CJCE, n° C-230/97, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Ibiyinka Awoyemi, 29 octobre 1998

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Chronologie de l’affaire

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Conclusions du rapporteur public · 12 février 2020

n°428983 MINISTRE DE L' INTERIEUR c/ M. S… 5ème et 6ème chambres réunies Séance du 27 janvier 2020 Lecture du 12 février 2020 CONCLUSIONS M. Nicolas Polge, rapporteur public M. S..., né en 1967, de nationalité belge, dispose d'un permis de conduire belge depuis décembre 1990. Exerçant l'activité de chauffeur de taxi à Lille, puis à Tourcoing entre avril 2000 et septembre 2006, il a dû procéder à l'échange de son permis de conduire belge contre un permis de conduire français le 9 juillet 2002. En novembre 2006, il a cessé cette activité et est reparti s'installer en Belgique. Il a …

 

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 29 oct. 1998, Awoyemi, C-230/97
Numéro(s) : C-230/97
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 octobre 1998. # Procédure pénale contre Ibiyinka Awoyemi. # Demande de décision préjudicielle: Hof van Cassatie - Belgique. # Permis de conduire - Interprétation de la directive 80/1263/CEE - Inobservation de l'obligation d'échange du permis délivré par un Etat membre à un ressortissant d'un pays tiers contre un permis de l'Etat membre de sa nouvelle résidence - Sanctions pénales - Incidence de la directive 91/439/CEE. # Affaire C-230/97.
Date de dépôt : 24 juin 1997
Précédents jurisprudentiels : 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos ( C-193/94, Rec. p. I-929
arrêt du 25 juin 1992, Ferrer Laderer, C-147/91
Bordessa e.a., C-358/93 et C-416/93, Rec. p. I-361, point 10
du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a., C-163/94, C-165/94 et C-250/94
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61997CJ0230
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1998:521
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61997J0230

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 octobre 1998. – Procédure pénale contre Ibiyinka Awoyemi. – Demande de décision préjudicielle: Hof van Cassatie – Belgique. – Permis de conduire – Interprétation de la directive 80/1263/CEE – Inobservation de l’obligation d’échange du permis délivré par un Etat membre à un ressortissant d’un pays tiers contre un permis de l’Etat membre de sa nouvelle résidence – Sanctions pénales – Incidence de la directive 91/439/CEE. – Affaire C-230/97.


Recueil de jurisprudence 1998 page I-06781


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Permis de conduire – Ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de modèle communautaire – Inobservation de l’obligation d’échange du permis délivré par l’État membre d’origine contre un permis de l’État membre d’accueil – Assimilation à la conduite sans permis – Sanctions pénales – Admissibilité

(Traité CE, art. 48 et 52; directive du Conseil 80/1263, art. 8, § 1, al. 1)

2 Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Permis de conduire – Ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de modèle communautaire – Inobservation de l’obligation d’échange du permis prévue par la directive 80/1263 – Sanctions pénales – Directive 91/439 – Effet direct des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1 – Portée – Principe de droit national de la rétroactivité de la loi pénale plus favorable – Incidence

(Directives du Conseil 80/1263, art. 8, § 1, al. 1, et 91/439, art. 1er, § 2, et 8, § 1)

Sommaire


1 Si les États membres ne sauraient prévoir, en cas de violation de l’obligation d’échange du permis de conduire prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la première directive 80/1263, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire, une sanction pénale disproportionnée à la gravité de l’infraction qui créerait une entrave à la libre circulation des personnes, compte tenu de l’incidence que le droit de conduire un véhicule à moteur comporte pour l’exercice effectif d’une profession indépendante ou salariée, notamment pour l’accès à certaines activités ou à certaines fonctions, le fondement de cette limitation apportée à la compétence des États membres de prévoir des sanctions pénales en la matière est la liberté de circulation des personnes instituée par le traité. Or, un ressortissant d’un pays tiers ne peut pas utilement invoquer les règles en matière de libre circulation des personnes qui ne s’appliquent qu’aux ressortissants d’un État membre de la Communauté qui veulent s’établir sur le territoire d’un autre État membre ou bien aux ressortissants de ce même État qui se trouvent dans une situation présentant un facteur de rattachement avec l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire.

