CJUE, n° C-224/09, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Martha Nussbaumer, 7 octobre 2010

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Chronologie de l’affaire

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Curia · CJUE · 7 octobre 2010

Cour de justice de l'Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 101/10 Luxembourg, le 7 octobre 2010 Arrêt dans l'affaire C-224/09 Presse et Information Procédure pénale contre Martha Nussbaumer Dès lors que plusieurs entreprises sont présentes sur un chantier, le droit de l'Union exige qu'un coordinateur de sécurité soit désigné et qu'il établisse un plan de sécurité lorsque des risques particuliers existent La circonstance qu'un permis de construire soit ou non requis n'est pas pertinente La directive concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 7 oct. 2010, C-224/09
Numéro(s) : C-224/09
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 7 octobre 2010.#Procédure pénale contre Martha Nussbaumer.#Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Bolzano - Italie.#Demande de décision préjudicielle - Directive 92/57/CEE - Prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles - Article 3 - Obligations de désigner un coordinateur en matière de sécurité et de santé ainsi que d’établir un plan de sécurité et de santé.#Affaire C-224/09.
Date de dépôt : 19 juin 2009
Précédents jurisprudentiels : 25 juillet 2008, Commission/Italie ( C-504/06
arrêts du 12 décembre 1996, X, C-74/95 et C-129/95
Berlusconi e.a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02
Hünermund e.a., C-292/92
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62009CJ0224
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2010:594
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Sur les parties

Texte intégral

Affaire C-224/09

Procédure pénale

contre

Martha Nussbaumer

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunale di Bolzano)

«Demande de décision préjudicielle — Directive 92/57/CEE — Prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles — Article 3 — Obligations de désigner un coordinateur en matière de sécurité et de santé ainsi que d’établir un plan de sécurité et de santé»

Sommaire de l’arrêt

Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directive 92/57 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en oeuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles

(Directive du Conseil 92/57, art. 3, § 1 et 2)

L’article 3 de la directive 92/57, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles (huitième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391), doit être interprété de la manière suivante:

— le paragraphe 1 dudit article s’oppose à une réglementation nationale qui permet de déroger, pour un chantier comportant des travaux privés non soumis à permis de construire et sur lequel plusieurs entreprises seront présentes, à l’obligation incombant au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux de désigner un coordinateur de sécurité et de santé lors de l’élaboration du projet de l’ouvrage ou, en tout état de cause, avant l’exécution des travaux;

— le paragraphe 2 du même article s’oppose à une réglementation nationale qui limite l’obligation pour le coordinateur de la réalisation de l’ouvrage d’établir un plan de sécurité et de santé uniquement à la seule hypothèse où, sur un chantier de travaux privés non soumis à permis de construire, plusieurs entreprises interviennent et qui ne prend pas pour critère de cette obligation les risques particuliers tels que ceux visés à l’annexe II de ladite directive.

(cf. point 31 et disp.)

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

7 octobre 2010 (*)

«Demande de décision préjudicielle – Directive 92/57/CEE – Prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles – Article 3 – Obligations de désigner un coordinateur en matière de sécurité et de santé ainsi que d’établir un plan de sécurité et de santé»

Dans l’affaire C-224/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale di Bolzano (Italie), par décision du 2 février 2009, parvenue à la Cour le 19 juin 2009, dans la procédure pénale contre

Martha Nussbaumer,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J.-J. Kasel (rapporteur), président de chambre, MM. E. Levits et M. Safjan, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er juillet 2010,

considérant les observations présentées:

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Arena, avvocato dello Stato,

– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. A. Collins, SC,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme A. Howard, barrister,

– pour la Commission européenne, par M. G. Rozet et Mme L. Pignataro-Nolin, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 92/57/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles (huitième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 245, p. 6, et rectificatif JO 1993, L 41, p. 50).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale dirigée contre Mme Nussbaumer, prévenue d’avoir contrevenu aux obligations de sécurité à la charge du maître d’ouvrage ou du maître d’œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 L’article 3 de la directive 92/57, intitulé «Coordinateurs – Plan de sécurité et de santé – Avis préalable», énonce:

«1. Le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre désigne un ou plusieurs coordinateurs en matière de sécurité et de santé, […] pour un chantier où plusieurs entreprises seront présentes.

2. Le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre veille à ce que soit établi, préalablement à l’ouverture du chantier, un plan de sécurité et de santé conformément à l’article 5 point b).

Les États membres peuvent, après consultation des partenaires sociaux, déroger au premier alinéa, sauf s’il s’agit:

– des travaux comportant des risques particuliers tels que ceux énumérés à l’annexe II

ou

– des travaux pour lesquels un avis préalable est requis en application du paragraphe 3 du présent article.

