Tribunal administratif de Lille, 27 janvier 2011, n° 0804445

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 27 janv. 2011, n° 0804445
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 0804445

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LILLE

N° 0804445

__________

ASSOCIATION DES AMIS DE LA

CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-

MONTREUIL

__________

M. Minet

Rapporteur

__________

M. Banvillet

Rapporteur public

__________

Audience du 13 janvier 2011

Lecture du 27 janvier 2011

__________

38-01-02

68-03-03-01-05

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Lille

(5e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2008, présentée pour l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL, représentée par son président, M. Y Z, dont le siège est à la mairie de Neuville-sous-Montreuil (62170), par Me J. Durand, avocat ; l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL demande au Tribunal :

1°) d’annuler le permis de construire délivré par le préfet du Pas-de-Calais le 14 décembre 2007 à la SCI de l’Ermitage ;

2°) de mettre à la charge de la SCI de l’Ermitage une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les pièces du dossier établissant que les parties ont été informées, conformément à l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2011, présentée pour la SCI de l’Ermitage ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2011, présentée par le préfet du Pas-de-Calais ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 janvier 2011 :

le rapport de M. Minet, conseiller,

les observations de Me Capon, avocat, substituant Me Durand, pour l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL,

les observations de M. X, pour le préfet du Pas-de-Calais,

les observations de Me Bodart, avocat, pour la SCI de l’Ermitage,

et les conclusions de M. Banvillet, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Capon, pour l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL, à M. X, pour le préfet du Pas-de-Calais, et à Me Bodart, pour la SCI de l’Ermitage ;

Considérant que par un arrêté en date du 14 décembre 2007, le préfet du Pas-de-Calais a délivré un permis de construire à la SCI de l’Ermitage pour des travaux de rénovation et de réaménagement intérieur de l’ensemble immobilier de la chartreuse Notre-Dame-des-Prés de Neuville-sous-Montreuil, inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ; que par la présente requête, l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL demande l’annulation de cet arrêté ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Pas-de-Calais et la SCI de l’Ermitage :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme : « Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire » ; qu’il ressort des pièces du dossier que les statuts de l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL ont été déposés en préfecture le 28 janvier 1992 ; que les dispositions précitées ne font dès lors pas obstacle à la recevabilité du présent recours ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL a pour objet, selon ses statuts, « d’assurer la défense, la sauvegarde et la mise en valeur de l’ensemble architectural exceptionnel que constitue la chartreuse (…) » et « de promouvoir et de maintenir l’affectation de cet ensemble à un usage conforme à sa destination d’origine et naturelle » ; que cet objet lui donne un intérêt à agir à l’encontre de l’arrêté attaqué ;

Considérant, en troisième lieu, qu’en l’absence, dans les statuts d’une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que les statuts de l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL prévoient que son président « représente l’association dans tous les actes de la vie civile, notamment en justice » ; qu’aucune autre stipulation desdits statuts ne réserve à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif ; que, dès lors, M. Y Z, en sa qualité de président de cette association, avait qualité pour former le présent recours ;

Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes de l’article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge » ; que l’absence, dans la requête introductive d’instance de l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL, d’un passage spécifiquement consacré à l’exposé des faits est sans influence sur sa recevabilité, dès lors que celle-ci énonce, par ailleurs, les éléments de faits nécessaires pour permettre à la juridiction de statuer sur son recours ; que, de même, la circonstance que certains des moyens de l’association requérante ne soient pas assortis d’arguments de droit ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa requête ;

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation dès lors que la décision a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente » ; qu’aux termes de l’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation : « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-3. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage » ; qu’aux termes de l’article L. 111-8 du même code : « Les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement ou la modification d’un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu’après autorisation délivrée par l’autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l’objet d’un accord de l’autorité administrative compétente mentionnée à l’alinéa précédent » ; qu’aux termes de l’article R. 111-18-3 de ce code, lequel a été annulé par une décision du Conseil d’Etat en date du 21 juillet 2009 (n° 295382), au motif que le pouvoir réglementaire ne pouvait instituer une telle dérogation s’agissant de constructions nouvelles : « Le représentant de l’Etat dans le département peut accorder des dérogations (…) aux dispositions du 2 de l’article R. 111-18-2 pour des programmes de logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont assurés de façon permanente, sous réserve de la réalisation, dans le même programme, d’un pourcentage de logements offrant des caractéristiques d’accessibilité dès la construction » ; qu’aux termes de l’article R. 111-18-9 dudit code : « Lorsque, à l’occasion de travaux de modification ou d’extension portant sur un bâtiment ou une partie de bâtiment d’habitation collectif ou à l’occasion de travaux de création d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment par changement de destination, le rapport du coût des travaux à la valeur du bâtiment est supérieur ou égal à 80 %, les dispositions architecturales et les aménagements du bâtiment doivent satisfaire aux obligations suivantes : / (…) c) Les logements où sont réalisés des travaux doivent respecter les dispositions prévues à l’article R. 111-18-2 (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 111-18-10 du même code : « Le représentant de l’Etat dans le département peut, sur demande du maître d’ouvrage des travaux, accorder des dérogations à celles des dispositions de la présente sous-section qui ne peuvent être respectées du fait des caractéristiques du bâtiment, pour les motifs prévus à l’article R. 111-18-3 (…). / Le représentant de l’Etat dans le département peut également accorder des dérogations aux dispositions de la présente sous-section en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural dès lors que les travaux projetés affectent (…) les parties extérieures ou, le cas échéant, intérieures d’un bâtiment d’habitation ou une partie de bâtiment d’habitation (…) inscrit au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-25 et suivants du code du patrimoine (…) » ;

