CJCE, n° C-172/97, Conclusions de l'avocat général de la Cour, SIVU du plan d'eau de la Vallée du Lot contre Commission des Communautés européennes, 15 février 2001

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 15 févr. 2001, SIVU, C-172/97
Numéro(s) : C-172/97
Conclusions de l'avocat général Alber présentées le 15 février 2001. # SIVU du plan d'eau de la Vallée du Lot contre Commission des Communautés européennes. # Clause compromissoire - Inexécution d'un contrat - Procédure sur opposition. # Affaire C-172/97 OP.
Date de dépôt : 12 juillet 1999
Précédents jurisprudentiels : Hydro-Réalisations ( C-172/97, Rec. p. I-3363
Solution : Clause compromissoire, Opposition : rejet sur le fond, Opposition : obtention
Identifiant CELEX : 61997CC0172(01)
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2001:93
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61997C0172(01)

Conclusions de l’avocat général Alber présentées le 15 février 2001. – SIVU du plan d’eau de la Vallée du Lot contre Commission des Communautés européennes. – Clause compromissoire – Inexécution d’un contrat – Procédure sur opposition. – Affaire C-172/97 OP.


Recueil de jurisprudence 2001 page I-06699


Conclusions de l’avocat général


I – Introduction

1. La présente affaire concerne le remboursement d’une avance faite par la Commission au Syndicat intercommunal à vocation unique du plan d’eau de la Vallée du Lot (ci-après le «SIVU») et à Hydro-Réalisations SARL (ci-après «Hydro»). Le projet pour lequel l’avance a été accordée, la construction d’une microcentrale hydroélectrique, a été arrêté, raison pour laquelle la Commission demande le remboursement de l’avance majorée des intérêts.

II – Les faits et la procédure

A – Le contrat conclu entre les parties

2. Le 6 décembre 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission, a conclu avec le SIVU et Hydro, agissant conjointement et solidairement, le contrat n° HY 84/89 FR. Le contrat avait pour objet le soutien d’un projet intitulé «Plan d’eau sur le Lot – Intégration d’une microcentrale hydroélectrique basse chute dans le seuil». La subvention accordée était fondée sur le règlement (CEE) n° 3640/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, visant à promouvoir, par un soutien financier, des projets de démonstration et des projets pilotes industriels dans le domaine de l’énergie .

3. Les dispositions suivantes sont importantes pour l’appréciation de la présente affaire.

4. En vertu de l’article 4.3 du contrat, il incombe au SIVU et à Hydro d’informer régulièrement la Commission de l’état d’avancement des travaux et des dépenses effectuées.

5. L’article 9 précise les conditions d’une éventuelle résiliation du contrat. En vertu du paragraphe 1 de cette disposition, les parties peuvent résilier le contrat au cas où la poursuite du programme de travail figurant à l’annexe I serait devenue sans intérêt notamment en raison d’un échec technique ou économique prévisible ou d’un dépassement jugé excessif des coûts estimés du projet.

6. En vertu du paragraphe 3 de cette disposition, le SIVU et Hydro doivent, au cas où la vérification des montants versés par la Commission fait apparaître un trop-perçu par le destinataire de la subvention, rembourser immédiatement le montant versé. Le montant produit des intérêts à compter de la date de la fin ou d’arrêt des travaux, objet du contrat.

7. Au paragraphe 4, il est convenu que le taux d’intérêt applicable est celui du Fonds européen de coopération monétaire pour ses opérations en écus publié le premier jour ouvrable de chaque mois.

8. En vertu du contrat, tous les litiges entre les parties relèvent de la compétence de la Cour de justice (article 13). Le contrat est régi par le droit français (article 14).

9. Le 31 décembre 1990, conformément au contrat, la Commission a versé une avance d’un montant de 83 928 euros , qui a été portée en compte en faveur du SIVU le 17 janvier 1991. Le 23 mai et le 13 août, le SIVU a transmis à la Commission un premier rapport intermédiaire technique et un premier rapport financier. En dépit de ses demandes, la Commission n’a pas obtenu d’autres rapports pour le second semestre de 1991. Elle a par conséquent mis en demeure le SIVU de lui transmettre ces rapports le 7 octobre 1992 et lui a accordé un délai d’un mois pour s’exécuter, faute de quoi elle le menaçait de résilier le contrat.

