Tribunal administratif de Limoges, 14 novembre 2019, n° 1700079

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Limoges, 14 nov. 2019, n° 1700079
Juridiction : Tribunal administratif de Limoges
Numéro : 1700079

Texte intégral

if

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LIMOGES

N° 1700079

____________________ REPUBLIQUE FRANÇAISE

ASSOCIATION SOURCES ET

[…]

_____________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. Antoine X

Rapporteur

______________________


M. Jean-Michel Debrion Le Tribunal administratif de Limoges Rapporteur public

( 2ème chambre) ______________________

Audience du 31 octobre 2019 Lecture du 14 novembre 2019 ____________________ 49-05-14 49-02-03 40-01-02-02 C+

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2017, l’association Sources et rivières du Limousin, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 7 janvier 2016 par lequel le préfet de la Creuse a autorisé l’apport par la société Areva de stériles miniers sur l’ancien carreau minier (dit lentille n°1) du site du Vignaud, situé dans la commune d’Anzème, et fixé les prescriptions applicables ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en sa qualité d’association agrée pour la protection de l’environnement, et eu égard à ses statuts, elle a intérêt à agir et le signataire de la requête a qualité pour agir ;

- la requête, présentée dans le délai d’un an à compter de la publication de l’arrêté, n’est pas tardive ;

- les travaux de regroupement et de stockage de stériles miniers sur l’ancien site minier du Vignaud, auraient dû, en application des dispositions des article L. 511-1 et L. 512-1 du code de l’environnement, être soumis à un régime d’autorisation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement ;


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- l’arrêté, pris sur le fondement de l’article 31 du décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains, et qui prescrit des mesures complémentaires, est entaché d’un défaut de base légale dès lors que ce texte n’autorise pas le préfet à prendre un arrêté de police des mines pour celles dont l’exploitation a définitivement cessé sans d’ailleurs que soit respectée la procédure de fermeture des sites miniers ;

- aucune consultation publique n’a été organisée préalablement à l’édiction de l’arrêté, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 120-1-1 du code d l’environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, le préfet de la Creuse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l’association requérante n’a pas d’intérêt pour agir faute de démontrer l’existence d’effets dommageables pour l’environnement de l’arrêté contesté ;

- la requête, présentée au-delà du délai de droit commun de deux mois courant à compter du rejet de son recours gracieux, est tardive ;

- aucun des moyens soulevés par l’association requérante n’est fondé

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, la société Orano Mining, venant aux droits de la société Areva, représentée par le cabinet Boivin et associés, conclut au rejet de la requête comme non fondée et à ce qu’il soit mis à la charge de l’association Sources et rivières du Limousin la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code minier ;

- le décret n°2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de M. Debrion, rapporteur public,

- et les observations de M. A…, représentant l’association Sources et rivières du Limousin et celles de Me C…, représentant la société Orano Mining.


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Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 7 janvier 2016, le préfet de la Creuse a encadré la mise en verse des stériles miniers sur la verse à stériles de l’ancien carreau minier (dite lentille n°1) au Vignaud, situé sur la commune d’Anzème. L’association Ssources et rivières du Limousin demande l’annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de base légale :

2. Selon l’article L. 171-1 du code minier : « La police des mines a pour objet de prévenir et de faire cesser les dommages et les nuisances imputables aux activités de recherches et d’exploitation des mines et spécialement de faire respecter les contraintes et les obligations énoncées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 ainsi que les obligations mentionnées à l’article L. 161-2 (…). ». Aux termes de son article L. 171-2 : « Sont soumis à la surveillance administrative définie à l’article L. 171-1, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, tous les travaux de recherches ou d’exploitation, qu’ils soient ou non entrepris sous couvert d’une autorisation ou d’une déclaration, y compris dans le cas où leur auteur n’est pas détenteur du titre minier. / La police des mines s’étend aux installations de surface qui sont le complément nécessaire des travaux et à l’ensemble des installations qui constituent des éléments indispensables à l’exploitation au sens de l’article L. 153-3, sans préjudice des autres polices ». Selon l’article 24 du décret du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains : « Le préfet, sous l’autorité du ministre chargé des mines, exerce la surveillance administrative et la police des mines et des stockages souterrains sur l’ensemble des travaux et installations situés dans son département. / (…) ». Aux termes de l’article 31 de ce même décret « Le préfet prend par arrêté les mesures de police des mines ou des stockages souterrains. ».

