Tribunal administratif de Bastia, 1er mars 2018, n° 1600452

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Chronologie de l’affaire

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blog.landot-avocats.net · 2 mars 2018

Si la complexité des procédures d'élaboration des documents d'urbanisme est telle qu'elle doit faire l'objet d'une vigilance particulière, il n'en demeure pas moins que les questions de fond sont tout aussi importantes. Notamment, le classement du territoire opéré par un document d'urbanisme doit correspondre à la réalité du terrain ; si l'écart est trop important entre les deux, le document sera entaché d'erreur manifeste d'appréciation, donc frappé d'illégalité. C'est l'expérience que vient de vivre l'assemblée de Corse à propos de son Plan d'aménagement et de développement durable …

 

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Par Maître Lou DELDIQUE, Avocat Associé GREEN LAW AVOCATS (06 83 05 11 06 ; lou.deldique@green-law-avocat.fr) Adoptée en 1986, et aujourd'hui codifiée aux articles L. 121-1 et suivants du Code de l'urbanisme, la Loi Littoral est un corps de règles qui s'appliquent dans les communes littorales pour les protéger de l'urbanisation. Plusieurs restrictions aux possibilités de construire résultent de ce texte, qui est opposable aux documents d'urbanisme et aux autorisations individuelles d'occupation du sol, même en cas d'incompatibilité du document d'urbanisme avec la loi Littoral. Ces …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Bastia, 1er mars 2018, n° 1600452
Juridiction : Tribunal administratif de Bastia
Numéro : 1600452

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE BASTIA

N° 1600452 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

COMMUNE DE PERI

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme X Y

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Bastia

(formation plénière) M. Z A

Rapporteur public

___________

Audience du 1er février 2018 Lecture du 1er mars 2018 _________ 44-006-05-04 68-001-01-02-06 68-001-01-035 C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 avril 2016, 26 décembre 2017 et 25 janvier 2018, la commune de Peri, représentée par Me Vaillant, demande au tribunal :

1°) d’annuler la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l’assemblée de Corse a approuvé le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

2°) de mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l’enquête publique a été irrégulière : l’avis d’enquête ne comportait pas toutes les mentions prescrites par les articles R. 123-9 et R. 123-11 du code de l’environnement ; le dossier soumis à enquête n’a pas été adressé à l’ensemble des maires de Corse, en méconnaissance de l’article R. 123-12 du code de l’environnement ; le dossier soumis à enquête était irrégulièrement composé, dès lors qu’il ne comportait ni l’avis du préfet de Corse émis le 17 mars 2015 sur le projet, en méconnaissance de l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales et de l’article R. 123-8 du code de l’environnement, ni les avis des personnes publiques associées à l’élaboration du projet mentionnées à l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales ; les cartes des espaces stratégiques agricoles, telles qu’elles étaient soumises à



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l’enquête en juin 2015 diffèrent sensiblement des cartes des ESA telles qu’annexées au PADDUC ;

- les modifications apportées au projet postérieurement à l’enquête publique ne procèdent ni de l’enquête, ni des personnes publiques associées : plusieurs dizaines d’amendements de conseillers régionaux ont ainsi été adoptés et de nouveaux ESA ont été délimités ;

- les personnes publiques visées au 3ème alinéa de l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été réellement associées à l’élaboration du projet en méconnaissance de cet article ;

- le PADDUC méconnaît les principes de libre administration des collectivités territoriales, de non-tutelle d’une collectivité sur une autre et de compatibilité entre les documents d’urbanisme, dès lors qu’il fixe des prescriptions et des obligations au lieu de simples orientations, en méconnaissance de l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales ;

- le PADDUC méconnaît le principe d’équilibre visé à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, dès lors qu’il rend inconstructible 98 % du territoire régional et rend très difficile l’urbanisation des 2 % restants ;

- l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales a été méconnu, dès lors que la surface des espaces stratégiques n’est pas limitée ;

