CJUE, n° C-229/17, Arrêt de la Cour, Evonik Degussa GmbH contre Bundesrepublik Deutschland, 17 mai 2018

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 17 mai 2018, C-229/17
Numéro(s) : C-229/17
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 mai 2018.#Evonik Degussa GmbH contre Bundesrepublik Deutschland.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin.#Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Allocation à titre gratuit – Directive 2003/87/CE – Article 10 bis – Annexe I – Décision 2011/278/UE – Annexe I, point 2 – Détermination des référentiels des produits – Production d’hydrogène – Limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène – Procédé de séparation de l’hydrogène d’un flux de gaz enrichi qui contient déjà de l’hydrogène.#Affaire C-229/17.
Date de dépôt : 2 mai 2017
Précédents jurisprudentiels : 26 juillet 2017, République tchèque/Commission, C-696/15 P, EU:C:2017:595
Borealis e.a., C-180/15, EU:C:2016:647
Borealis Polyolefine e.a. ( C-191/14, C-192/14, C-295/14, C-389/14 et C-391/14 à C-393/14, EU:C:2016:311
Cour d'interpréter l' arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. ( C-191/14, C-192/14, C-295/14, C-389/14 et C-391/14 à C-393/14, EU:C:2016:311
Solution : Renvoi préjudiciel : non-lieu à statuer, Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62017CJ0229
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2018:323
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

17 mai 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Environnement – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union européenne – Allocation à titre gratuit – Directive 2003/87/CE – Article 10 bis – Annexe I – Décision 2011/278/UE – Annexe I, point 2 – Détermination des référentiels des produits – Production d’hydrogène – Limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène – Procédé de séparation de l’hydrogène d’un flux de gaz enrichi qui contient déjà de l’hydrogène »

Dans l’affaire C-229/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), par décision du 11 avril 2017, parvenue à la Cour le 2 mai 2017, dans la procédure

Evonik Degussa GmbH

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. C. G. Fernlund, président de chambre, MM. J.-C. Bonichot (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Evonik Degussa GmbH, par Me S. Altenschmidt, Rechtsanwalt,

pour la Bundesrepublik Deutschland, par Me G. Buchholz, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, J. Möller et D. Klebs, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par M. J.-F. Brakeland ainsi que par Mme A. C. Becker, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO 2003, L 275, p. 32), telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009 (JO 2009, L 140, p. 63) (ci-après la « directive 2003/87 »), de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87 (JO 2011, L 130, p. 1), et de la décision 2013/448/UE de la Commission, du 5 septembre 2013, concernant les mesures nationales d’exécution pour l’allocation transitoire à titre gratuit de quotas d’émission de gaz à effet de serre conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2003/87 (JO 2013, L 240, p. 27), telle que modifiée par la décision (UE) 2017/126 de la Commission, du 24 janvier 2017 (JO 2017, L 19, p. 93) (ci-après la « décision 2013/448 »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Evonik Degussa GmbH à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) au sujet du refus, par l’administration nationale compétente, de lui allouer des quotas d’émission de gaz à effet de serre à titre gratuit (ci-après les « quotas ») dans le cadre de son activité mettant en œuvre un procédé de séparation de l’hydrogène d’un flux de gaz enrichi qui contient déjà de l’hydrogène.

Le cadre juridique

La directive 2003/87

3

Le considérant 8 de la directive 2003/87 est libellé ainsi :

« Lors de l’allocation des quotas, les États membres devraient prendre en considération le potentiel de réduction des émissions provenant des activités industrielles. »

4

L’article 1er, premier alinéa, de cette directive prévoit :

« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas […] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes. »

5

L’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé « Champ d’application », dispose :

« La présente directive s’applique aux émissions résultant des activités indiquées à l’annexe I et aux gaz à effet de serre énumérés à l’annexe II. »

6

L’article 3 de la même directive définit, à son point b), la notion d’« émissions » comme « le rejet dans l’atmosphère de gaz à effet de serre, à partir de sources situées dans une installation, ou le rejet, à partir d’un aéronef effectuant une activité aérienne visée à l’annexe I, de gaz spécifiés en rapport avec cette activité » et, à son point e), la notion d’« installation » comme étant « une unité technique fixe où se déroulent une ou plusieurs des activités indiquées à l’annexe I ainsi que toute autre activité s’y rapportant directement qui est liée techniquement aux activités exercées sur le site et qui est susceptible d’avoir des incidences sur les émissions et la pollution ».