3. En ce qui concerne un chantier:

– dont la durée présumée des travaux est supérieure à trente jours ouvrables et qui occupe plus de vingt travailleurs simultanément

ou

– dont le volume présumé est supérieur à 500 hommes-jour,

le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre communique un avis préalable, élaboré conformément à l’annexe III, aux autorités compétentes avant le début des travaux.

L’avis préalable doit être affiché de manière visible sur le chantier et, si nécessaire, être tenu à jour.»

4 L’article 5 de ladite directive, intitulé «Élaboration du projet de l’ouvrage: tâches des coordinateurs», dispose:

«Le ou les coordinateurs en matière de sécurité et de santé pendant l’élaboration du projet de l’ouvrage, désigné(s) conformément à l’article 3 paragraphe 1:

a) coordonnent la mise en œuvre des dispositions de l’article 4;

b) établissent ou font établir un plan de sécurité et de santé précisant les règles applicables au chantier concerné, en tenant compte, le cas échéant, des activités d’exploitation ayant lieu sur le site; ce plan doit, en outre, comporter des mesures spécifiques concernant les travaux qui rentrent dans une ou plusieurs catégories de l’annexe II;

c) établissent un dossier adapté aux caractéristiques de l’ouvrage reprenant les éléments utiles en matière de sécurité et de santé à prendre en compte lors d’éventuels travaux ultérieurs.»

5 L’article 6 de la même directive, intitulé «Réalisation de l’ouvrage: tâches des coordinateurs», prévoit:

«Le ou les coordinateurs en matière de sécurité et de santé pendant la réalisation de l’ouvrage, désigné(s) conformément à l’article 3 paragraphe 1:

a) coordonnent la mise en œuvre des principes généraux de prévention et de sécurité:

– lors des choix techniques et/ou organisationnels afin de planifier les différents travaux ou phases de travail qui se déroulent simultanément ou successivement,

– lors de la prévision de la durée impartie à la réalisation de ces différents travaux ou phases de travail;

b) coordonnent la mise en œuvre des dispositions pertinentes, afin d’assurer que les employeurs et, si cela est nécessaire pour la protection des travailleurs, les indépendants:

– mettent en œuvre de façon cohérente les principes visés à l’article 8,

– appliquent, lorsqu’il est requis, le plan de sécurité et de santé visé à l’article 5 point b);

c) procèdent ou font procéder aux adaptations éventuelles du plan de sécurité et de santé visé à l’article 5 point b) et du dossier visé à l’article 5 point c), en fonction de l’évolution des travaux et des modifications éventuelles intervenues;

[…]»

6 L’annexe II de la directive 92/57 contient une liste non exhaustive des travaux comportant des risques particuliers pour la sécurité et la santé des travailleurs visés à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, premier tiret, de cette directive.

La réglementation nationale

7 La directive 92/57 a été transposée dans l’ordre juridique italien par le décret législatif n° 494, du 14 août 1996 (supplément ordinaire à la GURI n° 223, du 23 septembre 1996), modifié par les décrets législatifs n° 528, du 19 novembre 1999 (GURI n° 13, du 18 janvier 2000, p. 20), et n° 276, du 10 septembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 235, du 9 octobre 2003, ci-après le «décret législatif n° 494/96»).

8 Le décret législatif n° 494/96 a été abrogé par le décret législatif n° 81, du 9 avril 2008 (supplément ordinaire à la GURI n° 101, du 30 avril 2008, ci-après le «décret législatif n° 81/08»). Dans le titre IV de ce dernier décret législatif, consacré aux chantiers temporaires et mobiles, figure notamment l’article 90 de celui-ci, qui fixe les obligations incombant au maître d’ouvrage ou au maître d’œuvre en ce qui concerne le coordinateur de sécurité sur ces chantiers.

9 L’article 90 du décret législatif n° 81/08 dispose:

«1. Le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre, lors de la phase de conception de l’ouvrage, et en particulier au moment des choix techniques, lors de l’exécution du projet et de l’organisation des opérations de chantier, se conforme aux mesures et aux principes généraux de protection visés à l’article 15. Afin de permettre la planification de l’exécution, dans des conditions de sécurité, des différents travaux ou des phases de travaux qui doivent se dérouler simultanément ou successivement, le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre prévoit la durée de ces travaux ou phases de travaux dans le projet.

2. Le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre, lors de la phase de conception de l’ouvrage, évalue les documents visés à l’article 91, paragraphe 1, points a) et b).