10. Selon les considérations avancées par la Commission dans sa requête, il ressort des rapports transmis par le SIVU, en application du contrat, que les travaux sur le projet ont été poursuivis jusqu’au 31 mai 1991.

11. Par lettre du 6 novembre 1992, le SIVU a informé la Commission que le projet avait été modifié pour tenir compte des observations formulées par des associations de protection de l’environnement. La construction de la microcentrale hydroélectrique était abandonnée au profit d’un seuil déversant. En conséquence, le SIVU renonçait à la subvention accordée et se proposait de rembourser l’avance perçue.

12. Par lettre du 18 novembre 1992, la Commission a résilié le contrat en application de son article 9 et a demandé au SIVU de rembourser la somme de 83 928 euros majorée des intérêts produits depuis la date de sa réception, c’est-à-dire depuis le 17 janvier 1991.

13. Une procédure de liquidation a été ouverte à l’encontre de Hydro le 13 février 1992.

B – L’arrêt rendu par défaut

14. En dépit de nouvelles demandes de remboursement, formulées le 8 décembre 1992, le 27 février 1994, le 1er juin 1994, le 31 octobre 1994 et le 12 octobre 1995, le SIVU n’a effectué aucun versement. Par conséquent, le 2 mai 1997, la Commission a introduit devant la Cour de justice un recours contre le SIVU et Hydro. Elle a conclu à ce qu’il plût à la Cour ordonner au SIVU et à Hydro de lui verser la somme de 83 928 euros majorée des intérêts conventionnels à compter du 17 janvier 1991, date du versement de l’avance, ainsi que des intérêts légaux à compter du 28 février 1993, date qui a été fixée comme délai pour la première demande de remboursement.

15. Aucune des parties défenderesses n’a produit de mémoire en défense dans les délais prescrits. Par conséquent, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice, la Commission a demandé à la Cour de lui adjuger ses conclusions en application de la procédure par défaut.

16. Le 10 juin 1999, la Cour de justice a statué par défaut. Le dispositif de l’arrêt Commission/SIVU et Hydro-Réalisations (C-172/97, Rec. p. I-3363) était rédigé comme suit:

«1) Le SIVU du plan d’eau de la Vallée du Lot, autrement dénommé SIVU du pays d’accueil de la Vallée du Lot, et Hydro-Réalisations SARL sont solidairement condamnés à payer à la Commission des Communautés européennes la somme de 83 928 euros, majorée des intérêts conventionnels à compter du 31 mai 1991 et jusqu’à complet paiement de la dette.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Le SIVU du plan d’eau de la Vallée du Lot, autrement dénommé SIVU du pays d’accueil de la Vallée du Lot, et Hydro-Réalisations SARL sont solidairement condamnés aux dépens.»

C – Le remboursement

17. Sans répondre au recours de la Commission, le SIVU a fait savoir à la Commission, le 11 juin 1997, que le seuil déversant avait été achevé en 1994. Après que les associations de défense de l’environnement ont abandonné leur opposition, le SIVU a commandé une étude sur la faisabilité du projet initial d’une microcentrale. Ce n’est que lorsqu’elles ont disposé des résultats de l’étude que les autorités ont pu décider, le 11 juin 1997, de l’abandon définitif de la microcentrale. C’est la raison pour laquelle l’avance n’avait pas été remboursée jusqu’à cette date. Le SIVU a effectué le remboursement immédiat des 83 928 euros et a demandé à la Commission que ce remboursement tardif s’effectue «sans pénalisation».

18. Le 8 octobre 1998, le SIVU versait à la Commission une somme de 587 496,00 FRF sans indiquer comment se décomposait cette somme et dans quelle mesure elle concernait le principal de la dette (le remboursement de l’avance) ou la dette accessoire (les intérêts). Sur demande de la Commission, la banque a émis deux avis de crédit: le premier, en date du 23 octobre 1998, d’un montant de 554 889,97 FRF (soit 83 928 euros ), et le deuxième, en date du 30 octobre 1998, d’un montant de 32 606,03 FRF (soit 4 973,81 euros).

19. Par lettre du 9 juin 1999, c’est-à-dire à la veille du prononcé de l’arrêt par défaut, l’avocat du SIVU a informé la Commission et la Cour de justice du paiement effectué le 8 octobre 1998.

20. Par requête du 9 juillet 1999, parvenue à la Cour de justice le 12 juillet 1999, le SIVU a formé opposition contre l’arrêt qui lui a été notifié le 15 juin 1999.