- la délimitation des ESA est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, dès lors que de nombreux terrains situés sur son territoire ont été classés en ESA alors qu’ils sont artificialisés et urbanisés ; leur cartographie a été établie à partir de données trop anciennes ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 mai 2017 et 26 janvier 2018, la collectivité de Corse venant aux droits de la collectivité territoriale de Corse, représentée par Me Cloix, de la SELARL Cloix & Mendel-Gil, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Peri au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun moyen de la requête n’est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l’urbanisme ;

- le code de l’environnement ;

- la loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X Y, premier conseiller,

- les conclusions de M. Z A, rapporteur public,

- et les observations de Me Ribière, substituant Me Vaillant, pour la commune de Peri ainsi que celles de Me Cloix et Me Vaysse, pour la collectivité territoriale de Corse.



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1. Considérant que la commune de Peri demande l’annulation de la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l’assemblée de Corse a approuvé le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

S’agissant de l’association des personnes publiques à l’élaboration du projet :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales : « I.-Le projet de plan d’aménagement et de développement durable de Corse est élaboré par le conseil exécutif. / La stratégie et les orientations envisagées, notamment en application de l’article L. 4424-11, font l’objet d’un débat, préalable à cette élaboration, au sein de l’Assemblée de Corse. / Sont associés à l’élaboration du projet de plan le représentant de l’Etat dans la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements à fiscalité propre, ainsi que les établissements publics mentionnés à l’article L. 122-4 du code de l’urbanisme, les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et le centre régional de la propriété forestière. Des organisations professionnelles peuvent également être associées, dans les mêmes conditions, à son élaboration. L’Assemblée de Corse peut décider de consulter toute autre organisation sur le projet de plan. / Si un organisme mentionné à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation en fait la demande, le président de l’Assemblée de Corse lui notifie le projet de plan afin de recueillir son avis. Cet avis est réputé favorable s’il n’a pas été rendu par écrit dans un délai de deux mois. /(…) II.-Des délibérations de l’Assemblée de Corse précisent la procédure d’élaboration prévue au présent article »

3. Considérant que, par deux délibérations des 26 juillet 2012 et 24 avril 2014, l’assemblée de Corse a défini les modalités d’association des personnes publiques au projet de PADDUC ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire applicable n’imposait que ces délibérations soient notifiées aux personnes mentionnées à l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales ; qu’il ressort des pièces du dossier que, dans une première phase visant à élaborer le projet d’aménagement et de développement durable (PADD), un questionnaire a été adressé à l’ensemble des maires et conseillers départementaux, des groupes référents locaux comprenant des élus ont été organisés et cinq ateliers transversaux se sont déroulés de mars à juillet 2013 sur les grandes orientations structurant le projet, six réunions de travail ont été organisées avec les maires, conseillers départementaux et élus des deux communautés d’agglomération en juin et juillet 2013 et deux groupes de travail spécifiquement dédiés aux modalités d’application des loi littoral et montagne et regroupant des élus se sont réunis à plusieurs reprises ; que, dans une seconde phase visant à élaborer le schéma d’aménagement du territoire (SAT), les représentants des deux conseils départementaux, les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et le centre régional de la propriété forestière ont participé aux comités de pilotage des travaux d’élaboration des différents composantes du PADDUC, notamment le schéma régional de cohérence écologique (SRCE), le schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), le schéma régional des infrastructures de transports (SRIT), le schéma d’orientations pour le développement touristique (SODT) et les documents relatifs aux espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du territoire (ERC) ; qu’en outre, un courrier a été adressé aux maires de l’ensemble des communes de Corse les invitant à transmettre leurs observations aux groupes de travail chargés de l’élaboration des différents documents constitutifs



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du SAT et que de nombreuses réunions avec les maires et les présidents d’établissement publics de coopération intercommunale se sont tenues de février à mars 2015, avant l’enquête publique ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Peri n’est pas fondée à soutenir que les personnes publiques visées au 3ème alinéa précité de l’article L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales n’ont pas été associées à l’élaboration du projet de PADDUC ;