3. Sur les chantiers où il est prévu que plusieurs entreprises seront présentes, même non simultanément, le maître d’ouvrage, même lorsqu’il est également l’entreprise exécutante, ou le maître d’œuvre, dès que lui est confiée la charge du projet, désigne le coordinateur du projet.

4. Dans le cas visé au paragraphe 3, le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre désigne, avant que lui soit confiée la charge des travaux, le coordinateur pour l’exécution des travaux, qui doit répondre aux conditions visées à l’article 98.

5. La disposition visée au paragraphe 4 s’applique également lorsque, après avoir été confiée à une entreprise unique, l’exécution des travaux ou d’une partie d’entre eux est confiée à une ou plusieurs entreprises.

[…]

11. En cas de travaux privés, la disposition visée au paragraphe 3 ne s’applique pas aux travaux qui ne sont pas soumis à l’obtention d’un permis de construire. On applique, en tout état de cause, les dispositions de l’article 92, paragraphe 2.»

10 L’article 91 du décret législatif n° 81/08 définit les obligations du coordinateur du projet et prévoit, en substance, l’établissement du plan de sécurité et de coordination.

11 L’article 92, paragraphe 2, du même décret, qui concerne les obligations incombant au coordinateur pour l’exécution des travaux, est libellé comme suit:

«Dans les cas visés à l’article 90, paragraphe 5, le coordinateur pour l’exécution, en plus de remplir les fonctions visées au paragraphe 1, établit le plan de sécurité et de coordination et prépare le dossier visé à l’article 91, paragraphe 1, points a) et b).»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12 Le 20 juin 2008, les inspecteurs du service de protection du travail de la province autonome de Bolzano ont procédé à un contrôle des travaux de construction sur un chantier situé sur le territoire de la commune de Merano, relatif à la restauration de la toiture d’une maison d’habitation d’une hauteur d’environ 6 à 8 mètres. Le maître d’ouvrage était Mme Nussbaumer. Le parapet installé le long de la bordure du toit, la grue pour soulever le matériel et la main-d’œuvre étaient fournis par trois entreprises différentes présentes simultanément sur le chantier. La délivrance d’un permis de construire n’était pas requise au titre de la législation italienne applicable. En revanche, une déclaration de début des travaux avait été transmise à ladite commune.

13 Dans le cadre de cette inspection, s’est posée la question de savoir si, dans le cas d’espèce, un coordinateur de sécurité n’aurait pas dû être désigné, tant pour la phase d’élaboration du projet que pour la phase de réalisation des travaux, ainsi que le prévoient non seulement l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/57, mais également l’article 3 du décret législatif n° 494/96, et ce indépendamment du fait que l’article 90, paragraphe 11, du décret législatif n° 81/08 n’exige pas une telle désignation.

14 À cet égard, la juridiction de renvoi constate que, conformément à l’article 90, paragraphes 3 et 4, du décret législatif n° 81/08, un coordinateur du projet et de l’exécution des travaux doit être désigné pour tout chantier sur lequel sont présentes plusieurs entreprises. Toutefois, en vertu du paragraphe 11 dudit article 90, les dispositions du paragraphe 3 du même article ne s’appliquent pas aux travaux privés non soumis à l’obtention d’un permis de construire. Or, selon ladite juridiction, en partant de la supposition selon laquelle un chantier de travaux privés est d’importance moindre et donc dénué de risques, le législateur national aurait omis de reconnaître que des travaux non soumis à l’obtention d’un permis de construire peuvent également être complexes et dangereux, nécessitant de ce fait la désignation d’un coordinateur du projet de l’ouvrage. En outre, étant donné que le paragraphe 4 du même article se réfère au paragraphe 3 de celui-ci, le maître d’ouvrage se trouverait également dispensé de l’obligation de désigner un coordinateur pour la réalisation des travaux.

15 La juridiction de renvoi émet dès lors des doutes sur la conformité avec les dispositions de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/57 des dérogations que le droit interne italien prévoit à l’obligation de désignation d’un coordinateur.

16 C’est dans ces conditions que le Tribunale di Bolzano a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La législation nationale contenue dans le décret législatif [n° 81/08], en particulier les dispositions introduites par l’article 90, [paragraphe] 11, est-elle contraire aux dispositions de l’article 3 de la directive [92/57] dans la mesure où elle déroge, pour un chantier sur lequel sont présentes plusieurs entreprises, à l’obligation qui incombe au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux, de désigner un coordinateur de l’élaboration du projet de l’ouvrage prévue au paragraphe 3 du même texte, s’agissant de travaux privés non soumis à permis de construire, indépendamment de l’appréciation de la nature des travaux et des risques particuliers tels que ceux énumérés à l’annexe II de la directive?