Dès lors, ni les dispositions de la première directive 80/1263 ni celles du traité ne font obstacle à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par un ressortissant d’un pays tiers, qui est titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire délivré par un État membre et qui, ayant transféré sa résidence dans un autre État membre, aurait pu y obtenir en échange un permis délivré par l’État d’accueil, mais qui a omis de procéder à cette formalité dans le délai imposé d’un an, soit assimilée dans ce dernier État à la conduite sans permis et soit, de ce fait, pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

2 Les dispositions des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439, relative au permis de conduire, imposent aux États membres des obligations claires et précises, consistant respectivement dans la reconnaissance mutuelle des permis de conduire de modèle communautaire et dans l’interdiction d’exiger l’échange des permis de conduire délivrés par un autre État membre, sans considération de la nationalité du titulaire, les États destinataires ne disposant d’aucune marge d’appréciation quant aux mesures à adopter pour se conformer à ces exigences. L’effet direct qu’il convient dès lors de reconnaître à ces dispositions implique que les particuliers ont le droit de s’en prévaloir devant les juridictions nationales.

Il s’ensuit qu’un ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire en cours de validité délivré par un État membre, qui a acquis une résidence normale dans un autre État membre, mais qui n’y a pas procédé à l’échange de son permis de conduire dans le délai d’un an prescrit par l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, a le droit de se prévaloir directement des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 pour s’opposer à l’application, dans l’État membre où il a établi sa nouvelle résidence, d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende pour conduite sans permis. Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, en raison du principe, connu du droit national de certains États membres, de la rétroactivité de la loi pénale plus favorable, une juridiction d’un tel État membre applique ces dispositions de la directive 91/439, même lorsque l’infraction a eu lieu avant la date prévue pour la mise en application de cette directive.

Parties


Dans l’affaire C-230/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE, par le Hof van Cassatie (Belgique) et tendant à obtenir, dans la procédure pénale poursuivie contre

Ibiyinka Awoyemi,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, de la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire (JO L 375, p. 1), ainsi que des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1),

LA COUR

(deuxième chambre),

composée de MM. G. Hirsch, président de chambre, G. F. Mancini et R. Schintgen (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Ridley, du Treasury Solicitor’s Department, en qualité d’agent, assistée de M. R. Thompson, barrister,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber et Mme L. Pignataro, membres du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par arrêt du 17 juin 1997, parvenu à la Cour le 24 juin suivant, le Hof van Cassatie a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 1, de la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire (JO L 375, p. 1), ainsi que des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de poursuites pénales engagées par le ministère public à l’encontre de M. Awoyemi, prévenu d’avoir conduit un véhicule à moteur sur la voie publique en Belgique sans être titulaire d’un permis de conduire valable.

Les directives relatives au permis de conduire

3 Les permis de conduire ont fait l’objet d’une première harmonisation par l’adoption de la directive 80/1263 qui, comme l’indique son premier considérant, vise à contribuer à l’amélioration de la sécurité routière et à faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite ou qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

4 A cette fin, la directive 80/1263 a rapproché les règles nationales en la matière, notamment pour ce qui concerne les systèmes nationaux de délivrance des permis de conduire, les catégories de véhicules et les conditions de validité desdits permis. Elle a également établi un modèle communautaire de permis et institué un système de reconnaissance mutuelle par les États membres des permis de conduire, ainsi que d’échange de ces derniers lorsque les titulaires transfèrent leur résidence ou leur lieu de travail d’un État membre à un autre.

5 Conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, la délivrance du permis de conduire est subordonnée, d’une part, à la réussite d’un examen pratique et théorique ainsi qu’à la satisfaction de normes médicales et, d’autre part, à l’existence d’une résidence normale sur le territoire de l’État membre qui délivre le permis, si la réglementation de cet État le prévoit.

