

(249) – Ainsi Brigitte Knobbe-Keuk, ibidem, cité à la note 219, p. 2574 (également à propos de l’article 52, paragraphe 2).

(250) – Albert Bleckmann, ibidem, cité à la note 236, p. 72.

(251) – L’article 48, paragraphe 3, sous c), fait néanmoins exception en se référant aux «dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l’emploi des travailleurs nationaux».

(252) – Arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral (120/78, Rec. p. 649).

(253) – Arrêt du 24 novembre 1993 (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097).

(254) – Arrêt du 25 juillet 1991 (C-288/89, Rec. p. I-4007).

(255) – Arrêt du 25 juillet 1991 (C-76/90, Rec. p. I-4221).

(256) – Ibidem, cité à la note 255, points 12 et 15.

(257) – Comparer seulement le passage tiré de l’arrêt Walrave, cité au point 122.

(258) – Ainsi le titre annonciateur de l’article de Peter Behrens dans EuR 1992, p. 145.

(259) – Dans ce sens également Alfonso Mattera, «La libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté européenne», dans Revue du marché unique européen 4/1993, p. 47, p. 68.

(260) – Nous ferons simplement remarquer au passage que cette considération apparaît particulièrement opportune pour examiner les règles de transfert.

(261) – Ainsi, par exemple, au début de cette année, le FC Bayern de Munich a loué un joueur d’une équipe espagnole pour les matchs retour de la saison 1994/1995 du championnat allemand en raison de l’absence de plusieurs joueurs.

(262) – Lorsque, à l’automne dernier, la ligue nord-américaine de hockey sur glace a été paralysée par une grève, des managers astucieux de clubs allemands ont engagé un certain nombre de vedettes de cette ligue pour les aligner dans un ou plusieurs matchs de la ligue allemande de hockey sur glace.

(263) – Voir ci-dessus point 122 ainsi que l’arrêt Donà, ibidem, note 61, point 19.

(264) – Voir simplement l’arrêt du 20 octobre 1993, Spotti (C-272/92, Rec. p. I-5185, point 18); voir sur cette question Martin Denis, «Réflexions sur le champ d’application matériel de l’article 48 du traité CE (à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour de justice)», dans CDE 1993, p. 555, p. 577 et suiv.

(265) – Arrêt du 28 janvier 1992 (C-204/90, Rec. p. I-249, point 27 en liaison avec les points 32 et 33).

(266) – Arrêt du 28 janvier 1992 (C-300/90, Rec. p. I-305, point 20 en liaison avec le point 23).

(267) – Passage déjà cité de l’arrêt Heylens (voir ci-dessus point 174).

(268) – Conclusions du 9 décembre 1992 sous l’arrêt du 30 mars 1993 (C-168/91, Rec. p. I-1191, p. I-1198, p. I-1212.

(269) – Ibidem, cité à la note 253, point 16.

(270) – Voir dernièrement l’arrêt du 11 août 1995, Belgacom (C-63/94, non encore publié au Recueil, point 12).

(271) – Voir notamment l’arrêt du 6 juillet 1995, Mars (C-470/93, non encore publié au Recueil, points 12 à 14).

(272) – Il suffit de rappeler les difficultés qu’a soulevées l’examen de l’interdiction des ventes dominicales.

(273) – A cet effet on pourrait éventuellement se fonder sur la distinction découlant de l’article 48, paragraphe 3, sous a) et sous c).

(274) – Arrêt du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039, point 43).

(275) – Arrêt du 10 mai 1995 (C-384/93, non encore publié au Recueil).

(276) – Ibidem, cité à la note 275, points 37 et 38.

(277) – Voir ci-dessous point 210.

(278) – Arrêt du 8 novembre 1979, Groenveld (15/79, Rec. p. 3409, point 7) (c’est nous qui soulignons).

(279) – Dans ce sens, Moitinho de Almeida, ibidem, cité à la note 238, p. 251 et suiv.

(280) – Dans les excellentes conclusions qu’il a présentées le 26 janvier 1995 dans l’affaire Alpine Investments, l’avocat général M. Jacobs aboutit à un résultat analogue concernant l’applicabilité de l’article 59 (non encore publiées au Recueil, points 52 et suiv.).

(281) – Voir ci-dessus point 130.

(282) – Voir ci-dessus point 150.

(283) – Décision du 3 mai 1983 dans l’affaire n_ 9322/81 (X/ Pays-Bas), commission européenne des droits de l’homme, décisions et rapports 32, p. 180.

(284) – Le recours a été rejeté comme irrecevable pour défaut manifeste de fondement (voir Nederlandse Jurisprudentie, 1984, p. 977, p. 978 – non publié au Recueil sur ce point).

