CJCE, n° C-407/98, Arrêt de la Cour, Katarina Abrahamsson et Leif Anderson contre Elisabet Fogelqvist, 6 juillet 2000

  • Juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité·
  • Restriction du champ d'application de la mesure·
  • Travailleurs masculins et travailleurs féminins·
  • Cee/ce - politique sociale * politique sociale·
  • Accès à l'emploi et conditions de travail·
  • Absence d'incidence 3 politique sociale·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Inclusion ) 2 politique sociale·
  • Niveau de l'emploi à pourvoir·
  • 1 questions préjudicielles

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 6 juill. 2000, Abrahamsson et Anderson, C-407/98
Numéro(s) : C-407/98
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 6 juillet 2000. # Katarina Abrahamsson et Leif Anderson contre Elisabet Fogelqvist. # Demande de décision préjudicielle: Överklagandenämnden för Högskolan - Suède. # Notion de "juridiction nationale" - Egalité de traitement entre hommes et femmes - Action positive en faveur des femmes - Compatibilité avec le droit communautaire. # Affaire C-407/98.
Date de dépôt : 26 octobre 1998
Précédents jurisprudentiels : 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98
28 mars 2000, Badeck e.a. ( C-158/97
Cour du 17 octobre 1995, Kalanke ( C-450/93, Rec. p. I-3051
Marschall ( C-409/95, Rec. p. I-6363
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61998CJ0407
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2000:367
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61998J0407

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 6 juillet 2000. – Katarina Abrahamsson et Leif Anderson contre Elisabet Fogelqvist. – Demande de décision préjudicielle: Överklagandenämnden för Högskolan – Suède. – Notion de « juridiction nationale » – Egalité de traitement entre hommes et femmes – Action positive en faveur des femmes – Compatibilité avec le droit communautaire. – Affaire C-407/98.


Recueil de jurisprudence 2000 page I-05539


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1 Questions préjudicielles – Saisine de la Cour – Juridiction nationale au sens de l’article 177 du traité (devenu article 234 CE) – Notion – Överklagandenämnden för Högskolan compétent pour connaître des recours en matière d’enseignement supérieur – Inclusion

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

2 Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Accès à l’emploi et conditions de travail – Égalité de traitement – Dérogations – Mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes – Procédure de sélection en vue de pourvoir à un emploi public – Réglementation nationale accordant la priorité impérativement aux candidats appartenant au sexe sous-représenté, à la seule condition de ne pas porter atteinte, par la différence de mérite, à l’objectivité lors de l’engagement – Inadmissibilité – Restriction du champ d’application de la mesure – Niveau de l’emploi à pourvoir – Absence d’incidence

(Art. 141 CE, § 4; directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1 et 4)

3 Politique sociale – Travailleurs masculins et travailleurs féminins – Accès à l’emploi et conditions de travail – Égalité de traitement – Dérogations – Mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes – Procédure de sélection en vue de pourvoir à un emploi public – Règle juridictionnelle accordant la priorité aux candidats appartenant au sexe sous-représenté – Admissibilité – Conditions

(Directive du Conseil 76/207, art. 2, § 1 et 4)

Sommaire


1 Pour apprécier si un organe de renvoi possède le caractère d’une juridiction au sens de l’article 177 du traité (devenu article 234 CE), il importe de tenir compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit, ainsi que son indépendance. Satisfait à ces critères l’Överklagandenämnden för Högskolan en Suède qui est compétent pour connaître des recours contre certaines décisions prises en matière d’enseignement supérieur. (voir points 29-30)

2 L’article 2, pararaphes 1 et 4, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et l’article 141, paragraphe 4, CE s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour cet emploi doit être choisi prioritairement à un candidat de sexe opposé qui aurait par ailleurs été désigné, au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné et que la différence entre les mérites respectifs des candidats n’est pas d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

D’une part, en effet, une telle méthode n’est pas de nature à être légitimée par l’article 2, paragraphe 4, de la directive, dès lors que la sélection d’un candidat, parmi ceux ayant les qualifications suffisantes, repose, en dernier lieu, sur sa seule appartenance au sexe sous-représenté, et ce même si les mérites du candidat ainsi choisi sont inférieurs à ceux d’un candidat du sexe opposé. D’autre part, même si l’article 141, paragraphe 4, CE autorise les États membres à maintenir ou à adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle, afin d’assurer une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, cette disposition ne permet pas pour autant une méthode de sélection qui s’avère, en toute hypothèse, disproportionnée par rapport au but poursuivi.

Le fait de restreindre le champ d’application d’une mesure de discrimination positive comme celle en cause n’est, en outre, pas de nature à en modifier son caractère absolu et disproportionné, de sorte que les dispositions précitées s’opposent également à une telle réglementation nationale dans l’hypothèse où elle s’applique uniquement soit aux procédures visant à pourvoir un nombre préalablement limité de postes, soit aux postes créés dans le cadre d’un programme spécifique d’une école supérieure particulière permettant l’application de mesures de discrimination positive.