2) La législation nationale contenue dans le décret législatif [n° 81/08], en particulier les dispositions introduites par l’article 90, [paragraphe] 11, est-elle contraire aux dispositions de l’article 3 de la directive [92/57] en ce qui concerne l’obligation qui incombe au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux de désigner dans tous les cas un coordinateur durant la réalisation de l’ouvrage sur les chantiers, quelle que soit la nature des travaux, et donc aussi dans le cas de travaux privés non soumis à permis de construire, pouvant entraîner les risques énumérés à l’annexe II de la directive?

3) La disposition introduite par l’article 90, [paragraphe] 11, du décret législatif [n° 81/08], en ce qu’elle prévoit l’obligation pour le coordinateur de la réalisation de l’ouvrage d’établir un plan de sécurité uniquement dans l’hypothèse où, dans le cas de travaux privés non soumis à permis de construire, d’autres entreprises interviendraient, outre la première entreprise à laquelle les travaux ont été attribués à l’origine, est-elle contraire à l’article 3 de la directive [92/57], qui impose dans tous les cas l’obligation de désigner un coordinateur de la réalisation de l’ouvrage quelle que soit la nature des travaux et qui exclut la dérogation à l’obligation d’établir un plan de sécurité et de santé lorsqu’il s’agit de travaux qui comportent des risques particuliers tels que ceux énumérés à l’annexe II de la directive?»

Sur les questions préjudicielles

17 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, s’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en application de l’article 267 TFUE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec le droit de l’Union ni d’interpréter des dispositions législatives ou réglementaires nationales, elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier une telle compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1993, Hünermund e.a., C-292/92, Rec. p. I-6787, point 8, ainsi que du 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C 286/99, Rec. p. I-9233, point 27).

18 Dans ces conditions, les questions posées, qu’il convient d’examiner conjointement, doivent être comprises comme demandant, en substance, si l’article 3 de la directive 92/57 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui, d’une part, permet de déroger, pour un chantier comportant des travaux privés non soumis à permis de construire et sur lequel plusieurs entreprises seront présentes, à l’obligation incombant au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux de désigner un coordinateur tant pour l’élaboration du projet de l’ouvrage que pour la réalisation des travaux et qui, d’autre part, prévoit l’obligation pour ce coordinateur d’établir un plan de sécurité et de santé uniquement lorsque, sur un chantier de travaux privés non soumis à permis de construire, plusieurs entreprises interviennent.

19 Il importe de rappeler d’emblée que, dans son arrêt du 25 juillet 2008, Commission/Italie (C-504/06), la Cour a déjà été amenée à statuer sur l’article 3 de la directive 92/57.

20 Or, au point 29 dudit arrêt, la Cour a relevé que l’article 3 de la directive 92/57 est divisé en trois paragraphes numérotés qui énoncent trois règles de droit clairement distinctes portant respectivement sur la désignation des coordinateurs, sur le plan de sécurité et de santé ainsi que sur l’avis préalable aux travaux d’une certaine importance. Cette distinction entre les trois paragraphes résulte d’ailleurs de l’intitulé même dudit article 3, à savoir «Coordinateurs – Plan de sécurité et de santé – Avis préalable». Selon cette structure, la question de la désignation des coordinateurs est donc exclusivement visée au paragraphe 1 de cet article, alors que le paragraphe 2 du même article contient les règles relatives au plan de sécurité et de santé.

21 La Cour en a déduit, au point 30 dudit arrêt Commission/Italie, que l’exception contenue à l’article 3, paragraphe 2, second alinéa, de ladite directive ne peut faire référence qu’à la règle qui la précède immédiatement, à savoir celle concernant l’établissement du plan de sécurité et de santé.

22 Par conséquent, ainsi que la Cour l’a jugé au point 35 de l’arrêt Commission/Italie, précité, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/57, dont le libellé est clair et précis et qui énonce sans ambiguïté l’obligation de désigner un coordinateur en matière de sécurité et de santé pour tout chantier où plusieurs entreprises seront présentes, n’admet aucune exception à cette obligation.

23 Dès lors, un coordinateur en matière de sécurité et de santé doit toujours être désigné pour un chantier où plusieurs entreprises seront présentes, indépendamment de la circonstance que les travaux sont ou non soumis à l’obtention d’un permis de construire ou encore que ce chantier comporte ou non des risques particuliers.

24 Pour ce qui est du moment auquel il doit être procédé à la désignation du coordinateur de sécurité et de santé, il résulte des articles 5 et 6 de la directive 92/57 que ce dernier doit être désigné lors de l’élaboration du projet de l’ouvrage ou, en tout cas, avant l’exécution des travaux.

