CJCE, n° C-350/92, Arrêt de la Cour, Royaume d'Espagne contre Conseil de l'Union européenne, 13 juillet 1995

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Chronologie de l’affaire

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ARRÊT DE LA COUR 9 octobre 2001 «Annulation – Directive 98/44/CE – Protection juridique des inventions biotechnologiques – Base juridique – Article 100 A du traité CE (devenu, après modification, article 95 CE), article 235 du traité CE (devenu article 308 CE) ou articles 130 et 130 F du traité CE (devenus articles 157 CE et 163 CE) – Subsidiarité – Sécurité juridique – Obligations de droit international des États membres – Droits fondamentaux – Dignité de la personne humaine – Principe de collégialité pour les projets législatifs de la Commission» Dans l'affaire C-377/98, Royaume des …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 13 juill. 1995, Espagne / Conseil, C-350/92
Numéro(s) : C-350/92
Arrêt de la Cour du 13 juillet 1995. # Royaume d'Espagne contre Conseil de l'Union européenne. # Recours en annulation - Règlement (CEE) nº 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d'un certificat complémentaire de protection pour les médicaments. # Affaire C-350/92.
Date de dépôt : 4 septembre 1992
Précédents jurisprudentiels : Commission/Conseil ( C-300/89, Rec. p. I-2867
Cour ( arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig-Verkaufs GmbH/Commission, 56/64 et 58/64
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61992CJ0350
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1995:237
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61992J0350

Arrêt de la Cour du 13 juillet 1995. – Royaume d’Espagne contre Conseil de l’Union européenne. – Recours en annulation – Règlement (CEE) nº 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments. – Affaire C-350/92.


Recueil de jurisprudence 1995 page I-01985


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Rapprochement des législations ° Législations uniformes ° Propriété industrielle et commerciale ° Droit de brevet ° Création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments ° Compétence de la Communauté

(Traité CEE, art. 36 et 222; règlement du Conseil n 1768/92)

2. Rapprochement des législations ° Mesures destinées à la réalisation du marché unique ° Création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments visant à prévenir une évolution hétérogène des législations nationales de nature à entraver la libre circulation des marchandises ° Base juridique ° Article 100 A du traité

(Traité CEE, art. 100, 100 A et 235; règlement du Conseil n 1768/92)

Sommaire


1. Ni l’ article 222 ni l’ article 36 du traité ne réservent au législateur national un pouvoir de réglementer le droit substantiel de brevet excluant toute action communautaire dans cette matière.

En effet, d’ une part, l’ article 222, selon lequel le traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres, ne saurait être interprété comme réservant au législateur national, en matière de propriété industrielle et commerciale, le pouvoir de prendre des mesures qui porteraient atteinte au principe de la libre circulation des marchandises à l’ intérieur du marché commun tel qu’ il est prévu et organisé par le traité et comme excluant toute intervention du législateur communautaire en cette matière.

D’ autre part, l’ article 36, selon lequel les dispositions des articles 30 à 34 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, n’ a pas pour objet de réserver certaines matières à la compétence exclusive des États membres, mais admet que les législations nationales fassent exception au principe de la libre circulation, dans la mesure où cela est et demeure justifié pour atteindre les objectifs visés à cet article.

Il s’ ensuit que la Communauté était compétente pour adopter le règlement n 1768/93 concernant la création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments et prolongeant, dans certains cas, la durée de protection conférée par un brevet.

2. Le règlement n 1768/92 concernant la création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments, qui, compte tenu du délai que nécessite l’ autorisation de mise sur le marché, permet, pour les médicaments ayant fait l’ objet d’ une telle autorisation, de prolonger la durée de la protection conférée par le brevet, a été valablement arrêté sur le fondement de l’ article 100 A du traité, ce qui implique qu’ il n’ avait pas à l’ être sur le fondement de l’ article 100 ou de l’ article 235.

En effet, la création de ce certificat, à un moment où il apparaissait que différents États membres s’ engageaient sur la voie d’ un renforcement pour les médicaments de la protection conférée par le droit de brevet, a visé à prévenir une évolution hétérogène des législations nationales, de nature à créer des obstacles à la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Elle s’ inscrivait donc dans le cadre défini par l’ article 100 A.