III – Conclusions des parties

Les arguments du SIVU

21. En ce qui concerne le principal de la dette, le SIVU affirme qu’il a été acquitté par le versement du 8 octobre 1998.

22. En ce qui concerne les intérêts conventionnels, le SIVU fait valoir que les travaux sur le projet n’ont été arrêtés que le 11 juin 1997. Ce n’est qu’à cette date qu’il a disposé des résultats de l’étude sur la faisabilité de la microcentrale, étude qu’il avait commandée après l’abandon de l’opposition des associations de défense de l’environnement. Il en a informé la Commission par lettre du 11 juin 1997. Selon le SIVU, les intérêts conventionnels ne courent donc qu’à partir du 11 juin 1997 et uniquement jusqu’à la date du remboursement du principal de la dette, le 8 octobre 1998.

23. À titre subsidiaire, le SIVU considère que les intérêts conventionnels devraient courir à compter du 31 mai 1991, c’est-à-dire à compter de la fin de la réalisation des travaux au sens de l’article 9 du contrat.

24. Selon le SIVU, les intérêts légaux ne sont pas dus, conformément à la disposition de l’article 1153 du code civil. Cette disposition interdit le cumul des intérêts conventionnels et légaux.

25. Le SIVU conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) déclarer l’opposition recevable et fondée et, en conséquence,

— rétracter l’arrêt rendu en date du 10 juin 1999,

— rejeter le recours de la Commission du 2 mai 1997,

— constater le remboursement de la somme de 587 496,00 FRF en date du 8 octobre 1998;

2) sur les intérêts

— constater que les intérêts ne sauraient courir qu’à compter du 11 juin 1997 jusqu’au 8 octobre 1998;

— à titre subsidiaire: constater que les intérêts ne courent qu’à compter du 31 mai 1991 jusqu’au 8 octobre 1998;

3) condamner la Commission aux dépens de la procédure.

26. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1) rejeter la requête en opposition;

2) condamner le SIVU aux dépens de la procédure.

27. Elle motive ses conclusions par le fait que le SIVU n’a informé la Commission et la Cour de justice des versements que trop tardivement, à savoir seulement la veille du prononcé de l’arrêt par défaut.

28. En outre, selon la Commission, les versements effectués par le SIVU n’ont aucun effet sur le contenu de l’arrêt rendu par défaut, mais ne concernent que son exécution. Le montant viré par le SIVU ne suffit pas, selon la Commission, pour acquitter le principal de la dette et les intérêts. Après acquittement du principal de la dette (83 928 euros), la Commission avait encore, au 23 octobre 1998, une créance de somme de 40 347,64 euros, qui correspondait aux intérêts conventionnels pour la période allant du 1er juin 1991 au 22 octobre 1998. Le montant de 4 973,81 euros versé par le SIVU le 30 octobre 1998 ne remboursait par contre qu’une partie de la dette.

29. En ce qui concerne les intérêts conventionnels, la Commission défend le point de vue que ces derniers couraient à compter du 31 mai 1991. Selon la Commission, le SIVU se réfère à la date à laquelle les travaux ont été définitivement abandonnés, c’est-à-dire le 11 juin 1997 selon le SIVU. En revanche, selon la Commission, seule compte, en vertu du contrat, la date de la fin ou de l’arrêt des travaux, qu’il convient de déterminer sur la base de critères objectifs. Il s’agirait du 31 mai 1991.

30. Selon la Commission, l’affirmation du SIVU selon laquelle les intérêts ne couraient qu’à compter du 11 juin 1997 est incompatible avec le texte de l’article 9 du contrat. Ce dernier opère une distinction entre la date de résiliation du contrat, qui marque le constat par l’une des parties que la poursuite du contrat est devenue sans intérêt, et la date de fin des travaux. La Commission considère que l’affirmation selon laquelle la résiliation du contrat ou l’abandon définitif du projet coïncide avec l’arrêt des travaux est incompatible avec l’objet et le but de cette disposition.

31. Par lettre du 19 juillet 1999, la Commission a réclamé au SIVU le paiement du solde pour un montant de 48 748,56 euros (136 845,78 euros desquels sont déduits les montants versés pour un total de 88 901,81 euros = 47 943,97 euros majorés des intérêts conventionnels pour la période allant du 30 octobre 1998 au 1er juillet 1999).

