Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 6 novembre 2018, n° 1506515

  • Passavant·
  • Marches·
  • Sociétés·
  • Usine·
  • Maîtrise d’ouvrage·
  • Eau usée·
  • Pouvoir adjudicateur·
  • Résiliation·
  • Appel d'offres·
  • Attribution

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.taylorwessing.com · 10 mars 2020

Impartialité de la procédure de passation d'un contrat de la commande publique : attention aux transferts d'agents entre le secteur public et le secteur privé ! Sommaire Récemment, le tribunal administratif de Cergy Pontoise a annulé un marché public pour méconnaissance du principe d'impartialité en raison de la situation de conflit d'intérêts dans laquelle était une des personnes ayant participé à la procédure (TA de Cergy-Pontoise, 6 novembre 2018, n°1506515).Les nombreux transferts d'agents du secteur privé au secteur public peuvent porter atteinte au principe d'impartialité et …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 6 nov. 2018, n° 1506515
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 1506515
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 16 juillet 2015

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

lv DE CERGY PONTOISE

N°1506515

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Société PASSAVANT IMPIANTI et autres

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M…

Rapporteur

___________

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise Mme…

Rapporteur public

___________

Audience du 16 octobre 2018 Lecture du 6 novembre 2018 ___________

Code PCJA : 39-02-005 Code de publication : C+

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 17 juillet 2015, le vice-président du tribunal administratif de Paris a renvoyé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la requête de la société Passavant Impianti et autres.

Par une requête et dix mémoires, enregistrés les 21 juin 2015, 20 juin 2016, 12 juillet 2016, 19 avril 2018, 19 avril 2018, 23 mai 2018, 28 juin 2018, 28 juin 2018, 12 juillet 2018, 10 octobre 2018 et 10 octobre 2018, la SpA Passavant Impianti, la SpA Tecnimont Civil Construction, la SA G.L.S., la Srl A B, le cabinet E F et la SARL C D, représentés par Mes Vital-X et Y puis par Me Sorin, demandent au tribunal :

1°) de prononcer l’annulation ou, subsidiairement, la résiliation du marché public de conception-réalisation attribué par le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) au groupement d’entreprises composé des sociétés Stereau, OTV, Bouygues TP, HB Architectes et Razel Bec pour la refonte de l’usine de prétraitement des eaux usées de Clichy ;

2°) de mettre à la charge du SIAAP le versement à chaque société composant le groupement Passavant de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



N°1506515 2 Ils soutiennent que :

- contrairement à ce qu’imposent les articles 24 et 69 du code des marchés publics, aucun véritable jury de concours n’a été mis en place pour la passation du marché ;

- l’appel d’offres initial a été déclaré infructueux dans des conditions qui ne permettaient pas sa réussite ;

- la passation du marché est affectée d’une rupture d’égalité entre les candidats et a méconnu le principe d’impartialité ; le mandataire du groupement titulaire du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, qui a exercé une influence déterminante sur la définition par le pouvoir adjudicateur de ses besoins et sur la procédure de passation du marché, possède des liens passés et actuels avec les membres du groupement attributaire ; lors de l’appel d’offres initial, le pouvoir adjudicateur n’a pas accordé au groupement dont ils sont membres un délai suffisant pour justifier du prix de son offre et n’a pu analyser de manière sérieuse la justification apportée ; le pouvoir adjudicateur s’est efforcé, lors de la négociation, de réduire l’écart entre les crédits budgétaires alloués au marché et le prix proposé par le groupement attributaire afin de ne pas être tenu d’écarter l’offre de ce dernier comme inacceptable ; le groupement attributaire a pu, contrairement au groupement dont ils sont membres, apporter des modifications aux documents de la consultation et ont été avertis avant eux du contenu des études préalables ;

- l’offre finale du groupement attributaire aurait dû être écartée comme inacceptable ;

- l’appréciation des mérites respectifs des offres finales du groupement Passavant et du groupement attributaire est entachée d’erreurs ;

- le signataire du marché était incompétent.

Par six mémoires en défense, enregistrés les 16 février 2016, 11 juillet 2016, 19 avril 2018, 4 juillet 2018, 9 octobre 2018 et 12 octobre 2018, le SIAAP, représenté par Me Matharan, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la société Passavant Impianti et autres, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Passavant Impianti et autres, sont inopérants ou infondés.

