Tribunal administratif de Grenoble, 23 décembre 2010, n° 0701425

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 23 déc. 2010, n° 0701425
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 0701425

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

No 0701425

___________

SOCIETE FERERE

___________

M. Y

Rapporteur

___________

M. Chevaldonnet

Rapporteur public

___________

Audience du 17 décembre 2010

Lecture du 23 décembre 2010

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Grenoble

(5e Chambre)

60-01-01

Vu la requête, enregistrée le 26 mars 2007, présentée pour la SOCIETE FERERE, dont le siège est situé au XXX à XXX, par Me Tumerelle ;

la SOCIETE FERERE demande au tribunal :

— la désignation d’un expert pour examiner les conditions dans lesquelles ses vergers ont été atteints par le virus de la sharka souche Markus (M) et apprécier le montant du préjudice qu’elle a subi en raison de la contamination de ses vergers par ce virus ;

— la condamnation de l’institut national de la recherche agronomique (I.N.R.A) et de l’Etat à lui verser une somme provisoirement évaluée à 2 000 000 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait de l’atteinte de ses vergers par la souche M du virus de la sharka ;

— que soient mis à la charge de l’Etat et de l’I.N.R.A. la somme de 5000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l’instance liés aux frais d’expertise ;

Elle soutient :

que la responsabilité pour faute de l’I.N.R.A. est engagée en ce que :

— l’I.N.R.A. a importé et conservé illégalement depuis 1970 le virus de la sharka, souche M, en méconnaissance des dispositions de l’article 348 du code rural et n’a jamais sollicité aucune autorisation ; qu’il a étudié la nouvelle souche du virus dans des conditions de confinement et de précaution contre la contagion insuffisantes alors que les serres d’expérimentation étaient situées à proximité de pépinières de l’I.N.R.A. qui alimentaient en matériel végétal l’ensemble de ses vergers ce qui est constitutif d’une faute lourde ;

— l’I.N.R.A. a, par ailleurs, importé dès le début des années 80 à des fins d’expérimentation et de multiplication des milliers de variétés de pêchers et d’abricotiers en provenance notamment de Grèce, pays notoirement infecté par la souche M ; que l’I.N.R.A. n’a pas répondu aux questions des experts sur l’introduction et la culture de cette variété ; que cette espèce est particulièrement tolérante au virus et qu’elle provient très certainement du centre scientifique grec de Naoussa totalement contaminé par le virus depuis des dizaines d’années ; qu’il a importé dans cette même période, dans ses vergers de Bordeaux, des pruniers en provenance de pays de l’est, notamment de la Hongrie, pays notoirement infecté par la sharka, et ne s’est aperçu de la contamination de ces arbres qu’après leur plantation en vergers dans la station de Bordeaux où ils ont ainsi pu contaminer l’ensemble des vergers de Bordeaux ;

— ni l’I.N.R.A. ni le service de la protection des végétaux n’ont effectué de contrôle sérieux avant de réaliser ces importations ; que l’I.N.R.A n’a pas contrôlé les arbres importés et n’a pas délégué ce contrôle au CTIFL contrairement à ses allégations ; que la réalité des contrôles réalisés n’est pas attestée ; que l’I.N.R.A n’a pas respecté les textes applicables à l’introduction du matériel végétal ;

— les tests à l’importation tels que définis par le ministère de l’agriculture ne présentaient aucune garantie et n’étaient pas réalisés dans les faits ; que le matériel végétal en provenance de pays à risques n’a pas été mis en quarantaine ;

— l’ensemble des importations réalisées par l’I.N.R.A. ne respectait pas les directives de la communauté européenne ; que l’Etat n’a procédé qu’à un transfert incomplet de la directive du 21 décembre 1976 par les arrêtés interministériels du 10 décembre 1979 et 1er mars 1982 et n’a pas retranscrit notamment le point c qui prévoyait une période d’observation des arbres d’au moins trois ans ; que les obligations imposées, dès 1976, par la directive n’ont jamais été appliquées en France ;

— le non respect par l’I.N.R.A. de la directive du 21 décembre 1976 a conduit à la contamination de ses vergers ; que l’Etat n’a interdit que trop tardivement l’importation des prunus sur le territoire français ;

— les tests disponibles n’étaient pas fiables et seule une mise en quarantaine de trois ans aurait permis d’éviter l’implantation du virus ; que l’I.N.R.A. ne pouvait, eu égard à la quantité de cultivars importés, ignorer la contamination d’une partie de ceux-ci et a importé en toute conscience des arbres contaminés ;

— l’introduction du virus de la sharka en provenance de pays contaminés est interdite par les dispositions du code rural à l’article L. 251-4 ;

— le domaine de Bordeaux a été contaminé par la souche M ; que contrairement aux affirmations de l’I.N.R.A., les attaques de sharka souche M sur le site de Bordeaux n’ont pas été rares et rapidement éliminées mais ont commencé dès 1980 ; que cette contamination s’est étendue aux autres centres ; que la contamination du centre de Bordeaux ne peut être imputée qu’à des fautes lourdes de l’I.N.R.A. ;

— il a introduit du matériel végétal en provenance de son domaine de Bordeaux vers tous les domaines expérimentaux sans précautions particulières et sans analyse de contamination ;

— l’I.N.R.A. ne contrôlait pas son matériel végétal avant l’introduction dans les vergers en pleine zone de production agricole ; l’I.N.R.A. a menti à l’expert judiciaire en lui déclarant que le CTIFL testait les plants destinés à l’I.N.R.A. du Gard et de la Drôme puis s’est rétracté ; que le matériel végétal en provenance de Bordeaux était donc bien contaminé et a été envoyé au site du Gotheron ;

— les contrôles effectués avec rigueur pour le site de Baladran ont évité la contamination de ce site, mais n’ont pas été effectués pour les autres sites ce qui a entraîné leur contamination ; que si le CTIFL n’était pas contaminé, le matériel végétal provenant de Bordeaux l’était ; que l’I.N.R.A. n’a jamais pris en compte les avertissements du CTIFL, implantant directement dans ses vergers des arbres suspects ; que ce n’est qu’à partir de 1993 que l’I.N.R.A. a commencé à pratiquer des contrôles systématiques ; que l’I.N.R.A. a contaminé toutes ses propriétés puis les propriétés commerciales en toute connaissance de cause ;

— la souche M du virus est apparue simultanément dans tous les domaines de l’I.N.R.A. ; que la souche M du virus présente sur les sites du Gotheron et de Salon de Provence était la même que celle provenant du site de Bordeaux ;

— dès le départ de l’épidémie dans la Drôme, l’I.N.R.A. a cherché à dissimuler l’origine de la contamination de la sharka souche M ;

— l’examen de la chronologie des contaminations du virus montre que l’origine de la contamination provient de l’I.N.R.A. dès lors que les premières contaminations sont apparues dans les propriétés de l’I.N.R.A et que la souche M s’est développée de façon concentrique autour de ses stations expérimentales donnant naissance à des foyers secondaires ; que le raisonnement tenu par l’I.N.R.A selon lequel il serait lui même victime de la contamination des propriétés voisines ne saurait être retenu dans la mesure où les éléments de fait montrent que les premières contaminations sont apparues dans les propriétés de l’I.N.R.A. ;

— la contamination ne peut provenir d’aucune autre source ; que les deux souches du virus étaient parfaitement détectables dès 1979, les scientifiques pouvant s’assurer avec certitude de l’apparition de la souche M dans leurs vergers dès 1979 ; que l’ensemble des foyers sharka de souche M ont donc été détectés au plus tard deux ans après leur apparition ; que pour la Drôme, le seul foyer de sharka souche M en 1990 était situé autour des vergers de l’I.N.R.A. de Gothéron et les foyers secondaires ne sont apparus qu’en 1996 ; que dès 1984, les services de l’Etat avaient détecté l’apparition d’une nouvelle souche à Salon de Provence beaucoup plus virulente que la souche D puis dans six autres foyers ;