S’agissant de la régularité de l’enquête publique :

5. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-11 du code de l’environnement : « I. – Un avis portant les indications mentionnées à l’article R. 123-9 à la connaissance du public est publié en caractères apparents quinze jours au moins avant le début de l’enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 123-9 du même code : « L’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l’ouverture de l’enquête et après concertation avec le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête : / (…) 3° Le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission d’enquête, et de leurs suppléants ; / 4° Les lieux, ainsi que les jours et heures où le public pourra consulter le dossier d’enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ; en cas de pluralité de lieux d’enquête, l’arrêté désigne parmi eux le siège de l’enquête, où toute correspondance relative à l’enquête peut être adressée au commissaire enquêteur ou à la commission d’enquête ; / 5° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ; / 6° Le cas échéant, la date et le lieu des réunions d’information et d’échange envisagées (…) » ;

6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Peri, l’avis d’enquête publique paru dans la presse locale comportait bien toutes les mentions requises par les dispositions précitées de l’article R. 123-9 du code de l’environnement, notamment le nom des membres de la commission d’enquête, les lieux, jours et heures où le public pouvait consulter le dossier d’enquête ainsi que les modalités lui permettant de présenter des observations ; que la collectivité territoriale de Corse justifie, en outre, de la publication de cet avis en caractères apparents dans deux journaux locaux diffusés en Corse, conformément aux dispositions précitées de l’article R. 123-11 du code de l’environnement, d’une part dans l’hebdomadaire Informateur Corse Nouvelle du 17 au 22 avril 2015 et du 8 au 14 mai 2015 et d’autre part dans le quotidien Corse Matin des 18 avril et 7 mai 2015 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-12 du code de l’environnement alors en vigueur : « Un exemplaire du dossier soumis à enquête est adressé pour information, dès l’ouverture de l’enquête, au maire de chaque commune sur le territoire de laquelle le projet est situé et dont la mairie n’a pas été désignée comme lieu d’enquête. / Cette formalité est réputée satisfaite lorsque les conseils municipaux concernés ont été consultés en application des réglementations particulières, ou lorsque est communiquée à la commune l’adresse du site internet où l’intégralité du dossier soumis à enquête peut être téléchargé. Un exemplaire du dossier est adressé à chaque commune qui en fait la demande expresse » ;

8. Considérant que si la commune de Peri soutient que le dossier d’enquête publique n’a pas été adressé à l’ensemble des maires de Corse, il ressort des pièces du dossier que, par courriers recommandés avec accusé de réception en date du 16 avril 2015 le président du conseil



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exécutif a communiqué à l’ensemble des maires l’adresse du site internet sur lequel l’intégralité du dossier soumis à l’enquête pouvait être téléchargé ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement : « Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / (…) 4° Lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l’ouverture de l’enquête, les avis émis sur le projet de plan, ou programme ; (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 4424-13 du code général des collectivité territoriales : « (…) Le projet de plan arrêté par le conseil exécutif et, le cas échéant, les projets de délibérations prévues à l’article L. 4424-12 du présent code sont soumis pour avis à l’autorité de l’Etat compétente en matière d’environnement, au conseil économique, social et culturel de Corse ainsi qu’au conseil des sites de Corse. Ces avis sont réputés émis et, en ce qui concerne les conseils, favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai de trois mois. Eventuellement modifiés pour tenir compte des avis recueillis, ces projets sont délibérés par l’Assemblée de Corse puis, assortis desdits avis, soumis à enquête publique par le président du conseil exécutif dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. / (…) » ;