7

L’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87 prévoit :

« Le 31 décembre 2010 au plus tard, la Commission arrête des mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire relatives à l’allocation harmonisée des quotas visés aux paragraphes 4, 5, 7 et 12, y compris toute disposition nécessaire pour l’application harmonisée du paragraphe 19.

Ces mesures, qui visent à modifier des éléments non essentiels de la présente directive en la complétant, sont arrêtées en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 23, paragraphe 3.

Les mesures visées au premier alinéa déterminent, dans la mesure du possible, des référentiels ex ante pour la Communauté, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces, aux solutions et aux procédés de production de remplacement, à la cogénération à haut rendement, à la récupération efficace d’énergie à partir des gaz résiduaires, à l’utilisation de la biomasse, ainsi qu’au captage et au stockage du CO2, lorsque ces moyens sont disponibles, et n’encouragent pas l’accroissement des émissions. […]

Pour chaque secteur et sous-secteur, en principe, le référentiel est calculé pour les produits et non pour les intrants, de manière à maximiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les gains d’efficacité énergétique tout au long du processus de production du secteur ou du sous-secteur concerné.

[…] »

8

L’annexe I de cette directive contient un tableau énumérant les catégories d’activités auxquelles s’applique celle-ci. Parmi ces activités figure la « production d’hydrogène (H2) et de gaz de synthèse par reformage ou oxydation partielle avec une capacité de production supérieure à 25 tonnes par jour ».

La directive 2009/29

9

Aux termes du considérant 8 de la directive 2009/29 :

« […] Il importe, en outre, d’une part, de garantir une plus grande prévisibilité du système et d’élargir son champ d’application en incluant de nouveaux secteurs et de nouveaux gaz, en vue de renforcer le signal de prix du carbone de manière à susciter les investissements nécessaires et, d’autre part, d’offrir de nouvelles possibilités de réduction des émissions, ce qui se traduira par une baisse globale des coûts liés à ces réductions et par un gain d’efficacité pour le système. »

La décision 2011/278

10

Les considérants 1, 2, 4, 5 et 8 de la décision 2011/278 sont libellés comme suit :

« (1)

En vertu de l’article 10 bis de la directive [2003/87], les mesures d’exécution pleinement harmonisées à l’échelle communautaire relatives à l’allocation des quotas d’émission à titre gratuit doivent, dans la mesure du possible, déterminer des référentiels ex ante, de façon à garantir que les modalités d’allocation des quotas d’émission à titre gratuit encouragent l’utilisation de techniques efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le rendement énergétique, en recourant aux techniques les plus efficaces […] Les allocations doivent être fixées avant la période d’échanges de manière à garantir le bon fonctionnement du marché.

(2)

Pour définir les principes d’établissement des référentiels ex ante par secteur ou sous-secteur, il y a lieu d’utiliser comme point de départ la performance moyenne des 10 % d’installations les plus efficaces d’un secteur ou sous-secteur de l’Union européenne pendant les années 2007-2008. Il convient que les référentiels soient calculés pour les produits et non pour les intrants, de manière à maximiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les gains d’efficacité énergétique tout au long du processus de production du secteur ou du sous-secteur concerné.

[…]

(4)

Dans la mesure du possible, la Commission a élaboré des référentiels pour les produits, ainsi que pour les produits intermédiaires échangés entre les installations, qui sont issus des activités énumérées à l’annexe I de la directive [2003/87]. […]

(5)

La Commission a estimé qu’il était possible de définir un référentiel pour un produit lorsque, compte tenu de la complexité des procédés de production, il existait des définitions et des classifications des produits permettant de vérifier les données relatives à la production et d’appliquer le référentiel de produit de manière uniforme dans toute l’Union aux fins de l’attribution de quotas d’émission. Aucune distinction n’a été établie en fonction de critères géographiques ou sur la base des technologies, des matières premières ou des combustibles utilisés, afin de ne pas fausser les avantages comparatifs en matière d’efficacité sur le plan des émissions de carbone dans l’économie de l’Union et de renforcer l’harmonisation de l’allocation transitoire de quotas d’émission à titre gratuit.

