Tribunal administratif de Lyon, 23 novembre 2017, n° 1506788

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 23 nov. 2017, n° 1506788
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1506788

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1506788 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. Z X. G.

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme B C

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Lyon

(3ème chambre) M. Joël Arnould Rapporteur public

___________

Audience du 9 novembre 2017 Lecture du 23 novembre 2017 _________ 39-01-02-01 39-05-01 C-KS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juillet 2015, 7 juin 2016 et 29 août 2016, M. X. G., représenté par Me Chaussade, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la maison de retraite Bouchacourt la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa pharmacie et l’hôpital local, devenu la maison de retraite Bouchacourt, étaient liés par un contrat de fourniture de médicaments ;

- il s’agit d’un contrat administratif par détermination de la loi ;

- la décision du 6 mars 2015 constitue une décision de résiliation unilatérale du contrat ;

- cette résiliation est intervenue dans des conditions irrégulières ;

- elle est fondée sur un motif illégal ;

- elle est brutale ;

- une décision de résiliation unilatérale emporte toujours l’indemnisation du cocontractant ;



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- il a subi un préjudice financier et moral en lien direct et certain avec la décision de résiliation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 décembre 2015, 2 août 2016 et 9 novembre 2016, la maison de retraite Bouchacourt, représentée par Me Moulière, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. X. G. sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

à titre principal :

- la requête est portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- le contrat conclu est un contrat verbal de prestations de services à titre gratuit et à durée indéterminée, il ne relève pas du code des marchés publics et n’est pas un contrat administratif ;

à titre subsidiaire, à supposer que le tribunal administratif considère qu’il existe un contrat administratif :

- le contrat pouvait être résilié sans ouvrir droit à indemnisation ;

- la décision de résiliation est régulière ;

- la résiliation a été décidée dans un but d’intérêt général ;

- elle n’a commis aucune faute ;

- le préavis était suffisant ;

- seul le préjudice en lien avec la prétendue brutalité de la résiliation peut ouvrir droit à indemnisation ;

- les montants demandés doivent être minorés pour tenir compte du préavis de trois mois qui a été accordé ;

- le lien entre certains préjudices et la résiliation du contrat n’est pas établi ;

- l’existence d’un préjudice moral n’est pas établie.

La clôture de l’instruction est intervenue le 29 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme C, premier conseiller,

- les conclusions de M. Arnould, rapporteur public,

- les observations de Me Le Priol avocat de M. X. G. et Me Moulière, avocat de la maison de retraite Bouchacourt.



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Considérant ce qui suit :

1. M. X. G. est propriétaire d’une pharmacie qu’il exploite à Saint-Laurent sur Saône dans le département de l’Ain. L’officine livrait depuis plusieurs années des médicaments à l’hôpital local, devenu depuis un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la maison de retraite Bouchacourt. Par courrier du 6 mars 2015, la directrice de l’établissement a informé M. X. G. de la fin de leur collaboration à compter du 1er juin 2015. Le 29 avril 2015, M. X. G. a présenté une réclamation préalable tendant à l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait de cette décision. Par la présente requête, il demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de la maison de retraite Bouchacourt à lui verser la somme de 398 377,61 euros, à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2015 et capitalisation des intérêts.

Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative :

2. Il résulte de l’instruction qu’un accord verbal a été conclu entre l’hôpital local de Saint-Laurent sur Saône devenue la maison de retraite Bouchacourt et la pharmacie achetée en 1996 par M. X. G.. La maison de retraite Bouchacourt soutient que ce contrat ne revêt pas un caractère administratif et ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative. Elle fait valoir que cet accord, modifié en 2008, avait pour seul objet d’offrir la possibilité aux résidents qui ne souhaitaient pas faire appel à une pharmacie particulière, de recourir à la pharmacie de M. X. G. qui, en contrepartie, livrait à la maison de retraite les médicaments prescrits dans des contenants individuels aux noms des résidents qui en supportaient, le cas échéant, le coût et qu’aucune contrepartie financière, à la charge de l’établissement public n’était prévue. Ainsi, pour la maison de retraite, l’accord a été conclu non pour répondre à ses besoins mais pour faciliter l’accès aux médicaments de ses résidents, qui conservaient la possibilité de recourir à d’autres pharmacies. Enfin, elle fait valoir que l’accord ne comporte pas de clause qui implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs et qu’il n’a pas pour objet l’exécution d’une mission de service public.

3. Selon l’article 1er du code des marchés publics, dans sa version applicable en l’espèce, et aux termes duquel : « Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. (…) ».

4. Il résulte de l’instruction que, depuis 2008, il est prévu que la pharmacie livre à la maison de retraite les médicaments prescrits aux résidents, répondant ainsi à un besoin de l’établissement en matière d’organisation du service, celui-ci bénéficiant dans l’intérêt des résidents de l’établissement des prestations assurées par M. X. G., pharmacien dispensateur. Par ailleurs, il est constant que l’accord permet également de répondre aux besoins de l’établissement en matière de produits pharmaceutiques d’usage courant et de suivi des stupéfiants. Enfin, le prix est payé, pour partie par les résidents pour l’achat de leurs médicaments et, également par la maison de retraite Bouchacourt, pour l’achat des produits pharmaceutiques d’usage courant.

