Tribunal administratif de Guadeloupe, 25 janvier 2018, n° 1701278

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Guadeloupe, 25 janv. 2018, n° 1701278
Juridiction : Tribunal administratif de Guadeloupe
Numéro : 1701278

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LA GUADELOUPE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1701278

___________

COMPAGNIE GUADELOUPEENNE DE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS TRANSPORTS SCOLAIRES

___________
M. A… Le président, juge des référés Juge des référés

___________

Audience du 22 janvier 2018 Ordonnance du 25 janvier 2018 ___________

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2017 et deux mémoires complémentaires enregistrés les 15 et 19 janvier 2018 la compagnie générale de transports guadeloupéenne (CGTS), représentée par Me B…, demande au juge des référés :

1°) d’annuler la procédure de passation par la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre des lots numéros 4, 6, 7, 8 et 9 du marché de transports scolaires ayant fait l’objet d’un avis d’appel public à la concurrence du 13 octobre 2017 ;

2°) d’enjoindre à la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre de reprendre l’intégralité de la procédure de passation de ces lots ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre une somme de 3 500 euros l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le délai de dépôt des candidatures était manifestement trop court pour permettre une réelle mise en concurrence ;

- la commission d’appel d’offres a procédé à un examen beaucoup trop sommaire des offres présentées ;

- l’offre pour le lot n°4 ne pouvait être regardée comme inappropriée et inacceptable et ses autres offres ne pouvaient être regardées comme inappropriées ;

- le candidat retenu pour le lot n°9 a présenté une offre anormalement basse ;

- la décision de rejet de ses offres est insuffisamment motivée ;

- en ne mentionnant pas l’obligation de reprendre le personnel pour les marchés en litige, le pouvoir adjudicateur a faussé la mise en concurrence des candidats ;



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- en refusant de lui fournir les pièces qu’elle a réclamées, la communauté d’agglomération a manqué à ses obligations d’information et donc aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

- les candidatures des sociétés attributaires des lots en litige n’étaient pas recevables dès lors qu’il s’agit, en réalité, d’une seule et même entité, en méconnaissance du règlement de consultation, et qu’en outre, ces sociétés ne présentaient pas les capacités techniques et financières nécessaires ;

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 12, 16 et 22 janvier 2018 la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, représentée par Me D…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre des frais de procès.

Elle soutient que la requête est infondée.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. A…,

- et les observations de Me B…, représentant la société requérante, celles de Me D…, représentant la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre, et celles de M. C…, gérant de la société Transka.

Une note en délibéré, enregistrée le 23 janvier 2018, a été présentée pour la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société CGTS demande au juge des référés d’annuler la procédure de passation par la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre des lots n° 4, 6, 7, 8 et 9 du marché de transports scolaires ayant fait l’objet d’un avis d’appel public à la concurrence du 13 octobre 2017. La circonstance que la procédure ait été déclarée infructueuse pour les lots n°7 et 9 ne prive pas la présente requête d’objet en ce qui les concerne dès lors que la communauté d’agglomération a la possibilité, en application des articles 25 et 30 du décret du 25 mars 2016 susvisé, de procéder, suivant les cas, à une procédure concurrentielle avec négociation ou à un dialogue compétitif, ou de conclure un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables.

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ». Aux termes de l’article L. 551-2 du même code : « Le



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juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. »

3. En vertu des dispositions de l’article L. 551-10 du code de justice administrative, les personnes habilitées à engager le recours prévu à l’article L. 551-1 en cas de manquement du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. Le choix de l’offre d’un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu’il ne résulte de l’instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l’offre qu’il présentait ne pouvait qu’être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable, sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu’il dénonce.

Sur les conclusions aux fins d’annulation du marché pour le lot numéro 4 :

4. En application du I de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 susvisé une offre est inappropriée lorsqu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre au besoin et aux exigences de l’acheteur formulés dans les documents de la consultation.

5. Il est constant que l’appel d’offres pour ce lot a été passé pour le transport de 310 élèves. Or, il résulte de l’instruction que la proposition de la société CGTS porte sur quatre autocars d’une capacité de 59 places et un autocar de 63 places, soit 299 places au total. Son offre ne répondait donc manifestement pas au besoin de la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre et la société requérante n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que c’est à tort que son offre a été rejetée comme étant inappropriée. Par suite, elle ne peut utilement invoquer les manquements qu’elle dénonce et ses conclusions aux fins d’annulation de la procédure de passation du marché pour ce lot ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d’annulation du marché pour les lots numéros 6, 7, 8 et 9:

En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisance du délai de remise des offres :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

6. En application du I de l’article 59 du décret du 25 mars 2016 susvisé une offre est inappropriée lorsqu’elle n’est manifestement pas en mesure, sans modification substantielle, de répondre au besoin et aux exigences de l’acheteur formulés dans les documents de la consultation.

7. Le règlement de consultation du marché en litige prévoit que les candidats devront, notamment, justifier des moyens en matériels roulants nécessaires, soit par des véhicules appartenant au candidat, soit par des « véhicules mis à disposition au sens large : justificatif de la



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mise à disposition (engagement ferme de mise à disposition ou contrat de location signé avec le propriétaire pour confier le véhicule au titulaire en cas d’attribution du marché) », ou encore par des « véhicules en commande, facture ou bon de commande, à l’exclusion d’un simple devis et faisant apparaitre la date de livraison pour permettre de vérifier la réalité de l’existence du véhicule au moment du démarrage des prestations (facture ou bon ou engagement de commande signé avec le vendeur). »

8. Il résulte de l’instruction que la société CGTS n’a pas présenté à l’appui de sa candidature pour les lots en litige de pièce faisant apparaitre des dates de livraison fermes des autocars dont elle se prévalait. Dans ces conditions, aucune de ces offres ne répondait aux exigences du règlement de consultation sur la justification de l’existence ou de la date de livraison des moyens en matériels roulants et les offres de la société requérante pour ces lots ont été rejetées comme inappropriées.