Par huit mémoires en défense, enregistrés les 4 mai 2016, 12 juillet 2016, 20 avril 2018, 27 juin 2018, 5 juillet 2018, 12 juillet 2018, 9 octobre 2018 et 12 octobre 2018, la société Stereau, la société OTV, la société Bouygues TP, la société HB Architectes et la société Razel Bec, représentées par Mes Cabanes et Z, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Passavant Impianti et autres, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- l’ensemble des moyens des requérantes est inopérant, dès lors que leur offre était irrecevable puisque méconnaissant les articles 5.1.2, 5.4 et 5.6.1. du règlement de consultation ;

- les autres moyens ne sont pas opérants ou ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991,

- le code des marchés publics,

- le code de justice administrative.



N°1506515 3 Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M…,

- les conclusions de Mme…,

- les observations de Me Sorin, pour le groupement Passavant,

- les observations de Me Matharan, pour le SIAAP,

- et les observations de Me Cabanes, pour le groupement Stereau.

Deux notes en délibéré, présentées pour les sociétés Stereau et autres et pour les sociétés Passavant Impianti et autres, ont été enregistrées respectivement le 16 octobre 2018 et le 24 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l’opération de refonte de l’usine de prétraitement des eaux usées de Clichy, le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a confié le 1er août 2012 une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) à un groupement constitué par les sociétés Artelia, Prolog Ingénierie et Safege dont la société Artelia était le mandataire. Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 6 novembre 2012, le SIAAP, assisté de son AMO, a ensuite lancé une consultation, selon la procédure d’appel d’offres restreint, en vue de l’attribution d’un marché de conception-réalisation relatif à la refonte de l’usine de prétraitement des eaux usées de Clichy. Le groupement Passavant, composé des sociétés Passavant Impianti, Tecnimont Civil Construction, G.L.S., A B, cabinet E F et C D, a remis une offre pour ce marché. L’appel d’offres ayant été déclaré infructueux le 10 septembre 2014, une procédure négociée a été engagée le 3 octobre 2014 avec les trois candidats ayant soumissionné. Par un courrier du 26 février 2015, le SIAAP a notifié au groupement Passavant le rejet de son offre, classée deuxième, et l’a informé que le marché avait été attribué au groupement Stereau, composé des sociétés Stereau, OTV, Bouygues TP, HB Architectes et Razel Bec. Le 9 avril 2015, le marché a été conclu par le SIAAP avec le groupement Stereau. Les sociétés Passavant Impianti et autres demandent l’annulation de ce marché ou, subsidiairement, sa résiliation.

2. Saisi par un tiers de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l’auteur du recours se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu’il critique sont de celles qu’il peut utilement invoquer, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s’il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu’il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l’indemnisation du préjudice découlant de l’atteinte à des droits lésés.



N°1506515 4 I. Sur la validité du contrat :

I.1. En ce qui concerne la régularité de l’offre du groupement requérant :

3. Aux termes de l’article 35 du code des marchés publics alors en vigueur : « I. (…) 1° (…) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. (…) ». Le groupement attributaire fait valoir que l’ensemble des moyens des sociétés Passavant Impianti et autres est inopérant, dès lors que l’offre finale qu’elles avaient présentée était entachée de trois irrégularités au regard du règlement de consultation, ce qui aurait dû conduire le SIAAP à la rejeter sans la classer.

