CJCE, n° C-353/92, Arrêt de la Cour, République hellénique contre Conseil de l'Union européenne, 14 juillet 1994

  • Pouvoir d' appréciation des institutions communautaires·
  • Discrimination entre producteurs ou consommateurs·
  • Répercussions différentes selon les producteurs·
  • Objectifs de la politique agricole commune·
  • Absence de discrimination 3. agriculture·
  • Pouvoir d' appréciation des institutions·
  • Principe de la préférence communautaire·
  • Protection de la confiance légitime·
  • Organisation commune des marchés·
  • Interdiction de discrimination

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 14 juill. 1994, Grèce / Conseil, C-353/92
Numéro(s) : C-353/92
Arrêt de la Cour du 14 juillet 1994. # République hellénique contre Conseil de l'Union européenne. # Recours en annulation - Règlement (CEE) no 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables - Obligation de respecter une date limite pour mettre la semence en terre et pour introduire la demande tendant à bénéficier du paiement compensatoire. # Affaire C-353/92.
Date de dépôt : 10 septembre 1992
Précédents jurisprudentiels : 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88
arrêt du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C-259/90
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 61992CJ0353
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1994:295
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

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61992J0353

Arrêt de la Cour du 14 juillet 1994. – République hellénique contre Conseil de l’Union européenne. – Recours en annulation – Règlement (CEE) no 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables – Obligation de respecter une date limite pour mettre la semence en terre et pour introduire la demande tendant à bénéficier du paiement compensatoire. – Affaire C-353/92.


Recueil de jurisprudence 1994 page I-03411


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


++++

1. Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Règlements

(Traité CEE, art. 190)

2. Agriculture – Organisation commune des marchés – Discrimination entre producteurs ou consommateurs – Fixation d’ une date limite pour l’ ensemencement et l’ introduction de demandes de paiement compensatoire dans le cadre du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables – Fixation fondée sur des critères objectifs adaptés aux besoins du fonctionnement de l’ organisation commune – Répercussions différentes selon les producteurs – Absence de discrimination

(Traité CEE, art. 40, § 3, alinéa 2; règlement du Conseil n 1765/92, art. 10, § 2)

3. Agriculture – Politique agricole commune – Objectifs – Conciliation – Pouvoir d’ appréciation des institutions – Stabilisation des marchés, sécurité des approvisionnements et niveau de vie équitable des producteurs – Réforme du régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables

(Traité CEE, art. 39; règlement du Conseil n 1765/92)

4. Droit communautaire – Principes – Protection de la confiance légitime – Limites – Modification de la réglementation relative à une organisation commune des marchés – Pouvoir d’ appréciation des institutions communautaires – Déplacement, avec un préavis suffisant, de la date limite pour l’ introduction des demandes d’ octroi d’ un concours financier communautaire – Violation – Absence

(Règlement du Conseil n 1765/92)

5. Agriculture – Politique agricole commune – Principe de la préférence communautaire – Portée – Limites

Sommaire


1. La motivation, exigée par l’ article 190 du traité, doit être adaptée à la nature de l’ acte en cause. Elle doit faire apparaître d’ une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’ institution, auteur de l’ acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’ exercer son contrôle. On ne saurait cependant exiger que la motivation d’ un acte spécifie les différents éléments de fait et de droit qui en font l’ objet, dès lors que cet acte entre dans le cadre systématique de l’ ensemble dont il fait partie.

2. La politique agricole commune exige l’ adoption de règles communes qui peuvent affecter les producteurs de manière différente selon l’ orientation individuelle de leur production ou les conditions locales, mais qui pourtant ne sauraient être considérées comme une discrimination interdite par l’ article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité, dès lors qu’ elles sont fondées sur des critères objectifs, adaptés aux besoins du fonctionnement global de l’ organisation commune.

Tel est le cas de l’ article 10, paragraphe 2, du règlement n 1765/92, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, qui conditionne l’ octroi d’ un versement compensatoire au respect d’ une date limite pour l’ ensemencement et l’ introduction des demandes. En effet, l’ introduction d’ une telle date limite, d’ une part, vise à assurer le contrôle et l’ efficacité du régime desdits versements, d’ autre part, n’ exclut a priori les producteurs d’ aucun État membre et, enfin, est susceptible de comporter des aménagements en fonction des conditions climatiques.

