CJCE, n° C-170/02, Arrêt de la Cour, Schlüsselverlag J.S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, Styria Medien AG, Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, "Die Presse" Verlags-Gesellschaft mbH et "Salzburger Nachrichten" Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes, 25 septembre 2003

  • Obligations de la commission à l'égard des tiers qualifiés·
  • Affaires relatives aux concentrations entre entreprises·
  • Cee/ce - concurrence * concurrence·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Concentrations entre entreprises·
  • Mise en demeure de l'institution·
  • Respect d'un délai raisonnable·
  • Examen par la commission·
  • Communauté européenne·
  • Recours en carence

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 25 sept. 2003, Schlüsselverlag J.S. Moser e.a. / Commission, C-170/02
Numéro(s) : C-170/02
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 25 septembre 2003. # Schlüsselverlag J.S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, Styria Medien AG, Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, "Die Presse" Verlags-Gesellschaft mbH et "Salzburger Nachrichten" Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes. # Pourvoi - Recours en carence - Concurrence - Plainte - Contrôle des opérations de concentration - Prise de position au sens de l'article 232 CE - Irrecevabilité. # Affaire C-170/02 P.
Date de dépôt : 7 mai 2002
Précédents jurisprudentiels : Communautés européennes ( troisième chambre ) du 11 mars 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission ( T-3/02, Rec. p. II-1473
Cour le 7 mai 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co
Cour ( sixième chambre ) du 25 septembre 2003. - Schlüsselverlag J.S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co
Tribunal de première instance du 11 mars 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission ( T-3/02
Solution : Pourvoi : rejet sur le fond, Recours en carence
Identifiant CELEX : 62002CJ0170
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:501
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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62002J0170

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 25 septembre 2003. – Schlüsselverlag J.S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, Styria Medien AG, Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, « Die Presse » Verlags-Gesellschaft mbH et « Salzburger Nachrichten » Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG contre Commission des Communautés européennes. – Pourvoi – Recours en carence – Concurrence – Plainte – Contrôle des opérations de concentration – Prise de position au sens de l’article 232 CE – Irrecevabilité. – Affaire C-170/02 P.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-09889


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


1. Concurrence – Concentrations – Examen par la Commission – Obligations de la Commission à l’égard des tiers qualifiés – Obligation de prendre position sur une plainte

(Règlement du Conseil n° 4064/89)

2. Recours en carence – Mise en demeure de l’institution – Respect d’un délai raisonnable – Affaires relatives aux concentrations entre entreprises

(Art. 232, al. 2, CE; règlement du Conseil n° 4064/89, art. 4, 6 et 10, § 1, 3 et 6)

Sommaire


1. La Commission ne peut s’abstenir de prendre en compte les plaintes des entreprises tierces à une opération de concentration susceptible de revêtir une dimension communautaire. En effet, la réalisation d’une telle opération au bénéfice d’entreprises concurrentes des plaignantes est de nature à induire une modification immédiate de la situation de ces dernières sur le ou les marchés concernés.

Par ailleurs, la Commission ne peut valablement soutenir qu’elle n’est pas tenue de statuer sur le principe même de sa compétence d’autorité de contrôle, alors qu’elle est chargée à titre exclusif, en vertu de l’article 21 du règlement n° 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, d’arrêter, sous le contrôle de la Cour, les décisions prévues par ce règlement. Si la Commission refusait de se prononcer formellement, à la demande d’entreprises tierces, sur la question de savoir si une opération de concentration, qui ne lui a pas été notifiée, relève ou non du champ d’application de ce texte, elle placerait ces entreprises dans l’impossibilité de bénéficier des garanties de procédure que leur ouvre la législation communautaire. Elle se priverait, dans le même temps, d’un moyen de vérifier que les entreprises qui sont parties à une opération de concentration de dimension communautaire respectent effectivement leur obligation de notification. En outre, les entreprises plaignantes ne pourraient contester par la voie du recours en annulation un refus d’agir de la Commission qui est de nature à leur faire grief.