4. En premier lieu, aux termes de l’article 5.1.2. du règlement de consultation : « Pour la remise de l’offre finale de la négociation : Le dossier à remettre le 24.12.2014 par les candidats devra faire clairement apparaître les modifications par rapport à l’offre initiale (…) ». Si les sociétés Stereau et autres exposent que l’offre finale du groupement requérant était irrecevable faute d’avoir, en violation de l’article 5.1.2. du règlement de consultation, fait apparaître les modifications intervenues par rapport à l’offre remise lors de la procédure d’appel d’offres déclarée infructueuse, il résulte des stipulations de l’article 5.1.2 précitées que les modifications devant apparaître dans l’offre finale sont uniquement celles qui ont été apportées par rapport à « l’offre initiale de la négociation » mentionnée à l’article 5.1.1. Par suite, ce moyen en défense ne peut qu’être écarté comme étant inopérant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 5.6.1. du règlement de consultation : « Remises des plis sur support papier : (…) Les offres devront être remises sous format original papier et sous format électronique (…) ». Le groupement attributaire expose que l’offre déposée de manière électronique par les sociétés Passavant Impianti et autres était incomplète et ne comprenait notamment pas l’acte d’engagement, ses annexes ainsi que la décomposition du prix global et forfaitaire. Toutefois, une telle irrecevabilité, à la supposer matériellement établie, ne saurait être opposée aux requérantes dès lors qu’il était loisible au pouvoir adjudicateur, en application de l’article 52 du code des marchés publics, de solliciter une régularisation de leur offre, ce qu’il s’est abstenu de faire. Par suite, ce moyen ne peut qu’être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l’article 5.4. du règlement de consultation : « Langue de rédaction des offres : Les offres doivent être rédigées en langue française. ». Le groupement attributaire fait valoir que l’offre des requérantes comportait plusieurs documents rédigés totalement ou partiellement en langue italienne ou en langue anglaise, comme cela résulte de trois pièces produites en défense par le SIAAP. Toutefois, les sociétés Passavant Impianti et autres établissent que le premier document en cause correspond aux offres de neuf fournisseurs, sur les cinquante-six qui sont présentées à l’annexe 5 du sous-dossier B4 du dossier B de son mémoire technique, et que celles-ci faisaient toutes l’objet d’un descriptif technique en langue française et comportaient un code permettant de les rapprocher du poste applicable dans la décomposition du prix global et forfaitaire. Elles justifient également que le deuxième document correspond aux deux dernières pages d’une offre de fournisseur en comportant cinq, dont les trois autres étaient rédigées en langue française, et qu’un descriptif du produit concerné figurait dans les dossiers C.2.1 et C.2.2 de son mémoire technique. Enfin, elles démontrent que le dernier document en cause correspond aux notes de calcul internes à la société Tecnimont dont, tant les modalités que les résultats faisaient l’objet d’une présentation rédigée en français. Il suit de là que, la présence des documents communiqués par le SIAAP ne permettait pas, à elle seule, de considérer que le dossier n’était pas rédigé entièrement en langue française, comme l’exigeait le règlement de consultation. Par suite, le moyen des sociétés Stereau et autres doit être écarté.



N°1506515 5

7. Enfin, si le groupement attributaire expose que l’offre des requérantes comportait des discordances et des incohérences, une telle circonstance, qui en tout état de cause n’est pas assortie des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé, n’aurait pas été de nature à entraîner son irrecevabilité. Par suite, ce dernier moyen doit lui aussi être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que, c’est à tort que les sociétés Stereau et autres font valoir que l’offre du groupement requérant était irrecevable et que les moyens qu’il a présentés doivent, par suite, tous être écartés comme étant inopérants.

I.2. En ce qui concerne le manquement à l’obligation d’impartialité :

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;

9. Au nombre des principes généraux du droit qui s’imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d’impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

10. Les sociétés Passavant Impianti et autres soutiennent que la société Artelia, mandataire du groupement chargé par le SIAAP d’une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, et les sociétés Stereau et OTV, membres et, pour la première, mandataire du groupement attributaire, avaient des intérêts communs tout au long de la procédure, entre le 6 novembre 2012 et le 26 février 2015, notamment, dans le cadre des procédures de passation des différents marchés de conception-réalisation initiées par le SIAAP dans le cadre de l’opération de réaménagement de l’usine d’épuration des eaux usées de Seine-Aval, à Achères (Yvelines), et que l’existence de tels liens, caractérisait un conflit d’intérêts. Elles en déduisent que la procédure d’attribution a été conduite en méconnaissance du principe d’impartialité.