— les contrôles initiés à partir de 1986 dans les pépinières privées se sont tous révélés négatifs ; que ces pépinières sont les seules sources d’approvisionnement possibles pour les arboriculteurs ; que les allégations de l’I.N.R.A. selon lesquelles la contamination pourrait provenir d’autres sources ne sont étayées par aucune preuve ;

— dès le constat, en 1984, de la contamination, l’I.N.R.A. aurait dû prendre immédiatement toutes les mesures qui s’imposaient pour lutter contre la maladie et avait l’obligation de la signaler au service de la protection des végétaux conformément à l’article L. 251-6 du code rural ; que malgré la connaissance qu’il avait de la virulence de la maladie en 1984, l’I.N.R.A. n’a pris que des mesures insuffisantes et a laissé le virus se propager dans les vergers des exploitations situées à proximité de ses vergers expérimentaux en s’abstenant de prendre les mesures propres à éradiquer la maladie ; qu’il n’a pas procédé à l’arrachage immédiat de la totalité de ses vergers découverts contaminés et y a maintenu, à des fins d’études de résistance de diverses variétés de prunus, des arbres contaminés pendant plusieurs années ;

— lorsqu’en 1992, l’I.N.R.A. a décidé d’arracher des arbres, il n’a pas déclaré les arbres atteints du virus au service de la protection des végétaux comme lui en faisait l’obligation le code rural ; qu’il a arraché les arbres en dehors de la présence de tout agent assermenté et sans informer les services de l’Etat commettant ainsi une nouvelle infraction aux dispositions du code rural et une nouvelle faute lourde ;

— alors que ses expérimentations lui permettaient de connaître des effets du virus, l’I.N.R.A. a retardé la mise en place de mesures de prophylaxie en s’abstenant d’attirer l’attention de ses autorités de tutelle sur la certitude de la contamination future des vergers commerciaux avoisinants, en dissimulant la nature de la souche ayant envahi ses propriétés et en s’abstenant d’informer les exploitations voisines de cette contamination ;

que la responsabilité pour faute de l’Etat est engagée en ce que :

— l’Etat n’a pas respecté les obligations légales qui lui incombaient ; qu’en ne délivrant aucune information entre 1984 et 1991 sur la souche M alors que les laboratoires de l’I.N.R.A. l’étudiaient depuis son introduction en France en 1970, il n’a pas respecté la convention internationale pour la protection des végétaux publiée par décret n°61-1533 du 22 décembre 1961 et notamment ses dispositions concernant la diffusion sur le plan national de renseignements sur les maladies et ennemis des végétaux et produits végétaux et des moyens de prévention et de lutte ;

— l’Etat a procédé tardivement à la transposition de la directive européenne du 21 décembre 1976 concernant les mesures de protection contre l’introduction dans les états membres d’organismes nuisibles aux végétaux et produits végétaux ; que l’arrêté du 10 décembre 1979 transposait partiellement la directive européenne mais ne faisait aucune référence au virus de la sharka ; qu’elle n’a été transposée que par un arrêté du 1er mars 1982, incomplet de surcroît, en ce qu’il ne reprenait pas l’obligation faite au paragraphe c d’attester l’absence d’atteinte par la sharka depuis trois saisons culturales, ce qui a permis pendant ces quatre années de retard à l’I.N.R.A. d’importer illégalement des prunus en provenance des pays de l’Est et de contaminer ainsi ses vergers ;

— l’Etat n’a pas respecté le dispositif national de contrôle des importations de l’I.N.R.A. s’agissant de matériel susceptible d’héberger une maladie de quarantaine ; que le matériel végétal introduit par l’I.N.R.A. en provenance notamment de Grèce, pays notoirement contaminé par la sharka souche M, aurait dû faire l’objet d’une mise en quarantaine par le service de la protection des végétaux ;

— l’Etat n’a pas respecté les obligations contenues dans les arrêtés préfectoraux relatifs à la surveillance des vergers ; l’Etat a décidé en 1986, faute de moyens financiers, d’abandonner la prospection systématique des vergers commerciaux ; que l’Etat a délégué aux exploitants la surveillance de leurs vergers sans prendre aucune mesure pour que cette délégation soit suivie d’effet ; qu’en application de l’article 351 du code rural la prospection relevait du service de protection de végétaux ; que les exploitants n’ont, quant à eux, l’obligation que d’avertir le maire de la présence d’un parasite nouvellement apparu ; que lorsque l’Etat a finalement repris les prospections , il n’a pas accordé au service de la protection des végétaux les crédits nécessaires pour remplir sa mission ; que l’Etat a délégué à l’I.N.R.A. la surveillance de ses vergers sans contrôle et en méconnaissance des articles L. 251-7, 9, et 18 du code rural ;

— alors que l’éradication de la maladie était réalisable à condition de prendre immédiatement les mesures qui s’imposaient à savoir la destruction de la totalité des vergers environnants ; qu’à diverses reprises l’Etat a eu l’occasion de faire disparaître la maladie en prenant les mesures nécessaires ; qu’il n’a jamais eu l’intention d’éradiquer la sharka mais d’accompagner la disparition des vergers français en se contentant de contenir l’épidémie comme l’atteste la circulaire ministérielle du 26 juillet 1993 et les circulaires postérieures ; qu’à partir de 2003 l’Etat a encore limité sa lutte en se contentant d’accompagner l’agonie des exploitations agricoles ;

— que l’Etat a diminué chaque année de manière drastique les budgets consacrés à la lutte contre le virus et a décidé en pleine période de propagation du virus de suspendre les contrôles en plein champ et de ne surveiller que les pépinières privées ;

— l’Etat a pris des mesures trop tardives pour lutter contre le virus et n’a pas accordé au service de la protection des végétaux les moyens nécessaires, pour remplir les missions qui lui incombaient en matière de prospections des vergers et d’information des arboriculteurs ;

— l’Etat a usé de procédés discriminatoires entre les différents arboriculteurs en décidant de mesures de lutte différentes selon les régions et des mesures d’indemnisation différentes selon les années rompant ainsi l’égalité des citoyens devant les charges publiques ;

— les agissements et abstentions fautives de l’Etat sont à l’origine directe de la contamination de l’exploitation de la requérante située à proximité immédiate du centre d’expérimentation de l’I.N.R.A. de Gotheron, au sein duquel la souche de virus a été introduit par cet institut ;

— elle a subi un préjudice considérable et n’a commis aucune faute personnelle ayant contribué à la création de celui-ci ; que les fautes commises conjointement par l’INRA et l’Etat sont directement à l’origine de ce préjudice ;

que sur la responsabilité pour faute présumée :

— celle de l’I.N.R.A. est engagée dès lors que, malgré les mesures de protection prises par l’I.N.R.A., la contamination des vergers limitrophes de ses stations d’expérimentation démontre une désorganisation de son service, constitutive d’une faute engageant sa responsabilité ; que la carence fautive de l’administration peut résulter d’un défaut de précaution ; que le régime de présomption de faute est applicable en l’espèce comme en matière de responsabilité médicale ; que par son abstention fautive, l’I.N.R.A. a aggravé le risque créé en ne permettant pas à la requérante de prendre des mesures de protection ; en gardant le silence il a fait subir à la requérante un dommage exceptionnel, rompant ainsi l’égalité entre les administrés ;

que sur la responsabilité sans faute :

— l’I.N.R.A. a créé un risque spécifique en zone de culture intensive sans assurer un périmètre de sécurité pour éviter une contagion des vergers limitrophes et notamment du sien ; que l’I.N.R.A. en raison de son activité dangereuse l’a exposée à un préjudice exceptionnel et anormalement grave dès lors qu’elle a dû détruire la majeure partie de ses vergers et qu’elle sera contrainte à terme de détruire la totalité de ses vergers de prunus ;

Vu les décisions rejetant les demandes d’indemnisation préalables attaquées ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 novembre 2007, présenté pour l’Institut national de la recherche agronomique par Me Monod par lequel il conclut au rejet des conclusions de la requête et demande en outre à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

