Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 27 janvier 2004, n° 3784

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Utilisation par un PEDIATRE de schémas thérapeutiques inhabituels consistant en des prescriptions de BACTRIM en surdosage et comportant des posologies très supérieures à celles recommandées par le VIDAL d’OCTOFENE, TOPLEXIL, TUSSISEDAL, LACTEOL FORT, PANFUREX, MOTILIUM, FLUVERMAL, DEBRIDAT, SOLUPRED et OFLOCET. Méconnaissance des contre-indications médicamenteuses signalées dans le VIDAL en prescrivant du THERALENE à des nourrissons. Manquements aux articles 5, 8, 32, 34 et 40 du code de déontologie. N’a pas tenu compte des mises en garde de la caisse. Faits exclus de l’amnistie.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, sect. des assurances soc., 27 janv. 2004, n° 3784
Numéro(s) : 3784
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Annulation - 2 mois d'interdiction, dont 1 mois avec sursis

Texte intégral

Dossier n° 3784 Dr Françoise R Séance du 27 novembre 2003 Lecture du 27 janvier 2004
LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, enregistrés au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins le 10 février 2003 et le 26 février 2003, la requête et le mémoire présentés par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Rouen, dont l’adresse postale est 50 avenue de Bretagne, 76181 ROUEN CEDEX 1, tendant à ce que la section annule une décision, en date du 12 décembre 2002, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Haute-Normandie, a rejeté sa plainte dirigée contre le Dr Françoise R, qualifiée spécialiste en pédiatrie, en prononçant un non lieu à statuer au motif que les faits reprochés ne constituent pas un manquement à l’honneur ou à la probité et sont, par suite, amnistiés en vertu de l’article 11 de la loi du 6 août 2002, par les motifs que le Dr R a multiplié des prescriptions pharmaceutiques dangereuses essentiellement par surdosage de manière répétée, a rédigé des prescriptions sans posologie et sans indication du poids et de l’âge de l’enfant, n’a pas tenu compte de deux mises en garde antérieures ; que ces pratiques médicales inadaptées et répétées ont fait courir aux patients des risques potentiels, le manquement à l’honneur étant établi ; que tous les éléments présentés dans la plainte sont rappelés, s’agissant, pendant la période du 20 février 2000 au 31 mars 2000 de l’examen de la totalité des prescriptions pharmaceutiques du docteur présentées au remboursement (176 dossiers, 251 anomalies) qui a révélé des schémas thérapeutiques inhabituels, des contre-indications médicamenteuses, des redondances médicamenteuses, la méconnaissance de l’article R 5494 du code de la santé publique (poids et âge de l’enfant ; posologie et durée du traitement) ; que les dispositions des articles 5, 8, 32 et 34 du code de déontologie médicale n’ont pas été respectées ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 21 octobre 2003, le mémoire en défense présenté par le Dr R qui tend au rejet de la requête en précisant, cas par cas, pour les 176 patients, les pathologies qui lui semblaient justifier ses prescriptions, et en observant que les pathologies très sévères justifient une prescription plus massive sur un bref laps de temps ; qu’elle a décidé de se conformer strictement au VIDAL ; que les mamans connaissent parfaitement les posologies ; qu’elle se conformera pourtant aux recommandations du médecin-conseil ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale et notamment ses articles L 145-1 à L 145-9 et R 145-4 à R 145-29 ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié, relatif au fonctionnement des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et de la section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins ;

Vu le code de déontologie médicale ;

Vu la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes et des auxiliaires médicaux fixée par l’arrêté du 27 mars 1972 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

 – Le Dr COLSON en la lecture de son rapport ;

 – Le Dr CLERGEAT, médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Rouen, en ses observations ;

 – Me DENESLE en ses observations pour le Dr R et Mme le Dr Françoise R, en ses explications orales ;
Mme le Dr R ayant eu la parole en dernier ;