11. En premier lieu, il résulte de l’instruction que la société OTV, qui était mandataire du groupement attributaire d’un premier marché de conception-réalisation du SIAAP relatif à l’usine de Seine-Aval ayant pour objet la mise en conformité de l’usine avec la directive « eaux résiduaires urbaines » (DERU) 91/271/CEE du 21 mai 1991, pour un montant de 287 millions d’euros, a recruté entre 2008 et 2013 la société Sogreah, qui a fusionné avec la société Coteba au cours de l’année 2010 pour former la société Artelia, en qualité de sous-traitante. Les sociétés Sogreah et OTV ont ensuite constitué un groupement et déposé une offre commune le 27 août 2010 pour l’attribution d’un deuxième marché de conception-réalisation relatif à l’usine Seine-Aval, d’un montant de 229 millions d’euros. Les sociétés Artelia et OTV ont de nouveau formé un groupement, dont OTV était le mandataire, et soumissionné le 17 septembre 2014 pour l’attribution d’un troisième marché de conception-réalisation relatif à l’usine Seine-Aval, ayant pour objet la modernisation de l’unité de production Biogaz, d’un montant de 281 millions d’euros. Enfin, suite à l’avis d’appel public à la concurrence du 2 novembre 2013, les sociétés Artelia, Stereau et OTV ont constitué un groupement, dont la société OTV était le mandataire, et ont été déclarées attributaires, le 16 décembre 2016, d’un quatrième marché de conception- réalisation relatif à l’usine de Seine-Aval, ayant pour objet la construction d’unités de décantation primaire des eaux usées, pour un montant de 387 millions d’euros. Ainsi, entre le 6 novembre 2012 et le 26 février 2015, période durant laquelle la société Artelia réalisait pour le compte du SIAAP sa mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le cadre du marché en litige, il existait une collaboration suivie, récente et actuelle entre elle et les sociétés OTV et Stereau, marquée par la présentation de candidatures communes pour l’attribution d’autres marchés de conception-réalisation du SIAAP et, lorsqu’elles en étaient déclarées attributaires, par leur exécution conjointe. Il résulte, à cet égard, de l’instruction qu’alors que la société Artelia prenait, en sa qualité d’assistant à maîtrise d’ouvrage du SIAAP, une part active aux réunions



N°1506515 6 finales de négociation qui se sont déroulées au mois de novembre 2014 avec les sociétés OTV et Stereau et qu’elle rédigeait le rapport d’analyse des offres proposant à la commission d’appel d’offres d’attribuer le marché en litige au groupement Stereau, elle était au même moment associée aux sociétés OTV et Stereau dans un groupement commun candidat, auprès du SIAAP, pour l’attribution du marché de conception-réalisation ayant pour objet la construction des unités de décantation primaire de l’usine de Seine-Aval qui leur a finalement été accordé le 16 décembre 2016. Les défendeurs font, néanmoins, valoir que seul un petit nombre de sociétés disposait des capacités de la société Artelia pour exercer une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage adaptée à un marché de conception-réalisation présentant la technicité et l’importance de celui en litige, de sorte que l’existence de liens professionnels entre elle et les membres du groupement attributaire ne saurait, par elle seule, entacher la procédure de partialité. Toutefois, ils ne démontrent pas la réalité de ces allégations par la production d’une liste de sociétés, d’ailleurs toutes de droit français, établie par leurs soins. En outre, les partenariats entre l’assistant à maîtrise d’ouvrage et les sociétés OTV et Stereau, dont l’existence a été établie par les sociétés Passavant Impianti et autres, ont été répétés dans le temps et sont demeurés, s’agissant des participations aux consultations lancées par le SIAAP pour l’attribution de ses marchés de conception-réalisation, quasiment continus entre 2008 et le terme de la procédure de passation du marché en litige. Si les défendeurs exposent, par ailleurs, que certaines sociétés du groupement requérant ont, elles aussi, entretenu des relations économiques avec la société Artelia, une telle circonstance est dépourvue d’incidence dès lors qu’il n’existait entre elles aucune collaboration actuelle, notamment pour l’attribution d’un marché du SIAAP. Il suit de là que, eu égard au caractère régulier, suivi et actuel de la collaboration des trois sociétés pour obtenir du même maître d’ouvrage, le SIAAP, les marchés de conception-réalisation ayant pour objet la modernisation ou la rénovation de ses usines de traitement des eaux usées, la société Artelia doit être regardée comme ayant eu un intérêt à ce que le marché en cause soit attribué au groupement Stereau.