32. En ce qui concerne les intérêts légaux demandés initialement, la Commission se contente de renvoyer aux considérations figurant au point 30 de l’arrêt.

33. En réponse aux questions posées par la Cour de justice, la Commission a complété ses observations en indiquant que les versements effectués par le SIVU ont d’abord été imputés sur les intérêts et ensuite sur le principal de la créance. Après le paiement du SIVU, la Commission avait encore, au 23 octobre 1998, une créance en principal d’un montant de 40 347,64 euros, qui a été ramenée à 35 373,83 euros le 30 octobre 1998 après l’émission du deuxième avis de crédit. En raison du remboursement incomplet de la créance en principal, les intérêts ont continué à courir après cette date.

34. Selon les explications de la Commission, le taux d’intérêt de référence pour le calcul des intérêts est celui qu’elle publie le premier jour ouvrable de chaque mois au Journal officiel. Jusqu’en 1993, il s’était agi du taux du Fonds européen de coopération monétaire pour ses opérations en écus, et ensuite, jusqu’en mai 1998, du taux utilisé par l’Institut monétaire européen et ensuite par la Banque centrale européenne pour leurs transactions en écus. Depuis l’introduction de l’euro le 1er janvier 1999, le taux applicable est celui utilisé par la Banque centrale européenne pour ses pensions et, depuis avril 2000, celui qu’elle utilise pour ses opérations principales de refinancement.

IV – Analyse

A – Recevabilité de l’opposition

35. D’après les dossiers de la Cour, l’arrêt rendu par défaut a été notifié au SIVU le 15 juin 1999. Par conséquent, la requête en opposition parvenue à la Cour de justice le 12 juillet 1999 a été introduite dans les délais prescrits. Étant donné que les autres conditions de forme sont respectées, le recours est recevable.

B – Bien-fondé du recours

1) Remboursement de l’avance

36. Le SIVU et Hydro ont renoncé à réaliser le projet. Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission a affirmé que la poursuite du programme de travail était devenue sans objet et, par conséquent, c’est à bon droit qu’elle a résilié le contrat. En vertu de l’article 9, paragraphe 3, du contrat, la Commission a en principe droit au remboursement de l’avance versée pour un montant de 83 928 euros, majorée des intérêts. Pour les détails, nous renvoyons aux considérations figurant dans les conclusions du 28 janvier 1999 dans la même affaire.

37. Dans le cadre de l’examen de l’opposition soulevée par le SIVU contre l’arrêt rendu par défaut, il convient toutefois d’examiner la question de savoir dans quelle mesure la créance de la Commission a été remboursée par le paiement effectué le 8 octobre 1998.

38. Le SIVU a versé à la Commission 587 496,00 FRF. Selon les données de la Commission, cette somme a été imputée en deux étapes, une première, le 23 octobre 1998, pour un montant de 83 928 euros et une deuxième, le 30 octobre 1998, pour un montant de 4 973,81 euros. Le SIVU est d’avis que la créance de la Commission s’est éteinte avec le versement de cette somme. La Commission conteste cela, étant donné que la somme versée ne suffit pas à rembourser le principal de la créance et les intérêts.

39. La créance, confirmée par l’arrêt rendu par défaut, est éteinte si le SIVU a payé la totalité de la dette constituée de l’avance et des intérêts. L’avance s’élevait à 83 928 euros. Pour pouvoir apprécier si la créance de la Commission s’est éteinte avec le versement effectué le 8 octobre 1998, il faut donc établir quels étaient les intérêts auxquels avait droit la Commission à la date du versement.

2) Calcul des intérêts

a) Début de l’exigibilité des intérêts

40. En vertu de l’article 9, paragraphe 3, du contrat, les taux d’intérêt afférents au montant dû courent à compter de la «date de fin ou d’arrêt des travaux». Le SIVU est d’avis que les travaux ont été arrêtés le 11 juin 1997, après la réception des résultats de l’étude. Dans sa requête, la Commission avait initialement retenu le 17 janvier 1991, date où l’avance a été versée. Dans ses observations sur l’opposition, elle suit toutefois l’avis de la Cour de justice et prend comme date d’arrêt des travaux le 31 mai 1991.