3. Dans la poursuite des objectifs de la politique agricole commune, les institutions communautaires doivent assurer la conciliation permanente que peuvent exiger d’ éventuelles contradictions entre les différents objectifs fixés par l’ article 39 du traité, considérés séparément, et, le cas échéant, accorder à tel ou tel d’ entre eux la prééminence temporaire qu’ imposent les faits ou circonstances économiques au vu desquels elles arrêtent leurs décisions.

C’ est ainsi que ne constitue pas une violation de l’ article 39 la mise en place d’ un nouveau régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables pouvant entraîner une réduction de la production communautaire et du revenu de certains producteurs, dès lors qu’ une telle réforme vise, à travers un rapprochement des prix communautaires et des prix mondiaux, à stabiliser les marchés et à assurer la sécurité des approvisionnements, qui ne se confond pas avec l’ autosuffisance, et que les pertes de revenus sont contrebalancées par des paiements compensatoires, dont peuvent bénéficier les producteurs.

4. Les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance dans le maintien d’ une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’ appréciation des institutions communautaires. Il en est ainsi dans un domaine tel que celui de la politique agricole commune et des organisations communes des marchés, dont l’ objet comporte une constante adaptation aux variations de la situation économique. Dès lors, les opérateurs économiques ne sauraient invoquer un droit acquis au maintien d’ un avantage résultant pour eux de la mise en place de l’ organisation commune des marchés et dont ils ont bénéficié à un moment donné.

Cela vaut à plus forte raison lorsque, d’ une part, l’ innovation qu’ introduit une réglementation nouvelle se limite à un déplacement de quinze jours de la date à laquelle doivent avoir été déposées les demandes d’ octroi d’ un concours financier communautaire et, d’ autre part, les producteurs concernés ont disposé d’ un délai suffisant pour s’ adapter à la nouvelle réglementation.

5. Si le principe de la préférence communautaire est un élément susceptible d’ être pris en considération par les institutions communautaires dans le cadre de la politique agricole commune, il ne peut toutefois intervenir sur leur décision qu’ après évaluation de tous les facteurs économiques influençant le commerce mondialin. Cette préférence n’ est en aucun cas une exigence légale, dont la violation entraîne l’ invalidité de l’ acte concerné.

Parties


Dans l’ affaire C-353/92,

République hellénique, représentée par M. Fokion Georgakopoulos, conseiller juridique adjoint, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l’ ambassade de Grèce, 117, Val Sainte Croix,

partie requérante,

contre

Conseil de l’ Union européenne, représenté par M. Jean-Paul Jacqué, directeur au service juridique, et Mme Sofia Kyriakopoulou, membre du même service, en qualité d’ agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Xavier Herlin, directeur des affaires juridiques de la Banque européenne d’ investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par la Commission des Communautés européennes, représentée par M. Xenophon A. Yataganas, conseiller juridique, en qualité d’ agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours tendant à obtenir l’ annulation du règlement (CEE) n 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables (JO L 181, p. 12),

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, G. F. Mancini (rapporteur) et D. A. O. Edward, présidents de chambre, C. N. Kakouris, R. Joliet, F. A. Schockweiler, G. C. Rodríguez Iglesias, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d’ audience,

ayant entendu les observations orales de la République hellénique, du Conseil et de la Commission à l’ audience du 18 janvier 1994,

ayant entendu l’ avocat général en ses conclusions à l’ audience du 9 mars 1994,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 septembre 1992, la République hellénique a, en vertu de l’ article 173 du traité CEE, demandé l’ annulation du règlement (CEE) nº 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables (JO L 181, p. 12, ci-après le « règlement de base »).

2 Ce règlement de base institue un régime de paiements compensatoires en faveur de producteurs dans le secteur des céréales, des protéagineux et des oléagineux, parmi lesquels les graines de soja.