10. Considérant que la commune de Peri fait valoir que ni l’avis émis par le préfet de Corse le 17 mars 2015 sur le projet de PADDUC, ni les avis émis par les personnes publiques visées au 3ème alinéa de l’article L. 4424-13 précité du code général des collectivités territoriales n’étaient joints au dossier soumis à enquête publique ; qu’il ressort toutefois des dispositions combinées des articles R. 123-8 du code de l’environnement et L. 4424-13 du code général des collectivités territoriales précités que seuls les avis de l’autorité de l’Etat compétente en matière d’environnement, du conseil économique, social et culturel de Corse et du conseil des sites de Corse émis sur le projet de plan arrêté par le conseil exécutif devaient obligatoirement être joints au dossier soumis à enquête ; qu’il n’est pas contesté que ces avis figuraient bien au dossier ; qu’aucune autre disposition législative ou règlementaire n’imposait de joindre au dossier d’autres avis recueillis au cours de la procédure d’élaboration du PADDUC ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

11. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que l’enquête publique a eu lieu du 4 mai au 3 juillet 2015 ; qu’il est constant que, pendant la durée de l’enquête publique, deux jeux de cartes des espaces stratégiques agricoles à 1/50 000 ont été successivement mis à disposition du public, l’un du 4 au 27 mai 2015 comportant une extension maximale des espaces stratégique agricoles, correspondant à la localisation des espaces stratégiques agricoles telle qu’envisagée à ce stade par la collectivité territoriale de Corse, le second à partir du 28 mai 2015 et jusqu’à la fin de l’enquête, comportant une extension réduite ; qu’il n’est pas plus contesté que la présence au dossier de la carte dans son deuxième état résulte d’une erreur de l’autorité organisatrice de l’enquête qui n’a jamais été corrigée ; qu’ainsi, toutes les personnes qui ont participé à l’enquête publique entre le 28 mai et le 3 juillet ont trouvé au dossier de l’enquête publique une carte des espaces stratégiques agricoles erronée ; que cette erreur, qui portait sur un des points principaux du PADDUC pour une surface que la collectivité de Corse évalue elle-même à 10 %, soit environ 10 000 hectares d’espaces stratégique agricoles, n’a pas permis à ces personnes d’apprécier exactement les enjeux et impacts du projet en litige et les a privé d’une garantie ; qu’il suit de là que la commune de Peri est fondée à demander l’annulation de la délibération du 2 octobre 2015 en tant qu’elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles ;

S’agissant des modifications postérieures à l’enquête publique :



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12. Considérant d’une part que si la commune de Peri soutient que plusieurs dizaines d’amendements ont été apportés au projet de PADDUC après l’enquête publique alors qu’ils ne procèdent ni de l’enquête publique, ni des observations des personnes publiques associées, elle n’apporte aucun élément à l’appui de ses allégations permettant d’en apprécier le bien-fondé ;

13. Considérant, d’autre part, que si la commune de Peri soutient que les personnes publiques visées au 3ème alinéa de l’article L. 4424-13 précité du code général des collectivités territoriales, n’ont jamais été consultées sur les documents finalement adoptés, aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit de nouvelle consultation après l’adoption des documents définitifs par l’assemblée de Corse ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S’agissant du moyen tiré de la méconnaissance des principes de libre administration des collectivités territoriales, de non tutelle d’une collectivité sur une autre et de compatibilité entre les documents d’urbanisme :

14. Considérant qu’aux termes du I de l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales issu de la loi du 5 décembre 2011 susvisée : « I.-La collectivité territoriale de Corse élabore le plan d’aménagement et de développement durable de Corse. / Le plan définit une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de la préservation de l’environnement de l’île et de son développement économique, social, culturel et touristique, qui garantit l’équilibre territorial et respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l’urbanisme. / Il fixe les orientations fondamentales en matière de protection et de mise en valeur du territoire, de développement agricole, rural et forestier, de pêche et d’aquaculture, d’habitat, de transports, d’intermodalité d’infrastructures et de réseaux de communication et de développement touristique. / Il définit les principes de l’aménagement de l’espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l’implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives / La destination générale des différentes parties du territoire de l’île fait l’objet d’une carte, dont l’échelle est déterminée par délibération de l’Assemblée de Corse dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l’article L. 4424-10 et au II de l’article L. 4424-11 (…) » ; que l’article L.4424-11 du même code dispose : « I.-Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales, des articles L. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme sur les zones de montagne et des articles L. 146-1 et suivants du même code sur les zones littorales. / Les dispositions du plan qui précisent ces modalités sont applicables aux personnes et opérations qui sont mentionnées, respectivement, aux articles L. 145-2 et L. 146-1 dudit code.