41. Pour interpréter les contrats, il faut, conformément à l’article 1156 du code civil, rechercher l’intention des parties contractantes . Toutefois, on ne peut pas supposer que les parties avaient l’intention de régler la question de la détermination de la date de la fin des travaux, essentielle pour le calcul des intérêts, au moyen de critères qui ne sont pas connus des deux parties contractantes ou, du moins, ne peuvent être connus par celles-ci. En conséquence, l’avis d’une des parties contractantes ne saurait être déterminant pour établir la date de la fin ou de l’arrêt des travaux. Au contraire, cette date doit être déterminée au moyen de critères et de circonstances objectives, que connaissaient les deux parties ou que, du moins, elles pouvaient connaître.

42. À titre de circonstance objective, il faut tout d’abord tenir compte de la lettre du SIVU du 6 novembre 1992 (voir ci-dessus le point 11). Dans cette lettre, le SIVU a informé la Commission de ce que la centrale électrique, dont la construction faisait l’objet du contrat, ne serait pas construite et le SIVU s’est proposé de rembourser l’avance. À partir de cette date, la Commission ne devait plus compter avec la poursuite des travaux. Notamment, il ne ressort pas des documents présentés à la Cour de justice que le SIVU aurait informé la Commission, entre cette date et sa lettre du 11 juin 1997 (voir le point 17 ci-dessus), que les travaux sur le projet seraient toutefois poursuivis. Ainsi, ce serait violer l’article 1134, paragraphe 3, du code civil , qui exige l’exécution de bonne foi des contrats, si le SIVU était autorisé à invoquer sa lettre du 11 juin 1997. Le 8 décembre 1992, le 27 février 1994, le 1er juin 1994, le 31 octobre 1994 et le 12 octobre 1995, la Commission, en se référant à la lettre du 6 novembre 1992 et à la résiliation du contrat du 18 novembre 1992, a mis en demeure le SIVU de lui rembourser le montant de l’avance. Par conséquent, elle est manifestement partie de l’hypothèse que les travaux convenus par contrat avaient été définitivement arrêtés conformément à la lettre du 6 novembre 1992. Ce serait violer le principe de bonne foi si l’on invoquait désormais la lettre du 11 juin 1997.

43. Dans sa requête, la Commission a toutefois mentionné encore une date antérieure, à savoir le 31 mai 1991. La Commission estime que – d’après les rapports présentés par le SIVU en application du contrat – des travaux ont été entrepris sur le projet jusqu’à cette date. Cette position a été confirmée dans les observations sur l’opposition. Par conséquent, il faut supposer qu’il était manifeste pour les deux parties que les travaux ont été arrêtés le 31 mai 1991. Par conséquent, c’est à partir de cette date qu’ont commencé à courir les intérêts conventionnels.

b) Le taux applicable

44. Dans le contrat, le taux est fixé par référence au taux utilisé par le Fonds européen de coopération monétaire pour ses opérations en écus, publié le premier jour ouvrable de chaque mois. Toutefois, le Fonds n’existe plus et le taux de référence convenu par contrat n’est plus publié. Par conséquent, se pose la question de savoir quel taux appliquer au remboursement.

45. D’après la Commission, le taux de référence est celui qu’elle publie le premier jour de chaque mois au Journal officiel. Depuis 1993, il s’agirait du taux utilisé par le Fonds européen de coopération monétaire pour ses opérations en écus. Par la suite, jusqu’en mai 1998, il s’agirait du taux utilisé par l’Institut monétaire européen, et ensuite par la Banque centrale européenne, pour leurs opérations en écus. Depuis l’introduction de l’euro le 1er janvier 1999, il s’agirait du taux applicable par la Banque centrale européenne, tout d’abord, à ses pensions et, désormais, à ses opérations principales de refinancement. Cependant, il n’existe aucun principe particulier pour l’utilisation des différents taux de référence.

46. Le taux conventionnel n’existe plus et le contrat lui-même ne prévoit pas quel taux appliquer en lieu et place. Comme nous l’avons déjà mentionné, en vertu de l’article 1156 du code civil, l’interprétation d’un contrat doit se référer à l’intention commune des deux parties contractantes lors de la conclusion du contrat. On peut à tout le moins déduire de la disposition figurant à l’article 9, paragraphe 4, du contrat la volonté des parties d’appliquer un taux qui est utilisé pour les opérations en écus. De plus, on peut en déduire qu’il ne devrait pas s’agir d’un taux fixé par un institut monétaire privé, mais d’un taux fixé dans le cadre de la coopération monétaire des États membres. Enfin, il ressort du contrat qu’il devait s’agir d’un taux faisant l’objet d’une publication.