3 Selon l’ article 2, paragraphe 5, de ce règlement, « Le paiement compensatoire est versé en vertu: a) d’ un régime général ouvert à tous les producteurs ou b) d’ un régime simplifié ouvert aux petits producteurs. » Ces derniers, définis à l’ article 8, paragraphe 2, peuvent opter soit pour le régime général, soit pour le régime simplifié.

4 En application de l’ article 2, paragraphe 5, les producteurs demandant le paiement compensatoire en vertu du régime général sont tenus de geler une partie des terres de leur exploitation moyennant une compensation. Le régime simplifié n’ implique, selon l’ article 8, paragraphe 3, aucune obligation de gel de terres, mais le paiement compensatoire est versé au taux applicable aux céréales, quelles que soient les cultures effectivement réalisées. Ainsi qu’ il résulte des articles 4 et 5, le taux applicable aux céréales est nettement moins élevé que celui applicable aux graines oléagineuses.

5 De plus, selon le dix-septième considérant du règlement de base, les paiements compensatoires devraient être versés une fois par an pour une superficie déterminée.

6 Les paragraphes 1 et 2 de l’ article 10 du règlement de base fixent les conditions du versement des paiements compensatoires dans les termes suivants:

« 1. Les paiements compensatoires pour les céréales et les cultures protéagineuses ainsi que la compensation au titre de l’ obligation de gel sont versés entre le 16 octobre et le 31 décembre suivant la récolte.

2. Pour pouvoir bénéficier du paiement compensatoire un producteur doit, au plus tard le 15 mai précédant la récolte en cause:

— avoir mis la semence en terre;

— avoir introduit une demande.

…"

C’ est cette dernière disposition qui est au centre du litige.

7 Enfin, l’ article 12, premier alinéa, septième tiret, indique la procédure selon laquelle sont arrêtées les modalités d’ application du règlement de base et, spécialement, celles « permettant que les dates visées à l’ article 10, paragraphe 2 … puissent varier dans certaines zones où les conditions climatiques exceptionnelles rendent inapplicables les dates normales ».

8 Le règlement (CEE) n 2294/92 de la Commission, du 31 juillet 1992, portant modalités d’ application du régime de soutien aux producteurs des graines oléagineuses visées au règlement (CEE) n 1765/92 du Conseil (JO L 221, p. 22, ci-après le « règlement d’ application »), applicable à partir de la campagne de commercialisation 1993/1994, dispose, en son article 2, paragraphe 1:

« 1. Le paiement compensatoire prévu à l’ article 5 paragraphe 1 et paragraphe 2 premier alinéa du règlement (CEE) n 1765/92 est attribué uniquement aux superficies consacrées aux oléagineux:

b) s’ inscrivant dans le régime général visé à l’ article 2 paragraphe 5 point a) du règlement (CEE) n 1765/92;

c) faisant l’ objet d’ une demande comportant un plan de culture, déposée auprès de l’ autorité compétente à la date fixée par l’ État membre pour la graine et la région en cause, date qui ne peut dépasser celle mentionnée à l’ annexe I;

d) entièrement ensemencées au plus tard pour cette date en colza, navette, tournesol ou soja…

2. Dans les cas où les circonstances climatiques ne permettent pas que les oléagineux soient semés avant la date mentionnée à l’ annexe I, les superficies remplissant les conditions visées au paragraphe 1 ci-dessus ne deviennent éligibles qu’ après confirmation du semis déposée auprès de l’ autorité compétente. Les zones où cette disposition s’ applique, ainsi que les dates limites de dépôt de confirmation des semis sont fixées selon la procédure prévue à l’ article 38 du règlement n 136/66/CEE du Conseil (JO 1966, 172, p. 3025)."

L’ annexe I du règlement d’ application, à laquelle renvoie cette disposition, fixe la date limite à laquelle doit être introduite la demande et les terres ensemencées au « 15 mai précédant la campagne de commercialisation ».

9 Il est constant que les producteurs hellènes de graines de soja sont des « petits producteurs » au sens du règlement de base et qu’ ils ont dès lors, conformément à l’ article 8, paragraphe 1, du règlement de base, le choix entre le régime général et le régime simplifié pour le versement des paiements compensatoires.