Par ailleurs, le droit communautaire ne fait aucunement dépendre l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi du niveau des postes à pourvoir. Il s’ensuit que l’appréciation de la conformité des règles nationales instaurant une discrimination positive à l’embauche dans l’enseignement supérieur ne saurait dépendre du niveau du poste à pourvoir. (voir points 53, 55-56, 58-59, 64-65, disp. 1-2, 4)

3 L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, ne s’oppose pas à une règle jurisprudentielle nationale, selon laquelle un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté peut se voir accorder la priorité par rapport à un concurrent du sexe opposé, pour autant que les candidats possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents, lorsque les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats. (voir point 62, disp. 3)

Parties


Dans l’affaire C-407/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par l’Överklagandenämnden för Högskolan (Suède) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Katarina Abrahamsson,

Leif Anderson

et

Elisabet Fogelqvist,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation de l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, L. Sevón, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), P. Jann et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

— pour M. Anderson, par lui-même,

— pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse, departementsråd au ministère des Affaires étrangères, en qualité d’agent,

— pour la Commission des Communautés européennes, par Mme K. Oldfelt, conseiller juridique principal, et M. A. Aresu, membre du service juridique, en qualité d’agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 novembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par décision du 14 octobre 1998, parvenue à la Cour le 26 octobre suivant, l’Överklagandenämnden för Högskolan (commission de recours pour l’enseignement supérieur) a posé, en vertu de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), quatre questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’un litige opposant Mme Abrahamsson et M. Anderson à Mme Fogelqvist au sujet de la nomination de cette dernière comme professeur en sciences de l’hydrosphère à l’université de Göteborg.

Cadre juridique

Droit communautaire

3 L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive dispose:

«1. Le principe de l’égalité de traitement au sens des dispositions ci-après implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial.

4. La présente directive ne fait pas obstacle aux mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans les domaines visés à l’article 1er paragraphe 1.»

4 Selon le troisième considérant de la recommandation 84/635/CEE du Conseil, du 13 décembre 1984, relative à la promotion des actions positives en faveur des femmes (JO L 331, p. 34), «les normes juridiques existant sur l’égalité de traitement, qui ont pour objet d’accorder des droits aux individus, sont insuffisantes pour éliminer toute forme d’inégalité de fait si, parallèlement, des actions ne sont pas entreprises, de la part des gouvernements, des partenaires sociaux et d’autres organismes concernés, en vue de compenser les effets préjudiciables qui, pour les femmes dans la vie active, résultent d’attitudes, de comportements et de structures de la société». Se référant explicitement à l’article 2, paragraphe 4, de la directive, le Conseil recommandait aux États membres:

«1) d’adopter une politique d’action positive destinée à éliminer les inégalités de fait dont les femmes sont l’objet dans la vie professionnelle ainsi qu’à promouvoir la mixité dans l’emploi, et comportant des mesures générales et spécifiques appropriées, dans le cadre des politiques et pratiques nationales et dans le plein respect des compétences des partenaires sociaux, afin:

a) d’éliminer ou de compenser les effets préjudiciables qui, pour les femmes qui travaillent ou qui cherchent un emploi, résultent d’attitudes, de comportements et de structures fondés sur l’idée d’une répartition traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes dans la société;

b) d’encourager la participation des femmes aux différentes activités dans les secteurs de la vie professionnelle où elles sont actuellement sous-représentées, en particulier dans les secteurs d’avenir, et aux niveaux supérieurs de responsabilité, pour obtenir une meilleure utilisation de toutes les ressources humaines;

…»

5 Depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, le 1er mai 1999, l’article 141 CE dispose, en ses paragraphes 1 et 4:

«1. Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle.»

6 La déclaration n_ 28, relative à l’article 141 (ex article 119), paragraphe 4, du traité instituant la Communauté européenne, annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam, prévoit:

«Lorsqu’ils adoptent les mesures visées à l’article 141, paragraphe 4, du traité instituant la Communauté européenne, les États membres devraient viser avant tout à améliorer la situation des femmes dans la vie professionnelle.»

Droit national

7 La jämställdhetslagen (1991:433) (loi suédoise sur l’égalité) prévoit, en son article 16, second alinéa, point 2, que les mesures de discrimination positive sont autorisées au cas où elles contribuent à l’effort visant à favoriser l’égalité dans le milieu du travail. Cet article dispose:

«Une discrimination sexuelle illégale est considérée comme existant lorsqu’un employeur, lors d’un recrutement, d’une promotion ou d’une formation en vue de la promotion, désigne une personne plutôt qu’une autre du sexe opposé, bien que la personne non choisie satisfasse mieux aux conditions objectives pour occuper ce poste ou participer à la formation.