[…]

(8)

[…] En outre, la Commission, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive [2003/87], a examiné, pour tous les secteurs pour lesquels un référentiel de produit est prévu à l’annexe I, sur la base des informations complémentaires obtenues auprès de plusieurs sources et sur la base d’une étude spécifique analysant les techniques les plus efficaces et les potentiels de réduction aux niveaux européen et international […] »

11

L’article 1er de cette décision prévoit :

« La présente décision définit des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à la directive [2003/87] à partir de 2013. »

12

L’article 3 de ladite décision dispose :

« Aux fins de la présente décision, on entend par :

[…]

b)

“sous-installation avec référentiel de produit” : les intrants, les extrants et les émissions correspondantes liés à la fabrication d’un produit pour lequel un référentiel a été défini à l’annexe I ;

c)

“sous-installation avec référentiel de chaleur” : les intrants, les extrants et les émissions correspondantes qui ne sont pas couverts par une sous-installation avec référentiel de produit et qui sont liés à la production de chaleur mesurable ou à l’importation de chaleur mesurable en provenance d’une installation ou d’une autre entité couverte par le système de l’Union, ou aux deux à la fois, cette chaleur étant :

consommée dans les limites de l’installation pour la fabrication de produits, pour la production d’énergie mécanique autre que celle utilisée aux fins de la production d’électricité, pour le chauffage ou le refroidissement, à l’exclusion de la consommation aux fins de la production d’électricité, ou

exportée vers une installation ou une autre entité non couverte par le système de l’Union, à l’exclusion de l’exportation aux fins de la production d’électricité ;

[…] »

13

Aux termes de l’article 10 de la même décision :

« 1. Sur la base des données recueillies conformément à l’article 7, les États membres calculent pour chaque année, conformément aux paragraphes 2 à 8, le nombre de quotas d’émission alloués à titre gratuit à partir de 2013 à chacune des installations en place situées sur leur territoire.

2. Pour calculer ce nombre, les États membres commencent par déterminer, séparément pour chaque sous-installation, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit, de la manière suivante :

a)

pour chaque sous-installation avec référentiel de produit, le nombre annuel provisoire de quotas d’émission alloués à titre gratuit pour une année donnée correspond à la valeur de ce référentiel de produit figurant à l’annexe I, multipliée par le niveau d’activité historique relatif au produit correspondant ;

[…] »

14

Le point 2 de l’annexe I de la décision 2011/278 est intitulé « Définition des référentiels de produits et des limites du système avec prise en compte de l’interchangeabilité combustibles/électricité ». Le référentiel de produit pour l’hydrogène y est défini comme suit :

« Référentiel de produit

Définition des produits inclus

Définition des procédés et émissions inclus (limites du système)

[…]

Valeur du référentiel(quotas/tonne)

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Hydrogène

Hydrogène pur et mélanges d’hydrogène et de monoxyde de carbone ayant une teneur en hydrogène >=60 % […]

Sont inclus tous les procédés directement ou indirectement liés à la production d’hydrogène et à la séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone. […]

[…]

8,85

[…]

[…]

[…]

[…]

[…] »

15

L’annexe I, point 3, de cette décision détermine les référentiels de chaleur et de combustibles de la manière suivante :

« Référentiel

Valeur du référentiel (quotas/TJ)

Référentiel de chaleur

62,3

Référentiel de combustibles

56,1 »

La décision 2013/448

16

Aux termes du considérant 13 de la décision 2013/448 :

« La Commission fait observer qu’aux fins de l’allocation des quotas d’émission, des référentiels de produits ont été définis dans la décision [2011/278], qui tiennent compte des définitions des produits et de la complexité des procédés de fabrication et permettent de vérifier les données de production tout en garantissant une application uniforme des référentiels de produits dans toute l’Union. Pour l’application des référentiels de produits, les installations sont divisées en sous-installations, une sous-installation avec référentiel de produit étant définie comme les intrants, les extrants et les émissions correspondantes liés à la fabrication d’un produit pour lequel un référentiel a été défini à l’annexe I de la décision [2011/278]. Les référentiels sont donc établis pour des produits et non pour des procédés. […] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

17

Evonik Degussa exploite une installation de génération d’hydrogène au sein d’un parc industriel à Marl (Allemagne), où se trouvent des entreprises de l’industrie chimique et leurs installations. Pour la génération d’hydrogène pur, Evonik Degussa utilise différents procédés industriels. L’un de ces procédés est alimenté par un flux de « gaz enrichi » qui est composé des gaz résiduaires émis par différentes installations du parc industriel. Ce gaz enrichi contient environ 85 % à 95 % d’hydrogène, mais également du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone ainsi que des hydrocarbures gazeux.