10 Il ressort également du dossier que les graines de soja peuvent faire l’ objet de deux cultures: une culture dite principale et/ou une culture dite secondaire qui soit précède, soit suit la principale.

11 Le gouvernement requérant expose que, en République hellénique, la meilleure période pour la culture des graines de soja se situe entre le 20 avril et le 15 juillet et que les petits producteurs ne sèment généralement ces graines en culture secondaire qu’ après le 15 mai. Dès lors qu’ il fixe la date limite de l’ emblavage à cette date, l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base aurait pratiquement pour effet d’ exclure ces petits producteurs du bénéfice des paiements compensatoires prévus pour les cultures secondaires.

12 Pour cette raison, le gouvernement hellénique demande à la Cour d’ annuler le règlement de base. A l’ appui de son recours, il invoque cinq moyens tirés de la méconnaissance, respectivement, de l’ obligation de motivation, du principe de non-discrimination, de l’ article 39 du traité, des principes de protection de la confiance légitime et de protection de la préférence communautaire.

Sur la recevabilité

13 Le Conseil, soutenu par la Commission, estime que le recours est irrecevable parce que l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base ne s’ applique pas aux paiements compensatoires relatifs aux cultures de soja, qui sont seules en cause dans le présent recours. En effet, ce paragraphe 2 devrait être lu en combinaison avec le paragraphe 1, qui, selon son libellé, concerne uniquement les paiements compensatoires pour les cultures de céréales ou protéagineuses. Les paiements relatifs aux oléagineux, et donc au soja, seraient, quant à eux, régis par le règlement d’ application qui n’ est pas visé par le présent recours.

14 A cet égard, il suffit de relever que, aux termes de l’ article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement d’ application, le paiement compensatoire est attribué uniquement aux superficies consacrées aux oléagineux s’ inscrivant dans le régime général. Par contre, comme l’ avocat général l’ a exposé au point 21 de ses conclusions, les paiements compensatoires en faveur des petits producteurs de soja qui ont opté pour le régime simplifié restent soumis au règlement de base, dont l’ annulation est en l’ occurrence demandée.

15 L’ exception d’ irrecevabilité soulevée par le Conseil doit dès lors être rejetée.

Sur le fond

Sur le moyen tiré du défaut de motivation

16 A l’ appui de ce moyen, le gouvernement hellénique invoque, d’ abord, le deuxième considérant du règlement de base, qui indique que le nouveau régime de soutien, applicable à partir de la campagne de commercialisation 1993/1994, a été institué pour garantir un meilleur équilibre du marché et que, pour atteindre cet objectif, il convient de rapprocher les prix communautaires de certaines cultures arables des prix du marché mondial et de compenser la perte de revenu résultant de la réduction des prix institutionnels par un paiement compensatoire aux producteurs communautaires qui sèment ces produits.

17 Le gouvernement hellénique constate ensuite que les producteurs de soja qui sèment après le 15 mai, ce qui est surtout le cas des petits producteurs hellènes pratiquant la culture secondaire, sont, contrairement à l’ objectif fondamental du règlement qui vient d’ être rappelé, exclus du bénéfice des paiements compensatoires, alors que, sous l’ ancienne réglementation, ils bénéficiaient d’ un soutien financier. Or, le règlement de base ne contiendrait aucune motivation spécifique pour justifier cette exclusion. Le règlement de base devrait donc être invalidé pour défaut de motivation.

18 Ce moyen ne saurait être accueilli. Comme le Conseil l’ a affirmé à juste titre, le règlement de base est suffisamment motivé en tous ses éléments.

19 Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’ article 190 du traité CEE doit être adaptée à la nature de l’ acte en cause. Elle doit faire apparaître d’ une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’ institution, auteur de l’ acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’ exercer son contrôle. Il résulte en outre de cette jurisprudence que l’ on ne saurait exiger que la motivation d’ un acte spécifie les différents éléments de fait et de droit qui en font l’ objet, dès lors que cet acte entre dans le cadre systématique de l’ ensemble dont il fait partie (voir arrêt du 13 octobre 1992, Portugal et Espagne/Conseil, C-63/90 et C-67/90, Rec. p. I-5073, point 16).

