Conseil de prud'hommes de Paris, 18 novembre 2020, n° F19/09610

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Paris, 18 nov. 2020, n° F19/09610
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Paris
Numéro(s) : F19/09610

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE PARIS

[…]

[…]

Tél : 01.40.38.52.00

SECTION

Commerce chambre 7

LP

N° RG F 19/09610 -

N° Portalis 3521-X-B7D-JMUI4

NOTIFICATION par LR/AR du:

Délivrée au demandeur le :

au défendeur le :

COPIE EXÉCUTOIRE délivrée à :

le :

[…]

fait par :

le :

par L.R. au S.G.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

Contradictoire en premier ressort

Prononcé à l’audience du 18 novembre 2020 par Monsieur Angelo SCOPPETTUOLO, Président, assisté de Monsieur C D,

Greffier.

Débats à l’audience du 23 octobre 2020

Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré :

Monsieur Angelo SCOPPETTUOLO, Président Conseiller (S) Monsieur Richard PROFILI, Assesseur Conseiller (S)
Monsieur Frédéric DESCHAMPS, Assesseur Conseiller (E) Monsieur Jean-Pierre RIVOAL, Assesseur Conseiller (E)

Assistée lors des débats de Monsieur C D, Greffier

ENTRE
Madame Y Z née le […] Lieu de naissance : X

[…]

[…]

Représentée par Maître Fatima BELGHOMARI P244 (Avocate au barreau de PARIS) substituant Maître Pierre BEFRE A0374 (Avocat au barreau de PARIS)

DEMANDERESSE

ET

SA SNCF

[…]

[…]

Représentée par Maître Anne-Lise HOO T04 (Avocate au barreau de PARIS) substituant Maître Henri GUYOT L305 (Avocat au barreau de PARIS) Représentée par Madame Clémence CASSIGNEUL (Responsable ressources humaines) Représentée par Monsieur Anthony BANCE (Adjoint chef UNO

PARIS NORD)

DEFENDERESSE

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N° RG F 19/09610 – N° Portalis 3521-X-B7D-JMUI4

Sa rémunération mensuelle s’établit en dernier lieu à 1 780,36 euros et le contrat de travail est régi par la convention nationale de la branche dite n° 3217.

Madame Y Z a été hospitalisée et placée en arrêt-maladie en date du 30 juillet 2018 sans avoir été à la date de l’audience en mesure de reprendre son poste de

travail. Madame Y Z a saisi en date du 25 octobre 2019 le Conseil de céans afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant produire à titre principal les effets d’un licenciement nul, en raison du harcèlement qu’elle a eu à connaître, et à titre subsidiaire d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements de son employeur à ses obligations de prévention et de protection de sa santé aux travail mises à sa charge par l’article L.4121-2 du Code du travail.

En tout état de cause, Madame Y Z fait grief à son employeur de n’avoir pas exécuté avec loyauté le contrat de travail justifiant les demandes complémentaires formées à ce titre en référence.

Pour sa part, la SNCF récuse tout manquement de l’employeur à l’égard de sa salariée qui occupait un poste sensible d’agent de sécurité porteur d’une arme à feu, et qui a été confrontée à de graves problèmes de santé ayant donné lieu à un suivi médical tant par son médecin traitant que par la médecine du travail.

La SNCF précise avoir pris en compte les préconisations de la médecine de travail en l’affectant temporairement à des tâches administratives avant de lui permettre de

réintégrer son unité d’origine. Concluant au débouté de l’ensemble des demandes de sa salariée, la SNCF sollicite sa condamnation à lui verser la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code

de procédure civile.

[…]

3-1-Sur la résiliation sur contrat de travail devant produire les effets

d’un licenciement nul: La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée en justice par le salarié lorsque l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements qui lui sont reprochés présentent un caractère de gravité suffisant de nature

à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Lorsque la résiliation judiciaire est prononcée, elle est assimilée dans ses effets à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à un licenciement nul lorsqu’elle résulte

notamment d’un harcèlement moral.

Elle prend effet à la date de la décision qui la prononce si le salarié est, à cette date,

toujours au service de l’employeur. Il est constant que la résiliation judicaire du contrat de travail peut prendre les effets d’un licenciement nul en l’occurrence s’il est avéré que l’employeur est convaincu d’avoir couvert des faits de harcèlement à l’endroit d’un salarié.