/ II.-Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l’occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l’objet et l’échelle sont déterminés par délibération de l’Assemblée de Corse. / En l’absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d’urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d’autorisation prévues au code de l’urbanisme » ; que



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ces dispositions habilitent la collectivité territoriale de Corse à définir une stratégie ainsi que des objectifs, des orientations et des principes d’aménagement au sein des différents espaces qu’elle définit ; qu’en particulier, le PADDUC peut préciser les modalités d’application des dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral ; que ces dispositions confient par ailleurs à l’Assemblée de Corse le soin de déterminer l’échelle de la carte de destination générale des différentes parties du territoire et la carte des espaces géographiques limités présentant un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement ;

15. Considérant qu’en l’espèce, l’échelle de 1/100 000 choisie pour la carte de destination générale des différentes parties du territoire est suffisamment précise pour avoir une portée utile sans toutefois permettre une identification des différentes parcelles ; qu’il en va de même de l’échelle de 1/50 000 de la carte des espaces stratégiques agricoles dès lors que le mode de représentation graphique de ces espaces par aplats de couleur sans contour n’autorise pas une identification des parcelles ; que le choix de ces échelles ne méconnaît ni le principe de libre administration des collectivités territoriales ni le principe d’interdiction de toute tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ;

16. Considérant qu’en application du II de l’article L. 4424-11 du code général des collectivité territoriales de Corse, les dispositions du PADDUC relatives aux espaces stratégiques agricoles sont opposables aux tiers en l’absence de document local d’urbanisme dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d’autorisation prévues au code de l’urbanisme ; qu’il appartiendra aux communes et leurs groupements de délimiter ces espaces dans leurs plans locaux d’urbanisme dans un rapport de compatibilité en tenant compte, d’une part, du principe de solidarité et de la ventilation par commune des espaces stratégiques agricoles, d’autre part, des emprises manifestement artificialisées, des secteurs constructibles des documents d’urbanisme en vigueur et des besoins justifiés d’urbanisation et d’équipements ; qu’il appartiendra également aux documents d’urbanisme de délimiter, dans le même rapport de compatibilité, les espaces ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle ;

17. Considérant qu’il résulte ce qui précède que, compte tenu de la marge d’appréciation ainsi laissée aux communes et à leurs groupements, la délibération attaquée, qui tient compte en même temps des objectifs posés par le législateur rappelés au point 14 et des droits des autres collectivités locales, ne méconnait pas non plus le principe de libre administration des collectivités territoriales ou le principe d’interdiction de toute tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre ;

S’agissant du moyen tiré de ce que le PADDUC aurait illégalement ajouté à la loi :

18. Considérant qu’en vertu du I. de l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, le PADDUC peut préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales du chapitre 2 du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme sur les zones de montagne ; qu’en application de ces dispositions, le PADDUC, approuvé par la délibération attaquée, définit, d’une part, les critères et indicateurs permettant d’identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse, d’autre part, une liste de critères et indicateurs permettant d’apprécier si une zone dans laquelle se trouvent des constructions présente un caractère urbanisé tel qu’elle est susceptible d’être densifiée et donc « urbanisable » ; que le PADDUC définit également les caractéristiques du hameau corse et énonce les conditions de réalisation d’un hameau nouveau intégré à l’environnement ; que le PADDUC pose pour principe qu’un document d’urbanisme qui entend étendre l’urbanisation doit au préalable identifier distinctement ces entités urbaines qui doivent explicitement apparaître dans les documents d’urbanisme ; que ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec



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les dispositions du code de l’urbanisme particulières à la montagne ; que, s’agissant des règles applicables aux espaces proches du rivage, le PADDUC, après avoir souligné que tout projet d’extension limitée de l’urbanisation doit être prévu, justifié et motivé dans un document d’urbanisme local, énonce les critères et indices déterminants permettant d’apprécier le caractère limité de l’extension ainsi que les modalités de mise en œuvre du principe d’extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage ; que ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme alors en vigueur ; que le PADDUC n’admet les constructions et installations dans la bande littorale des cent mètres qu’à l’intérieur des espaces urbanisés inclus dans l’enveloppe urbaine d’un village ou d’une agglomération ; qu’il formule en outre quatre critères, à appliquer cumulativement, pour déterminer le caractère urbanisable d’une parcelle ou d’une unité foncière située dans la bande des 100 mètres : « 1. Elle doit être incluse dans un espace urbanisé, lui-même contenu dans l’enveloppe urbaine d’un village ou d’une agglomération ; 2. Elle doit être située en continuité immédiate avec des parcelles bâties ; 3. Elle doit être de taille limitée : 4. Ses caractéristiques topographiques ne doivent pas conduire à porter atteinte au paysage » ; que ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du III de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme alors en vigueur ; qu’enfin, le PADDUC précise que l’extension de l’urbanisation dans les zones littorales doit présenter un caractère limité et se réaliser en continuité avec les villages existants ou en hameau nouveau intégré à l’environnement et ajoute qu’il s’agit, avant de projeter une extension, de rechercher du foncier libre en profondeur, à l’arrière de l’urbanisation existante et prioritairement de façon perpendiculaire au littoral ; qu’en outre le PADDUC définit, d’une part, les critères et indicateurs permettant d’identifier et de délimiter les agglomérations et villages en Corse, d’autre part, une liste de critères et indicateurs permettant d’apprécier si une zone dans laquelle se trouvent des constructions présente un caractère urbanisé tel qu’elle est susceptible d’être densifiée et donc « urbanisable » ; que le PADDUC définit également les caractéristiques du hameau corse et énonce les conditions de réalisation d’un hameau nouveau intégré à l’environnement ; que ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l’urbanisme particulières au littoral ;

19. Considérant par ailleurs que, contrairement à ce que soutient la commune de Peri, le PADDUC n’impose pas mais suggère seulement aux communes ou à leurs groupements la rédaction d’un document d’objectif agricole et sylvicole (DOCOBAS) avant la mise en conformité de leur document d’urbanisme ;

20. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait illégalement ajouté à la loi ne peut qu’être écarté ;

S’agissant du moyen tiré de la méconnaissance du principe d’équilibre :

21. Considérant que la commune de Peri soutient que le PADDUC méconnaît l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme au motif qu’il rendrait inconstructible 98 % du territoire régional et rendrait l’urbanisation des 2 % restants si difficile que celle-ci serait en pratique presque impossible ;

22. Considérant qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur : « Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : / 1° L’équilibre entre :/ a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / b) L’utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux



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activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; / d) Les besoins en matière de mobilité./ 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère, notamment des entrées de ville ;/ 2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l’habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat, d’activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d’intérêt général ainsi que d’équipements publics et d’équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d’amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements motorisés et de développement des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile (…) » ;

23. Considérant, en premier lieu, que le principe d’équilibre défini à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme précité doit être apprécié au regard de la situation particulière de la Corse ; qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier que sur 360 communes, 262 sont régies par les règles spécifiques à l’aménagement et la protection de la montagne, 27 sont régies par les règles spécifiques à l’aménagement et la protection du littoral et 71 sont régies conjointement par ces deux types de règles ; qu’ainsi, en application de ces règles spécifiques, l’extension de l’urbanisation en dehors des espaces urbanisés de la quasi totalité des communes corses est déjà limitée ;