12. En second lieu, il résulte des stipulations du cahier des clauses techniques particulières du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage du 23 avril 2012, que la société Artelia était notamment chargée par le SIAAP d’effectuer les études d’avant-projet, de rédiger le programme fonctionnel détaillé du marché, de préparer la méthodologie d’analyse des offres et la grille d’évaluation de chacun des sous-critères ainsi que leur pondération, d’analyser les offres, de participer aux réunions des groupes de travail puis de préparer la synthèse des analyses réalisées, de rédiger les questions adressées aux candidats et d’analyser leurs réponses et enfin de rédiger le rapport de présentation au jury des différentes offres. Il résulte, par ailleurs, de l’instruction qu’elle a pris une part active dans l’analyse des offres des différents groupements candidat en participant aux réunions de négociation les plus déterminantes, comme en attestent notamment les comptes-rendus, vérifiés par ses soins, des réunions préparatoires qui se sont tenues avec eux les 3 octobre et 20 novembre 2014 et des réunions finales du 21 novembre 2014 auxquelles ont à chaque fois participé plusieurs de ses représentants. Enfin, elle a rédigé à l’issue de ces réunions de négociation le rapport d’analyse des offres qui classe le groupement Stereau en première position pour la valeur technique de l’offre et propose à la commission d’appel d’offres de lui attribuer le marché. Si le SIAAP fait valoir que la société Artelia n’était que l’une des trois sociétés composant le groupement titulaire du marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, il résulte de l’instruction qu’elle en était le mandataire et que ses représentants y occupaient une place prépondérante ainsi qu’en atteste la présence de ses agents à la plupart des réunions de négociation en plus grand nombre que les autres sociétés du groupement. Par ailleurs, s’il expose avoir lui-même mobilisé des moyens humains importants dans le cadre de la procédure de passation du marché en litige, il résulte des pièces qu’il produit, qui correspondent à la réunion de groupes de travail thématiques entre le 3 et le 29 avril 2014, soit antérieurement à l’ouverture de la procédure négociée, que les représentants de la société Artelia étaient également nombreux à y avoir été conviés et à y avoir participé. En tout état de cause, la décision du SIAAP de



N°1506515 7

s’adjoindre les services d’une assistance à la maîtrise d’ouvrage qui, ainsi que cela résulte de l’instruction, a joué un rôle déterminant dans la conception du projet et dans l’examen des offres des candidats, démontre que le maître d’ouvrage n’était pas en mesure de conduire avec ses seuls ingénieurs la rénovation de l’usine de Clichy. Enfin, le fait que la société Artelia a signé un accord de confidentialité lui interdisant de communiquer des informations aux tiers et la circonstance qu’elle n’a pas participé à la commission d’appel d’offre ne sont pas, à eux seuls, de nature à justifier qu’elle n’aurait pas été en capacité d’influer sur le choix du groupement attributaire. Eu égard à ce qui précède, la société Artelia doit au contraire être regardée comme ayant pris une part déterminante dans la procédure d’attribution du marché en litige, et notamment lors des phases de négociation et d’analyse des offres, et donc comme ayant été en mesure d’exercer une influence sur l’issue de cette procédure.

13. Il résulte de ce qui précède que, la société Artelia se trouvait en situation de conflit d’intérêts vis-à-vis de deux sociétés membres d’un des groupements candidats à l’attribution du marché et était en mesure, par la part qu’elle prenait dans le déroulement de cette procédure, d’exercer une influence déterminante sur son issue. Cette situation était, par elle-même, de nature à faire naître objectivement un doute légitime sur l’impartialité de la procédure, et ce alors même que la part de chiffre d’affaire global des sociétés Artelia, OTV et Stereau résultant de leur collaboration serait limitée et qu’il n’est pas établi par les sociétés Passavant Impianti et autres que la société Artelia a effectivement avantagé le groupement attributaire. Le SIAAP, à qui il incombait de veiller à ce qu’aucune des personnes concourant à l’exécution de ses missions dans la préparation et la conduite de la procédure n’ait un intérêt particulier à son issue et qui ne pouvait ignorer l’existence des relations professionnelles suivies et actuelles entre les trois sociétés en cause pour l’attribution de ses propres marchés de conception-réalisation avait l’obligation, avant l’attribution du marché en litige, de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que son assistant à maîtrise d’ouvrage n’influence pas la procédure au profit des sociétés OTV et Stereau. En particulier, il lui appartenait d’écarter la société Artélia des réunions de négociation conduites avec le groupement Stereau, de lui retirer la responsabilité de l’élaboration du rapport d’analyse des offres et d’en confier la rédaction aux deux autres sociétés membres du groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage avec l’appui, le cas échéant, de ses services techniques ou d’un consultant extérieur recruté à cette seule fin. En s’abstenant de prendre la moindre mesure en ce sens, le SIAAP a violé le principe d’impartialité de la procédure d’attribution du marché en litige et méconnu, dès lors, les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles il était tenu.

II. Sur la résiliation du marché :

14. Les défendeurs exposent que la résiliation du marché en litige serait de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général.