— qu’avant 1990, la recherche n’avait pas permis de distinguer clairement la souche M et les tests de routine disponibles ne permettaient pas de différencier les deux souches du virus qui présentent les mêmes symptômes et se diffusent par le même vecteur ; que les travaux de recherche, de pointe, initiés en 1970, ont permis sporadiquement de mettre en évidence quelques éléments de différenciation mais doivent être distingués des travaux menés sur le terrain ; qu’il a fallu attendre les années 1988-1990 pour que soient conçues des méthodes de différenciation des isolats dont un test de routine dit « test PCR », méthode qui n’a été validée qu’en 1991 ; que seule l’arrivée de ces nouvelles techniques a permis d’identifier les propriétés épidémiologiques de la souche M ;

— que l’épidémie mondiale a eu un caractère irrésistible ou très difficilement maîtrisable ; que l’introduction du virus était incontournable ; que des indemnisations ont été systématiquement versées par le ministère de l’agriculture tant pour l’arrachage de plants contaminés que de plants sains par mesure de précaution ;

— que les suspicions dont fait l’objet l’I.N.R.A. sont sans fondement et s’expliquent par le fait qu’il a été parmi les premiers à disposer d’éléments d’identification de la souche M alors que c’est principalement une partie de la profession qui est responsable de la situation actuelle ;

— que l’indexage biologique sur semis de pêcher GF 305 ne peut être considéré comme un test de différenciation des souches ; que le test ELISA ne permettait que de détecter le virus et non d’en distinguer les souches ;

— que si la technique mise en avant par Kerlan et Dunez en 1979 a évoqué la possibilité d’une souche M, sous réserve de vérification ultérieure, cette expérience ne pouvait être réalisée en routine et l’expérience est restée isolée ; qu’en outre, le terme de souche dans cet article n’est pas approprié car il est utilisé au sens d’isolat ; que l’expérience ne permettait pas de conclure à l’existence de propriétés épidémiologiques particulières pour le type M ;

— qu’il a fallu attendre les années 1988-90 pour que soient conçues et développées les méthodes de différenciation des isolats dans des conditions techniques différentes ; que ce n’est donc qu’en 1990 que la présence de deux sérotypes D et M dans les vergers français a été reconnue par la technique Western Blot ; que le second test de différenciation, PCR, mis au point par l’I.N.R.A. de Bordeaux a été validé en 1991 et rendu relativement accessible en 1993 ;

— que les travaux les plus récents confirment que les vitesses de progression des épidémies de sharka sont très variables même lorsqu’il s’agit d’une souche identique du virus ;

— que la sharka est présente en France depuis les années 1970 et s’est développée dans tous les départements producteurs de prunus ;

— que l’importance du problème soulevé par la sharka n’a pas été correctement appréhendée par la filière professionnelle voire négligée, malgré des actions de sensibilisation à destination de la profession depuis 1972 et alors que les professionnels ont un rôle fondamental en matière de prévention et de lutte contre la sharka ; qu’il incombait notamment aux professionnels de procéder à des actions de prospection ; que la profession a été complètement impliquée dans la lutte, notamment à partir de 1986, sous le contrôle technique des services de l’Etat ; qu’en 1988, alors que les services de l’Etat ont continué à trouver de la sharka, les relevés opérés à l’initiative de la profession sont inexistants ; que les arboriculteurs ont généralement mal accepté les mesures de protection et d’arrachage ; que certains se sont opposés aux prospections de leurs vergers par des tiers et ont refusé de procéder aux arrachages ; que la réticence des arboriculteurs dans la lutte contre le virus a favorisé sa propagation ;

— que, malgré le peu de connaissance sur la présence de la maladie dans la Drôme, il est certain que le département n’en était pas épargné de 1980 à 1990 ; qu’en effet, la contamination du département est ancienne ; qu’en 1983, les rapports du service de la protection des végétaux montrent que la maladie est présente dans la région et l’absence de prospection par les arboriculteurs est confirmée ;

— qu’autour des vergers de l’I.N.R.A. notamment du site de Saint Marcel-les-Valence aucune prospection n’a été effectuée en 1988 ; que la méthode de prospection utilisée par le service de la protection des végétaux est d’opérer une surveillance autour des foyers détectés de la maladie et ne procède à aucune prospection systématique ; que si une prospection avait eu lieu avant 1989 sur le site de Saint Marcel-les-Valence, elle aurait assurément révélé une contamination ; que la maladie n’y a pas été décelée auparavant car ces vergers n’ont été prospectés qu’à partir de 1989 ; que les taux de contamination constatés laissent présumer une plantation d’arbres déjà atteints ; que le service de la protection des végétaux a mis en lumière que le point de départ de l’épidémie est au nord du domaine du Gotheron ; qu’ainsi la plantation de M. D a sans doute été contaminée dès 1981 ; que la contamination est antérieure à celle du centre de l’I.N.R.A. ;

— que la contamination révélée à proximité du centre de l’I.N.R.A. n’a aucun lien avec l’activité de l’I.N.R.A. ; qu’une nouvelle contamination a été découverte dans le département en 1993 ; qu’il est établi que cette nouvelle contamination est encore une fois sans lien avec l’activité de l’I.N.R.A. et qu’elle résulte de la plantation d’arbres non sains issus d’un matériel des pépinières Valla ; que la théorie de l’origine unique de la souche M n’est pas démontrée dès lors que la souche M est apparue de façon dispersée, par exemple en Ardèche et Isère où l’I.N.R.A. ne possède pas de vergers ;

— que les allégations concernant des expériences secrètes menées sur la sharka sont fantaisistes et ne reposent sur aucune preuve tangible ; qu’il ne peut y avoir de doute sur les dates des premières apparitions du virus dans le domaine de l’I.N.R.A. ; que le domaine du Gothéron a fait l’objet d’une surveillance constante de l’I.N.R.A. et du service de la protection des végétaux ; que la maladie n’a commencé à prendre de l’ampleur qu’à partir de 1992 alors que son environnement était extrêmement contaminé ; que le domaine n’était pas atteint avant 1988 ; que les mesures prises en 1988 et 1989 suite à la première contamination du domaine en 1988 ont permis de stopper l’évolution de la maladie dans le domaine ; que la densité de plantation des vergers de l’I.N.R.A. étant très supérieure à celle des vergers traditionnels, il n’est pas pertinent de comparer les contaminations en nombre d’arbres ;

— que le taux de contamination de ses vergers est très faible ; que le domaine n’a pas été contaminé jusqu’en 1988, ce qui est confirmé par le service de la protection des végétaux ; que les mesures de contrôle entreprises par l’I.N.R.A. ont permis de contenir et de faire baisser le nombre de contaminations de son centre ; qu’en 1991, dans la zone immédiatement au nord du domaine, les taux de contamination des vergers avoisinaient les 20%, alors que la même année, le taux de contamination des vergers du domaine du Gothéron n’était que 0, 06% ; que la forte contamination à partir de 1992 résulte de la contamination de son environnement ; qu’il n’a pas connu de recrudescence de contamination après 1992 ;

— que les arrachages des vergers avant 1988 sont sans lien avec la prétendue contamination du virus de la sharka et correspondent à une planification établie depuis l’élaboration du système de verger de stade A et stade B ; qu’ainsi MM Cades et Roques, travaillant sur les vergers Gardois, nesauraient faire d’observations valables sur les vergers Drômois ;

— que la prétendue découverte de la souche M dans les vergers du Gard en 1986 était impossible en l’état des connaissances ; que l’I.N.R.A. n’a pas interdit l’accès de ses vergers au service de la protection des végétaux qui a coordonné l’ensemble des contrôles ;

— que la carte de la Drôme, qui démontrerait que la contamination se serait effectuée par cercles concentriques autour du centre de l’I.N.R.A., ne présente aucun caractère sérieux ; que les accusations portées contre l’I.N.R.A. sont donc sans fondement ;

