Tribunal administratif de Caen, 19 décembre 2023, n° 2303148

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 19 déc. 2023, n° 2303148
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2303148
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 21 décembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 5 et 15 décembre 2023, M. C B, représenté par la SELARL Cabinet Michelet, demande au juge des référés :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté n° 253-23 du maire de Deauville du 12 avril 2023 portant réglementation de la circulation des véhicules hippomobiles sur la commune de Deauville ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Deauville une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l’urgence :

— il n’a plus la possibilité d’exercer son activité professionnelle de cocher et il est privé des revenus de cette activité, alors qu’il doit continuer à nourrir et soigner ses deux chevaux ;

— alors que le chiffre d’affaires de l’ensemble de ses activités était de 74 296 euros en 2022 dont 20 849 euros pour la calèche de Deauville, il ne sera que de 50 659 euros en 2023 dont 6 935 euros pour la calèche de Deauville ;

— l’arrêté attaqué lui interdit de réaliser le chiffre d’affaires prévu pour la période des fêtes de fin d’année.

Sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué :

— il est quatrième vice-président et s’est opposé, en sa qualité de maire de Saint-Arnoult, à la fermeture de l’école de musique ; l’arrêté attaqué, qui est intervenu dans ce contexte particulier et médiatisé, n’est en réalité destiné qu’à l’empêcher d’exercer son activité de cocher professionnel ; dès lors, cet arrêté est entaché d’un détournement de pouvoir ;

— la calèche qu’il conduit, qui est la seule à circuler à Deauville, est équipée d’un dispositif évitant aux déjections de tomber sur la voie publique ; dès lors, la mesure de police administrative contenue dans l’arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à la liberté du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2023, la commune de Deauville, représentée par la SCP Sur Mauvenu et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la baisse de revenus dont fait état le requérant ne constitue pas une situation d’urgence de nature à justifier la suspension d’un arrêté municipal d’intérêt général ;

— le requérant exerce plusieurs activités, dont la plus importante est l’exploitation d’un minigolf à Trouville-sur-Mer ;

— l’activité de calèche représentait en 2022 moins du tiers de son revenu global ;

— c’est en réalité la suspension du contrat avec la Société des hôtels et casinos de Deauville (SHCD) qui est la cause directe de la baisse des revenus et non l’arrêté en litige ;

— les factures produites par le requérant concernent sept chevaux, dont deux seulement étaient affectés à la calèche de Deauville ;

— dès lors, l’urgence n’est pas démontrée ;

— la fermeture de l’école de musique de Trouville-sur-Mer est une décision collégiale solidement motivée, et non une « affaire » personnelle entre le requérant, maire de Saint-Arnoult et quatrième vice-président de la communauté de communes Cœur Côte Fleurie, et le maire de Deauville ;

— ce sont des motifs d’intérêt général liés notamment à la protection des ouvrages de la voirie en assurant la coexistence de tous les moyens d’utilisation de ces voies, qui sont à l’origine de l’arrêté en litige ;

— cet arrêté répond à l’objectif d’assurer le nettoyage, la sûreté et la commodité de passage dans les voies concernées de Deauville, qui sont des axes très fréquentés, le boulevard Cornuché, le quai de la Marine, le quai des Yachts et les voies de la zone touristique internationale, pendant les périodes d’afflux des touristes et visiteurs, ou résidents secondaires ;

— les véhicules hippomobiles, tels que la calèche du requérant, sont de dimensions imposantes et circulent lentement, pouvant créer des encombrements dans des voies où la circulation et le stationnement sont importants ;

— des rappels ont été adressés au requérant à la suite de la constatation du non-respect de règles de sécurité et de dégradations causées par la circulation de la calèche ;

— c’est uniquement dans le but d’assurer la sécurité, la salubrité, le bon ordre et la commodité de passage sur les voies publiques de la commune de Deauville, notamment dans la zone touristique internationale et trois autres voies, que l’arrêté attaqué a été pris ;

— cet arrêté respecte le principe de proportionnalité, la mesure d’interdiction de la circulation et du stationnement des véhicules hippomobiles étant doublement limitée, dans l’espace et dans le temps ; les périodes choisies l’ont été en fonction des données de fréquentation.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 9 juin 2023 sous le n° 2301459 par laquelle le requérant demande l’annulation de l’arrêté n° 253-23 du maire de Deauville du 12 avril 2023 portant réglementation de la circulation des véhicules hippomobiles sur la commune de Deauville.

Vu le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme d’Olif, greffière d’audience, M. A a lu son rapport et entendu les observations :

— de Me Baloup, représentant le requérant, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Il précise que l’arrêté attaqué prévoit une mesure définitive et non temporaire ; les voies choisies ont pour effet de lui interdire l’accès à l’hôtel Le Normandy ;

— et les observations de Me Sur-Le Liboux, représentant la commune de Deauville, qui conclut aux mêmes fins que le mémoire en défense, par les mêmes moyens. Elle précise que le motif principal de l’arrêté tient aux contraintes de circulation.

La clôture de l’instruction est intervenue à l’issue de l’audience en application du premier alinéa de l’article R. 522-8 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions aux fins de suspension :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l’urgence s’appréciant objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l’argumentation des parties, l’ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d’urgence.

3. Pour justifier de l’urgence à suspendre l’exécution de l’arrêté en litige, le requérant fait valoir qu’il n’a plus la possibilité d’exercer son activité professionnelle de cocher et qu’il est privé des revenus de cette activité, alors qu’il doit continuer à nourrir et soigner ses chevaux. M. B précise que le chiffre d’affaires de l’ensemble de ses activités, qui était de 74 296 euros en 2022 dont 20 849 euros pour la calèche, ne sera que de 50 659 euros en 2023 dont 6 935 euros pour la calèche. Ainsi, le chiffre d’affaires relatif à l’activité de calèche représentait en 2022 moins de 30 % du chiffre d’affaires global provenant des différentes activités exercées par M. B. Les comptes annuels de l’année 2023 versés au dossier ne font pas apparaître de dettes financières à long terme. Par ailleurs, en se bornant à produire une déclaration des opérations sur valeurs mobilières au titre de l’année 2022, le requérant ne donne pas suffisamment d’informations concernant sa situation patrimoniale personnelle, qui permettraient de se prononcer sur les difficultés financières éventuelles résultant de l’arrêté en litige. Compte tenu de ces éléments, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, ne peut pas être considérée comme remplie.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la condition tenant à l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué, que les conclusions aux fins de suspension de la requête de M. B doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Deauville, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du requérant la somme que demande la commune de Deauville au titre des frais de même nature.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La demande présentée par la commune de Deauville sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C B et à la commune de Deauville.

Fait à Caen, le 19 décembre 2023.

Le juge des référés,

Signé

F. A

La République mande et ordonne au préfet du Calvados, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

la greffière,

C. Bénis

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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