20 En l’ occurrence, le dix-huitième considérant du règlement de base se réfère expressément à la nécessité « de fixer certaines conditions relatives à la demande de paiements compensatoires et de préciser la date de versement aux producteurs ». La fixation d’ une date limite pour l’ ensemencement et le dépôt de la demande n’ est dès lors pas exclue.

21 Par ailleurs, le règlement en cause ne fait que reprendre la notion de date limite, déjà prévue, pour la campagne de commercialisation 1992/1993, par le règlement (CEE) nº 3766/91 du Conseil, du 12 décembre 1991, instaurant un régime de soutien pour les producteurs des graines de soja, de colza et navette et de tournesol (JO L 356, p. 17, ci-après le « règlement nº 3766/91 »). Le fait que cette date limite (15 mai) était différente de la précédente (30 mai) ne nécessitait pas une motivation spécifique, ainsi que l’ avocat général l’ a observé au point 44 de ses conclusions.

22 Enfin, la date visée à l’ article 10, paragraphe 2, du règlement litigieux n’ est pas immuable, dès lors que l’ article 12, premier alinéa, septième tiret, de ce règlement détermine la procédure qui doit être suivie pour la faire varier dans certaines zones où des conditions climatiques exceptionnelles la rendent inapplicable.

23 Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de considérer que le règlement de base, en ce qu’ il soumet le paiement des versements compensatoires à la condition que la mise en terre des graines et l’ introduction d’ une demande aient eu lieu avant le 15 mai, est suffisamment motivé au regard de l’ article 190 du traité tel qu’ il a été interprété par la Cour. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, dès lors, être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination

24 Selon le gouvernement hellénique, les petits producteurs hellènes sont discriminés par rapport à leurs homologues des autres États membres. En effet, les petits producteurs hellènes procéderaient à la mise en terre des graines de soja en culture secondaire après le 15 mai puisque c’ est entre le 20 avril et le 15 juillet que, eu égard aux conditions du sol et de climat existant en République hellénique, se situerait la meilleure période d’ emblavage des graines de soja. Dans les autres États membres, la période d’ ensemencement serait moins étendue et la mise en terre de la semence se ferait en général bien avant le 15 mai. Compte tenu de ce que la date litigieuse est imposée indistinctement à des producteurs se trouvant dans des situations objectivement différentes, le principe de l’ égalité au sens de l’ article 40, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité CEE serait méconnu.

25 A cet égard, il convient de rappeler que la politique agricole exige l’ adoption de règles communes qui peuvent affecter les producteurs de manière différente selon l’ orientation individuelle de leur production ou les conditions locales, mais qui pourtant ne sauraient être considérées comme une discrimination interdite par l’ article 40, paragraphe 3, du traité, dès lors qu’ elles sont fondées sur des critères objectifs, adaptés aux besoins du fonctionnement global de l’ organisation commune (voir, notamment, arrêt du 9 juillet 1985, Bozzetti, 179/84, Rec. p. I-2301).

26 L’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base fait partie de cette catégorie de règles.

27 En effet, selon le seizième considérant, « les producteurs demandant le bénéfice (du régime simplifié) sont tenus d’ accepter certaines procédures visant à faciliter les contrôles ». Il résulte de ce considérant combiné au dix-huitième, précité, que l’ obligation de respecter une date limite pour mettre la semence en terre et pour introduire une demande de versement de paiement compensatoire procède, notamment, du souci d’ assurer à la fois le contrôle et l’ efficacité du régime de ces paiements.

28 Il y a donc lieu de considérer que la fixation de la date litigieuse est adaptée aux besoins du fonctionnement global de l’ organisation commune.

29 Par ailleurs, cette date ne saurait être considérée comme discriminatoire. En effet, la meilleure période pour emblaver la terre de graines de soja commençant, selon les autorités helléniques elles-mêmes, le 20 avril, les petits producteurs hellènes ont la possibilité, comme leurs homologues des autres États membres, de mettre la semence en terre et d’ introduire une demande en obtention d’ un paiement compensatoire avant le 15 mai.