— que les allégations de la requérante concernant la contamination de tous les vergers français par l’I.N.R.A., ne sont ni cohérentes ni pertinentes ; que sur la prétendue contamination nationale à partir du centre de Bordeaux, la requête est incohérente invoquant successivement une souche unique provenant tantôt de Hongrie, tantôt de Grèce ; que l’hypothèse d’une entrée unique de la sharka en France n’est pas crédible non plus que le lien entre les différentes contaminations car il aurait fallu, d’une part, que les vergers de stade A de l’I.N.R.A. fussent atteints dès 1975 et que, d’autre part, les dates avancées sur une prétendue contamination simultanée de tous les vergers soient cohérentes ; qu’il est incohérent d’affirmer que le domaine du Gothéron aurait été le lieu de recherches secrètes sur la sharka et qu’il aurait fait l’objet d’arrachages secrets pour éradiquer la maladie ;

— que les introductions de plants représentent en moyenne une centaine de greffons par an et non des milliers de plants ; qu’elles se font avec un certificat phytosanitaire ; que l’I.N.R.A. a réalisé des tests rigoureux sur la totalité du matériel introduit qui a subi par ailleurs, des contrôles supplémentaires par sondage avant expédition vers d’autres vergers ; que le test GF 305 est fiable contrairement aux affirmations de la SOCIETE FERERE ; que l’article L. 348 du code rural ne s’applique pas à l’institut ; que le lien de causalité entre la contamination d’un centre I.N.R.A. et les vergers de la requérante n’est pas établi ;

— que de nombreux arboriculteurs ont été contaminés par le virus selon des voies propres à leur activité notamment par la plantation d’arbres déjà contaminés issu de matériel non certifié ; l’introduction du virus dans les vergers commerciaux peut aussi résulter de l’utilisation de matériels issus d’importations sauvages ou de la pratique de surgreffage favorisé par la faible conscience du risque lié à la sharka ; qu’il n’est pas vraisemblable que la contamination s’explique par le peu de matériel végétal introduit par l’I.N.R.A. alors que ces végétaux faisaient l’objet de contrôles réguliers ; que les propos de M. C, sur lesquels s’appuie la requérante pour conclure à une contamination nécessairement imputable aux importations de l’I.N.R.A., concernaient les importations commerciales et non les introductions, limitées et contrôlées de l’I.N.R.A. ; que ce dernier ne saurait être tenu pour responsable de l’introduction de la souche M du virus dans le domaine du Gothéron ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2010, présenté pour la SOCIETE FERERE par Me Tumerelle par lequel il demande, à la suite du dépôt du rapport d’expertise,

— la désignation d’un expert aux fins d’apprécier le montant de son préjudice et la condamnation de l’Etat et de l’I.N.R.A. à lui payer le montant de ce préjudice assorti du montant des intérêts dus et de la capitalisation des intérêts ;

— le versement d’une somme de 150 000 euros à titre de provision ;

Il soutient que le rapport d’expertise déposé par le collège d’experts désigné par le Tribunal administratif de Grenoble et les éléments produits laissent clairement apparaître la responsabilité de l’I.N.R.A. et de l’Etat ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 juin 2010 au préfet de la Drôme, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 7 juin 2010 au ministre de l’alimentation, l’agriculture et de la pêche, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure;

Vu l’ordonnance en date du 7 juin 2010 fixant la clôture d’instruction au 30 juillet 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2010, présenté pour l’Institut national de la recherche agronomique par Me Monod ;

Il demande que le tribunal fasse application des articles R. 342-1 et R. 351-3 du code de justice administrative et se fasse transmettre les recours enregistrés sous les no 06055479 et 0605453 devant le Tribunal de Marseille ;

Vu les pièces complémentaires enregistrées le 11 juin 2010 produites pour la SOCIETE FERERE par Me Tumerelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 juillet 2010, présenté par le ministre de l’alimentation, l’agriculture et de la pêche concluant au rejet de la requête ;

Il soutient :

— qu’il ressort du rapport d’expertise que les experts ne maîtrisent pas les concepts, les termes et les références biologiques et s’affranchissent de la description des caractéristiques biologiques et épidémiologiques de la maladie alors que leur raisonnement est fondé sur le comportement de la maladie et sur les dates de découverte de la maladie dans les vergers ; que le rapport est approximatif en considérant que les dates de découverte par prospection correspondent aux dates de première apparition de la maladie dans le verger alors qu’en aucun cas l’année de découverte de la maladie dans un verger ne peut être confondue avec l’année de sa contamination ; que cette confusion est présente à plusieurs reprises dans le raisonnement ;

— que les experts tirent des conclusions identiques sur la base d’un raisonnement parfois fondé sur des données observées à l’échelle d’un verger voire d’un rang et parfois à l’échelle des parcelles, voire du secteur, du département ou de la région alors que le comportement d’une maladie n’est pas comparable suivant les échelles ; que les experts ne peuvent, comme ils le font, extrapoler, sans argumentaire, à partir des observations faites à l’échelle d’un seul verger, d’un seul arboriculteur, à tout un secteur comprenant au moins cinq arboriculteurs ; qu’ainsi le rapport comporte des erreurs de terminologie et des amalgames dans sa description des phénomènes biologiques qui sont de nature à invalider le raisonnement ;

— que le caractère approximatif du raisonnement épidémiologique invalide le raisonnement ; qu’ainsi, alors qu’il apparaît que pour les secteurs Gotheron et Fouillouse, la contamination présente les mêmes caractères, les conclusions qui en sont tirées sont opposées ; qu’il existe donc un doute sérieux sur l’origine des contaminations dans plusieurs secteurs ; que, dès lors que toutes les origines de contamination n’ont pu être écartées par les experts, il ne peut être démontré sur la base de ce rapport aucune faute de l’I.N.R.A. et de l’Etat ;

— que sur le secteur de Fouillouse, les experts posent l’hypothèse d’une contamination de souche M du virus sur l’ensemble de cette zone bien qu’aucun typage n’ait été réalisé sur la plupart de ces vergers et, en tout cas, pas avant 1993 ; que bien qu’ayant indiqué que les épidémies peuvent être variables selon les vergers, les experts utilisent une vitesse théorique de progression de la maladie ; que la conclusion qu’ils en tirent ne peut en être certaine ;

— que les experts rejettent l’hypothèse sur ce secteur d’une contamination primaire, mais dès lors que le statut du matériel végétal introduit dans le verger est inconnu, ou non tracé, il est très difficile d’exclure cette hypothèse de contamination ; que les deux foyers du Gotheron et de Fouillouse plaident en faveur d’au moins deux origines de contamination distinctes ;

— que sur le manque d’information de l’Etat par l’I.N.R.A., les allégations des experts reposent sur des faits erronés ou des interprétations a posteriori de données inconnues à l’époque ;

— qu’il ne peut être démontré sur la base de ce rapport aucune faute de l’I.N.R.A. comme de l’Etat dès lors que toutes les hypothèses des origines de contamination n’ont pas pu être écartées par les experts ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2010, présenté par le ministre de l’alimentation, l’agriculture et de la pêche concluant aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient :

— que l’Etat n’a commis aucune faute ni dans l’exercice de sa tutelle, ni dans l’édiction et la mise en œuvre des mesures de police sanitaire contre la sharka ;

— que le fait que des publications antérieures à 1991 mentionnent l’isolat M ne permet pas de déduire qu’il existe une souche particulière de la maladie et encore moins que cette souche pourrait faire l’objet d’une détection ; que l’Etat était donc dans l’impossibilité d’adopter des mesures spécifiques et de diffuser, avant 1991, des renseignements sur une forme de maladie dont l’existence n’était pas encore établie ;

— que sur l’exercice du pouvoir de tutelle, il n’est pas démontré que la sharka trouve son origine dans une prétendue activité expérimentale de l’I.N.R.A. dans ses vergers ; que les centres I.N.R.A. du Gard et de la Drôme étant des centres d’observation variétale, leur contamination par le centre de Bordeaux est impossible dès lors que les expérimentations sur le site de Bordeaux sont réalisées en milieu confiné et les vergers du Gard et de la Drôme ne peuvent être consacrés à l’expérimentation d’un agent pathogène exotique, a fortiori en pleine nature ; qu’en tout état de cause, seule une faute lourde serait de nature à engager sa responsabilité à raison de ses activités de tutelle et aucune faute simple ou lourde ne peut être reconnue contre l’Etat dans le cadre dans son activité de tutelle sur l’I.N.R.A. d’autant qu’aucune faute de l’I.N.R.A. n’est démontrée ;