Pour dire qu’elle a été confrontée à une situation de harcèlement au sein de l’entreprise que son employeur a laissée perdurer, Madame Y Z fait grief à la SNCF d’avoir divulgué dans l’entreprise des informations erronées relatives à son

< prétendu suicide » intervenu le 26 mars 2015, et verse aux débats :

- un < courrier officiel » de son conseil, daté du 17 octobre 2019 adressé au cabinet d’avocat A. P FERRE répondant aux allégations infondées de la SNCF sur sa

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N° RG F 19/09610 – N° Portalis 3521-X-B7D-JMUI4

situation sanitaire et sollicitant la communication d’un document interne dit de < fiche de sureté » mentionnant sa tentative d’acte de suicide.

Un rapport établi par ses soins s’indignant d’avoir eu à entendre des propos sexistes de l’agent OLIVIER, en l’occurrence « elles font c… les bibiches, toujours à se plaindre, les femmes sont des casse-pieds », ces propos tenus ayant été tenus alors qu’elle était en situation de fragilité psychologique. Sept fiches d’aptitude émises par la médecine du travail du 02 avril 2015 au 06 septembre 2016 après visites médicales dont la fréquence attestent des pressions par exercées par la SNCF. Madame Y Z fait grief à sa direction d’avoir instrumentalisé la médecine du travail dans le but de faire reconnaître son inaptitude à son poste de travail.

- Une déclaration du Docteur LE REST, médecin du travail, datée du 16 mars

2016 selon laquelle Madame Y Z est venue en consultation médicale de travail le 28 décembre 2015 à la demande de son chef d’établissement qui se posait des questions sur son aptitude médicale à son poste de travail alléguant : qu’elle avait été gravement affectée par les évènements du 13 novembre

2015, qu’elle attachait une place importante au jugement de ses collègues, qu’elle observait les méthodes de travail de ses collègues de manière obsessionnelle, que ses collègues remarquent des comportements variables d’isolement, qu’elle refusait de passer en première position. Une convocation au bilan d’appoint daté du 09 juin 2016 par lequel son employeur entendait lui signifier qu’elle n’était plus désirée dans son service.

Ces éléments pris dans leur ensemble, dont les éléments médicaux, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Pour sa part, la SNCF rapporte qu’en date du 26 mars 2015, le père de Madame Y Z avait alerté la gendarmerie de la situation critique de sa fille qui « allait mourir », laquelle après avoir dépêché les pompiers à son domicile alertait le Pôle de Coordination de Sûreté de la situation, la SNCF ayant été informée du transfèrement de Madame Y Z au service des « urgences de MARNE LA VALLEE ».

La SNCF ne conteste pas avoir établi une fiche dite de sûreté justifiée par les fonctions de police ferroviaire dévolues à Madame Y Z au sein du service de la Surveillance Générale (SUGE) et détentrice d’une arme à feu.

Elle indique toutefois que conformément au protocole en vigueur au sein de la SUGE, ladite fiche a été détruite, justifiant son impossibilité de la verser aux débats, et récusant le fait qu’elle ait pu avoir été diffusée dans l’entreprise.

La SNCF indique avoir sanctionné le 1er juillet 2016 l’agent OLIVIER pour avoir tenu un propos sexiste dès le signalement de la salariée en date du 15 mai 2016.

La SNCF verse aux débats des avis médicaux de la médecine du travail initiés aussi

bienpar l’employeur, par la médecine du travail, ou par la salariée, ayant ont conclu à des avis d’aptitude actualisés prenant en compte l’évolution de l’état de santé qu’a connue Madame Y Z, l’implication de la médecine du travail s’inscrivant dans le cadre d’un suivi médical d’une salariée occupant un poste sensible de surveillance avec autorisation de port d’arme dont la fragilité psychologique était reconnue.

La SNCF précise que l’affectation de Madame Y Z sur le site de PARIS NORD contrairement aux dires de la salariée qui n’en justifie pas, s’est faite en concertation avec elle, après avoir suivi les préconisations de la médecine du travail.



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Il résulte de ces éléments pris dans leur ensemble la réalité des problèmes de santé rencontrés par Madame Y Z et une relation de travail quelque peu dégradée. En revanche, la dénonciation à l’audience des agissements de la SNCF est inopérante pour caractériser un harcèlement.

En conséquence, Madame Y Z est déboutée de sa demande de résiliation judiciaire devant produire les effets d’un licenciement nul et des demandes

afférentes.

3-2- Sur les demandes au titre du manquement à l’obligation de sécurité au travail :

Vu l’article L.4121-1 du Code du travail qui dispose que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Pour dire que son employeur a manqué à ses obligations contractuelles, d’une gravité telle qu’ils justifient la résiliation du contrat de travail, Madame Y Z indique avoir été hospitalisée en date du 30 juillet 2018 en raison de la détérioration de ses conditions de travail imputable à son employeur.