47. La solution indiquée par la Commission remplit ces conditions. Les différents taux ont été utilisés et sont utilisés pour les opérations en écus, ou – depuis son remplacement par l’euro – en euros. Ils ont été fixés et sont fixés, dans tous les cas, par l’organe compétent pour les missions monétaires dans la Communauté. Les différents taux ont été et sont publiés au Journal officiel des Communautés européennes le premier jour de chaque mois.

48. En outre, il convient de tenir compte de l’article 1160 du code civil, selon lequel les contrats doivent être complétés, le cas échéant, par les clauses d’usage dans les affaires, même lorsque ces dernières ne sont pas expressément exprimées dans le contrat . La Commission a mentionné des taux qui font normalement partie des contrats qu’elle conclut. Cela plaide également en faveur de l’application des taux sur lesquels se base la Commission depuis la date de la disparition du taux de référence convenu par contrat.

49. Le SIVU n’a pas contesté la démarche de la Commission. Les organes mentionnés par la Commission sont toujours une institution distincte de la Commission et cette dernière n’a aucune influence sur la hauteur du taux fixé. D’ailleurs, on ne constate pas non plus que le remplacement du taux de référence a causé un désavantage pour le SIVU. Par conséquent, il semble qu’il ne faille pas contester du point de vue juridique la démarche de la Commission. En conséquence, le taux applicable jusqu’en 1993 est celui utilisé par le Fonds européen de coopération monétaire pour ses opérations en écus, ensuite, jusqu’en mai 1998, il s’agit du taux utilisé, tout d’abord par l’Institut monétaire européen, et ensuite par la Banque centrale européenne, pour leurs opérations en écus, et, depuis l’introduction de l’euro le 1er janvier 1999, du taux utilisé par la Banque centrale européenne, tout d’abord pour ses pensions, et désormais pour ses opérations principales de refinancement.

50. Sur la base de ce taux de référence, la Commission a calculé, jusqu’au versement réalisé par le SIVU, une dette en intérêts d’un montant de 40 347,64 euros. Ce calcul n’a pas non plus été contesté par le SIVU. Par conséquent, il faut supposer qu’avant le versement effectué le 23 octobre 1998 il existait une dette en intérêts d’un montant de 40 347,64 euros.

51. Contrairement à ce qu’affirme le SIVU, la date à retenir pour l’imputation du versement en faveur de la Commission est le 23 octobre 1998, et non le 8 octobre. Le SIVU a affirmé qu’il avait viré le remboursement et qu’il avait présenté, à titre de preuve, un ordre de paiement établi le 8 octobre 1998. Conformément à l’article 1238 du code civil , selon l’interprétation qui en est donnée par les juridictions françaises, un versement par virement n’est considéré comme réalisé que lorsqu’on a effectué l’inscription en compte en faveur du créancier. D’après l’argument non contesté de la Commission, le virement d’un montant de 587 496,00 FRF a été porté en compte, pour partie, à concurrence de 83 928 euros le 23 octobre 1998, et, pour partie, à concurrence de 4 973,81 euros le 30 octobre 1998. Par conséquent, il faut considérer ces dates comme étant la date du versement du SIVU et, par conséquent, la date-valeur pour le calcul des intérêts échus.

3) Intérêts légaux

52. En ce qui concerne les intérêts légaux, la Cour a déclaré, dans l’arrêt, que l’article 1153 du code civil s’opposait à la perception d’intérêts légaux en plus des intérêts conventionnels. La Commission ne l’a pas contesté. On ne voit pas non plus d’autre raison justifiant un autre résultat. Dans la mesure où la Commission réclame des intérêts légaux en plus des intérêts conventionnels, il convient de maintenir l’arrêt rendu par défaut.

4) Montant des dettes lors du paiement

53. À titre de conclusion intermédiaire, il convient donc de constater que, le 23 octobre 1998, il était dû 83 928 euros au titre de l’avance, et 40 347,64 euros au titre des intérêts. Au total, la dette s’élevait donc à 124 275,64 euros.

5) Conséquence juridique du paiement

54. Sur la dette de 124 275,64 euros, le SIVU a versé au total 88 901,81 euros. Cette somme ne suffit donc pas à rembourser la totalité de la dette. Pour déterminer dans quelle mesure la demande de la Commission est satisfaite par le versement du SIVU, il faut donc répondre à la question de savoir quelle dette a été remboursée par le SIVU.