— que sur l’allégation du non respect des obligations de transposition incombant à l’Etat, le moyen manque en fait, la France ayant adopté en 1979 un dispositif conforme aux objectifs de la directive du 21 décembre 1976 et a prévu, dès 1973, des mesures spécifiques à l’importation des végétaux pour prévenir l’introduction de la sharka ;

— que sur le caractère suffisant des moyens matériels et humains mis en œuvre au regard des obligations légales, la surveillance de l’apparition des organismes nuisibles, incombe, en vertu de l’article L. 251-6 du code rural, aux arboriculteurs exploitants qui sont tenus de déclarer au service régional de la protection des végétaux toute apparition dans leur parcelle de la maladie ou des symptômes douteux sur feuilles et fruits ; qu’il ne peut être reproché au service régional de la protection des végétaux d’avoir mal effectué les prospections ; que la mauvaise exécution des prospections ne peut être imputée à l’Etat mais aux arboriculteurs eux-mêmes ;

— que la sharka étant une maladie strictement économique, sans enjeu de santé publique, les mesures doivent concilier maîtrise de la maladie, les intérêts et la survie économique de la filière ; que les mesures prises lors de la découverte de la maladie étaient adaptées ; qu’aucun élément économique scientifique et technique ne justifiait un arrachage sans nuance de tous les vergers découverts atteints ;

— que sur l’évolution des mesures de lutte contre la sharka, la requérante ne peut reprocher à l’Etat de ne pas avoir mis en place des mesures de lutte particulières contre la souche M avant 1991 ; qu’à partir de 1991 les mesures de lutte contre le virus de la sharka ont été renforcées ; qu’aucune faute n’est constituée dans la mesure où les méthodes de lutte ont été adaptées à l’évolution des connaissances scientifiques sur la sharka ;

— qu’en tout état de cause, l’absence de lien de causalité entre l’activité de police sanitaire et le préjudice prétendument subi s’oppose à l’engagement de la responsabilité de l’Etat ;

— que l’origine de la contamination n’est pas établie ; que le requérant ne démontre aucun lien de causalité entre l’activité de l’Etat ou de l’I.N.R.A. et le préjudice prétendument subi ;

— que sur la responsabilité sans faute :

— s’agissant de la rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour les mêmes années, les arboriculteurs ont été traités de façon identique ; que la requérante ne peut se prévaloir d’un préjudice spécial, le virus touchant une grande partie des arboriculteurs du sud-est français ;

— s’agissant du recours à des méthodes dangereuses, la requérante n’apporte aucune preuve tangible quant à une éventuelle introduction de la souche M du virus dans le milieu extérieur par l’I.N.R.A. ; que la responsabilité de l’Etat du fait d’un prétendu défaut de mise en place de mesures de lutte adaptées contre un organisme nuisible ne relève pas d’une hypothèse de présomption de faute ;

— que le préjudice subi par la requérante n’est pas justifié ;

Vu le mémoire enregistré le 26 juillet 2010, présenté pour l’I.N.R.A, par Me Monod après le dépôt du rapport d’expertise, par lequel il conclut aux mêmes fins que précédemment ;

il indique qu’il renonce à ses demandes de frais irrépétibles qu’il limite désormais à un euro symbolique ;

il fait valoir en outre :

— que les missions de l’expertise n’ont été que partiellement remplies ce qui la rend irrégulière et surtout inexploitable ; que le rapport ne consacre aucun développement aux éléments scientifiques sur la sharka ; qu’il ne contient aucune référence à la visite des lieux, les experts ne s’étant pas rendus sur une exploitation commerciale et la maladie n’ayant pas été observée contradictoirement en verger ; que le rapport ne réalise pas la date d’établissement de la maladie mais seulement la date de sa découverte ; qu’il ne précise pas la date d’identification de la souche M en France, ni les conditions de fonctionnement du domaine du Gotheron, ni les délais et les mesures prises ; qu’il se limite à l’hypothèse que le domaine de l’I.N.R.A. serait l’unique lieu d’introduction de la souche M dans le département ; qu’il ne traite ni des conditions de fonctionnement des exploitations commerciales, ni des acquisitions, avec leurs dates, des variétés de prunus ;

— que le rapport n’est fondé que sur les seules thèses des demandeurs ; qu’il repose sur l’emploi de méthodes différentes pour analyser la contamination observée à l’I.N.R.A. et celle découverte dans les vergers commerciaux ; qu’aucune autre hypothèse n’a été sérieusement envisagée et aucune autre recherche n’a été entreprise ; que notamment les requérants n’ont pas répondu aux demandes de pièces et les experts n’ont pas modifié cette situation ;

— que le rapport élude les analyses de l’I.N.R.A. tout en lui reprochant de ne pas lui fournir d’explication ; qu’il ne tient notamment pas compte de la note technique de l’I.N.R.A. sur le secteur de Fouillouse ; que les conclusions des experts sur ce point sont incomplètes et en contradiction avec leur propres analyses pour le secteur de Gotheron ; que, contrairement aux affirmations des experts, l’I.N.R.A. a répondu de façon détaillée à toutes les questions ;

— que le rapport ignore également les importantes études menées par l’I.N.R.A., dans le cadre des instances juridictionnelles concernant le Gard, et les décisions de justice rendues et conclut sans hésitation et très rapidement que l’I.N.R.A. ne peut être que le seul responsable des contaminations observées dans le Gard ;

— que les conclusions du rapport ne présentent pas de distanciation critique à l’égard des théories de M. E ; que les experts n’ont pas fait mention des controverses techniques et n’ont pas justifié les thèses qu’ils ont adoptées en justifiant leur choix ;

— que l’expertise repose sur une série de méprises techniques, scientifiques et factuelles ; qu’en particulier, les experts ne distinguent pas l’ordre de la découverte de la maladie et l’ordre de son établissement ; que la seule présentation de l’ordre de la découverte de la maladie donne une fausse impression de progression scientifique et n’a pas de valeur explicative ou descriptive de la maladie ; que le rapport aboutit au raisonnement erroné que la maladie pourrait s’établir lorsqu’elle est découverte et admet des vitesses de progression de la maladie extravagantes et jamais rapportées par la littérature scientifique ;

— que les experts qui ont choisi d’ignorer les recherches et publications des scientifiques de l’I.N.R.A., à leurs yeux suspectes, aboutissent à un rapport techniquement faible sur la diffusion de la sharka et assorti d’aucune justification scientifique, ce qui aboutit à des erreurs flagrantes fondées sur une méthode empirique ;

— que sur la distance de dissémination de la sharka, les experts ne prennent pas en compte le paramètre des gradients de dissémination par les vecteurs de la sharka ; qu’ils aboutissent à des conclusions incohérentes sur la contamination de Fouillouse ;

— que les conclusions des experts sur l’origine unique des isolats de souche M sont manifestement infondées ; que le fait que des isolats appartiennent au sous groupe A ne saurait constituer un indice d’une origine unique, le sous groupe A étant représenté dans la majorité des pays contaminés ; que le rapport procède à une généralisation abusive ; que si les isolats observés en France sont proches entre eux, ils le sont également d’autres isolats observés dans d’autre pays ; que d’autres données montrent au contraire l’origine multiple de virus introduits en France ; que la théorie de l’origine grecque unique n’est pas fondée ni démontrée, les isolats français présentant des indices de proximité avec ceux de plusieurs autres pays ;

— que les conclusions sur la date d’identification de la différenciation des souches M et D sont erronées, les conclusions de la publication sur laquelle se fonde l’expertise ayant été invalidées avec constance depuis 1977 ; que c’est à partir de 1990 que la différenciation des souches a été mise en évidence ; que le rapport stigmatise l’I.N.R.A. sur la base d’informations erronées et sans répondre à ses arguments ;