Ces conditions ne s’appliquent pas lorsque l’employeur peut prouver que

1) la décision n’a pas de lien direct ou indirect avec l’appartenance sexuelle de la personne défavorisée;

2) la décision entre dans le cadre d’efforts en faveur de l’égalité hommes-femmes dans la vie professionnelle, ou

3) la décision est justifiée car elle tient compte d’un intérêt moral ou un autre intérêt particulier qui ne doit manifestement pas céder à l’intérêt de l’égalité dans la vie professionnelle.»

8 L’article 15 du chapitre 4 du högskoleförordningen (1993:100) (règlement suédois sur l’enseignement supérieur), dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 1999 (ci-après le «règlement 1993:100»), dispose, concernant les motifs de promotion et de désignation aux postes d’enseignement:

«Les motifs de désignation à un poste d’enseignement doivent être les mérites de nature scientifique, artistique, pédagogique, administrative ou autre ayant trait au contenu disciplinaire du poste et à sa nature en général. Il doit également être tenu compte de la capacité du candidat à informer sur sa recherche et son travail de développement.

On doit également tenir compte, lors de la désignation, de raisons objectives qui concordent avec les buts généraux de la politique du marché du travail, de l’égalité, de la politique sociale et de la politique de l’emploi.»

9 L’article 15 bis du chapitre 4 du règlement 1993:100 instaure une forme de discrimination positive spécifique pour le cas où une école supérieure a décidé qu’une telle discrimination peut être mise en oeuvre lorsqu’il est pourvu à des postes ou à certaines catégories de postes en vue de favoriser l’égalité dans le milieu du travail. Dans ce cas, un candidat appartenant à un sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour le poste peut être choisi prioritairement à un candidat appartenant au sexe opposé qui aurait par ailleurs été choisi, pour autant que la différence entre les qualifications respectives ne soit pas d’une importance telle que l’application de la règle serait contraire à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

10 Conformément à l’article 16 du chapitre 4 du règlement 1993:100, lors d’une procédure d’engagement de professeur, il y a lieu d’accorder une importance particulière aux compétences scientifiques et pédagogiques.

11 Selon l’article 4, paragraphe 2, de la lagen (1994:260) om offentlig anställning (loi suédoise relative à l’emploi public), applicable aux autorités publiques, il y a lieu de donner priorité à la compétence si aucun motif particulier ne justifie de faire autrement. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que l’objectif d’égalité peut constituer un tel motif particulier.

12 Le förordningen (1995:936) om vissa anställningar som professor och forskarassistent vilka inrättas i jämställdhetssyfte (règlement suédois relatif à certains engagements comme professeur et comme assistant de recherche en vue de favoriser l’égalité, ci-après le «règlement 1995:936» est entré en vigueur le 1er juillet 1995.

13 Il ressort des travaux préparatoires de ce règlement (projet 1994/95:164) que, selon le gouvernement suédois, l’évolution vers une répartition plus équitable entre les sexes au sein du monde de l’enseignement s’est faite à un rythme particulièrement lent, de sorte qu’un effort extraordinaire s’impose en vue d’assurer, à court terme, une croissance significative du nombre de professeurs de sexe féminin. Le règlement 1995:936 traduit cet effort ponctuel, dont la finalité est d’appliquer, si nécessaire et lorsque c’est possible, des mesures dites de discrimination positive. À la suite d’une décision du gouvernement suédois du 14 mars 1996 (dnr U 96/91), l’effort a concerné 30 postes de professeur.

14 Les articles 1er à 3 du règlement 1995:936 disposent:

«Article 1er

Le présent règlement concerne les postes de professeur et d’assistant de recherche qui sont créés et pourvus par affectation spéciale pendant l’exercice budgétaire 1995/96 dans certaines universités et écoles supérieures de l’État dans le cadre d’efforts pour favoriser l’égalité dans la vie professionnelle.

Article 2

Les universités et écoles supérieures auxquelles sont accordées ces affectations doivent créer et pourvoir ces postes conformément au [règlement 1993:100], compte tenu des dérogations indiquées aux articles 3 à 5 du présent règlement. Ces dérogations ne s’appliquent cependant que la première fois que ces postes sont pourvus.

Article 3

Lors de la désignation, les dispositions de l’article 15 bis du chapitre 4 du [règlement 1993:100] sont remplacées par les dispositions suivantes.

Un candidat appartenant à un sexe sous-représenté qui possède des qualifications suffisantes conformément à l’article 15, premier alinéa, du chapitre 4 du [règlement 1993:100] doit se voir accorder une priorité par rapport à un candidat du sexe opposé qui aurait par ailleurs été choisi (`discrimination positive'), au cas où cela s’avère nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné.