55. Sur l’ordre de paiement présenté par le SIVU en même temps que sa requête, il n’est question globalement que du «remboursement subvention CEE». Le SIVU n’a pas présenté de relevé indiquant comment se décomposent ces sommes.

56. Dans la lettre du SIVU du 11 juin 1997, qui informait la Commission du remboursement, c’était le versement de la somme de 83 928 euros qui était envisagé. Cela indique que, en octobre 1998, le SIVU voulait payer le principal de la dette. D’ailleurs, dans sa lettre, le SIVU demandait à la Commission que le remboursement s’effectue «sans pénalisation». Cela peut également être pris comme un indice de ce que le SIVU voulait, du moins en premier lieu, rembourser le principal de la dette, et que les «pénalisations», tels les intérêts, devaient être effectivement évitées.

57. Cette appréciation du paiement du SIVU doit toutefois satisfaire les conditions de l’article 1254 du code civil. Selon ce dernier, un paiement doit en principe être d’abord imputé sur la dette en intérêts et seulement, en deuxième lieu, sur la dette en capital, c’est-à-dire que c’est le créancier qui accepte l’imputation sur le capital . Par conséquent, il reste à examiner si la Commission a marqué son accord à une imputation sur le capital.

58. On pourrait trouver un acquiescement explicite de la Commission dans son mémoire du 24 novembre 1999. Dans ce mémoire, la Commission a déclaré que, à la date du 23 octobre 1998, compte tenu du remboursement du principal de la créance (83 928 euros) par le SIVU, elle avait encore une créance vis-à-vis de ce dernier d’un montant de 40 347,64 euros, ce qui correspondait à la somme des taux conventionnels échus entre le 1er juin 1991 et le 22 octobre 1998. D’après la Commission, le montant de 4 973,81 euros viré le 30 octobre 1998 n’aurait correspondu qu’à une partie de ces intérêts conventionnels, auxquels la Commission avait droit à cette époque .

59. Cette présentation des faits est toutefois contraire aux affirmations figurant dans le mémoire précédent, du 13 octobre 1999, ainsi qu’à la lettre du 19 juillet 1999, auxquels il est fait référence au point 15 dudit mémoire. Dans cette lettre, la Commission a calculé un montant restant dû de 47 943,97 euros, qui a été entre-temps corrigé à 40 347,64 euros, pour lequel de nouveaux intérêts ont toutefois été réclamés pour la période du 30 octobre 1998 au 1er juillet 1999. En vertu de l’article 1154 du code civil, des intérêts ne peuvent en principe être perçus que sur le capital et non sur les intérêts, tant qu’une décision judiciaire ou une convention n’a pas été arrêtée en ce sens . Étant donné que ces cas dérogatoires ne se présentent pas en l’espèce, la Commission, lorsqu’elle réclame de nouveaux intérêts, doit avoir imputé le versement du SIVU en premier lieu sur les intérêts échus et le reste sur le capital.

60. Dans sa réponse du 18 juillet 2000 à la question posée par la Cour de justice à propos de cette contradiction, la Commission a confirmé sa position initiale, à savoir que le versement a été tout d’abord imputé sur les intérêts et ensuite sur le principal de la dette. Pour explication de cette contradiction, elle a avancé une erreur des services comptables de la Commission.

61. L’argument de la Commission indique que, à tout le moins, le versement du SIVU a été effectivement imputé sur le principal de la dette et uniquement le reste sur les intérêts. Cela semble toutefois reposer plus sur des problèmes internes à la Commission que sur un acte de volonté. D’ailleurs, il convient d’observer que la seule manifestation de volonté expresse, à laquelle on pourrait se référer, n’apparaît pour la première fois que dans le mémoire du 24 novembre 1999, c’est-à-dire plus d’un an après l’écriture comptable. Par conséquent, elle ne peut servir de base pour l’écriture comptable précitée. En raison des déclarations contradictoires, on ne saurait non plus déduire une volonté manifeste de la Commission d’autoriser une imputation sur le principal de la dette. En conséquence, il convient d’appliquer la disposition légale de l’article 1254 du code civil, selon laquelle les versements partiels doivent en principe être imputés en premier lieu sur les intérêts.