Relevant de l’ article 100 A, cette création, qui réalise un équilibre entre les intérêts des titulaires de brevets, d’ une part, et ceux des consommateurs et de l’ industrie des médicaments génériques, d’ autre part, ne relevait ni de l’ article 100, auquel l’ article 100 A entend précisément déroger, ni de l’ article 235, auquel il n’ est justifié de recourir comme base juridique d’ un acte que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires compétence pour l’ arrêter, ce qui n’ aurait été le cas que s’ il s’ était agi de créer un nouveau titre de propriété industrielle, ce que n’ est pas le certificat complémentaire en cause.

Parties


Dans l’ affaire C-350/92,

Royaume d’ Espagne, représenté par M. Alberto Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et par M. Antonio Hierro Hernández-Mora, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, remplacé ensuite par Mme Gloria Calvo Díaz, abogado del Estado, du même service, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l’ ambassade d’ Espagne, 4-6, boulevard E. Servais,

partie requérante,

soutenue par

République hellénique, représentée par M. Vassileios Kontolaimos, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l’ État, et par Mme Maria Basdeki, mandataire judiciaire, remplacée ensuite par Mme V. Pelekou, mandataire judiciaire, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l’ ambassade de Grèce, 117, Val Ste Croix,

partie intervenante,

contre

Conseil de l’ Union européenne, représenté par M. Antonio Sacchettini, directeur au service juridique, ainsi que par Mme Sophia Kyriacopoulou et M. Ignacio Díez Parra, membres du même service, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Bruno Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d’ investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. Philippe Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et par Mme Hélène Duchêne, secrétaire des affaires étrangères à ce même ministère, puis par M. Hubert Renié, également secrétaire des affaires étrangères, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l’ ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Jean Amphoux, conseiller juridique principal, et par MM. Ricardo Gosalbo Bono et Pieter Van Nuffel, membres du service juridique, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Gomez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

parties intervenantes,

ayant pour objet un recours en annulation du règlement (CEE) n 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, F. A. Schockweiler et P. J. G. Kapteyn, présidents de chambre, G. F. Mancini, C. N. Kakouris, J. L. Murray, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch (rapporteur), H. Ragnemalm et L. Sevón, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du 9 mars 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 4 septembre 1992, le royaume d’ Espagne a, en vertu de l’ article 173, paragraphe 1, du traité CEE, demandé l’ annulation du règlement (CEE) n 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 182, p. 1), arrêté sur le fondement de l’ article 100 A du traité.

2 Le deuxième considérant de ce règlement relève que les médicaments et notamment ceux résultant d’ une recherche longue et coûteuse ne continueront à être développés dans la Communauté et en Europe que s’ ils bénéficient d’ une réglementation favorable prévoyant une protection suffisante pour encourager une telle recherche. Selon le troisième considérant, à l’ heure actuelle, la période qui s’ écoule entre le dépôt d’ une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’ autorisation de mise sur le marché dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche. Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique (quatrième considérant).

3 D’ après le sixième considérant, il convient de prévoir une solution uniforme au niveau communautaire et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Il est donc nécessaire, selon le septième considérant, de créer un certificat complémentaire de protection pour les médicaments ayant donné lieu à une autorisation de mise sur le marché, qui puisse être obtenu par le titulaire d’ un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre; en conséquence, le règlement est l’ instrument juridique le plus approprié.

4 L’ article 1er définit notamment les termes « brevet de base » et « certificat ». Le « brevet de base » est un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’ obtention d’ un produit ou une application d’ un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’ obtention d’ un certificat. Le terme « certificat » désigne le certificat complémentaire de protection.

5 L’ article 2 du règlement définit comme suit le champ d’ application de celui-ci:

« Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’ un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’ autorisation administrative […] peut […] faire l’ objet d’ un certificat."

6 L’ article 3 énonce quatre conditions d’ obtention d’ un certificat, qui doivent être remplies à la date de la demande:

° le produit doit être protégé par un brevet de base en vigueur dans l’ État membre où la demande est présentée,

° il doit avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité,

° il ne doit pas avoir déjà fait l’ objet d’ un certificat,

° l’ autorisation susmentionnée doit être la première autorisation de mise sur le marché du produit en tant que médicament.