— que sur la date de disponibilité des tests utilisables en routine, les techniques PCR et Western Blot n’ont été mises en œuvre pour la première fois à titre expérimental qu’en 1990 et non « dans les années 80 », référence qui n’a guère de sens ; que la technique Western Blot est validée à partir de 1992 et utilisée en routine ;

— que la responsabilité de l’I.N.R.A. ne saurait être engagée ; que le rapport n’envisage aucune autre cause que l’activité de l’I.N.R.A. et ne tient pas compte dans son environnement des vergers commerciaux non prospectés et notamment la parcelle d’un verger de M. Z ; que le rapport se borne à rechercher un lien de causalité entre le domaine de Gotheron et le secteur de Fouillouse ; que l’étude menée sur le domaine du Gotheron est incomplète, elle ne prend pas en compte la parcelle Marquet ni l’environnement sud du domaine et alors qu’il n’est pas contesté que cette parcelle a été contaminée par des vergers commerciaux voisins ;

— que la seule contamination primaire du Gotheron avérée, est une contamination de souche D ; que contrairement aux allégations de la requérante, l’I.N.R.A. n’a jamais masqué le moindre cas de contamination dans ses vergers et les premières découvertes de matériels contaminés remontent à 1988 ;

— que sur la prétendue contamination par la souche M à partir de clones d’abricotiers Bebeco, tous les clones bebeco ont été testés et l’I.N.R.A. a systématiquement transmis les matériels originaires de Grèce ou d’ailleurs au CTIFL de Lanxade qui les lui a restitués après tests, ce qui démontre la réalité des tests de l’ensemble des matériels introduits ; que seuls deux arbres bebeco, et non douze, ont été contaminés et détruits sous contrôle du service régional de la protection des végétaux ; que tous les matériels dérivés de bebeco ont été recherchés par l’I.N.R.A. et le service régional de la protection des végétaux et aucun autre cas n’a été décelé sur ce matériel ; que la seule circonstance que ces deux arbres aient été découverts contaminés les premiers ne permet pas d’en déduire qu’ils sont à l’origine de la contamination ; qu’il s’agit d’une contamination secondaire par vecteur ;

— que l’analyse du rapport sur les pépinières est superficielle et ses conclusions sont contredites par l’ensemble du dossier ; alors que dans le rapport d’étape, les experts concluaient à un manque de pièces, ils écartent dans le rapport définitif sans explication, toute possibilité de contamination à partir d’une pépinière commerciale de la Drôme ou d’ailleurs ; que la méthode mise en œuvre sur le secteur Fouillouse pour déterminer la filiation des plants est inédite, non validée et erronée ; que l’analyse sur la vitesse de progression liée à l’âge des arbres est dépourvue de fondement ; que les pépinières constituent bien une source de contamination possible ;

— qu’il est avéré que des pépinières en dehors de la Drôme sont impliquées dans la diffusion de la souche M ; que l’absence de détection en pépinière ne démontre pas l’absence de contamination ; que, par exemple, les pépinières Valla ont vendu du matériel contaminé à des exploitants du Gard ; qu’au moment de la détection de la contamination sur le secteur de Fouillouse, il était déjà trop tard pour chercher à remonter la filière ; qu’il n’y a pas de raison pour que le département de la Drôme fasse exception aux autres départements affectés par la fourniture de plants contaminés ;

— qu’il existe, au-delà des pépinières déclarées et contrôlées, de nombreuses autres voies de contamination non explorées ; que les arboriculteurs n’utilisent que peu de matériel certifié, plus onéreux ; que la pratique du surgreffage et des importations non déclarées peuvent aussi constituer des sources de contamination ;

— que l’analyse du secteur Fouillouse exclut toute implication du domaine de Gotheron ;

— que, sur le rôle de l’Etat, l’I.N.R.A. n’a caché aucune information scientifique à l’Etat sur l’avancement de ses recherches ; que l’I.N.R.A. et l’Etat ont toujours collaboré dans l’intérêt de la production arboricole française ; que le rapport ne prend pas en compte le laxisme de certains arboriculteurs ;

Vu les pièces complémentaires enregistrées le 28 juillet 2010 produites pour l’I.N.R.A. par Me Monod ;

Vu les pièces complémentaires enregistrées le 30 juillet 2010 produites pour la SOCIETE FERERE par Me Tumerelle, notamment la note de l’expert agricole M. E ;

Vu la note en délibéré présentée pour l’I.N.R.A. par Me Monod, enregistrée le 20 décembre 2010 ;

Vu la note en délibéré présentée pour la SOCIETE FERERE par Me Tumerelle, enregistrée le 20 décembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment le rapport enregistré le 4 février 2010 établi par les experts désignés par le tribunal par ordonnances du 1er décembre 2003, 2 avril 2004, 3 juillet et 16 août 2006, 25 juin 2007 et 31 octobre 2007 ;

Vu la convention internationale pour la protection des végétaux du 6 décembre 1951, publiée par décret n° 61-1533 du 22 décembre 1961 ;

Vu la directive 77/93/CEE du Conseil européen du 21 décembre 1976 ;

Vu l’arrêté ministériel du 30 juillet 1970 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 décembre 2010 :

— le rapport de M. Y ;

— les conclusions de M. Chevaldonnet, rapporteur public ;

— et les observations de :

* Me Tumerelle, avocat de la SOCIETE FERERE

* Me Monod, et Me K’Jan, avocats de l’I.N.R.A,

* Mme X et M. A, représentants du ministre de l’agriculture ;

Considérant que la SOCIETE FERERE demande la condamnation solidaire de l’Institut National de la Recherche Agronomique (I.N.R.A.) et de l’Etat en réparation du préjudice lié à la contamination de ses vergers par la souche M, dite « Markus », du virus de la sharka ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le virus de la sharka, dénommé « Plum Pox Virus », est à l’origine d’une maladie affectant les arbres fruitiers à noyaux de type prunus, tels les abricotiers et les pêchers, qui altère l’aspect et le goût des fruits et contre laquelle il n’existe, dans l’état actuel des connaissances, aucun traitement ; que cette maladie, d’abord apparue en Europe de l’Est au début du XXème siècle, a été identifiée pour la première fois en France dans le département de l’Hérault en 1969, sous la forme de la souche dite « Dideron », résultant de l’importation de plants contaminés ; qu’en raison de sa propagation, le virus a été inscrit, par un arrêté ministériel du 30 juillet 1970, sur la liste des ennemis de cultures ; qu’au début des années 1990, a été identifiée la propagation d’une autre souche du virus, dite souche « Markus », mise en cause dans le présent litige ;

Sur la responsabilité de l’Institut National de la Recherche Agronomique :

Considérant que la SOCIETE FERERE soutient que la contamination de ses vergers a pour origine une infection du centre expérimental de l’I.N.R.A. de Gotheron, qui s’est diffusée par des pucerons, elle-même provoquée par une contamination par la souche M du centre I.N.R.A de Bordeaux ;

Considérant que s’il est constant que l’I.N.R.A. a importé du matériel végétal issu de pays contaminés par le virus et a procédé dans son centre de Bordeaux à des expérimentations sur du matériel végétal contaminé par le virus de la sharka, il n’est établi, ni par les pièces produites, ni par l’expertise susvisée ordonnée par le tribunal, que le centre de l’I.N.R.A. de Bordeaux serait à l’origine directe de la contamination de son centre de Gotheron par la souche M du virus ; qu’il résulte par ailleurs de l’instruction qu’il ne peut être tenu pour établi que le centre de l’I.N.R.A. de Gotheron constitue le premier foyer de contamination de la souche M de la sharka dans le département de la Drôme, ni qu’il est à l’origine d’autres contaminations dans ce département ; qu’il est impossible d’écarter l’hypothèse d’une origine extérieure à l’I.N.R.A. de la contamination des exploitations d’arboriculture du département de la Drôme, notamment dans le secteur de Fouillouse ; qu’il s’ensuit qu’en l’absence de lien direct et certain entre la contamination du domaine de Gotheron appartenant à l’I.N.R.A. et l’exploitation de la SOCIETE FERERE, cette dernière n’est pas fondée à se prévaloir d’une responsabilité de l’I.N.R.A. dans le dommage qu’elle a subi à la suite de la contamination de son exploitation par le virus de la sharka, souche M ; que les conclusions à fin d’indemnisation dirigées contre l’I.N.R.A. de la SOCIETE FERERE doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur la responsabilité de l’Etat :