APRES EN AVOIR DELIBERE, Considérant que le contrôle de l’activité du Dr R, qualifiée spécialiste en pédiatrie exerçant à ROUEN, pratiqué par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de Rouen, a porté sur la totalité des prescriptions pharmaceutiques du docteur présentées au remboursement à la caisse primaire d’assurance maladie de Rouen pendant la période comprise entre le 20 février 2000 et le 31 mars 2000, cent soixante seize (176) dossiers ayant été examinés et ayant révélé de nombreuses anomalies, dans le traitement prescrit à des nourrissons, et parfois à des enfants en bas âge ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, que le Dr R a suivi, dans un certain nombre de cas, un schéma thérapeutique inhabituel ; qu’il en est ainsi, s’agissant des dossiers 1 à 16 et 18 à 44, qui sont à la limite du surdosage de Bactrim, les dossiers nos 1, 7 et 14 révélant un surdosage caractérisé ; que, par ailleurs, dans de nombreux cas les prescriptions comportaient des posologies très supérieures à celles recommandées par les monographies du VIDAL, en ce qui concerne l’Octofene suppositoires (dossiers nos 14, 19, 20,35 et 45 à 67) le Dimetane expectorant enfant (dossiers nos 6, 10, 12, 13 et 68 à 75) le Toplexil sirop 150 ml (dossiers n° 7, 35,76), le TussiSedal sirop (dossier n° 77), le Lacteol forT (dossier nos 1, 45 et 78 à 84) le PANFUREX suspension buvable (dossiers nos 28 et 85 à 87), le MOTILIUM suspension buvable (dossiers nos 38, 70, 78, 81, 88) le FLUVERMAL comprimé 100 mg (dossiers nos 75 et 89 à 96), le DEBRIDAT sachet 74,7 mg (dossier n° 97), le SOLUPRED 5 mg comprimé (dossiers nos 98 et 99) enfin, l’OFLOCET solution auriculaire (dossiers nos 41 et 100 à 102) ;

Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction que le Dr R a méconnu, dans neuf cas, des contre-indications médicamenteuses très clairement signalées dans les monographies du VIDAL ; qu’ainsi, dans les dossiers nos 103 et 104, le THERALENE sirop est prescrit pour des nourrissons âgés de moins de douze mois, alors qu’il est réservé à ceux âgés de plus de douze mois, pour éviter de nombreux facteurs de risques parfois très graves ; qu’ainsi, dans les dossiers nos 83, 86 et 105, l’ULTRA LEVURE est prescrite pour des nourrissons de moins de quinze mois, le traitement étant réservé à l’adulte et à l’enfant de plus de six ans ; qu’enfin, dans les dossiers nos 106, 107, 108 et 109, le L 52 est prescrit pour des nourrissons âgés de moins de quinze mois, alors qu’il est indiqué à titre préventif pour des enfants uniquement à partir de deux ans ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que le Dr R, a prescrit simultanément, dans sept cas, sur la même ordonnance, au moins deux spécialités ayant une action sensiblement analogue n’apportant ni synergie, ni bénéfice thérapeutique supplémentaire (dossiers nos 46, 64, 65, 101, 110 à 112) ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il résulte de l’instruction que le Dr Ra méconnu, à de nombreuses reprises, les dispositions de l’article R 5194 du code de la santé publique (modifié par le décret n° 99/486 du 11 juin 1999), en ne précisant pas la posologie et la durée du traitement (ainsi pour la prescription d’EFFERALGAN dans les dossiers nos 8, 45, 47, 56, 64, 74, 81, 82, 113 à 132, 144 à 148, 170 à 173), pour la prescription d’ASPEGIC nourrisson 100 (dossiers nos 171 et 173 à 175), pour la prescription du ZYMA D2 (dossiers nos 56, 63, 133 à 139), pour la prescription d’UVESTEROL D solution buvable (dossiers nos 73, 81, 140 à 143, 167 à 170, 172 et 173)pour la prescription de ZYMA FLUOR 0,114% (dossiers nos 56, 63 et 133 à 139), pour la prescription de FLUOREX (dossiers nos 37, 51, 55, 59, 62, 64, 140 à 166, 171, 172, 174, 175), pour la prescription de Fluorure de Calcium CRINEX (dossiers nos 8 et 177), pour la prescription d’ORELOX, de SOLUPRED, de BRONCHORECTINE et de SOFRAMYCINE pour un enfant âgé de quatre ans (dossier n° 176) ; qu’elle a, d’autre part, gravement méconnu les dispositions du même article R 5194 du code de la santé publique en ne mentionnant jamais les poids et l’âge de l’enfant sur l’ensemble des ordonnances examinées (hormis les quelques cas où le pharmacien prend l’initiative de les faire figurer lui-même sur l’ordonnance) ;