30 Enfin, il y a lieu de rappeler que, ainsi que l’ a souligné le Conseil, la date limite du 15 mai n’ est pas immuable et peut, conformément à l’ article 12, premier alinéa, septième tiret, du règlement de base, varier dans certaines zones en fonction des conditions climatiques.

31 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe d’ égalité n’ est pas fondé.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’ article 39 du traité

32 Le gouvernement hellénique soutient d’ abord que l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base compromet deux objectifs de la politique agricole commune.

33 D’ une part, un niveau de vie équitable, au sens de l’ article 39, paragraphe 1, sous b), du traité CEE, ne serait pas assuré aux producteurs de soja qui emblavent la terre après le 15 mai. Cette culture étant exclue du bénéfice des paiements compensatoires par l’ effet de l’ article 10, paragraphe 2, les revenus de ces producteurs seraient en effet diminués.

34 D’ autre part, les producteurs seraient découragés de pratiquer la culture du soja après le 15 mai de sorte que la sécurité des approvisionnements de la Communauté mentionnée à l’ article 39, paragraphe 1, sous d), du traité ne serait plus garantie.

35 Ensuite, le gouvernement hellénique se prévaut du paragraphe 2 de l’ article 39 qui exige que, dans l’ élaboration de la politique agricole commune, il soit tenu compte « du caractère particulier de l’ activité agricole, découlant de la structure sociale de l’ agriculture … ». Il conviendrait donc que la politique sociale dans ce secteur tende à réduire les inégalités entre les grands et les petits producteurs. Or, en l’ espèce, les producteurs qui emblavent la terre de graines de soja en culture secondaire après le 15 mai seraient surtout des petits producteurs, les grands exploitants se contentant d’ une seule culture principale. Dès lors que l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base empêche les premiers de bénéficier des paiements compensatoires, les différences entre les petits et les grands producteurs seraient accentuées.

36 A cet égard, il y a lieu de rappeler d’ abord que, selon une jurisprudence constante, les institutions communautaires doivent, dans la poursuite des objectifs de la politique agricole commune, assurer la conciliation permanente que peuvent exiger d’ éventuelles contradictions entre les différents objectifs fixés par l’ article 39 du traité, considérés séparément, et, le cas échéant, accorder à tel ou tel d’ entre eux la prééminence temporaire qu’ imposent les faits ou circonstances économiques au vu desquels elles arrêtent leurs décisions (voir, notamment, arrêt du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86, Rec. p. 4563, point 10).

37 Or, selon le deuxième considérant du règlement de base déjà évoqué, le nouveau régime de soutien a été institué pour garantir un meilleur équilibre du marché par le rapprochement des prix communautaires de certaines cultures arables des prix du marché mondial et pour compenser la perte de revenu résultant de la réduction des prix institutionnels par un paiement compensatoire aux producteurs qui sèment ces produits.

38 Ainsi que le soutient à juste titre le Conseil, cet objectif contribue lui-même à stabiliser les marchés et à assurer la sécurité des approvisionnements au sens de l’ article 39, paragraphe 1, sous c) et d), même si cela avait pour effet de réduire la production communautaire et les revenus de certains producteurs.

39 Ces réductions ne sont pas de nature à affecter la légalité du règlement de base. En effet, les pertes de revenu sont contrebalancées par les paiements compensatoires dont peuvent bénéficier les petits producteurs hellènes de soja. A cet égard, il importe de relever qu’ aucun élément du dossier n’ indique qu’ il y ait une impossibilité absolue pour ces producteurs de terminer l’ emblavage à la date du 15 mai. De plus, il est constant que les autorités helléniques n’ ont entrepris aucune démarche auprès des instances communautaires pour faire varier la date prévue à l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base, comme le permet, à certaines conditions, l’ article 12, premier alinéa, septième tiret.

40 En outre, il importe de préciser que l’ article 39, paragraphe 1, sous d), vise à ce que soit garantie la sécurité des approvisionnements dans la Communauté sans exiger pour autant, comme le soutient le gouvernement hellénique, l’ autosuffisance.

41 Dans ces conditions, on ne saurait considérer que, en fixant la date limite au 15 mai, le Conseil a méconnu l’ article 39 du traité.