(285) – NJW 1979, p. 2582, p. 2583.

(286) – Dans ce sens, l’URBSFA, l’UEFA et l’Italie. La République fédérale d’Allemagne ne s’est pas exprimée sur ce point mais à indiqué que l’on pourrait recourir à des justifications de cet ordre à l’égard des clauses de nationalité. Seule la République française n’a pas pris position sur cette question.

(287) – Vois ci-dessus points 122 et 124.

(288) – Arrêt Bachmann, ibidem, cité à la note 265, points 21 et suiv.; arrêt Commission/Belgique, ibidem, cité à la note 266, points 14 et suiv.

(289) – Ainsi, notamment, Schroeder Werner,: «Sport und Europäische Integration», München, 1989, p. 191 et suiv.

(290) – Comparer notamment pour le droit allemand l’arrêt du Bundesgerichtshof du 28 novembre 1994 (NJW 1995, p. 583, p. 584).

(291) – Dans ce sens toutefois, Schroeder, ibidem, cité à la note 289, p. 199.

(292) – Voir seulement le passage cité ci-dessus au point 174 de l’arrêt Heylens.

(293) – Hilf, ibidem, cité à la note 123, p. 522.

(294) – Voir ci-dessus point 60.

(295) – Il s’agit de la saison 1992/1993 (abstraction faite de quelques exceptions).

(296) – Ibidem, cité à la note 65, annexes 1 à 4.

(297) – D’après l’étude de Touche Ross, les Blackburn Rovers ont terminé la saison 1992/1993 qui avait été couronnée de succès sur le plan sportif (les Rovers sont montés en Premier League) en accusant une perte avant impôts de près de 6,4 millions de UKL (ibidem, cité à la note 65, annexe 1). D’après nos informations, l’AC Milan a terminé la saison 1992/1993 en enregistrant une perte de 1,7 milliard de LIT; au cours de l’exercice passé, la perte s’est élevée à près de 8,3 milliards de LIT (Neue Zürcher Zeitung (édition internationale) n_ 196 du 25 août 1995, p. 46).

(298) – Voir, notamment, Késenne Stefan,: «De economie van de sport. Een overzichtbijdrage» dans Economisch en Sociaal Tijdschrift, 1993, p. 359, p. 376.

(299) – Cairns, J., Jennett, N. et Sloane, P.J. «The Economics of Professional Team Sports: A Survey of Theory and Evidence», dans Journal of Economic Studies [1986], p. 3, soutiennent, en se référant au professeur Noll, que la solution suivante serait indiquée: le club invitant perçoit 50 % des recettes et le club visiteur 25 %. Les 25 % restants vont à la fédération qui les répartit entre tous les clubs de la division. A cet égard les indications que le professeur Noll a fournies en juillet 1992 dans l’affaire McNeil v. NFL devant la District Court du Minnesota, 4th division, présentent également un intérêt, et M. Bosman en a produit une copie. D’après celles-ci, à l’époque en question, 60 % des recettes recueillies dans le football américain aux États-Unis (et donc plus que dans toutes les autres disciplines sportives) étaient réparties. D’après le professeur Noll, cette proportion était trop élevée car elle entamait la stimulation des équipes (ibidem, sections 2654 et suiv.).

(300) – Comparer à ce sujet l’article 3, point 5, du statut du joueur licencié de la DFB.

(301) – Voir articles 18 et 21 du règlement.

(302) – Il faut notamment mentionner à cet égard le soutien que l’UEFA accorde à certaines associations d’Europe orientale et dans l’ancienne Union soviétique, qui permet aux pays en question de participer aux matchs de qualification du championnat d’Europe de football.

(303) – Voir ci-dessus point 29.

(304) – Voir ci-dessus points 31 et suiv.

(305) – On pourrait par exemple concevoir un système qui module la répartition du montant correspondant aux clubs en fonction du nombre de joueurs du club qui ont été engagés par des grandes équipes ou par des clubs des divisions supérieures.

(306) – Comparer notamment Lacomble, Jean-Paul: «De quelques problèmes de cohabitation entre le monde sportif et le monde civil», Journal des tribunaux du travail, 1992, p. 461, p. 463 («une véritable expropriation»).

(307) – Document PE 127.478/fin. du Parlement européen.

(308) – Document PE 206.671/A/fin. du Parlement européen.

(309) – JO C 120, p. 33.

(310) – JO C 326, p. 208.

(311) – Sur la question de l’applicabilité des articles 85 et suiv. voir toutefois le point 271.

(312) – Voir notamment l’article 42 et l’article 60, premier alinéa.

(313) – Arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission (T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, point 358).

(314) – Arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41-90, Rec. p. I-1979, point 21); dans le même sens, arrêt du 17 février 1993, Poucet et Piste (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, point 17).