Considérant qu’aux termes de l’article IV de la convention internationale pour la protection des végétaux susvisée : « 1. Chaque Etat contractant s’engage à prendre les dispositions nécessaires pour organiser, dans le plus bref délai et dans la mesure de ses possibilités (…) b) la diffusion, sur le plan national, de renseignements sur les maladies et ennemis des végétaux et produits végétaux et des moyens de prévention et de lutte » ; que la SOCIETE FERERE soutient que l’Etat a méconnu ces stipulations en s’abstenant, depuis l’introduction en France du virus de la sharka et jusqu’en 1991, de diffuser une information sur la souche M ; que, toutefois, les stipulations de la convention internationale sur la protection des végétaux du 6 décembre 1951 ne créant d’obligations qu’à l’égard des Etats signataires entre eux, la SOCIETE FERERE ne saurait utilement les invoquer ; qu’en tout état de cause, dès 1970, l’Etat a, par l’arrêté ministériel du 30 juillet 1970 susvisé, inscrit la maladie de la sharka au tableau des ennemis des cultures ; qu’il n’a alors pas opéré de distinction entre les souches D et M du virus causant cette maladie, une telle distinction n’étant pas possible à cette époque, contrairement aux affirmations de la SOCIETE FERERE; qu’en effet, si dès 1977, sont apparus des isolats de la sharka qui pouvaient être distingués de la seule souche du virus alors connue, dite souche « Dideron » ou D, ce n’est qu’en 1991 que les connaissances scientifiques et techniques ont permis de distinguer de façon fiable et opérationnelle la propagation d’une seconde souche dite « Markus » ou M ; que l’Etat et ses services régionaux de protection des végétaux, qui avaient d’ailleurs diffusé à destination des exploitants, des informations sur la maladie dès le début de l’épidémie, étaient, par conséquent, dans l’impossibilité de diffuser de 1984 à 1991 sur le plan national des renseignements sur une forme de maladie dont l’existence n’était pas encore suffisamment établie ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré d’une méconnaissance de l’obligation d’information prévue par le texte précité ne peut qu’être écarté ;

Considérant que la SOCIETE FERERE soutient que l’Etat a transposé avec retard l’ensemble des dispositions de la directive du 21 décembre 1976 n° 77/93/CEE du conseil des communautés européennes favorisant ainsi la propagation du virus de la sharka ; que cependant, l’Etat, par arrêté ministériel en date du 30 juillet 1970, a, comme il a été dit, inscrit la maladie de la sharka au tableau des ennemis des cultures, contre laquelle la lutte est obligatoire en tous lieux et de façon permanente ; que, par arrêté en date du 18 juillet 1973, a notamment été interdite l’importation de porte-greffes, greffons, boutures et plants fruitiers des pruniers, abricotiers, pêchers et amandiers infectés par la sharka ou qui sont issus d’établissements producteurs infectés ou situés à côté de propriétés qui leur sont limitrophes et dans lesquelles la sharka a été décelée ; qu’en tout état de cause, à supposer que la directive du 21 décembre 1976 n° 77/93/CEE du conseil des communautés européennes ait été transposée dans toutes ses dispositions avec retard dans le droit interne, il n’est pas établi de lien de causalité direct entre ce retard et la contamination des vergers de la SOCIETE FERERE;

Considérant qu’en soutenant que l’Etat n’a pas respecté le dispositif national de contrôle des importations de l’I.N.R.A. s’agissant de matériel susceptible d’héberger une maladie de quarantaine et que le matériel végétal introduit par l’I.N.R.A. en provenance notamment de Grèce, pays, selon la requérante, notoirement contaminé par la sharka souche M, aurait dû faire l’objet d’une mise en quarantaine par le service de la protection des végétaux, la SOCIETE FERERE, qui ne précise pas le fondement de l’obligation légale qu’elle invoque, n’assortit pas son moyen des précisions nécessaires à l’appréciation de son bien fondé ; qu’en tout état de cause, à supposer même que l’I.N.R.A. ait fait entrer irrégulièrement du matériel végétal sur le territoire national à destination de son centre de Bordeaux, il ne résulte pas de l’instruction que de telles importations auraient été à l’origine de la contamination par le virus de la sharka du domaine de Gotheron et de l’exploitation arboricole de la SOCIETE FERERE; que le moyen ne peut dès lors qu’être écarté ;

Considérant que si la SOCIETE FERERE soutient que l’Etat a délégué à l’I.N.R.A. la surveillance de ses propres vergers sans en assurer le contrôle en méconnaissance des articles L. 251-7, L. 251- 9, et L. 251-18 du code rural, une telle circonstance ne serait pas de nature à engager la responsabilité de l’Etat du fait de la diffusion du virus de la sharka, dès lors qu’il n’est pas établi que l’I.N.R.A. serait à l’origine d’une contamination des vergers commerciaux de la SOCIETE FERERE ; qu’en outre, la SOCIETE FERERE, exposant qu’un accord serait intervenu en 1989 entre l’I.N.R.A. et le service de la protection des végétaux, elle ne peut utilement se prévaloir d’une application desdits articles du code rural qui n’étaient pas entrés en vigueur à cette date ; qu’en tout état de cause, à supposer, d’ailleurs, que l’accord entre l’I.N.R.A. et le service de la protection des végétaux mentionné par la SOCIETE FERERE ait existé et qu’il se soit prolongé au delà de l’entrée en vigueur de ces dispositions, en application de l’article L. 251-1 du code rural, applicable à partir du 18 septembre 2000, la surveillance biologique de l’état sanitaire et phytosanitaire des végétaux relève de la compétence des agents chargés de la protection des végétaux ou, en tant que de besoin, de toute autre personne désignée par le ministre chargé de l’agriculture et il résulte de l’instruction que l’I.N.R.A. s’est appuyé sur le service de la protection des végétaux pour les actions de prospection sur ses vergers ; qu’ainsi, la SOCIETE FERERE ne saurait soutenir que la surveillance des vergers de l’Institut lui aurait été illégalement déléguée en dehors de tout contrôle du service de la protection des végétaux ; qu’il en découle que le moyen tiré de la méconnaissance fautive par l’Etat des articles L. 251-7, L. 251- 9, et L. 251-18 du code rural ne peut qu’être écarté ;

Considérant, contrairement aux affirmations de la SOCIETE FERERE, qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’Etat n’a jamais contrôlé les activités de l’I.N.R.A. ; que la SOCIETE FERERE ne saurait, non plus, en tout état de cause, par ses seules affirmations, établir que l’I.N.R.A. a procédé, dans son centre de Gotheron, à des plantations de pois dans le but d’y mener des expérimentations sur le virus de la sharka ; qu’elle ne saurait davantage faire grief à l’Etat de n’avoir pas fait arracher dès 1984 la totalité des vergers I.N.R.A. du centre de Bordeaux, de telles mesures prophylactiques n’apparaissant, compte tenu des connaissances alors acquises sur le virus de la sharka, ni utiles ni nécessaires ; qu’en tout état de cause, à le supposer avéré, un tel défaut de surveillance de l’Etat sur l’I.N.R.A. est sans influence sur sa responsabilité dès lors, ainsi qu’il a déjà été dit, qu’il n’est pas établi que l’I.N.R.A serait à l’origine de la contamination de l’exploitation de la SOCIETE FERERE par le virus de la sharka ni même de la diffusion de la maladie en France ;