25 Il y a donc lieu de conclure, s’agissant du premier volet des questions posées, telles que reformulées au point 18 du présent arrêt, que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/57 exige que, s’agissant d’un chantier sur lequel plusieurs entreprises seront présentes, un coordinateur en matière de sécurité et de santé soit toujours désigné lors de l’élaboration du projet de l’ouvrage, ou, en tout état de cause, avant l’exécution des travaux.

26 En ce qui concerne le plan de sécurité et de santé, faisant l’objet du second volet des questions posées telles que reformulées, les conditions relatives à l’établissement de celui-ci doivent, pour des motifs identiques à ceux énoncés aux points 20 et 21 du présent arrêt, être déterminées uniquement au regard du seul article 3, paragraphe 2, de la directive 92/57.

27 Or, contrairement à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/57, qui n’admet aucune exception, le paragraphe 2, second alinéa, dudit article autorise les États membres, après consultation des partenaires sociaux, à déroger à l’obligation d’établir un plan de sécurité et de santé figurant au premier alinéa du même paragraphe 2, sauf s’il s’agit de travaux comportant des risques particuliers énumérés à l’annexe II de ladite directive ou de travaux pour lesquels un avis préalable, visé au paragraphe 3 du même article, est requis.

28 Il s’ensuit que l’obligation d’établir, préalablement à l’ouverture du chantier, un plan de sécurité et de santé, telle qu’elle résulte de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/57, doit être entendue en ce sens qu’elle s’impose à tous les chantiers dont les travaux comportent des risques particuliers, tels que ceux énumérés à l’annexe II de cette directive, ou pour lesquels un avis préalable est requis, le nombre d’entreprises présentes sur le chantier n’étant pas déterminant à cet égard.

29 Ledit article s’oppose, dès lors, à une réglementation nationale qui limite l’obligation pour le coordinateur de la réalisation de l’ouvrage d’établir un plan de sécurité et de santé uniquement à la seule hypothèse où, sur un chantier de travaux privés non soumis à permis de construire, plusieurs entreprises interviennent et qui ne prend pas pour critère de cette obligation les risques particuliers tels que ceux visés à l’annexe II de la directive 92/57.

30 Aux fins de donner à la juridiction de renvoi une réponse exhaustive, il y a encore lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et qu’une disposition d’une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l’encontre d’un tel particulier (voir arrêts du 12 décembre 1996, X, C-74/95 et C-129/95, Rec. p. I-6609, points 23 à 25, ainsi que du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02, Rec. p. I-3565, points 73 et 74).

31 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 3 de la directive 92/57 doit être interprété de la manière suivante:

– le paragraphe 1 dudit article s’oppose à une réglementation nationale qui permet de déroger, pour un chantier comportant des travaux privés non soumis à permis de construire et sur lequel plusieurs entreprises seront présentes, à l’obligation incombant au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux de désigner un coordinateur de sécurité et de santé lors de l’élaboration du projet de l’ouvrage, ou, en tout état de cause, avant l’exécution des travaux;

– le paragraphe 2 du même article s’oppose à une réglementation nationale qui limite l’obligation pour le coordinateur de la réalisation de l’ouvrage d’établir un plan de sécurité et de santé uniquement à la seule l’hypothèse où, sur un chantier de travaux privés non soumis à permis de construire, plusieurs entreprises interviennent et qui ne prend pas pour critère de cette obligation les risques particuliers tels que ceux visés à l’annexe II de ladite directive.

Sur les dépens

32 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

L’article 3 de la directive 92/57/CEE du Conseil, du 24 juin 1992, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé à mettre en œuvre sur les chantiers temporaires ou mobiles (huitième directive particulière au sens de l’article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), doit être interprété de la manière suivante:

le paragraphe 1 dudit article s’oppose à une réglementation nationale qui permet de déroger, pour un chantier comportant des travaux privés non soumis à permis de construire et sur lequel plusieurs entreprises seront présentes, à l’obligation incombant au maître d’ouvrage ou au responsable des travaux de désigner un coordinateur de sécurité et de santé lors de l’élaboration du projet de l’ouvrage ou, en tout état de cause, avant l’exécution des travaux;

le paragraphe 2 du même article s’oppose à une réglementation nationale qui limite l’obligation pour le coordinateur de la réalisation de l’ouvrage d’établir un plan de sécurité et de santé uniquement à la seule l’hypothèse où, sur un chantier de travaux privés non soumis à permis de construire, plusieurs entreprises interviennent et qui ne prend pas pour critère de cette obligation les risques particuliers tels que ceux visés à l’annexe II de ladite directive.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.

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