Une discrimination positive doit cependant être écartée lorsque la différence entre les qualifications des candidats est si importante qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.»

15 Il ressort du projet 1994/95:164 que la limitation figurant à l’article 3, troisième alinéa, du règlement 1995:936 a été insérée en considération de l’article 9 du chapitre 11 de la Constitution suédoise, selon lequel, dans le cadre des nominations aux fonctions de l’État, seuls sont pris en considération des critères objectifs, tels que les mérites (durée des services précédents) et la compétence (aptitude à occuper le poste, démontrée par la formation théorique et pratique et l’expérience antérieure). Il est également déclaré, dans le projet 1994/95:164, que, «bien que l’objectif visant à favoriser l’égalité constitue un motif objectif au sens de la Constitution suédoise, il ressort de cette disposition que la différence de niveau de mérites permise en cas de discrimination positive est soumise à certaines limites».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

16 Le 3 juin 1996, l’université de Göteborg a annoncé la vacance d’une chaire de professeur en sciences de l’hydrosphère. L’offre d’emploi indiquait que la désignation à ce poste devrait contribuer à promouvoir l’égalité des sexes dans la vie professionnelle et qu’une discrimination positive pourrait être appliquée conformément au règlement 1995:936.

17 Huit candidats se sont fait connaître, parmi lesquels Mmes Abrahamsson, Destouni et Fogelqvist et M. Anderson.

18 La commission de désignation des facultés des sciences (ci-après le «jury»), chargée de la sélection, a procédé à deux votes dont le premier tenait compte uniquement des qualifications scientifiques des candidats. Lors de ce vote, M. Anderson arrivait le premier avec cinq voix et Mme Destouni obtenait trois voix. Lors d’un second vote, prenant en compte tant les mérites scientifiques que le règlement 1995:936, Mme Destouni arrivait en tête avec six voix contre deux pour M. Anderson. Le jury a proposé au recteur de l’université de Göteborg de désigner Mme Destouni, en indiquant expressément que la désignation de cette candidate au lieu de M. Anderson ne constituerait pas un manquement à l’exigence d’objectivité au sens de l’article 3, troisième alinéa, du règlement 1995:936. En se référant, dans les deux cas, aux rapports d’experts, le jury a classé M. Anderson deuxième et Mme Fogelqvist troisième.

19 Après le retrait de sa candidature par Mme Destouni, le recteur de l’université a décidé, le 27 juin 1997, de saisir à nouveau le jury afin qu’il se prononce sur les candidatures restantes au regard de l’égalité entre hommes et femmes et, plus spécialement, sous l’angle du règlement 1995:936 et du plan d’égalité hommes-femmes de l’université. Le 6 novembre 1997, le jury a déclaré qu’il ne pouvait pas réexaminer l’affaire en tenant compte de ces éléments puisque l’aspect de l’égalité avait déjà été pris en compte lors de sa première décision. Pour le surplus, il a déclaré qu’une majorité de ses membres estimait que la différence entre M. Anderson et Mme Fogelqvist était considérable mais qu’il lui était difficile d’interpréter la portée de l’article 3, troisième alinéa, du règlement 1995:936.

20 Le 18 novembre 1997, le recteur de l’université de Göteborg a décidé de désigner Mme Fogelqvist à la chaire de professeur. Dans sa décision, le recteur a fait référence au règlement 1995:936 et au plan d’égalité hommes-femmes de l’université et a indiqué que la différence entre les mérites respectifs de M. Anderson et de Mme Fogelqvist n’était pas si considérable que la discrimination positive en faveur de cette dernière constituerait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

21 M. Anderson et Mme Abrahamsson ont fait appel auprès de l’Överklagandenämnden för Högskolan. M. Anderson a fait valoir que la désignation était contraire à la fois aux dispositions de l’article 3 du règlement 1995:936 et à l’arrêt de la Cour du 17 octobre 1995, Kalanke (C-450/93, Rec. p. I-3051). Mme Abrahamsson a soutenu que l’appréciation des candidats par le jury n’avait pas été égale et que sa production scientifique était meilleure que celle de Mme Fogelqvist. Elle a cependant reconnu que les mérites de M. Anderson étaient supérieurs aux siens.

22 Le 13 mars 1998, le jury, de nouveau réuni, a indiqué de ne pas avoir de raisons de réviser ses positions précédentes. Le 26 juin 1998, le recteur s’est également prononcé de manière négative sur les recours.