Considérant qu’en définitive, le Dr R n’a pas respecté, outre les dispositions de l’article R 5194 du code de la santé publique, les dispositions des articles 5, 8, 32, 34 voire 40 du code de déontologie médicale ;

Considérant que le Dr R ne saurait soutenir, en précisant les pathologies qui lui semblaient justifier ses prescriptions, pour chaque enfant, que les pathologies très sévères justifiaient une prescription plus massive sur un bref laps de temps, et que les mamans connaissaient parfaitement les posologies ; que si elle déclare qu’elle se conformera désormais aux recommandations du médecin-conseil, elle a néanmoins fait l’objet de deux mises en garde, dont elle n’a pas tenu compte, le 31 juillet 1998 et le 9 août 1999 ;

Considérant que les faits qui sont reprochés au Dr R sont des fautes au sens de l’article L 145-1 du code de la sécurité sociale, susceptibles de justifier l’application de l’une des sanctions énumérées à l’article L 145-2 du même code ; que ces fautes constituent des manquements contraires à l’honneur, à raison de leur gravité et de leur répétition, et ne sauraient donc bénéficier, contrairement à ce que soutiennent les premiers juges, de l’amnistie édictée par l’article 11 de la loi du 6 août 2002 ; qu’il convient donc d’annuler la décision, en date du 12 décembre 2002 par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Haute-Normandie, a prononcé un non lieu à statuer après avoir décidé l’amnistie des faits exposés dans la plainte ;

Considérant que, dans les circonstances de l’affaire, il sera fait une juste appréciation de la gravité des manquements commis par le Dr R en la condamnant à une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de deux mois dont un mois avec le bénéfice du sursis ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article R 145-28 du code de la sécurité sociale, les frais de l’instance doivent être mis à la charge du Dr R ;


PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Haute-Normandie, en date du 12 décembre 2002, concernant le Dr R, est annulée.

Article 2 : Il est infligé au Dr Françoise R la sanction d’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant deux mois. Il sera sursis pour une durée d’un mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L 145-2 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 15 de l’ordonnance susvisée du 24 avril 1996.

Article 3: L’exécution de la sanction pour la partie non assortie du sursis, prendra effet le 1er juin 2004 à 0 h et cessera de porter effet le 30 juin 2004 à minuit.

Article 4 : Les frais de la présente instance s’élevant à 106 euros seront supportés par le Dr R et devront être versés dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr Françoise R, au médecin-conseil chef de service de l’échelon local de ROUEN, à la section des assurances sociales du conseil régional de l’Ordre des médecins de Haute-Normandie, au conseil départemental de l’Ordre des médecins de Seine-Maritime, au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Haute-Normandie, au chef du service régional de l’inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles de Haute-Normandie, au ministre chargé de la sécurité sociale et au ministre chargé de l’agriculture.

Délibéré dans la même composition qu’à l’audience du 27 novembre 2003, où siégeaient M. ALLUIN, Conseiller d’Etat honoraire, président ; M. le Dr COLSON, membre titulaire, et M. le Dr WERNER, membre suppléant, nommés par le Conseil national de l’Ordre des médecins ; M. le Dr HECQUARD, membre titulaire, et Mme le Dr GUERY, membre suppléant, nommés par le ministre chargé de la sécurité sociale.

Lu en séance publique le 27 janvier 2004.

LE CONSEILLER D’ETAT HONORAIRE PRESIDENT DE LA SECTION DES ASSURANCES SOCIALES DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS

G. ALLUIN
LE SECRETAIRE DE LA
SECTION DES ASSURANCES SOCIALES
M-A. PEIFFER

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Conseil national de l'ordre des médecins, Section des assurances sociales, 27 janvier 2004, n° 3784