6 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive:

«Les États membres prévoient que, si le titulaire d’un permis de conduire national ou d’un permis de modèle communautaire en cours de validité, délivré par un État membre, acquiert une résidence normale dans un autre État membre, son permis y reste valable au maximum pendant l’année qui suit l’acquisition de la résidence. Dans ce délai, sur demande du titulaire et contre remise de son permis, l’État dans lequel celui-ci a acquis sa résidence normale lui délivre un permis de conduire (modèle communautaire) de la ou des catégorie(s) correspondante(s) sans lui imposer les conditions prévues à l’article 6. Néanmoins, cet État membre peut refuser l’échange du permis dans les cas où sa réglementation nationale, y compris les normes médicales, s’oppose à la délivrance du permis.

L’échange doit être précédé de la présentation d’une déclaration de la part du demandeur précisant que son permis de conduire est en cours de validité. Il appartient à l’État membre qui procède à l’échange de vérifier, le cas échéant, le bien-fondé de cette déclaration. L’État membre qui procède à l’échange renvoie l’ancien permis aux autorités de l’État membre qui l’a délivré.»

7 La directive 91/439 a, d’une part, réalisé une nouvelle étape dans l’harmonisation des dispositions nationales, notamment pour les conditions de délivrance des permis et les catégories de véhicules; elle a, d’autre part, supprimé l’obligation d’échanger le permis de conduire en cas de transfert de résidence normale dans un autre État membre, obligation qui, selon son neuvième considérant, constitue un obstacle à la libre circulation des personnes et ne peut être admise compte tenu des progrès réalisés dans le cadre de l’intégration européenne.

8 L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive dispose:

«Les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus.»

9 Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive:

«Dans le cas où le titulaire d’un permis de conduire en cours de validité délivré par un État membre a établi sa résidence normale dans un autre État membre, il peut demander l’échange de son permis contre un permis équivalent; il appartient à l’État membre qui procède à l’échange de vérifier, le cas échéant, si le permis présenté est effectivement en cours de validité.»

10 Conformément au paragraphe 6 du même article:

«Lorsqu’un État membre échange un permis de conduire délivré par un pays tiers contre un permis de conduire de modèle communautaire, mention en est faite sur ce dernier ainsi que lors de tout renouvellement ou remplacement ultérieur.

Cet échange ne peut être effectué que si le permis délivré par un pays tiers a été remis aux autorités compétentes de l’État membre qui procède à l’échange. En cas de changement de résidence normale du titulaire de ce permis dans un autre État membre, ce dernier pourra ne pas appliquer l’article 1er, paragraphe 2.»

11 L’article 12, paragraphe 1, de la directive 91/439 prévoit:

«Les États membres arrêtent, après consultation de la Commission, avant le 1er juillet 1994, les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour la mise en application de la présente directive à partir du 1er juillet 1996.»

12 Quant à l’article 13 de cette même directive, il dispose:

«La directive 80/1263/CEE est abrogée à partir du 1er juillet 1996.»

La réglementation nationale

13 En Belgique, l’article 2 de l’arrêté royal du 6 mai 1988 (Moniteur belge du 28 septembre 1988, p. 13631) dispose:

«1. Peuvent obtenir un permis de conduire belge:

1_ les personnes qui sont inscrites au registre de la population ou au registre des étrangers dans une commune belge et titulaires d’un des documents suivants, délivré en Belgique:

a) la carte d’identité de Belge ou pour étrangers;

b) le certificat d’inscription au registre des étrangers;

c) la carte de séjour de ressortissant d’un État membre de la Communauté économique européenne;

d) l’attestation d’immatriculation;

2_ les personnes qui sont titulaires d’un des documents suivants, délivré en Belgique:

a) la carte d’identité pour les membres du corps diplomatique;

b) la carte d’identité pour les membres du corps consulaire;

c) le permis de séjour spécial.