23 L’Överklagandenämnden a estimé que M. Anderson et Mme Fogelqvist étaient les candidats les plus qualifiés et qu’il ressortait de l’enquête effectuée que M. Anderson était nettement plus compétent sur le plan scientifique que Mme Fogelqvist. En ce qui concerne les compétences pédagogiques, aucun des deux candidats ne pouvait, selon l’Överklagandenämnden, être considéré comme nettement plus qualifié que l’autre. Le critère de la compétence administrative n’apparaissait pas davantage comme déterminant, bien que l’on pût considérer que Mme Fogelqvist possédait sur ce point un certain avantage, il était cependant de nature assez limitée.

24 L’Överklagandenämnden a indiqué encore que, par tradition et selon la jurisprudence applicable, on attache une importance particulière, dans l’appréciation d’ensemble, aux mérites scientifiques. Dans le cas d’espèce, la légère supériorité de Mme Fogelqvist sur le plan administratif ne pouvait compenser la supériorité de M. Anderson sur le plan scientifique. Par conséquent, la question de principe qui se posait était de savoir si, lors d’une appréciation conforme au règlement 1995:936 sur la discrimination positive, l’appartenance de Mme Fogelqvist à un sexe sous-représenté pouvait compenser l’avantage de M. Anderson et si, en outre, l’application du règlement 1995:936 était conforme au droit communautaire et, notamment, à l’article 2, paragraphe 4, de la directive.

25 En ce qui concerne l’application du règlement 1995:936, l’Överklagandenämnden a fait valoir que la portée de la limitation de son article 3, troisième alinéa (respect de l’exigence d’objectivité lors de l’engagement), aux mesures de discrimination positive n’était pas éclairée par d’autres sources de nature juridique. Il a avancé cependant qu’il pouvait être présumé que cette limitation signifie que l’objectif d’égalité doit être mis en balance avec le souhait que des fonctions importantes pour la société, telles que la recherche et l’enseignement supérieur, soient exercées de la manière la plus performante possible. À cet égard, il a semblé à l’Överklagandenämnden que l’exigence d’objectivité implique qu’une mesure de discrimination positive ne peut être appliquée lorsqu’elle risque manifestement de réduire le niveau de performances au sein desdites fonctions au cas où le candidat le plus qualifié ne serait pas choisi. L’Överklagandenämnden a estimé que, dans le cadre d’une appréciation de l’affaire en cause au principal au regard de ce critère, un manquement à l’exigence d’objectivité n’apparaissait pas clairement en cas de désignation de Mme Fogelqvist.

26 En ce qui concerne la question de la compatibilité avec le droit communautaire de la forme de discrimination positive prévue à l’article 3 du règlement 1995:936, l’Överklagandenämnden a estimé que les dispositions de la directive ne donnent pas une réponse sans équivoque. Après avoir relevé que la signification de l’exception au principe de l’égalité de traitement, prévue par l’article 2, paragraphe 4, de la directive, avait été, dans une certaine mesure, examinée par la Cour dans les arrêts Kalanke, précité, et du 11 novembre 1997, Marschall(C-409/95, Rec. p. I-6363), l’Överklagandenämnden a considéré qu’il n’était cependant pas manifestement inutile d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit communautaire en la matière, conformément à l’article 177 du traité.

27 Dans ces conditions, l’Överklagandenämnden för Högskolan a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les quatre questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE) s’oppose-t-il à une disposition nationale selon laquelle un candidat appartenant à un sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour un poste de l’État doit être choisi prioritairement à un candidat du sexe opposé qui aurait par ailleurs été désigné (`la discrimination positive'), au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat du sexe sous-représenté soit désigné, et selon laquelle une mesure de discrimination positive doit être écartée uniquement lorsque la différence entre les mérites respectifs des candidats est d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement?

2) En cas de réponse affirmative à la première question, l’application de la mesure de discrimination positive est-elle interdite même dans l’hypothèse où la règle nationale s’applique uniquement soit aux procédures visant à pourvoir une quantité préalablement limitée de postes (comme c’est le cas au titre du règlement 1995:936), soit aux postes créés dans le cadre d’un programme spécifique d’une école supérieure particulière permettant l’application de mesures de discrimination positive (tel que c’est le cas au titre de l’article 15 bis du chapitre 4 du règlement 1993:100)?

3) Au cas où la réponse à la deuxième question implique d’une manière quelconque qu’une telle mesure de discrimination positive est interdite, y a-t-il lieu également de considérer que la règle, fondée sur la jurisprudence administrative suédoise et sur l’article 15, second alinéa, du chapitre 4 du règlement 1993:100, approuvée par l’Överklagandenämnden, selon laquelle un candidat appartenant à un sexe sous-représenté peut se voir accorder une priorité par rapport à un concurrent du sexe opposé pour autant que les candidats possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents, manque d’une manière quelconque à la directive visée à la première question?

