Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 19 novembre 2015, n° 1501868

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Clermont-Ferrand, 19 nov. 2015, n° 1501868
Juridiction : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand
Numéro : 1501868

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE A-B

N°1501868

___________

AGENCE REGIONALE DE SANTE

___________

M. X

Juge des référés

___________

Ordonnance du 19 novembre 2015

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le président du tribunal,

Juge des référés

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2015, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 30 octobre et le 5 novembre 2015, pour l’agence régionale de santé (ARS) dont le siège social est situé XXX à (63000) A-B par Me Bonicel-Bonnefoi ; l’ARS demande au juge des référés de suspendre le marché public de déconstruction, conception, réalisation pour la reconstruction de l’espace intergénérationnel du centre hospitalier Emile Roux du Puy en Velay, signé le 11 mai 2005 et l’avenant n°1 de ce marché signé le 12 juin 2015 ; elle demande également la condamnation du centre hospitalier Emile Roux à lui verser la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu’elle est recevable pour agir, dans le cadre du recours en contestation de la validité du contrat ouvert par les arrêts « Tropic Signalisations travaux » du 16 juillet 2007 et « Tarn et Garonne » du 4 avril 2014, en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, tiers par rapport au contrat dont s’agit, elle est lésée dans ses intérêts dans la mesure où elle doit contribuer au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, où elle doit, à ce titre, autoriser la création et les activités des établissements de santé et contrôler le fonctionnement et allouer les ressources qui relèvent de sa compétence aux établissements hospitaliers ; qu’elle agit pour le compte de l’Etat ; qu’il est urgent de stopper ce marché et cet avenant passé au terme d’une procédure obscure pour des réalisations originales et qui va dégrader rapidement la situation financière du centre hospitalier Emile Roux ; qu’en ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat, les modalités essentielles de financement du marché n’ont pas été indiquées dans l’avis d’appel public à la concurrence, l’utilisation des tranches fermes et conditionnelles masquent la volonté initiale de réaliser la totalité du projet (crèche et morgue comprises), que l’avenant bouleverse l’économie générale du marché et porte atteinte au principe de concurrence lors de la passation initiale du marché ; que si le centre hospitalier Emile Roux s’abrite derrière une baisse de la tranche ferme de 16 %, la première tranche conditionnelle connaît une augmentation de 96 % et celle de la seconde tranche de 127 % ; que de plus si cet avenant affermit les tranches conditionnelles, il entérine également les optimisations du projet par une moins value de 800 000 euros HT avec un rabais imprévu de 247 000 euros proposé par l’entreprise titulaire du marché, soit des modifications substantielles ayant rompu le principe de mise en concurrence initiale ; qu’ainsi, le centre hospitalier Emile Roux a retenu le groupement pour la seule tranche ferme et un mois après il a affermi les deux tranches conditionnelles en doublant le prix et en acceptant un rabais de la part de l’entreprise ; que c’est donc bien l’ensemble de la procédure d’appel d’offres qui est irrégulière ainsi que l’a évoqué le comptable public dans sa correspondance du 10 juillet 2015 ; que le projet n’est pas financé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2015, complété par un mémoire enregistré le 12 novembre 2015, le centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay conclut au rejet de la requête de l’ARS pour irrecevabilité à titre principal et à titre subsidiaire pour défaut d’urgence et de moyens sérieux et à titre infiniment subsidiaire pour moyens inopérants ; il réclame également la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l’ARS n’est pas susceptible d’être lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou par les clauses du marché en cause, qu’elle n’établit pas de plus en quoi la passation du marché, ses clauses ou son avenant comporterait un vice direct lié à son intérêt lésé ; qu’elle ne peut pas davantage faire état des intérêts supposés lésés de l’établissement hospitalier qui ne sont pas les siens ; que dès lors son recours est irrecevable ; que les risques invoqués pour l’ordre public et les finances publiques sont hypothétiques et ne concernent que les tranches conditionnelles ; que les ordres de services de démarrage des travaux ont été pris ; que s’il y a une urgence, c’est celle de réaliser le marché y compris pour protéger les finances publiques ; que le juge des référés doit se livrer à une appréciation objective de l’urgence ; que l’actuel centre de gérontologie n’est pas conforme ; qu’aucun des moyens présentés n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du marché et de son avenant.

L’ARS a produit une note en délibéré le 17 novembre 2015.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête n° 1501865, enregistrée le 9 octobre 2015, par laquelle l’ARS demande au fond l’annulation des décisions en cause.

Vu :

— la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 et notamment son article 21 ;

— les arrêts du Conseil d’Etat n° 291545 « Tropic Signalisations travaux » du 16 juillet 2007 et n° 358994 « Tarn et Garonne » du 4 avril 2014 ;

— l’ordonnance du tribunal n° 151606 du 25 septembre 2015 ;

— le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été informées des jours des audiences.