42 Le moyen tiré de la violation de cette disposition doit, dès lors, être rejeté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la confiance légitime

43 Le gouvernement hellénique fait valoir qu’ aucun des nombreux règlements communautaires adoptés dès les années 70 pour apporter un soutien financier à la production du soja n’ a érigé la date d’ ensemencement des terres concernées en condition de l’ attribution de l’ aide financière. La confiance légitime que les opérateurs économiques ont pu fonder sur cette continuité serait violée par le règlement de base en ce qu’ il impose le respect de la date limite du 15 mai pour bénéficier des paiements compensatoires.

44 Selon une jurisprudence constante, si le principe de la confiance légitime s’ inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance dans le maintien d’ une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’ appréciation des institutions communautaires (voir arrêt du 7 mai 1992, Pesquerias De Bermeo et Naviera Laida/Commission, C-258/90 et C-259/90, Rec. p. I-2901, point 34). Il en est ainsi dans un domaine tel que celui de la politique agricole commune et des organisations communes des marchés, dont l’ objet comporte une constante adaptation aux variations de la situation économique (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 33).

45 Il en résulte que les opérateurs économiques ne sauraient invoquer un droit acquis au maintien d’ un avantage résultant pour eux de la mise en place de l’ organisation commune des marchés et dont ils ont bénéficié à un moment donné (voir arrêt Delacre e.a./Commission, précité, point 34).

46 Cette conclusion s’ impose d’ autant plus en l’ espèce que le règlement n 3766/91, applicable aux récoltes de l’ année 1992, prévoyait déjà, en son article 4, paragraphe 7, le respect d’ une date limite, fixée au 30 mai, pour la présentation d’ une demande tendant à obtenir un soutien financier pour des cultures secondaires de soja. Dans ces conditions, l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base n’ a innové par rapport au règlement précédent qu’ en fixant la date limite au 15 au lieu du 30 mai.

47 Il y a lieu de relever, en outre, que le nouveau régime institué en 1992 par le règlement de base ne s’ applique qu’ à partir de la campagne de commercialisation 1993/1994. Il en résulte que les producteurs de soja ont disposé d’ un délai suffisant pour adapter leur activité d’ emblavage des terres en culture secondaire à la nouvelle réglementation, qui a seulement avancé de 15 jours la date limite fixée dans le règlement précédent.

48 Il résulte des développements qui précèdent que le moyen tiré de la violation du principe de la confiance légitime doit également être rejeté.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la préférence communautaire

49 Selon le gouvernement hellénique, le Conseil , en adoptant l’ article 10, paragraphe 2, du règlement de base, a méconnu le principe de la préférence communautaire. En effet, les producteurs communautaires, ne pouvant bénéficier des paiements compensatoires pour le soja provenant de terres emblavées après le 15 mai, seraient défavorisés sur le plan de la concurrence par rapport aux producteurs des pays tiers qui sont en mesure d’ offrir leurs produits sur le marché communautaire à des prix moins élevés.

50 A cet égard, il suffit de relever que le principe de la préférence communautaire, s’ il est un élément susceptible d’ être pris en considération par les institutions communautaires dans le cadre de la politique agricole commune, ne peut toutefois intervenir sur leur décision qu’ après évaluation de tous les facteurs économiques influençant le commerce mondial. Comme l’ avocat général l’ observe à juste titre aux points 78 à 82 de ses conclusions, cette préférence n’ est en aucun cas une exigence légale, dont la violation entraîne l’ invalidité de l’ acte concerné.

51 Par conséquent, le gouvernement hellénique ne saurait être fondé à se prévaloir de la méconnaissance par le Conseil du principe de la préférence communautaire.

52 Aucun moyen n’ ayant été accueilli, il convient de rejeter le recours de la République hellénique dans son ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

53 Aux termes de l’ article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’ il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’ article 69, paragraphe 4, la Commission supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens. La Commission supportera ses propres dépens.

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CJCE, n° C-353/92, Arrêt de la Cour, République hellénique contre Conseil de l'Union européenne, 14 juillet 1994