24. Considérant, en second lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment du livret III « Schéma d’aménagement territorial », que si le PADDUC a fait le choix de privilégier les activités agricoles et sylvicoles, notamment grâce aux ESA, aux espaces ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle et aux espaces naturels, sylvicoles et pastoraux, il a également prévu de renforcer les espaces urbanisés existants pour lutter contre l’étalement urbain, la création de logements, la constitution des réserves foncières, l’identification d’espaces stratégiques destinés à accueillir des plateformes d’activité productive et de logistique à dimension économique et industrielle ;

25. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’équilibre doit être écarté ;

S’agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales :

26. Considérant que la commune de Peri soutient que le PADDUC méconnaît le II de l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, aux motifs que les espaces stratégiques agricoles, les espaces remarquables et les espaces stratégiques environnementaux, qui représentent 20 % du territoire de la Corse, ne présentent pas un caractère limité ;

27. Considérant qu’aux termes du II de l’article L. 4424-11 du code général des collectivité territoriales : « Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l’occupation du sol propres auxdits espaces, assorties, le cas échéant, de documents cartographiques dont l’objet et l’échelle sont déterminés par délibération de l’Assemblée de Corse. / En l’absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d’urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant



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lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d’autorisation prévues au code de l’urbanisme » ;

28. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, seuls les espaces stratégiques agricoles et les espaces stratégiques environnementaux relèvent du II de l’article L. 4424-11 précité du code général des collectivité territoriales ; qu’en outre, si le PADDUC détermine la surface des espaces stratégiques agricoles, à hauteur de 105 119 hectares, soit 12 % du territoire de l’île, il ne le fait pas pour les espaces stratégiques environnementaux ; qu’ainsi, la commune de Peri n’est pas fondée à soutenir que les espaces stratégiques ne présentent pas un caractère limité ;

S’agissant du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dans la définition du périmètre des ESA :

29. Considérant que la commune de Peri soutient que la définition du périmètre des ESA est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, aux motifs que le PADDUC a classé en ESA 27 hectares de terrains sur son territoire alors qu’il s’agit de terrains artificialisés et a omis d’en classer d’autres qui présentent de fortes potentialités agricoles ;

30. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le secteur de la plaine de Peri présente de nombreuses habitations, équipements publics et commerces ; que les photographies aériennes révèlent que ces terrains sont manifestement artificialisés et bâtis alors que nombre d’entre eux sont intégrés dans le périmètre d’un espace stratégique agricole ; que, par suite, la commune de Peri est fondée à soutenir que la délibération litigieuse est entachée d’erreur manifeste d’appréciation en tant qu’elle a défini le périmètre des ESA dans le secteur de la plaine de Peri sur le territoire de la commune requérante ; que, s’agissant des autres secteurs de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des documents cadastraux et photographiques produits, que leur classement en ESA serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation ;

31. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 par laquelle l’assemblée de Corse a approuvé le PADDUC ne doit être annulée qu’en tant qu’elle arrête la carte des ESA et classe en ESA le secteur de la plaine de Peri ;

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de la commune de Peri, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la collectivité de Corse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la collectivité de Corse la somme que la commune de Peri demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 est annulée en tant qu’elle arrête la carte des espaces stratégiques agricoles et classe en ESA le secteur de la plaine de Peri.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.



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Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Peri et à la collectivité de Corse.

Délibéré après l’audience du 1er février 2018 à laquelle siégeaient :

M. D-E F, président, M. Pierre Monnier, vice-président, Mme Christine Castany, premier conseiller, Mme X Y, premier conseiller. M. François Goursaud, conseiller.

Lu en audience publique le 1er mars 2018.

Le rapporteur,

Le président,

Signé Signé

B. Y J.-P. F

Le greffier,

Signé

[…]

La République mande et ordonne au préfet de Corse, préfet de la Corse du Sud en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, Le greffier en chef,

Signé

S. B-C

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Tribunal administratif de Bastia, 1er mars 2018, n° 1600452