Le bulletin d’hospitalisation versé aux débats n’incrimine pas les problèmes de santé rencontrés sur son lieu de travail par la salariée.

Madame Y Z rappelle son propos selon lequel la tentative de suicide qui lui a été prêtée a été divulguée à l’ensemble du personnel et qu’elle a généré des moqueries de la part de ses collègues, ce qu’elle ne démontre pas.

Elle verse aux débats le courrier que son conseil a fait parvenir à la SNCF SURETE FERROVIAIRE ainsi que le courrier en réponse du conseil de la SNCF reprenant en substance les conclusions écrites par les parties et développées à l’audience.

Madame Y A invoque les propos sexistes tenus par l’agent OLIVIER.

Il ressort de la dénonciation qu’elle en a faite à son employeur en date du 15 mai 2018 et de la sanction infligée à l’agent OLIVIER que ceux-ci ont été pris en compte quand bien même les termes qui lui sont prêtés et le degré de la sanction font débat, ladite sanction étant intervenue le 1er juillet suivant.

Madame Y A soutient que la SNCF a suscité de manière intempestive la médecine du travail à seule fin d’obtenir une décision d’inaptitude permettant de

l’éloigner de la SUGE voire de l’entreprise.

Pour ce faire, elle s’appuie sur la déclaration du Docteur LE REST déjà cité justifiée par les interrogations du responsable d’établissement quant à l’aptitude médicale à occuper son emploi.

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U



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Considérant les dispositions de l’article R.4624-34 du Code du travail qui dispose qu’ « indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche et périodiques ainsi que des visites d’information et de prévention, le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle de l’employeur, d’un examen par le médecin du travail… », il ne saurait être fait grief à la SNCF de saisir la médecine du travail dans le rôle exclusivement préventif est de supprimer les facteurs de risques au travail et, en toute indépendance, de conseiller l’employeur àfin de minimiser les conséquences du travail sur la santé des salariés dans un contexte ou Madame Y Z bénéficiait d’une surveillance médicale renforcée compte tenu de la spécificité de l’emploi qu’elle occupait au sein de la SUGE.

Par conséquent, il n’est pas établi que la SNCF ait manqué à son obligation de sécurité au travail et Madame Y Z sera déboutée de sa demande de résiliation judiciaire devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes afférentes.

3-3- Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :

L’article 1104 du Code civil dispose que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi et que cette disposition est d’ordre public..

Considérant que pour dire que son employeur a manqué d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, Madame Y Z soutient que celui-ci a divulgué une information à ses collègues sur une prétendue tentative de suicide, et que toutefois elle ne verse aucun élément permettant d’accréditer son propos.

Considérant que Madame Y Z échoue à démontrer que les visites médicales ayant conduit en 2015 à des restrictions temporaires ainsi qu’à un reclassement provisoire dans un service administratif ont été programmées abusivement.

Il sera jugé le contrat de travail a été exécuté de bonne foi par chacune des parties.

La demande ainsi formée sera jugée comme étant mal fondée.

3-4- Sur les demandes de dommages et intérêts pour préjudices moral et financier:

Les dommages et intérêts pour préjudice moral allégué par Madame Y Z ont vocation à réparer le même dommage que celui qui aurait été causé par la SNCF au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Le Conseil ayant débouté plus amont la demande à ce titre, celle formulée quant au préjudice moral sera également déboutée.

Sur la demande de préjudice financier, Madame Y Z présentée dans ses écritures un tableau avec des entrées correspondant à la rémunération brute du mois, la rémunération brute versée et le différentiel qui lui serait dû.

La méthode de calcul ne correspond pas aux montants indiqués sur les bulletins de paie, comme par exemple pour janvier 2018, juillet 2018 et janvier 2019, que la rémunération versée à la salariée l’est en net et non en brut, et qu’enfin le calcul n’inclut pas le prélèvement à la source.

Au vu de ces éléments, le Conseil déboute Madame Y Z de sa demande au titre du préjudice financier.



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3-5- Sur les demandes accessoires :

Madame Y Z succombant entièrement, elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les dépens seront mis à sa charge en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

Le Conseil déboute la SNCF de sa demande au titre de l’article 700 du Code de

procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort, prononcé le 18 novembre 2020:

DEBOUTE Madame Y Z de l’ensemble de ses demandes.

DEBOUTE la société SNCF de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE Madame Y Z aux entiers dépens.

LE PRÉSIDENT, LE GREFFIER,

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Angelo SCOPPETTUOLO L

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EXPÉDITION B C D

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CONFORME POUR NOTIFICATION

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Le directeur des services de greffe 2020-004

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