7 L’ article 4 dispose que, dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’ étend au seul produit couvert par l’ autorisation de mise sur le marché.

8 Selon l’ article 5, le certificat confère, sous réserve de l’ article 4, les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations.

9 L’ article 6 dispose que le droit au certificat appartient au titulaire du brevet de base ou à son ayant droit.

10 Selon l’ article 7, la demande de certificat ne peut être déposée qu’ à partir de la date à laquelle le produit a obtenu l’ autorisation de mise sur le marché.

11 Enfin, le règlement confère au certificat une durée uniforme. L’ article 13, dispose en effet:

« 1. Le certificat produit effet au terme légal du brevet de base pour une durée égale à la période écoulée entre la date du dépôt de la demande du brevet de base et la date de la première autorisation de mise sur le marché dans la Communauté, réduite d’ une période de cinq ans.

2. Nonobstant le paragraphe 1, la durée du certificat ne peut être supérieure à cinq ans à compter de la date à laquelle il produit effet."

Sur la compétence communautaire

12 Le royaume d’ Espagne, soutenu par la République hellénique, fait valoir en premier lieu que, dans la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres, ces derniers n’ ont pas cédé leur souveraineté en matière de propriété industrielle, comme l’ indiquent les dispositions combinées des articles 222 et 36 du traité.

13 Renvoyant à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig-Verkaufs GmbH/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, et spécialement p. 499 et 500; du 29 février 1968, Parke, Davis and Co., 24/67, Rec. p. 81, et spécialement p. 111; du 8 juin 1971, Deutsche Grammophon, 78/70, Rec. p. 487, point 11; du 14 mai 1974, Nold/Commission, 4/73, Rec. p. 491, point 14, et du 18 février 1992, Commission/Royaume-Uni, C-30/90, Rec. p. I-829, points 16 et 17), il souligne que la Communauté ne dispose d’ aucune compétence pour réglementer le droit substantiel de brevet et qu’ elle ne peut harmoniser que ceux des aspects relatifs à l’ exercice des droits de propriété industrielle susceptibles d’ influer sur la réalisation des objectifs généraux prévus dans le traité. Mais selon lui, cette action ne peut se traduire par l’ apparition d’ un nouveau droit de propriété industrielle qui, par sa nature, son contenu et ses effets, modifie la conception de base en vigueur en vertu des systèmes de droit nationaux, dans chacun des États membres. Or, la durée de validité d’ un droit de brevet constitue l’ élément revêtant la plus grande importance, puisqu’ il affecte intrinsèquement l’ équilibre dans le temps des droits et obligations de son titulaire, qu’ ils soient d’ ordre juridique ou économique.

14 Le Conseil, soutenu par la République française et la Commission, relève, en s’ appuyant sur la jurisprudence de la Cour, que l’ article 36 du traité n’ a pas pour objet de réserver certaines matières à la compétence exclusive des États membres. Quant à l’ article 222 du traité, il aurait pour objet d’ assurer de façon générale aux États membres la liberté d’ organiser le régime de la propriété, mais ne saurait interdire toute intervention communautaire dans les droits subjectifs de propriété, sous peine de paralyser les compétences de la Communauté.

15 Selon le Conseil, la jurisprudence de la Cour n’ a pas exclu que la Communauté puisse légiférer pour déterminer les conditions et les modalités de la protection conférée par les droits de propriété industrielle, si cela s’ avère une mesure nécessaire pour la poursuite de ses objectifs. Il estime de toute façon que la création du certificat complémentaire ne constitue en aucun cas une atteinte à la substance du droit du titulaire du brevet de base. Il s’ agirait d’ un mécanisme correcteur des insuffisances du système de protection de la recherche pharmaceutique dues à l’ exigence d’ une autorisation de mise sur le marché pour exploiter l’ innovation.

16 Compte tenu de cette argumentation, il y a lieu d’ examiner si les articles 222 et 36 du traité CEE réservent au législateur national le pouvoir de réglementer le droit substantiel de brevet, en excluant toute action communautaire dans cette matière.

