Tribunal administratif de Lille, 17 février 2023, n° 2006583

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Mélanie Huet Avocat · 27 février 2023

Publié le 27/02/2023 - Mis à jour le 27/02/2023 Aux termes de plusieurs ordonnances dites de série, le tribunal administratif de Lille annule le titre exécutoire émis par un Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) au titre de la facturation des transports dits de jonction. Le tribunal a statué par voie d'ordonnance en application des dispositions de l'article R.222-1 du code de la justice administrative. Il résulte de ces dispositions que le Président d'une formation de jugement peut statuer par voie d'ordonnance sur « les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler …

 

Mélanie Huet Avocat

Aux termes de plusieurs ordonnances dites de série, le tribunal administratif de Lille annule le titre exécutoire émis par un Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) au titre de la facturation des transports dits de jonction. Le tribunal a statué par voie d'ordonnance en application des dispositions de l'article R.222-1 du code de la justice administrative. Il résulte de ces dispositions que le Président d'une formation de jugement peut statuer par voie d'ordonnance sur « les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 17 févr. 2023, n° 2006583
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2006583
Type de recours : Excès de pouvoir
Précédents jurisprudentiels : Conseil d'État, 30/12/2021, n° 443335
Dispositif : Série identique - satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 24 février 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2020, le centre hospitalier d’Arras, représenté par Me Huet, doit être regardé comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler le titre exécutoire no 859 émis le 10 juillet 2020 par le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais pour obtenir le paiement d’une somme de 565 710 euros ;

2°) de le décharger de la somme réclamée ;

3°) de mettre à la charge du SDIS du Pas-de-Calais une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requête a été communiquée au service départemental d’incendie et de secours du Pas-de-Calais qui n’a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 1er mars 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 18 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de la santé publique ;

— le code de la sécurité intérieure ;

— l’arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l’organisation du secours à la personne et de l’aide médicale urgente ;

— l’arrêté du 5 juin 2015 portant modification de l’annexe I et de l’annexe VI du référentiel commun d’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente ;

— le code de justice administrative.

Vu la décision n°443335 du Conseil d’Etat du 30 décembre 2021 et l’arrêt n°21BX04761 de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 30 mai 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement () des tribunaux peuvent, par ordonnance : () / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l’article L. 761-1 ou la charge des dépens ; / () 6° Statuer sur les requêtes relevant d’une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu’elle a déjà tranchées ensemble par une même décision devenue irrévocable, à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d’Etat en application de l’article L. 113-1 () ; / () ".

2. La requête présentée par le centre hospitalier d’Arras, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présente à juger en droit des questions identiques à celles examinées par la décision n° 443335 du 30 décembre 2021 du Conseil d’Etat statuant au contentieux et l’arrêt n°21BX04761 du 30 mai 2022, rendu sur renvoi de cette décision, de la cour administrative d’appel de Bordeaux, devenu irrévocable. Par suite, il y a lieu de statuer sur cette requête, par voie d’ordonnance, en application des dispositions précitées de l’article R. 222-1 du code de justice administrative.

3. Par un courrier du 12 juillet 2016, le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Pas-de-Calais a proposé à certains centres hospitaliers dont le centre hospitalier d’Arras, de signer une convention en vue de déterminer la participation, par ces établissements, aux frais engagés lorsqu’un véhicule de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) est missionné par le service de l’aide médicale urgente (SAMU) pour effectuer un transport vers un établissement de santé. En l’absence de signature de ces conventions, le conseil d’administration du SDIS du Pas-de-Calais a approuvé, par une délibération du 15 septembre 2016, la tarification de chaque transfert médicalisé et urgent de victimes vers un établissement de santé réalisé par le biais d’un VSAV à la demande du « centre 15 » de régulation médicale, prenant la suite d’un « départ réflexe ». Cette délibération a été « rapportée » par une délibération du bureau du conseil d’administration du même établissement, du 14 septembre 2018, reconduisant, à compter du 1er octobre 2018, le tarif de 346 euros par transport adopté par la délibération du 15 septembre 2016, et prévoyant par ailleurs une périodicité trimestrielle de facturation. Le 13 septembre 2019, une nouvelle délibération, toujours du bureau du conseil d’administration, a modifié la délibération du 14 septembre 2018 sur la seule périodicité de facturation, portée à un an. Sur le fondement de ces délibérations, le SDIS du Pas-de-Calais a notifié au centre hospitalier d’Arras un avis des sommes à payer pour obtenir le paiement du titre exécutoire no 859 émis le 10 juillet 2020 pour un montant de 565 710 euros. Par la présente requête, le centre hospitalier d’Arras demande, d’une part, l’annulation de ce titre exécutoire, émis à son encontre par le SDIS du Pas-de-Calais et, d’autre part, la décharge de la somme réclamée.

4. D’une part, aux termes de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : « Les services d’incendie et de secours () / concourent, avec les autres services et professionnels concernés, () aux secours d’urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : () / 4° Les secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ». L’article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : « Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d’incendie et de secours () ». L’article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : « Le service départemental d’incendie et de secours n’est tenu de procéder qu’aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l’article L. 1424-2. / () Les interventions effectuées par les services d’incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l’article L. 1424-2, font l’objet d’une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d’aide médicale d’urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d’incendie et de secours et l’hôpital siège du service d’aide médicale d’urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale () ».