15. En premier lieu, il résulte de l’instruction que les opérations de travaux conduites par le groupement attributaire sont effectuées en coactivité avec l’exploitation de l’usine, qui ne peut pas être interrompue et continue à fonctionner selon un mode « dégradé ». Les sociétés Stereau et autres et le SIAAP soutiennent que ce mode de fonctionnement, qui limite sensiblement les capacités de traitement des eaux usées de l’usine, ferait peser, s’il devait être maintenu durablement au cours de l’automne voire de l’hiver à venir, un risque de déversements de ces eaux dans la Seine et d’inondations. Le SIAAP fait, en outre, valoir que les ouvrages provisoires qui ont été édifiés le temps de la réalisation des opérations de travaux ne peuvent, du fait du risque de crues susceptibles de les endommager, être maintenus durablement en fonctionnement jusqu’à la conclusion d’un nouveau marché. Toutefois, les défendeurs n’apportent pas la moindre pièce justificative de nature à corroborer la réalité matérielle de leurs



N°1506515 8 allégations. Le SIAAP ne démontre pas davantage dans quelle mesure la résiliation du marché l’exposerait à méconnaître les dispositions de la directive du 21 mai 1991.

16. En deuxième lieu, si le SIAAP expose que plusieurs des pompes de la station de pompage de l’usine présentent des défaillances, notamment des fissures sur leur corps, rendant nécessaire une réparation à brève échéance, il ne justifie pas en quoi la résiliation du marché en litige ferait obstacle à ce qu’elles puissent être réparées, le cas échéant par le biais d’un nouveau marché spécifiquement dédié.

17. En troisième lieu, le SIAAP expose que la résiliation du marché occasionnerait, pour les riverains de l’usine, des désagréments olfactifs. Toutefois, il résulte de l’instruction que ceux-ci sont directement causés non par les opérations de travaux en cours, qui ont pour objet, à terme, de les limiter, mais par le fonctionnement normal de l’usine depuis plusieurs dizaines d’années. Par suite, cette circonstance n’est pas, à elle seule, susceptible de permettre de regarder la résiliation du marché comme portant une atteinte excessive à l’intérêt général.

18. En quatrième lieu, si le SIAAP fait valoir qu’en cas de résiliation, il devrait verser à ses cocontractants une indemnité dont le paiement affecterait très sensiblement sa situation financière, il ne le démontre aucunement, faute d’avoir produit des éléments relatifs aux ressources à sa disposition. Par ailleurs, contrairement à ce qu’il affirme, les sommes réglées pour les travaux déjà réalisés n’ont pas été exposées en pure perte, dès lors qu’il conserve la jouissance des ouvrages déjà édifiés et que la passation d’un nouveau marché aura seulement pour objet de parachever la réalisation des opérations en cours.

19. Enfin, les circonstances, à les supposer établies, que l’exécution des travaux est désormais très avancée, que la résiliation du contrat conduirait à la démobilisation d’un nombre important de salariés des sociétés membres du groupement attributaire et que le SIAAP serait privé des garanties post-contractuelles relatives aux ouvrages déjà édifiés ne sont, à elles seules, pas susceptibles de constituer des considérations d’intérêt général. De même, est inopérant le fait que la résiliation du contrat porterait atteinte au principe de stabilité des relations contractuelles.

20. Il suite de là que le SIAAP et les sociétés Stereau et autres, qui n’établissent notamment pas que l’interruption des opérations d’agrandissement de l’usine de Clichy mettrait en cause la continuité du service public de traitement des eaux usées de l’agglomération parisienne, ne sont pas fondés à soutenir que la résiliation du marché porterait une atteinte excessive à l’intérêt général.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Passavant Impianti et autres sont fondées à demander la résiliation du marché à effet immédiat.

III. Sur les frais liés à l’instance :

22. Le SIAAP versera une somme totale de 2 500 euros aux sociétés requérantes membres du groupement Passavant au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes membres du groupement Passavant, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent le SIAAP et les sociétés membres du groupement Stereau. Enfin, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par les sociétés requérantes membres du groupement Passavant à l’encontre des sociétés membres du groupement Stereau.



N°1506515 9

Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : Le marché public de conception-réalisation attribué par le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne au groupement Stereau pour la refonte de l’usine de prétraitement des eaux usées de Clichy est résilié.

Article 2 : Le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne versera une somme totale de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative aux sociétés requérantes membres du groupement Passavant.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié aux sociétés Passavant Impianti, Tecnimont Civil Construction, G.L.S., A B, cabinet E F, C D, au Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne et aux sociétés Stereau, OTV, Bouygues TP, HB Architectes et Razel Bec.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 6 novembre 2018, n° 1506515