17 A cet égard, la Cour a constaté dans l’ arrêt du 18 février 1992, Commission/Royaume-Uni, précité (points 16 et 17), qu’ en l’ état du droit communautaire les dispositions relatives aux brevets n’ ont pas encore fait l’ objet d’ une unification dans le cadre de la Communauté ou d’ un rapprochement des législations et que, dans ces conditions, il appartient au législateur national de déterminer les conditions et les modalités de la protection conférée par le brevet.

18 Elle a toutefois ajouté que les dispositions du traité, et notamment celles de l’ article 222 selon lesquelles le traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les États membres, ne sauraient être interprétées comme réservant au législateur national, en matière de propriété industrielle et commerciale, le pouvoir de prendre des mesures qui porteraient atteinte au principe de la libre circulation des marchandises à l’ intérieur du marché commun tel qu’ il est prévu et organisé par le traité (même arrêt, point 18).

19 Ainsi, la Cour n’ a nullement consacré la thèse selon laquelle les règles se rattachant à l’ existence même des droits de propriété industrielle relèveraient de la seule compétence du législateur national. Elle a en réalité envisagé pour l’ avenir l’ hypothèse d’ une unification des dispositions relatives aux brevets ou d’ un rapprochement des législations nationales en ce domaine.

20 La Cour a suivi un raisonnement analogue à propos de l’ article 36 du traité. Cette disposition prévoit notamment que les dispositions des articles 30 à 34 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, mais que ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

21 Dans l’ arrêt du 15 décembre 1976, Simmenthal (35/76, Rec. p. 1871, point 24), la Cour a jugé que l’ article 36 n’ a pas pour objet de réserver certaines matières à la compétence exclusive des États membres, mais admet que les législations nationales fassent exception au principe de la libre circulation, dans la mesure où cela est et demeure justifié pour atteindre les objectifs visés à cet article.

22 Il en résulte que ni l’ article 222 ni l’ article 36 du traité ne réservent au législateur national un pouvoir de réglementer le droit substantiel de brevet excluant toute action communautaire dans cette matière.

23 La Cour a d’ ailleurs confirmé dans l’ avis 1/94 du 15 novembre 1994 (Rec. p. I-5267, point 59) que, sur le plan législatif interne, la Communauté dispose, en matière de propriété intellectuelle, d’ une compétence d’ harmonisation des législations nationales au titre des articles 100 et 100 A et peut se fonder sur l’ article 235 pour créer des titres nouveaux qui viennent se superposer aux titres nationaux, comme elle l’ a fait avec le règlement sur la marque communautaire [règlement (CE) n 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, JO L 11 du 14 janvier 1994, p. 1].

24 Le premier moyen invoqué par le royaume d’ Espagne doit dès lors être rejeté.

Sur la base juridique

25 Le royaume d’ Espagne fait valoir en deuxième lieu que, dans l’ hypothèse où la Cour estimerait que la Communauté est compétente pour adopter le règlement litigieux, les seuls fondements d’ un tel acte seraient les articles 235 et 100 du traité qui, en exigeant l’ unanimité de tous les États membres, ne portent pas atteinte à leur souveraineté. L’ utilisation de l’ une ou l’ autre de ces bases supposerait en tout état de cause une habilitation ponctuelle donnée à la Communauté, sans impliquer une attribution générale de compétence en matière de brevets.

26 Il est de jurisprudence constante (voir arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 13) que le recours à l’ article 235 du traité comme base juridique d’ un acte n’ est justifié que si aucune autre disposition du traité ne confère aux institutions communautaires la compétence nécessaire pour arrêter cet acte.

27 S’ il est vrai que l’ article 235 peut être utilisé pour la création de titres nouveaux se superposant aux titres nationaux (voir point 23 ci-dessus), il est constant qu’ en l’ espèce le règlement litigieux ne crée pas un titre nouveau.

28 S’ agissant de l’ article 100 du traité, le royaume d’ Espagne n’ a présenté aucun argument justifiant qu’ il constitue la base juridique de l’ acte entrepris.

29 En tout état de cause, il convient de relever que l’ article 100 A, base juridique retenue par le Conseil, déroge expressément à l’ article 100. Il importe donc de vérifier si le Conseil était compétent pour arrêter le règlement attaqué en vertu de l’ article 100 A du traité.