2. Les personnes visées au paragraphe 1, 1_, ne peuvent conduire un véhicule à moteur que sous le couvert d’un permis de conduire belge. Elles peuvent toutefois conduire sous le couvert d’un permis de conduire national étranger valable, délivré par un des États membres de la Communauté économique européenne, pendant un délai d’un an à compter de la date de leur inscription au registre de la population ou des étrangers d’une commune belge. Les autres conducteurs de véhicules à moteur doivent être titulaires et porteurs d’un permis de conduire belge ou d’un permis de conduire étranger, soit national, soit international, dans les conditions fixées par les dispositions applicables en matière de circulation internationale.

…»

Le litige au principal

14 M. Awoyemi, ressortissant du Nigéria, a résidé pendant un certain temps au Royaume-Uni, où il était titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire valable du 11 avril 1990 au 26 janvier 2003.

15 Depuis le 17 décembre 1990, il réside régulièrement en Belgique.

16 Le 27 juillet 1993, M. Awoyemi a fait l’objet d’un contrôle de police à Ostende (Belgique) lors duquel il a été constaté qu’il conduisait un véhicule à moteur sans être en possession d’un permis de conduire belge.

17 En dépit du fait qu’il s’est prévalu de son permis de modèle communautaire en cours de validité au moment des faits, M. Awoyemi a été condamné, le 4 janvier 1995, par le correctionele rechtbank te Brugge (Belgique) à une amende de 2 000 BFR pour avoir conduit un véhicule sur la voie publique en Belgique sans être titulaire d’un permis de conduire valable, conformément aux dispositions de l’article 2 de l’arrêté royal du 6 mai 1988, précité. Selon cette juridiction, d’une part, l’intéressé résidait en Belgique sans être titulaire d’un permis de conduire belge et, d’autre part, au moment des faits, le délai d’un an à compter de son inscription au registre des étrangers en Belgique, pendant lequel il avait le droit de conduire sous le couvert d’un permis de conduire valable délivré par un des États membres de la Communauté européenne, était écoulé.

18 M. Awoyemi a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement.

19 Il ressort des motifs de la décision de renvoi que le Hof van Cassatie considère, tout d’abord, que l’arrêté royal du 6 mai 1988, précité, a été adopté notamment en vue de transposer l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263. Il se réfère ensuite à l’arrêt du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C-193/94, Rec. p. I-929), tout en relevant que celui-ci a été rendu dans le cadre d’une affaire concernant des ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne, alors que la présente espèce est relative à un ressortissant d’un pays tiers, titulaire d’un permis de conduire délivré par un État membre autre que l’État membre d’accueil de l’intéressé. Il observe enfin que la directive 80/1263 a été abrogée, à partir du 1er juillet 1996, par la directive 91/439 dont l’article 1er, paragraphe 2, impose la reconnaissance mutuelle des permis de conduire délivrés par les États membres et l’article 8, paragraphe 1, transforme en simple faculté l’obligation d’échange, au terme d’un an, du permis de conduire en cours de validité délivré par un État membre, lorsque son titulaire établit sa résidence normale dans un autre État membre. Selon la juridiction de renvoi, ces dispositions semblent être d’effet direct, mais la directive 91/439 ne précise pas si elle est susceptible d’être appliquée à des infractions commises sous l’empire de la directive 80/1263.

20 Estimant que l’issue du litige dépendait dès lors de l’interprétation du droit communautaire, le Hof van Cassatie a sursis à statuer pour poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions de la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire, en particulier l’article 8, s’opposent-elles à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par une personne qui n’a pas la qualité de citoyen de l’Union européenne, mais qui est titulaire d’un permis de conduire national ou d’un permis de modèle communautaire délivré par un État membre, et qui en échange de son permis aurait pu obtenir un permis de l’État d’accueil, mais qui n’a pas procédé à cet échange dans le délai imposé, soit assimilée à la conduite sans permis et soit de ce fait pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende?