Considérant que les travaux envisagés par la SCI de l’Ermitage et autorisés par l’arrêté attaqué consistent à aménager, d’une part, des lieux de réception, de manifestations culturelles et de restauration dans les anciens lieux de vie commune de la chartreuse Notre-Dame-des-Prés, et d’autre part, des logements dans les anciennes maisons des pères chartreux, dont une partie au moins a vocation à être utilisée comme une résidence de tourisme, et présente donc le caractère d’un établissement recevant du public ; qu’il ressort des pièces du dossier que la pétitionnaire a sollicité une dérogation aux règles relatives à l’accessibilité de ces logements aux personnes handicapées ; que le 30 octobre 2007, la sous-commission départementale d’accessibilité a émis un avis favorable à cette demande de dérogation, en se fondant sur les dispositions précitées de l’article R. 111-18-3 du code de la construction et de l’habitation ; que le préfet du Pas-de-Calais, qui a délivré le permis de construire sollicité en visant cette demande de dérogation, ainsi que l’avis favorable de la sous-commission, doit être regardé comme ayant accordé cette dérogation à la pétitionnaire en se fondant sur les mêmes dispositions, ce que confirment d’ailleurs ses écritures en défense ; que, toutefois, d’une part, en se fondant sur cet article, qui du fait de son annulation contentieuse a disparu rétroactivement de l’ordonnancement juridique, le préfet du Pas-de-Calais a méconnu le champ d’application de la loi ; que, d’autre part, à supposer même que l’article R. 111-18-10 du même code puisse être substitué au fondement légal utilisé par le préfet pour accorder cette dérogation, il ressort des pièces du dossier que la notice de présentation figurant dans le dossier de demande de permis de construire de la SCI de l’Ermitage indiquait que les logements seraient vendus à des propriétaires qui, « le cas échéant », les loueraient à un exploitant de résidence de tourisme ; qu’ainsi, le projet de la pétitionnaire ne pouvait être regardé comme un programme de logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière, au sens des dispositions précitées ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix de la pétitionnaire de ne pas rendre tous les logements accessibles aux personnes handicapées soit, pour chacun d’entre eux, justifié par des contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural, au sens des mêmes dispositions ; qu’il en résulte que le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait légalement, sur ce fondement, accorder à la SCI de l’Ermitage une dérogation aux règles d’accessibilité des logements aux personnes handicapées ;

Considérant qu’en l’état de l’instruction, aucun des autres moyens soulevés par la requérante ne paraît de nature à justifier l’annulation du permis de construire contesté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL est fondée à demander l’annulation de l’arrêté en date du 14 décembre 2007 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a délivré un permis de construire à la SCI de l’Ermitage ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en application de cet article, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SCI de l’Ermitage la somme que l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par la requérante doivent dès lors être rejetées ;

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI de l’Ermitage demande au titre des frais de même nature qu’elle a exposés ; que les conclusions présentées à ce titre par l’intéressée doivent donc également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 14 décembre 2007 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI de l’Ermitage au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’ASSOCIATION DES AMIS DE LA CHARTREUSE DE NEUVILLE-SOUS-MONTREUIL, au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et à la SCI de l’Ermitage.

Copie sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer.

Délibéré après l’audience publique du 13 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Vanhullebus, président,

M. Minet, conseiller,

M. Meisse, conseiller.

Lu en audience publique le 27 janvier 2011.

Le rapporteur Le président

Signé : C.-E. MINET Signé : T. VANHULLEBUS

Le greffier

Signé : S. AYDOGDU

La République mande et ordonne au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement , en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Le greffier

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