4) Aux fins de l’appréciation des questions posées ci-dessus, le fait que la réglementation vise, dans le cadre des activités d’une autorité, des postes de niveau inférieur ou des postes de niveau élevé a-t-il de l’importance?»

Sur la recevabilité

28 Avant de répondre aux questions posées, il convient d’examiner si l’Överklagandenämnden för Högskolan doit être considéré comme une juridiction au sens de l’article 177 du traité.

29 Pour apprécier si un organisme possède le caractère d’une juridiction au sens de cette disposition, question qui relève uniquement du droit communautaire, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels l’origine légale de l’organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit, ainsi que son indépendance (voir, notamment, arrêt du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, non encore publié au Recueil, point 33).

30 En l’espèce, l’Överklagandenämnden, qui est un organe permanent, a été institué par la högskolelagen (1992:1434) (loi sur l’enseignement supérieur, ci-après la «loi 1992:1434»), dont l’article 1er, paragraphe 1, du chapitre 5 dispose qu’une commission de recours particulière examine les recours contre certaines décisions prises en matière d’enseignement supérieur.

31 Il ressort du förordningen (1992:404) med instruktion för Överklagandenämnden för Högskolan (règlement contenant des instructions applicables à la commission de recours pour l’enseignement supérieur) que, parmi les huit membres de l’Överklagandenämnden, le président et le vice-président doivent être ou avoir été juges titulaires. Parmi les autres membres, au moins trois doivent être juristes. L’ensemble des membres sont désignés par le gouvernement.

32 L’Överklagandenämnden examine de manière autonome les recours formés contre des décisions d’engagement à l’université et dans les écoles supérieures. Conformément à l’article 9 du chapitre 1er de la Constitution suédoise, il doit prendre en considération à cet égard l’égalité de tous devant la loi et faire respecter l’objectivité et l’impartialité. Conformément à l’article 7 du chapitre 11 de la Constitution suédoise, aucune autorité, même le Parlement, ne peut décider de la manière dont l’Överklagandenämnden doit trancher une affaire particulière qui lui est soumise. Seuls sont examinés les recours visant à faire constater que le requérant lui-même aurait dû être désigné à un poste.

33 L’Överklagandenämnden est en mesure de statuer lorsque le président et au moins trois autres membres, dont au moins un juriste, sont présents. Les règles concernant la procédure devant l’Överklagandenämnden sont contenues dans la förvaltningslagen (1986:223) (loi sur la gestion administrative, ci-après la «loi 1986:223»). Les affaires sont normalement tranchées après un rapport faisant suite à la possibilité offerte aux parties de présenter des observations et de prendre connaissance des informations fournies par d’autres parties. Une procédure orale est également prévue.

34 L’examen aboutit à une décision obligatoire qui ne peut faire l’objet d’un recours (article 1er, paragraphe 2, du chapitre 5 de la loi 1992:1434).

35 Il ressort des dispositions législatives et réglementaires mentionnées aux points 30 à 34 du présent arrêt que l’Överklagandenämnden a une origine légale et un caractère permanent, que, bien qu’étant une autorité administrative, il est investi d’une fonction juridictionnelle, qu’il applique des règles de droit et que la procédure devant lui est de nature contradictoire, même si la loi 1986:223 ne l’indique pas expressément.

36 S’agissant du critère de l’indépendance, il ressort des dispositions constitutionnelles suédoises, mentionnées au point 32 du présent arrêt que l’Överklagandenämnden statue sans recevoir aucune instruction et en toute impartialité sur les recours contre certaines décisions prises au sein des universités et des écoles supérieures.

37 De telles garanties confèrent à l’Överklagandenämnden la qualité de tiers par rapport aux instances qui ont adopté la décision faisant l’objet du recours et l’indépendance nécessaire pour pouvoir être considéré comme une juridiction au sens de l’article 177 du traité.

38 Il résulte de ce qui précède que l’Överklagandenämnden för Högskolan doit être considéré comme une juridiction au sens de l’article 177 du traité, de sorte que les questions préjudicielles sont recevables.

Sur le fond

Observations liminaires

39 À titre liminaire, il y a lieu de constater, d’abord, que, par ses questions, la juridiction de renvoi demande si l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive s’oppose à une réglementation nationale, telle que la réglementation suédoise en cause au principal, qui prévoit, dans le secteur de l’enseignement supérieur, une discrimination positive à l’embauche en faveur de candidats appartenant au sexe qui y est sous-représenté.

40 L’interprétation de l’article 141, paragraphe 4, CE, qui concerne de telles mesures, ne présente une utilité pour la solution du litige au principal que pour le cas où la Cour considérerait que ledit article 2 s’oppose à une réglementation nationale telle que celle de l’espèce au principal.

41 Il convient ensuite de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 1, de la directive, celle-ci vise à mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, en ce qui concerne, notamment, l’accès à l’emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive, ce principe implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement.