18

Evonik Degussa procède à l’hydrogénation du gaz enrichi et le traite ensuite dans le cadre d’un procédé d’adsorption par inversion de pression. Ce faisant, elle sépare l’hydrogène des autres substances contenues dans le gaz enrichi afin d’obtenir un gaz d’un volume en hydrogène d’au moins 99,95 %.

19

Par décision du 17 février 2014, les autorités allemandes ont décidé d’allouer à Evonik Degussa des quotas au titre des années 2013-2020. Cette décision précise que l’activité consistant à extraire de l’hydrogène à partir du gaz enrichi n’a pas été prise en considération aux fins de l’allocation.

20

Par décision du 25 août 2015, les autorités allemandes ont confirmé leur décision initiale au motif notamment que l’hydrogène étant déjà présent dans les flux de gaz enrichi, il ne serait pas le résultat d’une production par Evonik Degussa. Le système du référentiel de produit pour l’hydrogène, figurant à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278 et permettant de déterminer les quotas à allouer, ne viserait que l’hydrogène produit par reformage, par oxydation partielle, par réaction du gaz à l’eau ou par d’autres procédés de transformation en hydrogène.

21

Dans le recours qu’elle a introduit contre cette décision devant la juridiction de renvoi, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne), Evonik Degussa soutient, en substance, que la génération d’hydrogène par la purification des gaz enrichis aurait dû être prise en compte pour l’allocation des quotas. À cet effet, elle s’appuie notamment sur le libellé du référentiel de produit pour l’hydrogène et la définition de ce produit, figurant à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278. En effet, il ne ressortirait pas de cette définition que pour pouvoir être considéré comme de l’« hydrogène », au sens de ce référentiel, il faudrait que le gaz concerné soit le résultat non pas d’un procédé d’adsorption ou de purification, mais d’une réaction chimique directe.

22

Le considérant 13 de la décision 2013/448 et le considérant 5 de la décision 2011/278, dont il ressortirait que les référentiels de produit sont établis pour un produit déterminé et non pas en fonction des procédés utilisés pour l’obtenir, corroboreraient cette interprétation. De même, un document émanant des services de la Commission indiquerait que les procédés d’adsorption et de purification des gaz se situent dans les limites du système défini par le référentiel de produit pour l’hydrogène, figurant à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278. Partant, la technique d’adsorption par inversion de pression, utilisée par Evonik Degussa pour l’extraction de l’hydrogène contenu dans un mélange de gaz enrichi, devrait être qualifiée de procédé analogue à la synthèse chimique de l’hydrogène.

23

En outre, dans tout procédé de production d’hydrogène, cette substance serait déjà présente dans les substances chimiques de départ. Toutefois, l’allocation des quotas pour la production d’hydrogène ne serait pas exclue de ce fait, dès lors que seul le produit pur serait déterminant pour l’application du référentiel de produit le concernant, de sorte qu’une double allocation pour le produit entrant, à savoir le gaz enrichi, et le produit sortant, à savoir l’hydrogène, ne serait pas possible.

24

La juridiction de renvoi estime que le recours introduit par Evonik Degussa soulève, en substance, la question de savoir si l’activité de « production d’hydrogène », visée à l’annexe I de la directive 2003/87, englobe l’augmentation de la part relative d’hydrogène dans un mélange gazeux afin d’obtenir un produit commercialisable. En cas de réponse affirmative, il faudrait accueillir le recours d’Evonik Degussa et allouer un supplément de quotas à cette entreprise.

25

Un tel supplément serait également dû si deux autres conditions étaient remplies, à savoir, d’une part, que, en tant que telle, l’utilisation d’un procédé de « séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone », au sens de l’annexe I de la décision 2011/278, rentre dans la définition des procédés visés par le référentiel de produit pour l’hydrogène et, d’autre part, que ce procédé englobe la purification des gaz enrichis par l’adsorption par inversion de pression.

26

Si le référentiel de produit pour l’hydrogène devait s’appliquer à la production d’hydrogène par la purification des gaz enrichis, il y aurait lieu de déterminer la quantité des quotas supplémentaires à allouer à Evonik Degussa. Dans ce cadre, des questions relatives à l’application du facteur de correction uniforme transsectoriel, prévu à l’article 10 bis, paragraphe 5, de la directive 2003/87 (ci-après le « facteur de correction ») se poseraient.