2) L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, en vertu duquel les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus, et le droit d’échange prévu à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive ont-ils pour effet que, même en l’absence d’une réglementation nationale en la matière, une personne qui n’a pas la qualité de citoyen de l’Union européenne, mais qui est titulaire d’un permis de conduire national ou d’un permis de modèle communautaire délivré par un État membre, et qui acquiert une résidence normale dans un autre État membre, peut, à partir du 1er juillet 1996, invoquer devant un juge l’application de ces dispositions?

3) En cas de réponse positive à la deuxième question, les articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, ont-ils un effet rétroactif en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par une personne qui n’a pas la qualité de citoyen de l’Union européenne, mais qui est titulaire d’un permis de conduire national ou d’un permis de modèle communautaire délivré par un État membre et qui en échange de son permis aurait pu obtenir un permis de l’État d’accueil, mais qui, le 27 juillet 1993, n’a pas procédé à cet échange dans le délai imposé, soit assimilée à la conduite sans permis et soit de ce fait pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende?»

Sur la première question

21 Il ressort des motifs de la décision de renvoi que, par sa première question, la juridiction nationale demande en substance à la Cour si les dispositions de la directive 80/1263 ou celles du traité font obstacle à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par un ressortissant d’un pays tiers, qui est titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire délivré par un État membre et qui, ayant transféré sa résidence dans un autre État membre, aurait pu y obtenir en échange un permis délivré par l’État d’accueil, mais qui a omis de procéder à cette formalité dans le délai imposé d’un an, soit assimilée dans ce dernier État à la conduite sans permis et soit, de ce fait, pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

22 A titre liminaire, il convient de constater que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 21 de ses conclusions, la directive 80/1263 ne s’applique pas aux seuls ressortissants des États membres, mais aux titulaires d’un permis de conduire délivré par un État membre, sans considération de nationalité.

23 Il s’ensuit qu’une personne se trouvant dans la situation de M. Awoyemi, qui est titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire délivré par les autorités compétentes du Royaume-Uni et en cours de validité au moment des faits litigieux, relève du champ d’application personnel de cette directive.

24 Toutefois, ladite directive ne comporte aucune disposition relative aux sanctions à infliger en cas de violation de l’obligation d’échange du permis de conduire que son article 8, paragraphe 1, premier alinéa, a prévue.

25 Dès lors, en l’absence d’une réglementation communautaire en la matière, les États membres sont, en principe, restés compétents pour sanctionner la violation d’une telle obligation (voir arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, point 36).

26 Il résulte certes d’une jurisprudence constante que les États membres ne sauraient prévoir, en la matière, une sanction pénale disproportionnée à la gravité de l’infraction qui créerait une entrave à la libre circulation des personnes, compte tenu de l’incidence que le droit de conduire un véhicule à moteur comporte pour l’exercice effectif d’une profession indépendante ou salariée, notamment pour l’accès à certaines activités ou à certaines fonctions (voir arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, points 36 et 38).

27 Cependant, une personne telle que M. Awoyemi ne saurait se prévaloir de cette jurisprudence.

28 En effet, il découle des motifs de l’arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, points 36 à 39, que le fondement de la limitation apportée à la compétence des États membres de prévoir des sanctions pénales en cas de violation de l’obligation d’échanger le permis de conduire est la liberté de circulation des personnes instituée par le traité.

29 Or, un ressortissant d’un pays tiers, qui se trouve dans une situation telle que celle de M. Awoyemi, ne peut pas utilement invoquer les règles en matière de libre circulation des personnes qui, conformément à une jurisprudence constante, ne s’appliquent qu’aux ressortissants d’un État membre de la Communauté qui veulent s’établir sur le territoire d’un autre État membre ou bien aux ressortissants de ce même État qui se trouvent dans une situation présentant un facteur de rattachement avec l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire (voir, par exemple, arrêt du 25 juin 1992, Ferrer Laderer, C-147/91, Rec. p. I-4097, point 7).

30 Dans ces conditions, la situation juridique d’une telle personne, ressortissante d’un pays tiers, au regard des sanctions qui sont susceptibles de lui être infligées en cas de non-respect de l’obligation d’échanger le permis de conduire prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263 ne relève ni des dispositions de cette directive ni de celles du traité relatives à la libre circulation des personnes.