30 Le royaume d’ Espagne estime que le règlement ne poursuit pas la réalisation des objectifs énoncés à l’ article 8 A du traité CEE, auquel se réfère l’ article 100 A. En effet, en ce qui concerne la libre circulation des médicaments, le certificat, par sa nature même, contribuerait à prolonger le cloisonnement du marché au-delà de la durée du brevet de base et ainsi à multiplier les exceptions prévues à l’ article 36 du traité, sans que l’ objectif poursuivi par la Communauté justifie l’ élargissement du champ d’ application de cette disposition.

31 Le royaume d’ Espagne ajoute qu’ en prolongeant dans le temps le monopole de commercialisation du produit des entreprises titulaires du droit de brevet ou des entreprises qui ont obtenu les licences correspondantes le certificat complémentaire aura pour effet d’ empêcher l’ industrie des médicaments génériques d’ entrer en libre concurrence avec ces entreprises, au détriment manifeste des consommateurs qui pourraient acquérir les médicaments à de meilleurs prix dès l’ instant où prendrait fin cette situation de monopole.

32 Dans l’ arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C-300/89, Rec. p. I-2867, point 15), la Cour a souligné que, pour la mise en oeuvre des libertés fondamentales énoncées à l’ article 8 A du traité CEE, les disparités entre les ordres juridiques des États membres nécessitent des mesures d’ harmonisation dans les domaines où il y a le risque que ces disparités créent ou maintiennent des conditions faussées pour la concurrence. Pour cette raison, l’ article 100 A habilite la Communauté, selon la procédure qui y est prévue, à arrêter les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres.

33 De même, les disparités entre les ordres juridiques des États membres nécessitent des mesures d’ harmonisation dans la mesure où de telles disparités risqueraient d’ entraver la libre circulation des marchandises au sein de la Communauté.

34 En l’ espèce, le Conseil a rappelé qu’ au moment de l’ adoption du règlement litigieux des dispositions relatives à la création d’ un certificat complémentaire de protection pour les médicaments existaient dans deux États membres ou étaient à l’ état de projet dans un autre État. Or, le règlement attaqué institue précisément une solution uniforme au niveau communautaire en ce qu’ il crée un certificat complémentaire susceptible d’ être obtenu par le titulaire d’ un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre, et en ce qu’ il prévoit, notamment, une durée uniforme de protection (article 13).

35 Le règlement vise ainsi à prévenir une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement l’ établissement et le fonctionnement du marché intérieur (sixième considérant).

36 Le Conseil souligne à juste titre qu’ une différenciation de la protection dans la Communauté pour un médicament identique donnerait lieu à une fragmentation du marché caractérisée par des marchés nationaux où le médicament serait encore protégé et des marchés où cette protection n’ existerait plus. Cette différenciation de la protection entraînerait pour les médicaments des conditions de commercialisation elles-mêmes différentes selon les États membres.

37 Le royaume d’ Espagne est certes fondé à soutenir que les objectifs énoncés à l’ article 8 A du traité CEE exigent en l’ espèce une balance entre les intérêts des entreprises titulaires de brevets et ceux des entreprises qui fabriquent des médicaments génériques.

38 Cependant, le règlement reconnaît la nécessité, dans un secteur aussi complexe que le secteur pharmaceutique, de prendre en compte tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique (neuvième considérant). A cet égard, l’ article 13, paragraphe 2, du règlement prévoit que le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans.

39 Dans ces conditions, il n’ apparaît pas que le Conseil a méconnu les intérêts des consommateurs ou de l’ industrie des médicaments génériques.

40 Il résulte de ce qui précède que le règlement a été valablement arrêté sur le fondement de l’ article 100 A du traité, de sorte qu’ il ne devait pas l’ être sur le fondement de l’ article 100 ou de l’ article 235.

41 Le moyen tiré du défaut de base juridique n’ est donc pas fondé.

42 Aucun des moyens de la partie requérante n’ ayant été accueilli, le recours doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

43 Aux termes de l’ article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens. Le Conseil a conclu à la condamnation du royaume d’ Espagne aux dépens. Celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. Conformément à l’ article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République hellénique, la République française et la Commission, parties intervenantes, supporteront leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Le royaume d’ Espagne est condamné aux dépens.

3) La République hellénique, la République française et la Commission supporteront leurs propres dépens.

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