5. Il résulte de ce qui précède que l’accord verbal en litige a pour objet l’exécution d’une prestation de service pour le compte de l’EHPAD avec une contrepartie financière constituée par un prix alors même que la rémunération de M. X. G. est versée à titre principal par les résidents et non par l’EHPAD. Par suite, l’exception d’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur le litige doit être écartée.



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Sur les conclusions à fin d’indemnisation :

6. Il résulte de l’instruction que l’EHPAD a engagé en 2014 des négociations avec le Docteur Y en cherchant à obtenir de sa part la prise en charge de la préparation des doses à administrer dans des piluliers et lui a proposé de conclure la convention prévue par l’article L. 5126-6-1 du code de la santé publique qui dispose que « Les établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles qui ne disposent pas de pharmacies à usage intérieur ou qui ne sont pas membres d’un groupement de coopération sanitaire gérant une pharmacie à usage intérieur concluent, avec un ou plusieurs pharmaciens titulaires d’officine, une ou des conventions relatives à la fourniture en médicaments des personnes hébergées en leur sein. La ou les conventions désignent un pharmacien d’officine référent pour l’établissement. Ce pharmacien concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l’élaboration, par le médecin coordonnateur mentionné au V de l’article L. 313-12 du même code, de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique. / Ces conventions précisent les conditions destinées à garantir la qualité et la sécurité de la dispensation pharmaceutique ainsi que le bon usage des médicaments en lien avec le médecin coordonnateur mentionné au V de l’article L. 313-12 du même code. Elles sont transmises par les établissements au directeur général de l’agence régionale de santé ainsi qu’à la caisse primaire d’assurance maladie dont ils relèvent et par les pharmaciens au conseil compétent de l’ordre. Les personnes hébergées ou leurs représentants légaux conservent la faculté de demander que leur approvisionnement soit assuré par un pharmacien de leur choix. / Les conventions doivent reprendre les obligations figurant dans une convention type définie par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. ».

7. Le 19 février 2015, la directrice de l’EHPAD a annoncé au pharmacien que, leur collaboration devait cesser. Elle lui a adressé le 6 mars 2015 une lettre lui indiquant que les médicaments ne seraient plus commandés auprès de son officine à compter du 1er juin 2015.

8. En premier lieu, aucune des pièces du dossier ne permet de considérer que l’accord verbal conclu entre l’EHPAD et M. X. G. fixait la durée de l’approvisionnement en médicaments de la maison de retraite. Dans ces conditions, il pouvait être mis fin à tout moment à la « convention ». M. X. G. n’est donc pas fondé à soutenir qu’il peut être indemnisé du seul fait de la résiliation de cette convention.

9. En second lieu, le requérant fait valoir que les conditions dans lesquelles il a été mis fin à l’accord étaient fautives et lui ont causé un préjudice. Il résulte cependant de l’instruction que, contrairement à ce qui est soutenu par M. X. G., la rupture de la convention verbale n’a pas été brutale. En effet, dès le début de l’année 2014, la directrice de l’EHPAD a pris contact avec lui pour élaborer la convention prévue à l’article L. 5126-6-1 précité du code de la santé publique, plusieurs échanges ont eu lieu pour définir notamment les modalités de « préparation des piluliers » et que M. X. G. qui semblait, au départ, favorable à un accord a, dès le mois de juillet 2014, fait état de son refus de prendre la responsabilité de la préparation des piluliers, ce qui a conduit la maison de retraite à rechercher une autre pharmacie pour conclure une convention. Et, il a demandé le 3 mars 2015 à la directrice de l’établissement de lui confirmer par écrit la fin de la collaboration à compter du 1er juin 2015, annoncé oralement le 19 février 2015. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que la décision de mettre fin au contrat de fourniture des médicaments a été brutale et que M. X. G., n’aurait pas eu le temps de s’y préparer en diversifiant sa clientèle.



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6. Il résulte de ce qui précède que la maison de retraite Bouchacourt n’a pas commis de faute en confirmant, par courrier du 6 mars 2015 à M. X. G. la fin de leur collaboration à compter du 1er juin 2015. Les conclusions indemnitaires présentées par M. X. G. doivent, dès lors et en tout état de cause, être rejetées. Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la maison de retraite Bouchacourt, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X. G. le versement d’une somme de 1 200 euros à verser à la maison de retraite Bouchacourt au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X. G. est rejetée.

Article 2 : M. X. G. versera à la maison de retraite Bouchacourt la somme de 1 200 euros par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Z X. G. et à la maison de retraite Bouchacourt

Délibéré après l’audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Marginean-Faure, présidente, Mme C, premier conseiller, Mme Devys, conseiller.

Lu en audience publique le 23 novembre 2017.

Le rapporteur, La présidente,

C. C D. Marginean-Faure

La greffière,

K. E



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La République mande et ordonne au préfet de l’Ain, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition, Un greffier,

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