42 Toutefois, aux termes de son article 2, paragraphe 4, la directive ne fait pas obstacle aux mesures visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes dans les domaines visés à l’article 1er, paragraphe 1.

43 Il y a lieu de rappeler, enfin, que, dans son arrêt du 28 mars 2000, Badeck e.a. (C-158/97, non encore publié au Recueil, point 23), la Cour a jugé qu’une action qui vise à promouvoir prioritairement les candidats féminins dans les secteurs de la fonction publique où les femmes sont sous-représentées doit être considérée comme étant compatible avec le droit communautaire

— lorsqu’elle n’accorde pas de manière automatique et inconditionnelle la priorité aux candidats féminins ayant une qualification égale à celle de leurs concurrents masculins et

— lorsque les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats.

Sur la première question

44 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2, paragraphes 1 et 4, s’oppose à une réglementation nationale, telle que la réglementation suédoise en cause au principal, selon laquelle un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour cet emploi doit être choisi prioritairement à un candidat du sexe opposé qui aurait par ailleurs été désigné, au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné et que la différence entre les mérites respectifs des candidats n’est pas d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

45 Il y a lieu d’observer d’emblée que, à la différence des réglementations nationales en matière de discrimination positive examinées par la Cour dans les arrêts précités Kalanke, Marschall et Badeck e.a., la réglementation nationale en cause au principal permet de donner priorité à un candidat appartenant au sexe sous-représenté qui, bien que suffisamment qualifié, n’a pas une qualification égale à celle d’autres candidats du sexe opposé.

46 Une procédure de sélection des candidats à un emploi s’opère, en principe, par l’appréciation de leur qualification au regard des impératifs du poste vacant ou de la fonction à exercer.

47 Or, aux points 31 et 32 de l’arrêt Badeck e.a., précité, la Cour a jugé qu’il est légitime de tenir compte, aux fins d’une telle appréciation, de certains critères positifs et négatifs qui, bien que formulés en des termes neutres quant au sexe, et dont peuvent donc également bénéficier des hommes, favorisent en général des femmes. C’est ainsi que peut être décidé que l’ancienneté, l’âge et la date de la dernière promotion ne sont pris en compte que dans la mesure où ils présentent une importance pour l’aptitude, les qualifications et les capacités professionnelles des candidats ou candidates. De même, il peut être prévu que la situation familiale ou le revenu du ou de la partenaire sont sans incidence et que les emplois partiels, les congés et les retards pour l’obtention de diplômes liés à la nécessité de s’occuper d’enfants ou de parents qui requièrent des soins n’ont aucun effet négatif.

48 En effet, de tels critères visent manifestement à déboucher sur une égalité substantielle et non formelle en réduisant les inégalités de fait pouvant survenir dans la vie sociale et, ainsi, à prévenir ou à compenser, conformément à l’article 141, paragraphe 4, CE, des désavantages dans la carrière professionnelle des personnes appartenant au sexe sous-représenté.

49 Il importe de souligner à cet égard que l’application de critères tels que ceux mentionnés au point 47 du présent arrêt doit s’opérer de manière transparente et pouvoir être contrôlée afin d’exclure toute appréciation arbitraire de la qualification des candidats.

50 S’agissant de la procédure de sélection en cause dans l’affaire au principal, il ne ressort pas de la réglementation suédoise applicable que l’appréciation de la qualification des candidats au regard des impératifs du poste vacant est fondée sur des critères clairs et certains de nature à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle des personnes appartenant au sexe sous-représenté.

51 Au contraire, selon cette réglementation, un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour cet emploi doit être choisi prioritairement à un candidat du sexe opposé qui, sinon, aurait été désigné, au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné.

52 Il s’ensuit que la réglementation en cause au principal accorde de manière automatique la priorité aux candidats appartenant au sexe sous-représenté, dès que ceux-ci sont suffisamment qualifiés, à la seule condition que la différence entre les mérites des candidats de chacun des sexes ne soit pas d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

53 À cet égard, il importe de relever que la portée de cette condition ne peut pas être déterminée de façon précise, de sorte que la sélection d’un candidat, parmi ceux ayant les qualifications suffisantes, repose, en dernier lieu, sur sa seule appartenance au sexe sous-représenté, et ce même si les mérites du candidat ainsi choisi sont inférieurs à ceux d’un candidat du sexe opposé. De surcroît, les candidatures ne sont pas soumises à une appréciation objective tenant compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats. Il s’ensuit qu’une telle méthode de sélection n’est pas de nature à être légitimée par l’article 2, paragraphe 4, de la directive.

54 Dans ces conditions, il convient de déterminer si une réglementation telle que celle en cause au principal est justifiée par l’article 141, paragraphe 4, CE.