(315) – Voir ci-dessus le point 125 ainsi que les points 126 et suiv.

(316) – Gleiss/Hirsch (Martin Hirsch et Thomas O.J. Burkert), Kommentar zum EG-Kartellrecht, tome I, 4e édition, Heidelberg, 1993, point 26 sur l’article 85, paragraphe 1.

(317) – Voir arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 88).

(318) – Schröter, Helmut, dans Groeben/Thiesing/Ehlermann, Kommentar zum EWG-Vertrag, 4e édition, Baden-Baden 1991, observation préalable sur les articles 85 à 89, point 17.

(319) – JO L 326, p. 31.

(320) – Ibidem, cité à la note 319, points 47 et 53.

(321) – Arrêt du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission (T-46/92, Rec. p. II-1039).

(322) – JO 1962, 13, p. 204.

(323) – Voir toutefois ci-dessous points 278 et suivants.

(324) – Arrêt du 31 mai 1979, Hugin/Commission (22/78, Rec. p. 1869, point 17).

(325) – Voir notamment l’arrêt du 20 juin 1978, Tepea (28/77, Rec. p. 1391, points 46 et 47).

(326) – Voir point 57.

(327) – Arrêt du 1er février 1978, Miller/Commission (19/77, Rec. p. 131, points 14 et 15).

(328) – Voir notamment l’arrêt du 14 juillet 1981, Züchner (172/80, Rec. p. 2021, point 18). D’autres indications dans Richard Whish, Competition Law, 3e édition, Londres, Édimbourg, 1993, p. 220 et suiv.

(329) – Ainsi, notamment, Alessandra Giardini, ibidem, cité à la note 119, p. 452; Vidiri, Guido:«La circolazione dei calciatori professionisti negli stati comunitari ed il trattato istitutivo della CEE» dans Il rapporto di lavoro sportivo, Rimini, 1989, p. 41, p. 52; Ruiz-Navarro Pinar, ibidem, cité à la note 135, p. 181.

(330) – Dans le même sens Zäch, ibidem, cité à la note 152, p. 852, qui considère les règles de transfert comme étant des «ententes typiques» au sens de l’article 85, paragraphe 1, sous c).

(331) – Voir notamment Lennart Ritter, Francis Rawlinson et W. David Braun, EEC Competition Law, Deventer, Boston, 1991, p. 32; Gleiss/Hirsch, ibidem, cité à la note 316, point 23 sur l’article 85, paragraphe 1.

(332) – Voir ci-dessus, points 134 et 201.

(333) – 15 USCA, article 1er. Le passage est rédigé comme suit: «Every contract, combination in the form of trust or otherwise, or conspiracy in restraint of trade or commerce … is hereby declared to be illegal.»

(334) – Voir, notamment, Whish, ibidem, cité à la note 328, p. 19 et suiv., qui apporte d’autres indications.

(335) – On trouvera une contribution représentative de ce courant dans l’ouvrage connu de René Joliet: The Rule of Reason in Antitrust Law; American, German and Common Market Laws in Comparative Perspective, Liège, 1967.

(336) – Voir, notamment, Schröter, ibidem, cité à la note 318, article 85, point 75; Whish, ibidem, cité à la note 328, p. 209.

(337) – Arrêt du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission (T-17/93, Rec. p. II-595, point 85).

(338) – Arrêts du 6 avril 1995, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, non encore publié au Recueil, point 90), et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, non encore publié au Recueil, point 90).

(339) – Arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission (42/84, Rec. p. 2545, point 20).

(340) – Voir, en particulier, l’arrêt du 30 juin 1966, LTM/Maschinenbau Ulm (56/65, Rec. p. 337, p. 360).

(341) – Arrêt DLG (C-250/92, Rec. p. I-5641).

(342) – Ibidem, cité à la note 341, points 31 à 34.

(343) – Dans ce sens notamment Bellamy & Child: Common Market Law of Competition, 4e édition, éd. Vivien Rose, Londres, 1993, point 2-063.

(344) – Ibidem, cité à la note 341, points 35 et 36.

(345) – Voir ci-dessus point 227.

(346) – Voir ci-dessus points 218 et suiv.

(347) – Voir ci-dessus points 137 et suiv.

(348) – On trouvera davantage d’indications notamment dans l’article de Gary R. Roberts: «Antitrust Issues in Professional Sports» dans: Law of Professional and Amateur Sports, 2e partie, éd. Gary A. Uberstine, Deerfield, New York, Rochester 1994, p. 19-1 (en particulier p. 19 à 45 et suiv.).