Après avoir, lors des audiences publiques des 30 octobre et 17 novembre 2015, présenté son rapport et entendu :

— les observations de Me Bonicel-Bonnefoi, pour l’ARS ;

— les observations de Me Thiry, pour le centre hospitalier Emile Roux.

Après avoir prononcé à l’issue de l’audience du 17 novembre 2015 la clôture de l’instruction.

1. Considérant que l’Agence Régionale de santé de l’Auvergne (ARS) demande au juge des référés, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution du marché public de déconstruction, conception, réalisation pour la reconstruction de l’espace intergénérationnel du centre hospitalier Emile Roux du Puy en Velay, signé le 11 mai 2015 et son avenant n°1 signé le 12 juin 2015 dont elle demande par ailleurs, par une requête en contestation de validité de ce marché et de son avenant, au fond, les annulations ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

3. Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que, toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat, date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1431-1 du code de santé publique : « Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une agence régionale de santé a pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional : – des objectifs de la politique nationale de santé définie à l’article L. 1411-1 du présent code ; – des principes de l’action sociale et médico-sociale énoncés aux articles L. 116-1 et L. 116-2 du code de l’action sociale et des familles ; -des principes fondamentaux affirmés au I de l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale. Les agences régionales de santé contribuent au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie » ; qu’aux termes de l’article L. 1431-2 2°du même code : « Les agences régionales de santé sont chargées, en tenant compte des spécificités de chaque région 2° De réguler, d’orienter et d’organiser, notamment en concertation avec les professionnels de santé, l’offre de services de santé, de manière à répondre aux besoins en matière de soins et de services médico-sociaux, et à garantir l’efficacité du système de santé. A ce titre : (…) b) Elles autorisent la création et les activités des établissements de santé et des installations mentionnées aux articles L. 6322-1 à L. 6322-3 ainsi que des établissements et services médico-sociaux au b de l’article L. 313-3 du code de l’action sociale et des familles ; elles contrôlent leur fonctionnement et leur allouent les ressources qui relèvent de leur compétence (…) » ;

5. Considérant que le centre hospitalier Emile Roux, établissement public de soins, personne morale de droit public autonome, dirigé par un directeur, doté d’un directoire et d’un conseil de surveillance, soutient que la demande de suspension de l’exécution du marché et de son avenant relatif à la déconstruction, la conception, la réalisation pour la reconstruction de l’espace intergénérationnel présentée par l’Agence Régionale de santé (ARS) de l’Auvergne est irrecevable au motif que, pour pouvoir saisir le juge du recours en validité du contrat, le tiers à ce contrat, hormis le préfet de département dans le cadre du contrôle de légalité et les membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, doit prouver qu’il a un intérêt direct et certain lésé et qu’aucun des intérêts de l’ARS n’est lésé par la passation du marché public en cause et de son avenant ; que l’ARS prétend, d’une part, qu’elle doit contribuer au respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qu’elle doit, d’autre part, contrôler le fonctionnement des établissements de santé en application des dispositions du code de la santé publique précitées et qu’enfin l’équilibre financier de cet établissement public de soins est menacé par la passation de ce marché ; qu’il ressort toutefois de l’instruction que l’ARS n’établit pas en quoi, la loi susvisée du 21 juillet 2009 ayant supprimé de son contrôle de légalité les marchés publics passés par les centres hospitaliers devenus exécutoires de plein droit dès leur signature, elle serait susceptible d’être lésée, dans ses intérêts, de façon suffisamment directe et certaine, par la passation ou les clauses du marché en cause, sa contribution au respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ne pouvant être considérée, dans le cadre du recours en contestation de validité du contrat, recours de plein contentieux, comme un intérêt direct et certain lésé ; qu’elle ne peut pas davantage faire valoir, dans ce cadre, qu’elle entend faire siens les intérêts du centre hospitalier Emile Roux en invoquant un risque de dégradation de sa situation financière ; que l’ARS indique d’ailleurs dans ses propres écritures « que ses intérêts propres en tant que structure administrative ne sont pas lésés par le marché litigieux » ; qu’ainsi, la fin de non-recevoir soulevée par le centre hospitalier Emile Roux doit être accueillie et la requête de l’ARS rejetée pour irrecevabilité ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :

6. Considérant que, n’étant pas la partie perdante, le centre hospitalier Emile Roux ne peut être condamné à verser une somme en application de ces dispositions ; que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner l’agence régionale de santé d’Auvergne à verser la somme que lui réclame le centre hospitalier Emile Roux en application de ses dispositions ;

O R D O N N E

Article 1er : La requête de l’agence régionale de santé d’Auvergne est rejetée.

Article 2 : le surplus des conclusions du centre hospitalier Emile Roux est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’agence régionale de santé d’Auvergne, au centre hospitalier Emile Roux du Puy en Velay, à la SAS Merle, au DHA Auvergne, à la société Artélia Bâtiment et Industrie et à la société SCO.

Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Fait à A-B, le 19 novembre 2015.

Le président du tribunal,

Juge des référés,

Y X

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance .

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Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 19 novembre 2015, n° 1501868