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 6311-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : « L’aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état ». L’article L. 6311-2 du même code prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : « Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés, conformément au chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie, à comporter une ou plusieurs unités participant au service d’aide médicale urgente, dont les missions et l’organisation sont fixées par voie réglementaire. / Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d’aide médicale urgente. () / Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et d’incendie et de secours. / Les services d’aide médicale urgente et les services concourant à l’aide médicale urgente sont tenus d’assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix ». L’article R. 6311-1 du même code précise que : « Les services d’aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d’urgence. / Lorsqu’une situation d’urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d’aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d’incendie et de secours » et l’article R. 6311-2 que : " Pour l’application de l’article R. 6311-1, les services d’aide médicale urgente : / () 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / () 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires () « . L’article R. 6123-15 de ce code dispose que : » Dans le cadre de l’aide médicale urgente, la structure mobile d’urgence et de réanimation mentionnée à l’article R. 6123-1 a pour mission : / 1° D’assurer, en permanence, en tous lieux et prioritairement hors de l’établissement de santé auquel il est rattaché, la prise en charge d’un patient dont l’état requiert de façon urgente une prise en charge médicale et de réanimation, et, le cas échéant, et après régulation par le SAMU, le transport de ce patient vers un établissement de santé () ". L’article D. 6124-12 de ce code permet aux services d’incendie et de secours de mettre des équipages et véhicules à disposition d’une structure mobile d’urgence et de réanimation dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d’une convention avec l’établissement de santé autorisé à disposer d’une telle structure. Il résulte de l’article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d’une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d’urgence faute de moyens de transport sanitaire.

6. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente, annexé à l’arrêté de la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d’urgence, d’une part, que tous les appels pour secours et soins d’urgence font l’objet de la régulation médicale par le service d’aide médicale urgente (SAMU) et, d’autre part, que dans les situations de « départ réflexe », correspondant notamment à l’urgence vitale identifiée à l’appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l’engagement des moyens des services d’incendie et de secours en vue de secours d’urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l’application de l’arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente : « En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s’assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ».

7. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les services départementaux d’incendie et de secours ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l’évacuation de ces personnes vers un établissement de santé.

8. Il résulte également de ces dispositions qu’il incombe aux services d’aide médicale urgente de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état et, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit « centre 15 », installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d’urgence faisant appel à une entreprise privée de transport sanitaire ou, au besoin, aux services d’incendie et de secours.

9. Par suite, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de « départ réflexe », laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l’évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d’assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l’état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d’urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du « centre 15 » pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d’assurer l’évacuation de la personne qu’il a secourue vers un établissement de santé.

10. Il résulte de l’instruction, c’est-à-dire du tableau annexé à l’état liquidatif établi le 18 juin 2020, que le centre hospitalier admet avoir reçu le 17 juillet 2020, que les interventions facturées en l’espèce consistaient en des évacuations, à savoir des transferts, à la demande de la SMUR du centre hospitalier d’Arras, que le SDIS a été conduit à effectuer vers différents établissements hospitaliers en cas de secours d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes. Ces évacuations doivent être regardées comme le prolongement des missions de secours d’urgence aux accidentés ou blessés, prévues à l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, qui sont normalement dévolues au SDIS, quelle que soit la gravité de l’état des personnes secourues, et alors même que le transport aurait pu être assuré dans des conditions analogues par la structure mobile d’urgence et de réanimation. Ces interventions devant, dès lors, en vertu de l’article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, être prises en charge par le SDIS, le centre hospitalier requérant est fondé à soutenir, par voie d’exception, que le titre de recettes a été pris en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales et à demander, pour ce motif, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décharge de la somme qui est mentionnée dans ce titre.

11. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d’Arras est déchargé de la somme de 565 710 euros mentionnée dans le titre exécutoire no 859 émis le 10 juillet 2020 par le SDIS du Pas-de-Calais à son encontre. Par voie de conséquence, il y a lieu d’annuler ce titre.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du service départemental d’incendie et de secours du Pas-de-Calais une somme de 800 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier d’Arras et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : Le centre hospitalier d’Arras est déchargé de la somme de 565 710 euros réclamée par le titre exécutoire no 859 émis le 10 juillet 2020 par le SDIS du Pas-de-Calais.

Article 2 : Le titre exécutoire no 859 émis le 10 juillet 2020 par le SDIS du Pas-de-Calais à l’encontre du centre hospitalier d’Arras est annulé.

Article 3 : Le service départemental d’incendie et de secours du Pas-de-Calais versera au centre hospitalier d’Arras la somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier d’Arras et au service départemental de l’incendie et de secours du Pas-de-Calais.

Copie sera adressée, pour information, à la direction départementale des finances publiques du Pas-de-Calais.

Fait à Lille, le 17 février 2023.

Le président de la 6ème chambre,

signé

J.M. A

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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