Considérant que la SOCIETE FERERE invoque une méconnaissance fautive des articles L. 251-7, L. 251- 9, et L. 251-18 du code rural, au motif que les services de l’Etat auraient délégué, pendant les années 1986 à 1997, la surveillance des vergers aux exploitants eux-mêmes ; que la SOCIETE FERERE ne saurait toutefois utilement se prévaloir d’une méconnaissance de ces dispositions, celles-ci n’étant pas applicables à la date des faits ; qu’en tout état de cause, aux termes de l’article 352 du code rural dans sa version applicable à la période en cause : « Le ministre de l’agriculture prescrit par arrêté tous traitements ou mesures nécessaires pour combattre la propagation des organismes nuisibles inscrits sur la liste prévue à l’article 342 » et aux termes de l’article 350 du même code : « Toute personne qui, sur un fonds lui appartenant ou cultivé par elle, ou sur des produits ou matières qu’elle détient en magasin, constate la présence d’un parasite dangereux, nouvellement apparu dans la commune, doit en faire immédiatement la déclaration au maire de la commune de sa résidence. Le maire la transmet d’urgence au directeur départemental des services agricoles. » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’Etat pouvait, comme l’a fait le préfet de la Drôme, prescrire que les propriétaires ou exploitants sont tenus de déclarer au service régional de la protection des végétaux, toute apparition dans leurs parcelles de la maladie ou de symptômes douteux sur feuilles et fruits ; qu’en outre, et contrairement aux affirmations de la requérante, il résulte de l’instruction que dès l’apparition des premiers foyers de diffusion de la maladie, les services de l’Etat de la Région Rhône-Alpes, en collaboration avec l’I.N.R.A., ont assuré la diffusion d’informations sur la maladie à destination des agriculteurs par divers médias et réunions et lors des contacts réguliers avec les producteurs concernés et responsables des stations fruitières ; que la SOCIETE FERERE n’est ainsi pas fondée à soutenir que l’Etat a commis une illégalité fautive par de telles prescriptions dont l’influence sur la contamination de sa propre exploitation n’est, au surplus, pas démontrée ;

Considérant que la SOCIETE FERERE fait grief au service de la protection des végétaux d’avoir délégué, sans d’ailleurs préciser par quelle convention, ses missions de surveillance des vergers à la fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDEC) en méconnaissance de l’article L. 251-18 du code rural ; que toutefois aux termes de l’article L. 251-14 du code rural dans sa version applicable aux faits de l’espèce : : « I. – Le contrôle et l’inspection de l’état sanitaire des végétaux, produits végétaux et autres objets mentionnés au I de l’article L. 251-12 est assuré par les agents visés au I de l’article L. 251-18 ou par toute autre personne désignée par l’autorité administrative » ; qu’en application de l’article L. 252-5 du même code, la FREDEC a pour mission :« 2° D’exécuter les missions qui lui sont confiées par les dispositions législatives, et notamment les articles L. 251-14 et L. 251-1 et les textes réglementaires pris pour leur application. » ; qu’il résulte de ces dispositions que la FREDEC a pu légalement, sous le contrôle et la formation du service de la protection des végétaux, assumer des missions de prospection et de surveillance ; qu’il ne ressort pas de l’instruction que la FREDEC se soit vue confier des missions de contrôle et d’inspection telles que prévues par l’article L. 251-18 du code rural ; qu’il s’ensuit que le moyen de la SOCIETE FERERE tiré de ce que l’Etat aurait commis une illégalité fautive en confiant un rôle de prospection de la maladie à la FREDEC de la Région Rhône-Alpes ne peut qu’être écarté ;

Considérant que, contrairement aux affirmations de la SOCIETE FERERE, il résulte de l’instruction que le service de la protection des végétaux n’a pas cessé d’exercer son contrôle sur l’évolution de la maladie à partir de 1986 et que les prospections, quoique ciblées, ont continué après 1986 et se sont accentuées en fonction du développement de la maladie sous le contrôle du service de la protection des végétaux ; qu’il ressort des rapports sur la lutte contre la sharka établis annuellement par le service de la protection des végétaux de la Région Rhône-Alpes, qu’à la suite de la découverte d’un foyer de contamination par la sharka du domaine I.N.R.A. de Gothéron , le service de la protection des végétaux a engagé une campagne de prospection dans toutes les parcelles de ce domaine et sur une distance de 800 mètres à un kilomètre à sa périphérie ; que ces mesures de recherche et de surveillance des vergers ont été progressivement élargies autour du domaine de Gothéron, jusqu’en 1991, date à partir de laquelle les mesures de lutte ont globalement été renforcées, tirant les conséquences de l’identification d’une nouvelle souche du virus ; qu’il apparaît ainsi que les moyens mis en oeuvre par ce service, tant financiers qu’humains, étaient adaptés à l’évolution de la maladie dans la région ; que les moyens tirés de ce que le service de la protection des végétaux aurait cessé d’assumer depuis 1986 ses missions de contrôle de l’évolution de la maladie et de ce que l’Etat aurait consacré à la lutte contre la sharka des moyens insuffisants, ne peuvent dès lors qu’être écartés ;

Considérant que les affirmations de la SOCIETE FERERE à l’appui de ses moyens selon lesquelles l’Etat a choisi de limiter les mesures de lutte contre le virus tout en connaissant les risques pour les arboriculteurs sont inexactes ; qu’ainsi qu’il a été dit, ce n’est qu’en 1991 que les connaissances scientifiques et techniques ont permis de reconnaître de façon fiable et opérationnelle la souche M du virus ; que dès 1974, par arrêté du 23 octobre, le préfet de la Drôme a prévu des mesures d’arrachage des arbres découverts contaminés ; que les cas de maladie ayant une rapidité de propagation et une virulence qui n’avaient jusqu’alors pas été observées dans le département de la Drôme, n’ont été détectés qu’à partir de 1989 puis du début des années 1990 ; que, dans ces conditions, en l’absence de traitement curatif de la maladie, les mesures de lutte contre le virus qui ont privilégié, afin de préserver au mieux les exploitations arboricoles, l’arrachage des seuls arbres atteints, ne sauraient être considérées comme inappropriées ; qu’à compter de 1993, l’Etat a renforcé les mesures prophylactiques y compris en prévoyant l’arrachage de la totalité des arbres des parcelles contaminées, les récentes connaissances scientifiques de l’époque justifiant désormais la nécessité de telles mesures ; que dans ces circonstances, la SOCIETE FERERE n’est pas fondée à soutenir que l’Etat serait intervenu tardivement et par des mesures inadéquates, notamment en ne prescrivant pas, dès 1984, l’arrachage de la totalité des arbres des vergers contaminés par la sharka ;

Considérant, enfin, que l’Etat n’a pas méconnu le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques en modifiant les montants d’indemnisation au cours des années en fonction de l’évolution de la contamination et de la politique mise en œuvre en la matière ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FERERE n’est pas fondée à demander la condamnation de l’Etat à l’indemniser du préjudice subi par son exploitation à la suite de sa contamination par le virus de la sharka ; qu’ainsi, ses conclusions relatives à la responsabilité de l’Etat dans la contamination de son exploitation doivent être rejetées ;

Sur les autres conclusions de la SOCIETE FERERE:

Considérant que les conclusions de la SOCIETE FERERE relatives à la condamnation de l’Etat et de l’I.N.R.A. à l’indemniser du préjudice subi en raison de la contamination de ses vergers par la souche M du virus de la sharka étant rejetées, il n’est pas nécessaire de faire procéder à une expertise supplémentaire destinée à évaluer précisément son préjudice ; que ses conclusions tendant au versement d’une provision, ainsi que celles relatives à la mise à la charge de l’Etat et de l’I.N.R.A. des frais irrépétibles et des dépens liés à l’expertise ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ;

Sur les conclusions de l’I.N.R.A. relatives aux frais irrépétibles :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la SOCIETE FERERE à payer à l’Institut National de la Recherche Agronomique la somme que ce dernier réclame au titre des frais qu’il a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE FERERE est rejetée.

: Les conclusions de l’I.N.R.A. relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.

: Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE FERERE, à l’institut national de la recherche agronomique, au Ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire et au préfet de la Drôme.

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Durand, président,

Mme B et M. Y, premiers conseillers.

Lu en audience publique le 23 décembre 2010 .

Le rapporteur, Le président,

P. Y R. Durand

La greffière,

B. Robert

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Grenoble, 23 décembre 2010, n° 0701425