Enfin, aucune raison ne justifie que la Commission s’affranchisse en la matière de l’obligation de procéder, dans l’intérêt d’une bonne administration, à un examen diligent et impartial des plaintes dont elle est saisie. La circonstance que les plaignants n’aient pas, en vertu du règlement n° 4064/89, le droit de voir leurs plaintes instruites dans des conditions comparables à celles des plaintes relevant du champ d’application du règlement n° 17 n’implique pas que la Commission soit dispensée de se livrer à l’examen de sa compétence et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. Elle n’exonère pas la Commission de l’obligation de répondre de manière motivée à une plainte tirée de ce que cette compétence aurait précisément été méconnue.

( voir points 27-30 )

2. Les exigences de sécurité juridique et de continuité de l’action communautaire qui sont à l’origine tant de l’article 230, cinquième alinéa, CE que des articles 4, 6 et 10, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement n° 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, seraient méconnues si la Commission pouvait, en application de l’article 232, deuxième alinéa, CE, être invitée à se prononcer, au-delà d’un délai raisonnable, sur la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration qui ne lui a pas été notifiée. Des entreprises pourraient ainsi amener la Commission à remettre en cause une décision prise par les autorités nationales compétentes à l’égard d’une opération de concentration, y compris après l’épuisement des voies de recours ouvertes contre cette décision dans l’ordre juridique de l’État membre concerné.

Ne peut pas être considéré comme raisonnable un délai de quatre mois à compter du moment où l’autorité nationale compétente a pris sa décision relative à la réalisation de l’opération.

( voir points 36-38 )

Parties


Dans l’affaire C-170/02 P,

Schlüsselverlag J. S. Moser GmbH, établie à Innsbruck (Autriche),

J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, établie à Linz (Autriche),

Styria Medien AG, établie à Graz (Autriche),

Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, établie à Bregenz (Autriche),

Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, établie à Schwarzach (Autriche),

«Die Presse» Verlags-Gesellschaft mbH, établie à Vienne (Autriche),

et

«Salzburger Nachrichten» Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG, établie à Salzbourg (Autriche),

représentées par Me M. Krüger, Rechtsanwalt,

parties requérantes,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre) du 11 mars 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission (T-3/02, Rec. p. II-1473), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

l’autre partie à la procédure étant:Commission des Communautés européennes, représentée par M. K. Wiedner, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, M. C. Gulmann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 mai 2003,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


I. Par requête déposée au greffe de la Cour le 7 mai 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, Styria Medien AG, Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, «Die Presse» Verlags-Gesellschaft mbH et «Salzburger Nachrichten» Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG ont, en vertu de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l’ordonnance du Tribunal de première instance du 11 mars 2002, Schlüsselverlag J. S. Moser e.a./Commission (T-3/02, Rec. p. II-1473, ci-après l'«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable leur recours ayant pour objet de faire constater la carence de la Commission, en ce que celle-ci se serait illégalement abstenue de prendre une décision sur la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché commun.

Le cadre juridique

II. L’article 232, deuxième alinéa, CE dispose:

«[L]e recours [en carence] n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir. Si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de cette invitation, l’institution n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois.»

III. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1, et rectificatif JO 1990, L 257, p. 13, ci-après le «règlement sur les concentrations»]:

«Aux fins de l’application du présent règlement, une opération de concentration est de dimension communautaire lorsque:

a) le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'[euros]

et

b) le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'[euros],

à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans la Communauté à l’intérieur d’un seul et même État membre.»

IV. L’article 4, paragraphe 1, du même règlement dispose:

«Les opérations de concentration de dimension communautaire visées par le présent règlement doivent être notifiées à la Commission dans un délai d’une semaine [¼ ].»

V. Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous a) et b), de ce règlement:

«La Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception.

a) Si elle aboutit à la conclusion que l’opération de concentration notifiée ne relève pas du présent règlement, elle le constate par voie de décision.

b) Si elle constate que l’opération de concentration notifiée, bien que relevant du présent règlement, ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide de ne pas s’y opposer et la déclare compatible avec le marché commun.

[¼ ]»

VI. L’article 21, paragraphe 1, du même règlement prévoit:

«Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.»

Les faits du litige

VII. Par une décision du 26 janvier 2001, l’Oberlandesgericht Wien (Autriche), qui est compétent pour l’application du droit autrichien de la concurrence, a autorisé une opération de concentration concernant la société Zeitschriften Verlagsbeteiligungs-Aktiengesellschaft (ci-après «ZVB») et la société Verlagsgruppe News Beteiligungsgesellschaft (ci-après «VNB»).

VIII. Cette opération portait sur l’acquisition par la société News Gesellschaft mbH (ci-après «News Gesellschaft»), filiale de VNB, de Kurier-Magazine Verlags GmbH (ci-après «Kurier-Magazine»), société appartenant à ZVB, en contrepartie d’une prise de participation de cette dernière dans le capital de News Gesellschaft.

IX. Par une lettre du 25 mai 2001, les sociétés requérantes, qui sont propriétaires de journaux en Autriche, ont adressé à la Commission une plainte relative à cette opération, en faisant valoir que celle-ci avait une dimension communautaire au sens du règlement sur les concentrations et qu’elle aurait dû en conséquence être notifiée à la Commission, seule autorité compétente pour en apprécier la compatibilité avec le marché commun.

X. Par une lettre du 12 juillet 2001, le directeur du service de la Commission chargé, au sein de la direction générale de la concurrence, du contrôle des opérations de concentration entre entreprises (ci-après la «task force chargée du contrôle des concentrations») a répondu aux requérantes que le chiffre d’affaires réalisé dans la Communauté par Kurier-Magazine n’atteignait pas le seuil de 250 millions d’euros fixé à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement sur les concentrations et que, par conséquent, la Commission n’était pas compétente pour se prononcer sur l’opération en cause.

XI. Par une lettre du 7 août 2001, les requérantes ont contesté cette analyse, en soutenant notamment que, aux termes de l’accord de concentration concerné, la nomination de l’éditeur et du rédacteur en chef de deux magazines regroupés au sein de Kurier-Magazine continuait de relever de ZVB. Elles ont précisé cette allégation dans une lettre du 9 août 2001, également adressée au directeur de la task force chargée du contrôle des concentrations.

XII. Le directeur a répondu à ces deux lettres le 3 septembre 2001, en indiquant qu’il avait déjà connaissance de ces éléments lorsqu’il avait signé sa lettre du 12 juillet 2001 et que les gérants nommés par ZVB ne disposaient pas de droits de veto susceptibles d’aboutir à un contrôle en commun de la société News Gesellschaft. Il a, par suite, confirmé son analyse selon laquelle la concentration n’avait pas une dimension communautaire.

XIII. Par une lettre du 11 septembre 2001 adressée au membre de la Commission chargé de la concurrence, les requérantes ont invité la Commission, conformément à l’article 232, deuxième alinéa, CE, à prendre formellement position «sur l’ouverture ou non d’une procédure de vérification en application du règlement nº 4064/89».

XIV. Par lettre du 7 novembre 2001 (ci-après la «lettre du 7 novembre 2001»), le directeur de la task force chargée du contrôle des concentrations a répondu aux requérantes qu’il confirmait que, «pour les raisons exposées dans [sa] lettre du 12 juillet 2001, [ses] services n’envisage[aient] pas un réexamen de l’affaire» et que, «à défaut d’une compétence en vertu du règlement relatif au contrôle des concentrations, la Commission ne [pouvait] adopter une décision dans ce dossier juridique».