9. La société CGTS soutient que le délai de consultation, de 34 jours entre la date de la publication de l’appel d’offres, le 13 octobre 2017, et la date limite de réception des offres, le 17 novembre 2017, était insuffisant, ce qui l’a empêché de produire des offres répondant aux exigences du règlement de consultation.

10. En application du II de l’article 67 du décret du 25 mars 2016 susvisé, le délai minimal de réception des offres et des candidatures est de trente jours lorsque celles-ci peuvent, comme en l’espèce, être transmises par voie électronique. Le délai de consultation du marché en litige était donc supérieur au délai minimal prévu par ce texte.

11. Toutefois, il résulte de l’article 6.1 du règlement de consultation que sur les 55 points attribués à l’appréciation de la valeur technique des propositions, sur un total de 100, 20 points étaient répartis en fonction de l’âge des véhicules proposés, seuls ceux de 0 à 2 ans inclus pouvant recevoir la note de 20, ceux de 3 à 4 ans inclus se voyant attribuer 15 points et ainsi de suite. Une proposition ne comportant pas de véhicules neufs, ou de deux ans au maximum, se voyait donc notée de manière substantiellement inférieure à celle d’un candidat pouvant répondre à ce critère. En outre, il résulte de l’instruction que le délai de 34 jours laissé aux candidats ne leur permettait pas d’obtenir, dans un premier temps, le financement de véhicules d’une valeur unitaire d’environ 200 000 euros et de pouvoir, dans un second temps, passer une commande avec une date de livraison ferme en Guadeloupe. Par suite, le délai de remise des offres, alors même qu’il respecte les dispositions du II de l’article 67 du décret du 25 mars 2016, était, dans les circonstances de l’espèce, insuffisant et cette insuffisance était de nature à porter atteinte à l’égalité entre les candidats qui disposaient déjà de véhicules de deux ans au maximum et ceux qui devaient les acquérir pour les besoins de leur candidature. Dès lors que c’est cette irrégularité qui a entrainé le rejet des offres de la société requérante pour les lots n° 6,7, 8 et 9 comme étant inappropriées, celle-ci peut utilement se prévaloir de ce manquement.

En ce qui concerne le moyen tiré du non-respect du règlement de consultation sur le nombre maximum de candidatures et de lots pouvant être attribués à un candidat :

12. Le règlement de consultation du marché en litige dispose qu’un candidat ne peut soumettre de proposition que pour un maximum de cinq lots et qu’aucun candidat ne peut se voir attribuer plus de trois lots.

13. Il résulte de l’instruction que la Sarl transports les 6 F et l’Eurl Transka ont présenté des candidatures, respectivement pour les lots n° 1, 4 et 5 et pour les lots n° 2, 6 et 8, et qu’elles se sont vus attribuer ces lots.



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14. Or, il résulte également de l’instruction que l’Eurl Transka, créée en juillet 2017 par le fils de la gérante de la Sarl transports les 6 F, n’a pas de moyens propres, mais se prévaut uniquement de ceux de cette dernière société, qui s’est engagée à lui mettre à disposition les véhicules nécessaires à l’exécution des marchés en question et que la quasi-totalité des moyens matériels de la société Transka sont ceux de la société transports les 6 F, notamment le hangar, les moyens d’entretien courant, la cuve de carburant et les partenariats pour l’entretien et les réparations des véhicules. Dans ces circonstances, la Sarl transports les 6 F et l’Eurl Transka doivent être regardées comme un seul et même candidat et la société transports du centre est fondée à soutenir que leurs candidatures étaient irrecevables puisqu’elles portaient sur un total de six lots et qu’en outre, elles ne pouvaient se voir attribuer ce même total de six lots. L’attribution des lots n° 6 et 8 à la société Transka s’est, dès lors, faite en méconnaissance des obligations de mise en concurrence fixées par le règlement de consultation.

15. Compte tenu de la nature des deux irrégularités entachant la procédure de passation des lots n° 6,7, 8 et 9, la société CGTS est fondée à demander l’annulation des procédures de passation correspondantes.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

16. Compte tenu de l’annulation prononcée par la présente ordonnance, il est enjoint à la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre, si elle entend conclure un marché ayant le même objet que ceux des lots n° 6,7, 8 et 9, de reprendre la procédure de passation dès le stade de la publication de l’avis d’appel d’offres, en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Sur les frais de procès :

17. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre la somme de 2 500 euros à verser à la société CGTS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

18. La société transports du centre n’étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions présentées à ce titre par la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre ne peuvent qu’être rejetées.

O R D O N N E

Article 1er : La procédure de passation des lots n° 6, 7, 8 et 9, du marché public de transports scolaires pour le compte de la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre, si elle entend conclure un marché ayant le même objet que ceux des lots n° 6, 7, 8 et 9, de reprendre la procédure de passation dès le stade de la publication de l’avis d’appel d’offres, en se conformant à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Article 3 : La communauté d’agglomération du Nord Grande Terre versera à la société CGTS la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CGTS, à la communauté d’agglomération du Nord Grande Terre, à la société transport 6 F, à la société Transka et à la société Jade.

Le juge des référés La greffière,

S. A… A. Cétol

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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