55 À cet égard, il suffit de constater que, même si l’article 141, paragraphe 4, CE autorise les États membres à maintenir ou à adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle, afin d’assurer une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, il ne saurait en être déduit que cette disposition permet une méthode de sélection telle que celle en cause au principal, qui s’avère, en toute hypothèse, disproportionnée par rapport au but poursuivi.

56 Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive et l’article 141, paragraphe 4, CE s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour cet emploi doit être choisi prioritairement à un candidat du sexe opposé qui aurait par ailleurs été désigné, au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné et que la différence entre les mérites respectifs des candidats n’est pas d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

Sur la deuxième question

57 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive s’oppose également à une telle réglementation nationale dans l’hypothèse où celle-ci s’applique uniquement soit aux procédures visant à pourvoir un nombre préalablement limité de postes, soit aux postes créés dans le cadre d’un programme spécifique d’une école supérieure particulière permettant l’application de mesures de discrimination positive.

58 À cet égard, il suffit d’observer que le fait de restreindre le champ d’application d’une mesure de discrimination positive comme celle en cause n’est pas de nature à en modifier son caractère absolu et disproportionné.

59 Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive et l’article 141, paragraphe 4, CE s’opposent également à une telle réglementation nationale dans l’hypothèse où elle s’applique uniquement soit aux procédures visant à pourvoir un nombre préalablement limité de postes, soit aux postes créés dans le cadre d’un programme spécifique d’une école supérieure particulière permettant l’application de mesures de discrimination positive.

Sur la troisième question

60 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive s’oppose à une règle jurisprudentielle nationale selon laquelle un candidat appartenant au sexe sous-représenté peut se voir accorder la priorité par rapport à un concurrent du sexe opposé, pour autant que les candidats possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents.

61 À cet égard, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 43 du présent arrêt, une telle règle doit être considérée comme compatible avec le droit communautaire, lorsque les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats.

62 Il convient donc de répondre à la troisième question que l’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive ne s’oppose pas à une règle jurisprudentielle nationale, selon laquelle un candidat appartenant au sexe sous-représenté peut se voir accorder la priorité par rapport à un concurrent du sexe opposé, pour autant que les candidats possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents, lorsque les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats.

Sur la quatrième question

63 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si la réponse aux première, deuxième et troisième questions varie selon que les règles nationales concernent la sélection de candidats à des postes de niveau inférieur ou à des postes de niveau élevé.

64 À cet égard, il suffit de relever que le droit communautaire ne fait aucunement dépendre l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi du niveau des postes à pourvoir.

65 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que l’appréciation de la conformité des règles nationales instaurant une discrimination positive à l’embauche dans l’enseignement supérieur ne saurait dépendre du niveau du poste à pourvoir.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

66 Les frais exposés par le gouvernement suédois et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

statuant sur les questions à elle soumises par l’Överklagandenämnden för Högskolan, par décision du 14 octobre 1998, dit pour droit:

1) L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et l’article 141, paragraphe 4, CE s’opposent à une réglementation nationale selon laquelle un candidat à un emploi public appartenant au sexe sous-représenté et possédant des qualifications suffisantes pour cet emploi doit être choisi prioritairement à un candidat de sexe opposé qui aurait par ailleurs été désigné, au cas où cette mesure est nécessaire pour qu’un candidat appartenant au sexe sous-représenté soit désigné et que la différence entre les mérites respectifs des candidats n’est pas d’une importance telle qu’il en résulterait un manquement à l’exigence d’objectivité lors de l’engagement.

2) L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207 et l’article 141, paragraphe 4, CE s’opposent également à une telle réglementation nationale dans l’hypothèse où elle s’applique uniquement soit aux procédures visant à pourvoir un nombre préalablement limité de postes, soit aux postes créés dans le cadre d’un programme spécifique d’une école supérieure particulière permettant l’application de mesures de discrimination positive.

3) L’article 2, paragraphes 1 et 4, de la directive 76/207 ne s’oppose pas à une règle jurisprudentielle nationale, selon laquelle un candidat appartenant au sexe sous-représenté peut se voir accorder la priorité par rapport à un concurrent du sexe opposé, pour autant que les candidats possèdent des mérites équivalents ou sensiblement équivalents, lorsque les candidatures font l’objet d’une appréciation objective qui tient compte des situations particulières d’ordre personnel de tous les candidats.

4) L’appréciation de la conformité des règles nationales instaurant une discrimination positive à l’embauche dans l’enseignement supérieur ne saurait dépendre du niveau du poste à pourvoir.

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CJCE, n° C-407/98, Arrêt de la Cour, Katarina Abrahamsson et Leif Anderson contre Elisabet Fogelqvist, 6 juillet 2000