XV. Par requête déposée le 10 janvier 2002 au greffe du Tribunal, les requérantes ont introduit un recours en carence contre la Commission.

L’ordonnance attaquée

XVI. Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé, a, sans poursuivre la procédure, décidé, par l’ordonnance attaquée prise en application de l’article 111 de son règlement de procédure, de rejeter le recours comme manifestement irrecevable.

XVII. Il a, d’abord, considéré que la lettre du 7 novembre 2001, qui se référait explicitement à la lettre du 11 septembre 2001 invitant la Commission à agir, constituait la réponse de la Commission à cette mise en demeure.

XVIII. Ensuite, pour aboutir à la conclusion que la lettre du 7 novembre 2001 constituait une prise de position de la Commission au sens de l’article 232, deuxième alinéa, CE, le Tribunal a constaté que, dans cette lettre, la Commission, d’une part, expliquait qu’elle n’envisageait pas le réexamen de la concentration litigieuse, en se référant à cet effet aux motifs de sa lettre du 12 juillet 2001, et, d’autre part, confirmait que, à défaut de dimension communautaire, elle n’avait pas compétence, en vertu du règlement sur les concentrations, pour adopter une décision dans ce dossier.

XIX. Enfin, le Tribunal a considéré qu’une telle prise de position constituait un acte attaquable au sens de l’article 230 CE et que les requérantes ne sauraient prétendre que la lettre du 7 novembre 2001 exprimait seulement la position de la task force chargée du contrôle des concentrations et non celle de la Commission. Le Tribunal a relevé à cet égard que, si les lettres des 12 juillet et 3 septembre 2001 indiquaient qu’elles «expos[aient] le point de vue de la Direction Contrôle des concentrations et ne li[aient] pas la Commission européenne», cette déclaration ne figurait plus dans la lettre du 7 novembre 2001.

XX. Dans ces conditions, le Tribunal a considéré que la carence avait cessé d’exister et que les requérantes n’avaient plus d’intérêt à la faire constater, ce qui rendait le recours manifestement irrecevable.

Le pourvoi

XXI. Les requérantes concluent à l’annulation de l’ordonnance attaquée, à ce que la Cour constate que la Commission a méconnu les obligations qui lui incombent en vertu du traité CE en ne prenant aucune décision à l’égard de l’opération de concentration litigieuse et à la condamnation de la Commission aux dépens.

XXII. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens.

XXIII. Celles-ci soutiennent que la lettre du 7 novembre 2001 n’émanait que du directeur de la task force chargée du contrôle des concentrations et qu’elle ne pouvait juridiquement engager la Commission en tant qu’institution. Le Tribunal aurait, par suite, commis une erreur de droit en considérant que cette lettre constituait une prise de position de la Commission au sens de l’article 232, deuxième alinéa, CE et qu’elle avait pu mettre un terme à la carence.

XXIV. La Commission fait valoir que le recours devant le Tribunal était manifestement irrecevable, mais pour des motifs indépendants de ceux sur lesquels est fondée l’ordonnance attaquée et sur lesquels le Tribunal aurait dû se prononcer en premier lieu. Elle soutient qu’aucun texte ne lui faisait obligation de prendre formellement position sur la plainte dont les requérantes l’avaient saisie et, en tout état de cause, que l’invitation à agir qui lui a été adressée le 25 mai 2001 était tardive.

Appréciation de la Cour

XXV. Au moyen du pourvoi tiré de ce que le Tribunal a, à tort, considéré la lettre du 7 novembre 2001 comme une prise de position mettant fin à la carence, la Commission répond qu’elle n’était en rien tenue, dans un tel cas de figure, de prendre formellement position sur la plainte des requérantes et qu’aucune carence ne pouvait donc lui être imputée.