31 Il y a lieu, dès lors, de répondre à la première question posée que ni les dispositions de la directive 80/1263 ni celles du traité ne font obstacle à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par un ressortissant d’un pays tiers, qui est titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire délivré par un État membre et qui, ayant transféré sa résidence dans un autre État membre, aurait pu y obtenir en échange un permis délivré par l’État d’accueil, mais qui a omis de procéder à cette formalité dans le délai imposé d’un an, soit assimilée dans ce dernier État à la conduite sans permis et soit, de ce fait, pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

Sur les deuxième et troisième questions

32 Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si un ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire en cours de validité délivré par un État membre, qui a acquis une résidence normale dans un autre État membre, mais qui n’y a pas procédé à l’échange de son permis de conduire dans le délai d’un an prescrit par l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, a le droit de se prévaloir directement des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 pour s’opposer à l’application, dans l’État membre où il a établi sa nouvelle résidence, d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende pour conduite sans permis, lorsque cette infraction a eu lieu avant la date prévue pour la mise en application de la directive 91/439.

33 Il importe de rappeler à titre liminaire que, conformément aux articles 12 et 13 de la directive 91/439, le délai de transposition de cette dernière est venu à expiration le 1er juillet 1994 et ladite directive ne devait être mise en application dans les États membres qu’à partir du 1er juillet 1996, date à laquelle la directive 80/1263 a été abrogée.

34 En conséquence, l’obligation de procéder à l’échange du permis de conduire, prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, s’imposait jusqu’au 1er juillet 1996 dès lors que les dispositions de la directive 91/439 n’ont pas d’effet rétroactif (voir, en ce sens, arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, point 28).

35 Les faits dans l’affaire au principal s’étant produits le 27 juillet 1993, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission ont émis des doutes quant à l’utilité de l’interprétation de la directive 91/439 pour l’issue du litige pendant devant la juridiction de renvoi.

36 Il ressort toutefois de la décision de renvoi que la juridiction nationale a estimé nécessaire d’interroger la Cour sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 au motif qu’elle serait susceptible de faire, le cas échéant, application du principe, connu de son droit national, de la rétroactivité de la loi pénale plus favorable en écartant les dispositions nationales sous l’empire desquelles ont été commises les infractions pénales en cause, si le droit interne devait s’avérer incompatible avec le droit communautaire et si les dispositions pertinentes de ce dernier pouvaient être invoquées directement par un particulier.

37 Dès lors, il y a lieu de répondre aux questions posées dans la mesure où il appartient au juge national d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 23 février 1995, Bordessa e.a., C-358/93 et C-416/93, Rec. p. I-361, point 10; du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a., C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Rec. p. I-4821, point 15; du 26 septembre 1996, Allain, C-341/94, Rec. p. I-4631, point 13, et arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, point 18).

38 En effet, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que la juridiction de renvoi tienne compte, conformément à un principe de son droit pénal, des dispositions plus favorables de la directive 91/439 pour les besoins de l’application du droit interne, même si, ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations écrites, le droit communautaire ne comporte pas d’obligation en ce sens.

39 Pour déterminer si les dispositions susmentionnées de la directive 91/439 produisent un effet direct, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’abstient de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en fait une transposition incorrecte (voir, par exemple, arrêt du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, 80/86, Rec. p. 3969, point 7).

40 A cet égard, il ressort tout d’abord du libellé même de la deuxième question posée par la juridiction de renvoi que les articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 n’ont pas été transposés dans le délai imparti dans l’ordre juridique interne concerné et n’y ont pas été rendus applicables, conformément à l’article 12 de cette directive, à partir du 1er juillet 1996.