3. D’autre part, les dispositions combinées du chapitre III du titre VI du livre Ier du code minier ainsi que celles du chapitre V du titre III du décret du 2 juin 2006 précité prescrivent à l’exploitant, à l’occasion de l’arrêt définitif des travaux et d’utilisation d’installations minières, et au plus tard au terme de la validité de son titre minier, de souscrire une déclaration d’arrêt définitif des travaux, dont le défaut habilite le préfet à enjoindre l’exploitant d’effectuer cette démarche dans le délai qu’il lui impartit. A l’issue de l’instruction de cette déclaration, il incombe au préfet, après consultation des services intéressés, soit de donner acte de la déclaration, soit de communiquer à l’exploitant les mesures qu’il envisage de prescrire, aux fins, notamment, de préserver les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier. Lorsque les mesures envisagées par l’exploitant ou prescrites par le préfet ont été exécutées, le préfet en donne acte, l’accomplissement de cette formalité mettant fin à l’exercice de la police des mines.

4. Il ressort des pièces du dossier que le site du « Vignaud », situé sur l’ancien carreau minier, dit lentille n° 1, a été exploité, à compter de l’année 1956, à des fins d’extraction du minerai d’uranium, provenant de mines à ciel ouvert ou de galeries souterraines, par la compagnie française des minerais d’uranium (CFMU), à laquelle s’est substituée à partir de 1981 la Compagnie Francaise de Mokta (CFM), filiale d’Areva Mines. Cette exploitation a été réalisée sous couvert d’un permis exclusif de recherches de mines, accordé par le décret du 19 avril 1958 pour une durée initiale de trois ans, et dont la validité a été prolongée pour une durée identique par le décret du 30 avril 1961. Il ressort des pièces du dossier, qu’après l’interruption définitive de l’exploitation de la mine, intervenue au cours de l’année 1962, la compagnie n’a jamais mis


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en œuvre la procédure d’arrêt des travaux miniers mise à sa charge par les législations successives sur les mines et, en dernier lieu, par le code minier. Pour l’application des dispositions précitées, et alors que seul un arrêté donnant acte de la déclaration définitive des travaux a pour effet de mettre fin à l’exercice de la police des mines, le site du « Vignaud » doit dès lors être regardé comme n’ayant jamais cessé de relever du régime légal des mines, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que le préfet n’ait pas fait usage, comme lui imposent les textes, et en particulier l’article 45 du décret du 2 juin 2006, de son pouvoir d’injonction auprès de l’exploitant afin qu’il fasse une déclaration d’arrêt définitif des travaux.

5. Ainsi, et en dépit de la mise à l’arrêt de l’exploitation minière depuis plusieurs décennies, il était loisible au préfet, en sa qualité d’autorité de police spéciale des mines, d’utiliser les pouvoirs qu’il détient au titre de l’article 31 du décret du 2 juin 2006, pour édicter l’arrêté litigieux.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l’environnement :

6. D’une part, selon les dispositions de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ». Aux termes de l’article L. 512-1 du code de l’environnement : « Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1. /(…). ». Aux termes de l’article R. 511-9 du code de l’environnement : « La colonne « A » de l’annexe au présent article constitue la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement. ». Selon la rubrique 1735 de l’annexe à cet article, sont soumis à autorisation les « dépôt, entreposage et stockage de substances radioactives sous forme de résidus solides de minerai d’uranium, de thorium ou de radium, ainsi que leurs produits de traitement ne contenant pas d’uranium enrichi en isotope 235 et dont la quantité totale est supérieure à 1 tonne ». La rubrique 2720 soumet également à un régime d’autorisation le « stockage de déchets résultant de la prospection, de l’extraction, du traitement et du stockage de ressources minérales ainsi que de l’exploitation de carrières ».

7. D’autre part, lorsque, pour une même situation, l’autorité préfectorale peut agir à la fois sur le fondement de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement et sur le fondement d’une ou de plusieurs autres polices spéciales concurrentes, il lui appartient de faire usage de celle qui souscrit le mieux aux exigences de sévérité découlant de la situation traitée, sous réserve que son application ne contrarie pas les intérêts protégés par l’autre police dont l’application est écartée.