XXVI. Cette argumentation de la Commission ne peut être accueillie.

XXVII. D’abord, la Commission ne peut s’abstenir de prendre en compte les plaintes des entreprises tierces à une opération de concentration susceptible de revêtir une dimension communautaire. En effet, la réalisation d’une telle opération au bénéfice d’entreprises concurrentes des plaignantes est de nature à induire une modification immédiate de la situation de ces dernières sur le ou les marchés concernés. C’est la raison pour laquelle le règlement sur les concentrations prévoit, à son article 18, que les tiers intéressés peuvent être entendus par la Commission, s’ils le demandent. Le règlement (CE) nº 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 61, p. 1), dispose ainsi, à son article 11, sous c), que «les tiers, à savoir les personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant, notamment les clients, fournisseurs et concurrents» ont le droit d’être entendus en application de cet article 18.

XXVIII. Ensuite, la Commission ne peut valablement soutenir qu’elle n’est pas tenue de statuer sur le principe même de sa compétence d’autorité de contrôle, alors qu’elle est chargée à titre exclusif, en vertu de l’article 21 du règlement sur les concentrations, d’arrêter, sous le contrôle de la Cour, les décisions prévues par ce règlement. Si la Commission refusait de se prononcer formellement, à la demande d’entreprises tierces, sur la question de savoir si une opération de concentration, qui ne lui a pas été notifiée, relève ou non du champ d’application de ce texte, elle placerait ces entreprises dans l’impossibilité de bénéficier des garanties de procédure que leur ouvre la législation communautaire. Elle se priverait, dans le même temps, d’un moyen de vérifier que les entreprises qui sont parties à une opération de concentration de dimension communautaire respectent effectivement leur obligation de notification. En outre, les entreprises plaignantes ne pourraient contester par la voie du recours en annulation un refus d’agir de la Commission qui, ainsi qu’il a été dit au point précédent, est de nature à leur faire grief.

XXIX. Enfin, aucune raison ne justifie que la Commission s’affranchisse en la matière de l’obligation de procéder, dans l’intérêt d’une bonne administration, à un examen diligent et impartial des plaintes dont elle est saisie. La circonstance que les plaignants n’aient pas, en vertu du règlement sur les concentrations, le droit de voir leurs plaintes instruites dans des conditions comparables à celles des plaintes relevant du champ d’application du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), n’implique pas que la Commission soit dispensée de se livrer à l’examen de sa compétence et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. Elle n’exonère pas la Commission de l’obligation de répondre de manière motivée à une plainte tirée de ce que cette compétence aurait précisément été méconnue.

XXX. Dans ces conditions, la Commission n’est pas fondée à soutenir qu’elle pouvait s’abstenir de prendre position en l’espèce et que, par suite, aucune carence ne pouvait, en tout état de cause, lui être attribuée.

XXXI. En revanche, la Commission soutient à juste titre que l’invitation à agir qui lui a été adressée le 25 mai 2001 était, en tout état de cause, tardive.

XXXII. Le règlement sur les concentrations repose sur le principe d’une répartition précise des compétences entre les autorités nationales et communautaires de contrôle. Le vingt-neuvième considérant de son préambule dispose que «les opérations de concentration qui ne sont pas visées par le présent règlement relèvent en principe de la compétence des États membres». Inversement, la Commission est seule compétente pour prendre toutes les décisions relatives aux opérations de concentration de dimension communautaire et, en vertu de l’article 9 dudit règlement, pour décider de renvoyer aux autorités compétentes d’un État membre le dossier de certaines opérations affectant plus particulièrement un «marché à l’intérieur de cet État membre qui présente toutes les caractéristiques d’un marché distinct».