27

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Y-a-t-il “production d’hydrogène”, au sens de l’annexe I, point 2, de la décision [2011/278], seulement lorsqu’une molécule d’hydrogène […] est créée à partir de deux atomes d’hydrogène H au moyen d’une synthèse chimique ou bien la notion de “production” englobe-t-elle également le fait que, dans un mélange gazeux contenant de l’hydrogène – sans synthèse, la part relative dans le mélange d’hydrogène […] est augmentée en ce que les autres éléments composant le gaz sont supprimés – que ce soit physiquement ou chimiquement – afin d’obtenir, ainsi que cela est formulé à l’annexe I, point 2, de la décision [2011/278], “un produit fabriqué exprimé sous forme de production (nette) commercialisable et à un indice de pureté de la substance concernée égal à 100 %” ?

2)

Dans le cas où il serait répondu à la première question en ce sens que la notion de production n’englobe pas l’augmentation de la part relative d’hydrogène […] dans le mélange gazeux, il convient ensuite de demander :

La formulation “procédés directement ou indirectement liés à la production d’hydrogène et à la séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone” doit-elle être interprétée en ce sens que seuls les deux éléments du procédé ensemble (“et”) sont couverts par les limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène décrites à l’annexe I, point 2, de la décision [2011/278] ou bien le procédé “séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone” peut-il, isolément et en soi en tant qu’unique élément du procédé, aussi se situer à l’intérieur des limites du système ?

3)

Dans le cas où il serait répondu à la deuxième question en ce sens que le procédé “séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone” peut, isolément et en soi en tant qu’unique élément du procédé, se situer à l’intérieur des limites du système, il convient ensuite de demander :

Un procédé de “séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone” n’existe-t-il que lorsque de l’hydrogène […] est séparé du seul monoxyde de carbone […] ou bien y a-t-il aussi un procédé de “séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone” lorsque l’hydrogène n’est pas seulement séparé du monoxyde de carbone, mais également d’autres substances, par exemple le dioxyde de carbone […] ?

4)

Dans le cas où le juge devrait reconnaître à [Evonik Degussa] le droit à un supplément d’allocation à titre gratuit de quotas d’émission, se poserait la question de savoir si le point 3 du dispositif de l’arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C-191/14, C-192/14, C-295/14, C-389/14 et C-391/14 à C-393/14, EU:C:2016:311), doit être interprété en ce sens

a)

que le [facteur de correction] visé à l’article 4 et à l’annexe II de la décision [2013/448], dans sa version initiale, s’applique aux allocations au titre des années 2013-2020 fixées avant le 1er mars 2017 par l’autorité compétente de l’État membre et

b)

que le [facteur de correction] visé à l’article 4 et à l’annexe II de la décision [2013/448], dans sa version initiale, s’applique aux suppléments d’allocation au titre des années 2013-2017 accordés par le juge après le 1er mars 2017 et

c)

que le [facteur de correction] visé à l’article 4 et à l’annexe II de la décision [2013/448], […] entrée en vigueur à compter du 1er mars 2017, s’applique aux suppléments d’allocation au titre des années 2018-2020 accordés par le juge après le 1er mars 2017 ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions

28

Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278 doit être interprétée en ce sens qu’un procédé permettant non pas de produire, par synthèse chimique, de l’hydrogène, mais seulement d’isoler cette substance déjà contenue dans un mélange gazeux entre dans les limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène.

29

Il y a lieu de relever que la décision 2011/278 a été adoptée par la Commission, ainsi qu’il ressort, notamment, de son article 1er, afin de définir, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 1, de la directive 2003/87, les règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas. Si les mesures ainsi arrêtées visent, comme l’énonce cette dernière disposition, à modifier des éléments non essentiels de la directive 2003/87 en la complétant, il n’en demeure pas moins que la Commission était tenue, dans ce contexte, de respecter le cadre juridique ainsi établi par cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, République tchèque/Commission, C-696/15 P,EU:C:2017:595, point 51), dont, notamment, son champ d’application. Il s’ensuit, en outre, qu’il y a lieu d’interpréter les dispositions de la décision 2011/278 à la lumière des exigences qui découlent de la directive 2003/87.