8. L’opération de regroupement et de stockage des stériles visée par cet arrêté relève, ainsi qu’il a été dit, du régime légal des mines, mais est également susceptible de relever de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, soumise pareillement à la compétence préfectorale. Cependant, si l’association requérante soutient qu’un tel stockage devait être soumis à un régime d’autorisation au titre de cette police spéciale, sous


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la rubrique 2270 de sa nomenclature, et ne pouvait donc être autorisé que dans ce cadre, il résulte des dispositions précitées, et bien que les stériles miniers pourraient être qualifiés de déchets au sens de la nomenclature des installations classées, que leur nature spéciale de substances radioactives radiologiquement marquées a pour effet de les faire exclusivement relever de la rubrique 1735, laquelle présente un caractère plus spécifique et permet d’appréhender la totalité de l’opération. D’autre part, il ressort des pièces du dossier que le stockage des stériles mentionnés à l’article 2 de l’arrêté contesté, dont le volume à rapatrier est estimé entre 2 500 et 10 000 mètres cubes, doit avoir lieu à l’intérieur de l’emprise clôturée de l’ancien carreau minier du « Vignaud », dite lentille n°1, d’une superficie d’environ 1 500 mètres carrés, dans prolongement de sa verse à stériles préexistante, laquelle est déjà dédiée, depuis plusieurs années, à l’accueil de ces déchets issus de l’ancienne activité extractive d’uranium. De plus, il n’est pas contesté que les travaux de remblaiement prescrits à l’issue de cette opération par l’arrêté en litige, consistant dans la mise en place d’une couche de terre végétale d’une profondeur d’environ quarante centimètres, seront de nature à améliorer la situation de l’ancien carreau minier, sur lequel des anomalies radiologiques ont été décelées. Enfin, l’arrêté contesté prescrit à l’exploitant des mesures régulières de contrôle de la qualité radiologique de l’environnement proche, par la mise en place d’un dosimètre thermo-luminescent dans le village du Vignaud ainsi que des prélèvements des eaux du ruisseau de la Besse. Dans ces conditions, et au regard de l’ensemble de mesures de prescriptions et de surveillance ainsi prévues par le préfet de la Creuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’application exclusive de la police des installations classées pour la protection de l’environnement, au titre de la rubrique 1735 de sa nomenclature, aurait eu pour effet de permettre une meilleure protection des intérêts mentionnés à l’article L.511-1 du code de l’environnement, que celle résultant de l’application de la police des mines. Par suite, c’est sans erreur de droit que le préfet a agi sur le fondement de la compétence qu’il détient au titre de la police des mines pour encadrer la mise en verse de stériles miniers sur l’ancien carreau minier du Vignaud.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement :

9. Aux termes des dispositions de l’article L. 120-1-1 du code de l’environnement applicables à la date de l’arrêté attaqué : « I. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 120-2, le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. (…) / Ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l’environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. »

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des prescriptions prévues par l’arrêté contesté, que les stériles miniers à stocker doivent rejoindre ceux déjà déposés sur la verse du site du Vignaud, dont les émissions radioactives sont du même ordre de grandeur que ceux à rapatrier, en moyenne de 600 chocs par seconde. De plus, à l’issue de l’opération, le terrain d’assiette accueillant l’ensemble de ces stériles doit être terrassé puis recouvert d’une couche de terre végétale, laquelle sera réensemencée pour retourner rapidement à son aspect antérieur de prairie, tout en permettant d’assurer une meilleure protection radiologique. Il ressort également des pièces du dossier que le terrain sera remodelé afin de conserver le sens de sa pente actuelle,


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permettant ainsi d’assurer une meilleure intégration paysagère. Enfin, il ressort du compte rendu de la séance du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, en date du 16 décembre 2015, que les travaux ne génèreront pas une aggravation de la situation actuelle des puits et points de captage d’eau destinés à la consommation humaine, et que le risque de pollution des réseaux d’eaux souterrains est inexistant. Dans ces conditions, les travaux prescrits par l’arrêté en litige ne sauraient être regardés comme ayant une incidence significative sur l’environnement. Par suite, l’arrêté attaqué n’est pas au nombre des décisions visées par l’article 7 de la Charte de l’environnement, dont les dispositions précitées assurent la mise en œuvre.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet de la Creuse en défense, que les conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté du 7 janvier 2016, présentées par l’association Sources et rivières du Limousin, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l’association Sources et rivières du Limousin la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la société Orano Mining présentées sur le fondement de ces dispositions

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’association Sources et rivières du Limousin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orano Mining sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


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Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l’association Sources et rivières du Limousin, à la société Orano Mining et au ministre de la transition écologique et solidaire. Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Creuse.

Délibéré après l’audience du 31 octobre 2019 où siégeaient :

- Mme Mège, président,

- Mme Ballanger, conseillère,

- M. X, conseiller.

Lu en audience publique le 14 novembre 2019

Le rapporteur, Le président,

A. X C. MEGE

Le greffier,

C. B-C

La République mande et ordonne

au ministre de la transition écologique et

solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision Pour expédition conforme Pour le Greffier en Chef Le Greffier

G. Y-Z

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