41 S’agissant ensuite du point de savoir si ces dispositions de ladite directive sont suffisamment précises et inconditionnelles pour qu’un particulier puisse s’en prévaloir devant une juridiction nationale, il y a lieu de constater, d’une part, que l’article 1er, paragraphe 2, prévoit la reconnaissance mutuelle, sans aucune formalité, des permis de conduire délivrés par les États membres (voir arrêt Skanavi et Chryssanthakopoulos, précité, point 26) et, d’autre part, que l’article 8, paragraphe 1, remplace par une simple faculté, pour le titulaire d’un permis de conduire en cours de validité délivré par un État membre lorsque l’intéressé a établi sa résidence normale dans un autre État membre, l’obligation d’échange du permis de conduire dans le délai d’une année qui figure à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, cette obligation étant qualifiée d’obstacle à la libre circulation des personnes par le neuvième considérant de la directive 91/439.

42 Ainsi que M. l’avocat général l’a souligné aux points 37 à 41 de ses conclusions, ces dispositions imposent donc aux États membres des obligations claires et précises, consistant respectivement dans la reconnaissance mutuelle des permis de conduire de modèle communautaire et dans l’interdiction d’exiger l’échange des permis de conduire délivrés par un autre État membre, sans considération de la nationalité du titulaire, les États destinataires ne disposant d’aucune marge d’appréciation quant aux mesures à adopter pour se conformer à ces exigences.

43 L’effet direct qu’il convient dès lors de reconnaître aux articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 implique que les particuliers ont le droit de s’en prévaloir devant les juridictions nationales.

44 Il n’en irait autrement que si l’intéressé avait obtenu le permis de conduire dans le premier État membre en échange d’un permis délivré par un pays tiers. En effet, il résulte de l’article 8, paragraphe 6, de la directive 91/439 que les autres États membres ne sont pas tenus de reconnaître un tel permis et que, partant, en pareille hypothèse, ladite directive n’impose pas d’obligation inconditionnelle. Toutefois, le dossier ne comporte aucune indication quant à la manière dont M. Awoyemi a obtenu le permis de conduire de modèle communautaire au Royaume-Uni.

45 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles qu’un ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire en cours de validité délivré par un État membre, qui a acquis une résidence normale dans un autre État membre, mais qui n’y a pas procédé à l’échange de son permis de conduire dans le délai d’un an prescrit par l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, a le droit de se prévaloir directement des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439 pour s’opposer à l’application, dans l’État membre où il a établi sa nouvelle résidence, d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende pour conduite sans permis. Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, en raison du principe, connu du droit national de certains États membres, de la rétroactivité de la loi pénale plus favorable, une juridiction d’un tel État membre applique ces dispositions de la directive 91/439, même lorsque l’infraction a eu lieu avant la date prévue pour la mise en application de cette directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

46 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(deuxième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Hof van Cassatie, par arrêt du 17 juin 1997, dit pour droit:

1) Ni les dispositions de la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire, ni celles du traité CE ne font obstacle à ce que la conduite d’un véhicule à moteur par un ressortissant d’un pays tiers, qui est titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire délivré par un État membre et qui, ayant transféré sa résidence dans un autre État membre, aurait pu y obtenir en échange un permis délivré par l’État d’accueil, mais qui a omis de procéder à cette formalité dans le délai imposé d’un an, soit assimilée dans ce dernier État à la conduite sans permis et soit, de ce fait, pénalement sanctionnée d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

2) Un ressortissant d’un pays tiers titulaire d’un permis de conduire de modèle communautaire en cours de validité délivré par un État membre, qui a acquis une résidence normale dans un autre État membre, mais qui n’y a pas procédé à l’échange de son permis de conduire dans le délai d’un an prescrit par l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 80/1263, a le droit de se prévaloir directement des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 1, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, pour s’opposer à l’application, dans l’État membre où il a établi sa nouvelle résidence, d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende pour conduite sans permis. Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, en raison du principe, connu du droit national de certains États membres, de la rétroactivité de la loi pénale plus favorable, une juridiction d’un tel État membre applique

ces dispositions de la directive 91/439, même lorsque l’infraction a eu lieu avant la date prévue pour la mise en application de cette directive.

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CJCE, n° C-230/97, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Ibiyinka Awoyemi, 29 octobre 1998