Tribunal administratif de Marseille, 6ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2206756

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 6e ch., 30 déc. 2022, n° 2206756
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2206756
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2022, M. E A, représenté par Me Gonand, demande au Tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 2 août 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

2°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l’autorisant à travailler dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’État, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de son conseil à percevoir l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— l’arrêté en litige est entaché d’incompétence de son auteur ;

— il méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 26 octobre 2021, M. A a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme D a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E A, de nationalité comorienne, né le 13 juin 1990, qui déclare être entré en France en 2016 dans des circonstances indéterminées, a fait l’objet d’une première obligation de quitter le territoire français en date du 17 mai 2019. Le 12 avril 2021, il a présenté une demande de titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Par un arrêté en date du 2 août 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande et a assorti ce refus de séjour d’une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours suivant la notification de cet arrêté. M. A demande l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A, qui déclare être entré en France en 2016, vit en France avec une compatriote, Mme C B, titulaire d’une carte de résident de dix ans, valable jusqu’au 5 novembre 2027. Cette communauté de vie est établie par le requérant au vu des pièces qu’il produit, notamment la souscription en mai 2017 d’un livret A et de l’adresse commune mentionnée par le requérant sur les relevés correspondants. M. A a deux enfants avec sa compagne, le premier né le 31 août 2017 et le second le 17 septembre 2019, sa compagne ayant également une fille née le 17 mai 2014, de nationalité française. Le couple a conclu un pacte civil de solidarité qui a été enregistré le 10 octobre 2018 et justifie ainsi d’une communauté de vie stable et effective avec leurs enfants au vu des pièces que produit le requérant, telles que des factures d’électricité, les contrats d’assurance habitation et de location de leur logement, les quittances de loyer correspondantes, des factures d’achats alimentaires, les fiches d’inscription des enfants à l’école, les attestations de paiement de la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône et les bulletins de salaire de sa compagne. Dans les circonstances particulières de l’espèce, M. A est fondé à soutenir que l’arrêté en litige porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l’annulation de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 août 2021 portant refus de séjour et, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours suivant sa notification à destination de son pays d’origine.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

5. Eu égard au motif d’annulation énoncé ci-dessus et dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’un changement dans les circonstances de droit ou de fait y ferait obstacle, l’exécution du présent jugement implique nécessairement la délivrance à M. A d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Il y a lieu d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les frais du litige :

6. M. A a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Gonand, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, de mettre à la charge de l’État le versement à Me Gonand de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 août 2021 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L’État versera à Me Gonand une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gonand renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié M. E A, au préfet des Bouches-du-Rhône et à Me Gonand.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Markarian, présidente,

M. Secchi, premier conseiller,

Mme Hétier-Noël, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La présidente,

Signé

G. D

L’assesseur le plus ancien,

Signé

L. Secchi La greffière,

Signé

D. Dan

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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