62. On pourrait éventuellement voir une approbation dans l’enregistrement comptable effectué par le comptable. Plaide en faveur de cet argument, avant tout, l’identité des sommes. Le montant de 83 928 euros crédité par la banque le 23 octobre 1998 et porté en compte par le comptable correspond exactement au montant de l’avance à rembourser.

63. S’oppose à une telle interprétation du comportement de la Commission le fait que l’écriture comptable, selon la Commission, est due au fait que, à l’époque, seule existait une créance de «83 928 [euros] + intérêts» et que les intérêts n’avaient pas encore été chiffrés. Si l’on considère que les demandes de paiement établies par la Commission depuis 1992 ont toujours indiqué la formule «+ intérêts» et que, en vertu de l’article 1254 du code civil ainsi qu’en vertu de l’article 96 du règlement (Euratom, CECA, CE) n° 3418/93 , que doit respecter le comptable de la Commission, le paiement doit d’abord être imputé sur les intérêts et ensuite sur le capital, on peut difficilement voir dans l’écriture comptable une approbation implicite relative à une imputation sur le principal de la créance.

64. Sur la base de ces considérations, il faut supposer que la Commission n’a approuvé ni expressément ni implicitement une imputation du versement du SIVU sur le principal de la dette. Le versement effectué à hauteur de 587 496,00 FRF devait donc être tout d’abord imputé sur les intérêts et ensuite sur le principal de la dette. Ce n’est que dans la mesure où le montant versé dépasse les intérêts échus que la créance s’éteint.

65. Par conséquent, le versement de 83 928 euros a tout d’abord remboursé les intérêts sur les 124 275,64 euros dus au 23 octobre 1998. Ce faisant, il reste une dette en principal d’un montant de 40 347,64 euros, qui, en application de l’article 9 du contrat, continue à produire des intérêts.

66. Un nouvel avis de crédit a été établi le 30 octobre 1998, pour un montant de 4 973,81 euros. Conformément aux considérations ci-dessus, ce versement devait également être imputé en premier lieu sur les intérêts et ensuite sur le principal. Si l’on se base sur le taux proposé par la Commission, que ne conteste pas le SIVU, la dette, en octobre 1998, produisait un intérêt de 4 %. Par conséquent, au 30 octobre, il y avait une dette en intérêts de 31,38 euros. Le versement a eu pour conséquence que le principal de la dette s’élevait à 35 405,21 euros. Après les deux versements, le solde de la dette s’élevait donc à 35 405,21 euros.

6) Résumé

67. En résumé, il convient de constater que, après le versement de 587 496,00 FRF, il restait un solde à rembourser de 35 405,21 euros. Dans cette mesure, la créance de la Commission n’est pas éteinte. La somme due produit des intérêts jusqu’au versement final, conformément à l’article 9 du contrat.

68. Le SIVU et Hydro sont solidairement tenus au respect des obligations qui leur incombent en vertu du contrat. Par conséquent, ils doivent être également condamnés solidairement au paiement du solde de la dette.

V – Les dépens

69. En vertu de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si chacune des parties succombe partiellement. Il convient de rejeter la demande du SIVU dans la mesure où il reste toujours un solde à rembourser. De même, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission de rejeter totalement la demande. Par conséquent, les deux parties succombent partiellement. Compte tenu du fait que la requérante n’a informé la Cour du versement effectué neuf mois auparavant que juste avant la notification de l’arrêt et que la Commission n’a absolument pas informé la Cour de la réception du versement, il faut partir du principe que la présente procédure est imputable aux deux parties. Par conséquent, il est indiqué que chacune supporte ses propres dépens.

VI – Conclusion

70. Par ces motifs, nous proposons qu’il plaise à la Cour:

1) condamner le SIVU du plan d’eau de la Vallée du Lot, autrement dénommé SIVU du pays d’accueil de la Vallée du Lot, et Hydro-Réalisations SARL à payer solidairement à la Commission des Communautés européennes la somme de 35 405,21 euros, majorée des intérêts conventionnels à compter du 30 octobre 1998 et jusqu’à complet paiement de la dette;

2) rejeter le recours pour le surplus;

3) condamner les deux parties à supporter leurs propres dépens.

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CJCE, n° C-172/97, Conclusions de l'avocat général de la Cour, SIVU du plan d'eau de la Vallée du Lot contre Commission des Communautés européennes, 15 février 2001