30

L’article 10 bis, paragraphe 1, de cette directive dispose que, pour chaque secteur et sous-secteur, en principe, le référentiel est calculé pour les produits et non pour les intrants, de manière à maximiser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les gains d’efficacité énergétique tout au long du processus de production du secteur ou du sous-secteur concerné.

31

Par conséquent, ainsi qu’il ressort du considérant 4 de la décision 2011/278, la Commission a, dans la mesure du possible, élaboré des référentiels de produit. Ainsi que le précise ce même considérant, les produits visés par ces référentiels sont ceux « issus des activités énumérées à l’annexe I de la directive 2003/87 ».

32

Cette approche est conforme aux exigences de la directive 2003/87. En effet, celle-ci s’applique, conformément à son article 2, paragraphe 1, aux émissions résultant des activités indiquées à son annexe I. Ainsi qu’il ressort de son article 3, sous b) et e), sont également incluses dans son champ d’application, les émissions résultant des activités qui se rapportent directement à une activité visée à cette annexe I et qui y sont techniquement liées.

33

En ce qui concerne la production d’hydrogène, l’annexe I de la directive 2003/87 définit cette activité comme la « production d’hydrogène (H2) […] par reformage ou oxydation partielle ». Il s’ensuit que ne relève de son champ d’application que la production d’hydrogène au moyen de tels procédés ainsi que, conformément à l’article 3, sous b) et e), de ladite directive, les activités qui se rapportent directement à cette forme de production de l’hydrogène, à condition qu’elles soient techniquement liées à cette production.

34

Ainsi qu’il découle, notamment, du point 29 du présent arrêt, le référentiel de produit pour l’hydrogène, tel qu’il est défini à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278, ne saurait inclure d’autres procédés que ceux qui relèvent du champ d’application de la directive 2003/87.

35

À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce référentiel vise « les procédés directement ou indirectement liés à la production d’hydrogène et à la séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone ».

36

En ce qui concerne, d’une part, la notion de « production d’hydrogène », il convient d’interpréter celle-ci à la lumière des termes de l’annexe I de la directive 2003/87 comme comprenant la production d’hydrogène par reformage ou oxydation partielle.

37

D’autre part, en ce qui concerne la « séparation d’hydrogène et de monoxyde de carbone », un tel procédé ne consiste pas en la production d’hydrogène par synthèse chimique, mais en la seule extraction d’hydrogène déjà contenu dans un mélange gazeux.

38

Par conséquent, en soi, ce procédé n’est pas couvert par le référentiel de produit pour l’hydrogène, tel que défini à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278. Ce procédé relève, toutefois, du référentiel de produit pour l’hydrogène à condition qu’il se rapporte à la « production d’hydrogène », au sens de l’annexe I de la directive 2003/87 ainsi que de l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278 et soit techniquement lié à cette production.

39

Il en résulte, en particulier, qu’une activité, telle que celle de la requérante au principal, en tant qu’elle consiste uniquement en la séparation de l’hydrogène d’un mélange de gaz enrichi – lequel contient environ 85 % à 95 % d’hydrogène – ne saurait être qualifiée de « production d’hydrogène », au sens de l’annexe I de la directive 2003/87 et de l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278.

40

En outre, une telle activité, dans le cadre de laquelle un mélange de gaz enrichi, qui n’a pas été obtenu au moyen d’un procédé de « production d’hydrogène », au sens de ces dispositions, est purifié afin d’en extraire de l’hydrogène, ne se rapporte pas à la « production d’hydrogène », mais constitue une activité distincte qui, par conséquent, ne relève pas du référentiel de produit pour l’hydrogène figurant à l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278.

41

Cette interprétation de l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278 est corroborée par l’objectif du système d’échange des quotas, visé à l’article 1er de la directive 2003/87, de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes.

42

En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 8 de la directive 2003/87, du considérant 8 de la directive 2009/29 et du considérant 8 de la décision 2011/278, la réalisation de cet objectif implique l’inclusion, dans ce système, des activités qui présentent un certain potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ainsi que le confirme l’ensemble des observations soumises à la Cour, la « production d’hydrogène », au sens de l’annexe I de la directive 2003/87, présente un tel potentiel du fait de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre générées par cette activité. En revanche, tel n’est pas le cas d’un procédé de séparation de l’hydrogène contenu dans un mélange de gaz enrichi, tel que celui en cause au principal, qui vise seulement à atteindre une part plus élevée d’hydrogène présent dans un mélange gazeux.