(349) – Voir l’arrêt de la United States Court of Appeals, Second Circuit, du 24 janvier 1995, National Basketball Association v Williams (45 F. [Federal Reporter] 3d 684), qui a confirmé la décision de la juridiction inférieure selon laquelle le droit des ententes ne s’applique pas aux négociations des conventions collectives («collective bargaining negociations»); l’arrêt de la United States Court of Appeals for the District of Columbia Circuit, du 21 mars 1995, Brown v Pro Football, Inc. (50 F. 3d 1041), indique lui aussi que selon la jurisprudence de la Cour suprême la «labor exemption» (dans la mesure où elle est «nonstatutory», c’est-à-dire qu’elle n’est pas consacrée par un texte de loi) garantit à certaines conventions collectives («some union-employer agreements») une exception limitée («limited») au droit des ententes.

(350) – Arrêt du 18 octobre 1976 (543 F. 2d 606).

(351) – Pour le droit allemand voir notamment Hermann-Josef Bunte, dans Langen/Bunte, Kommentar zum deutschen und europäischen Kartellrecht, 7e édition, Neuwied, 1994, points 155 et suiv. sur l’article 1er.

(352) – Pour une autre analyse, voir Weatherill, ibidem, cité à la note 135, p. 69, qui se fonde sur l’absence d’une disposition d’exception analogue dans la loi.

(353) – Voir Gleiss/Hirsch, ibidem, cité à la note 316, point 20, sur l’article 85, paragraphe 1.

(354) – Zäch défend, certes, une opinion différente, ibidem, cité à la note 152, qui soutient, sans examiner les faits en cause, que les règles de transfert concernent le marché du travail et ne seraient dès lors pas visées par l’article 85.

(355) – Voir ci-dessus points 31 et 32. Cela ne devrait pas être le fait du hasard que les règles de transfert de ces deux pays sont plus favorables aux joueurs que celles des autres associations établies dans la Communauté.

(356) – Castellaneta, ibidem, cité à la note 136, p. 659, indique à juste titre que le «gentlemen’s agreement» intervenu entre la Commission et l’UEFA en 1991, qui visait les nouvelles règles de l’UEFA, ne peut pas être considéré comme étant une exemption au sens de l’article 85, paragraphe 3. Une exemption de cette nature devrait être coulée dans une décision formelle. Toutefois, on ne trouve pas de décision de cet ordre, ainsi que la Cour l’a constaté à l’occasion d’un recours de M. Bosman (voir ordonnance du 4 octobre 1991, Bosman/Commission, C-117/91, Rec. p. I-4837, points 13 à 15).

(357) – En ce sens également Marticke, ibidem, cité à la note 123, p. 74. Voir également les commentaires intéressants de Weatherill, ibidem, cité à la note 135, p. 88 et suiv.

(358) – Ainsi, à propos des clauses de nationalité également Giardini, ibidem, cité à la note 119, p. 455; dans le même sens Karpenstein Peter, «Der Zugang von Ausländern zum Berufsfußball innerhalb der Europäischen Gemeinschaft», dans: Sportrecht in Europa, éd. Michael R. Will, Heidelberg, 1993, p. 171, p. 188.

(359) – Voir ci-dessus points 255 et suiv., d’une part, et points 260 et suiv., d’autre part.

(360) – Arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, point 38), jurisprudence constante.

(361) – Voir notamment décision 89/93/CEE du 7 décembre 1988, verre plat (JO 1989, L 33, p. 44, points 78 et suiv.); décision 92/262/CEE, du 1er avril 1992 (comités armatoriaux franco-ouest-africains)(JO L 134, p. 1, points 55 et suiv.) et décision 93/82/CEE du 23 décembre 1992 (CEWAL et autres)(JO 1993, L 34, p. 20, point 57). Voir également les décisions intervenues dans le domaine du contrôle des concentrations, notamment la décision 92/553/CEE du 22 juillet 1992 (Nestlé/Perrier)(JO L 356, p. 1, points 108 et suiv.).

(362) – Arrêt du 5 octobre 1994 (C-323/93, Rec. p. I-5077).

(363) – Ibidem, cité à la note 362, point 17.

(364) – Ibidem, cité à la note 313. Cet arrêt s’est prononcé sur un recours qui avait été formé contre la décision de la Commission, du 7 décembre 1988, que nous avons citée à la note 361.

(365) – Ibidem, cité à la note 313, points 358 et 360.

(366) – Voir notamment ci-dessus point 227.

(367) – Voir l’arrêt cité au point 281.

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CJCE, n° C-415/93, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Union royale belge des sociétés de football association ASBL contre Jean-Marc Bosman, Royal club liégeois SA contre Jean-Marc Bosman et autres et Union des associations européennes de football (UEFA) contre Jean-Marc Bosman, 20 septembre 1995