XXXIII. Le règlement sur les concentrations comporte également des dispositions dont l’objectif est de limiter, pour des raisons de sécurité juridique et dans l’intérêt des entreprises concernées, la durée des procédures de vérification des opérations qui incombent à la Commission. C’est ainsi que la notification à la Commission d’une opération de dimension communautaire doit intervenir, en vertu de l’article 4 dudit règlement, dans un délai d’une semaine. Les articles 6 et 10, paragraphe 1, de ce règlement prévoient que la Commission dispose alors d’un délai égal, en règle générale, à un mois pour décider d’engager ou non la procédure formelle d’examen de la compatibilité de l’opération avec le marché commun. Selon l’article 10, paragraphe 3, du même texte, la Commission doit statuer sur le dossier au terme d’un délai de quatre mois en principe, qui court à compter de la décision d’ouverture de la procédure. Le même article dispose, à son paragraphe 6, que, «[s]i la Commission n’a pas pris de décision [¼ ] dans les délais [¼ ], l’opération de concentration est réputée déclarée compatible avec le marché commun».

XXXIV. Il résulte des dispositions visées aux points 32 et 33 du présent arrêt que le législateur communautaire a entendu définir une répartition claire des interventions des autorités nationales et communautaires, en évitant les prises de position successives de ces différentes autorités sur une même opération, et qu’il a souhaité assurer un contrôle des opérations de concentration dans des délais compatibles à la fois avec les exigences d’une bonne administration et celles de la vie des affaires.

XXXV. Par ailleurs, les recours que les entreprises concernées, qu’elles soient parties à l’opération de concentration ou tierces par rapport à celle-ci, peuvent exercer contre les décisions prises par la Commission sont soumis à la condition générale de délai fixée à l’article 230, cinquième alinéa, CE et doivent donc être formés dans un délai de deux mois.

XXXVI. Les exigences de sécurité juridique et de continuité de l’action communautaire qui sont à l’origine de l’ensemble de ces dispositions seraient méconnues si la Commission pouvait, en application de l’article 232, deuxième alinéa, CE, être invitée à se prononcer, au-delà d’un délai raisonnable, sur la compatibilité avec le marché commun d’une opération de concentration qui ne lui a pas été notifiée (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 1971, Pays-Bas/Commission, 59/70, Rec. p. 639, points 15 à 24). Des entreprises pourraient ainsi amener la Commission à remettre en cause une décision prise par les autorités nationales compétentes à l’égard d’une opération de concentration, y compris après l’épuisement des voies de recours ouvertes contre cette décision dans l’ordre juridique de l’État membre concerné.

XXXVII. En l’occurrence, l’opération de concentration litigieuse a été notifiée le 5 septembre 2000 à l’Oberlandesgericht Wien, qui l’a autorisée le 26 janvier 2001. Les requérantes ont eu la possibilité à tout moment pendant cette période de saisir la Commission d’une demande tendant à ce qu’elle examine si cette opération avait une dimension communautaire. Le 25 mai 2001, date à laquelle elles ont saisi la Commission d’une plainte, près de quatre mois s’étaient écoulés depuis la décision de l’autorité nationale approuvant la réalisation de l’opération, c’est-à-dire une durée comparable à celle qui est impartie à la Commission pour, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations, procéder à l’examen d’une opération notifiée, lorsque la procédure formelle prévue à cet effet a été ouverte.

XXXVIII. Dans ces conditions, le délai à l’issue duquel la Commission a été saisie d’une plainte et a été invitée par la suite à agir par les requérantes ne pouvait, en l’espèce, être considéré comme raisonnable et celles-ci ne pouvaient plus, dès lors, être recevables à introduire un recours en carence à ce titre.

XXXIX. Le recours en carence formé par les requérantes était donc, en tout état de cause, manifestement irrecevable.

XL. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens XLI. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Schlüsselverlag J. S. Moser GmbH, J. Wimmer Medien GmbH & Co. KG, Styria Medien AG, Zeitungs- und Verlags-Gesellschaft mbH, Eugen Ruß Vorarlberger Zeitungsverlag und Druckerei GmbH, «Die Presse» Verlags-Gesellschaft mbH et «Salzburger Nachrichten» Verlags-Gesellschaft mbH & Co. KG sont condamnées aux dépens.

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