43

D’ailleurs, de ce fait, l’application du référentiel de produit pour l’hydrogène à un procédé de séparation de l’hydrogène d’un flux de gaz enrichi qui contient déjà de l’hydrogène, tel que celui en cause au principal, conduirait à une surallocation des quotas. En effet, ce référentiel a été déterminé, ainsi qu’il ressort, notamment, des points 31 à 34 du présent arrêt, en fonction des émissions liées à la production d’hydrogène par reformage ou oxydation partielle. Si la Commission avait voulu considérer qu’un tel procédé de séparation constituait, en soi, un procédé de production d’hydrogène entrant dans les limites de ce système, elle aurait dû fixer la valeur du référentiel de produit à un niveau considérablement plus bas, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne dans ses observations écrites.

44

En outre, dans la mesure où Evonik Degussa fait valoir, dans ses observations écrites, qu’elle devrait recevoir des quotas au titre de son activité mettant en œuvre le procédé de séparation de l’hydrogène en cause au principal au motif que les substances séparées de l’hydrogène contenu dans le gaz enrichi sont brûlées dans un four, il convient de relever que les émissions ainsi générées sont susceptibles de relever déjà d’un référentiel. Tel serait, notamment, le cas si ce four fournissait la chaleur nécessaire pour la « production d’hydrogène » ou encore si un référentiel de chaleur, au sens de l’article 3, sous c), et de l’annexe I, point 3, de la décision 2011/278, devait être appliqué. Dans une telle hypothèse, l’allocation des quotas à un procédé de séparation de l’hydrogène conduirait à une double allocation.

45

Or, la Cour a déjà jugé qu’il convient d’éviter que les émissions d’une installation soient prises en compte deux fois lors de l’allocation des quotas, dès lors que la directive 2003/87 et la décision 2011/278 s’opposent au double comptage des émissions ainsi qu’à la double allocation des quotas (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Borealis e.a., C-180/15, EU:C:2016:647, points 70 à 73).

46

En tout état de cause, l’allocation, à ce titre, de quotas d’émission à une installation telle que celle en cause au principal serait contraire à l’intention du législateur de l’Union de ne prendre en considération que certaines formes de récupération efficace d’énergie à partir de gaz résiduaires dans la définition des référentiels de produit.

47

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’annexe I, point 2, de la décision 2011/278 doit être interprétée en ce sens qu’un procédé, tel que celui en cause au principal, permettant non pas de produire, par synthèse chimique, de l’hydrogène, mais seulement d’isoler cette substance déjà contenue dans un mélange gazeux n’entre pas dans les limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène. Il n’en irait autrement que si ce procédé, d’une part, se rapportait à la « production d’hydrogène », au sens de l’annexe I de la directive 2003/87, et, d’autre part, y était techniquement lié.

Sur la troisième question

48

Eu égard à la réponse donnée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Sur la quatrième question

49

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter l’arrêt du 28 avril 2016, Borealis Polyolefine e.a. (C-191/14, C-192/14, C-295/14, C-389/14 et C-391/14 à C-393/14, EU:C:2016:311), dans le cas où elle devrait reconnaître à la requérante au principal le droit à un supplément de quotas.

50

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi qu’un supplément de quotas ne devrait être alloué à Evonik Degussa que si un procédé, tel que celui en cause au principal, qui consiste uniquement en la séparation de l’hydrogène contenu dans un mélange de gaz enrichi, entrait dans les limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène.

51

Partant, au vu de la réponse donnée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

Sur les dépens

52

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

L’annexe I, point 2, de la décision 2011/278/UE de la Commission, du 27 avril 2011, définissant des règles transitoires pour l’ensemble de l’Union concernant l’allocation harmonisée de quotas d’émission à titre gratuit conformément à l’article 10 bis de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprétée en ce sens qu’un procédé, tel que celui en cause au principal, permettant non pas de produire, par synthèse chimique, de l’hydrogène, mais seulement d’isoler cette substance déjà contenue dans un mélange gazeux n’entre pas dans les limites du système du référentiel de produit pour l’hydrogène. Il n’en irait autrement que si ce procédé, d’une part, se rapportait à la « production d’hydrogène », au sens de l’annexe I de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, telle que modifiée par la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, et, d’autre part, y était techniquement lié.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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CJUE, n° C-229/17, Arrêt de la Cour, Evonik Degussa GmbH contre Bundesrepublik Deutschland, 17 mai 2018