Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 11 juillet 2023, n° 2204637

  • Sanction·
  • Exclusion·
  • Élève·
  • Recours administratif·
  • Sursis·
  • Recours gracieux·
  • Handicap·
  • Établissement·
  • Justice administrative·
  • Education

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.clerc-avocat.fr · 22 juillet 2023

L'exclusion avec sursis prononcée par un conseil de discipline doit comporter nécessairement une durée Par une récente décision, le tribunal administratif de Marseille a rappelé qu'une exclusion prononcée avec sursis doit nécessairement prévoir le délai durant lequel ce sursis est applicable au risque de constituer une sanction disproportionnée. Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 11 juillet 2023, n° 2204637 En droit, l'article R. 511-13-1 du code de l'éducation dispose que : » L'autorité disciplinaire qui a prononcé une sanction assortie du sursis à son exécution …

 

louislefoyerdecostil.fr · 19 juillet 2023

Un collège ou un lycée peut il prendre une sanction d'exclusion définitive avec sursis sans limite de durée? Le tribunal administratif de Marseille répond par la négative. Le juge se fonde sur l'article R. 511-13-1 du code de l'éducation qui prévoit que la sanction » fixe le délai au cours duquel le sursis peut être révoqué. Ce délai ne peut excéder la durée d'inscription de la sanction au dossier de l'élève « . Selon le tribunal: « Il résulte de ces dispositions que lorsque l'autorité investie du pouvoir disciplinaire assortit la sanction qu'elle prononce d'un sursis à son exécution, …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 11 juill. 2023, n° 2204637
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2204637
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 12 juillet 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 juin 2022, 31 juillet 2022 et 13 août 2022, Mme D E et M. B A, agissant en qualité de représentants légaux de leur fils C A, demandent au tribunal d’annuler la décision prononçant l’exclusion définitive avec sursis de leur fils C A du collège Gyptis.

Ils soutiennent que :

— la saisine du conseil de discipline n’était pas nécessaire eu égard aux alternatives existantes ;

—  la saisine du conseil de discipline est irrégulière, s’agissant d’un geste déplacé à l’encontre d’un professeur, qui n’est pas un motif de saisine

—  la décision contestée émane du chef d’établissement et non du conseil de discipline ;

— le procès-verbal du conseil de discipline est incomplet et entaché de propos calomnieux ;

— la commission éducative aurait dû être saisie ;

— la décision du conseil de discipline leur a été notifiée en mains propres contre signature en non par lettre recommandée avec accusé de réception ;

— la sanction d’exclusion définitive n’a pas tenu compte des demandes des parents, ni du handicap de l’élève et est disproportionnée au regard des faits reprochés ;

— le vote est irrégulier en ce qu’il est fait état de 11 votants et d’une abstention et que les deux délégués de classe affirment avoir voté à mains levées contre la sanction proposée ;

— le procès-verbal du conseil de discipline n’est pas fidèle à son déroulement ;

— l’enfant, ne pouvait, sans subir de discrimination, se voir infliger une telle sanction liée à son handicap.

Par courrier du 8 juin 2022, les parties ont été informées, sur le fondement de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte.

Le recteur de l’académie d’Aix-Marseille a produit, le 14 juin 2022, des observations en réponse à ce courrier.

Par un mémoire en défense enregistré 22 mai 2023, le recteur de l’académie d’Aix-Marseille conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— à titre principal, la requête est irrecevable en l’absence de recours administratif préalable obligatoire et faute d’avoir été présentée dans le délai de recours ;

— à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 27 juin 2023 :

— le rapport de Mme Charbit, rapporteure

— les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique,

— et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil de discipline du collège Gyptis à Marseille a été convoqué le 31 mars 2022 pour se prononcer sur le cas de l’élève C A, scolarisé en classe de sixième, lequel avait fait un bras d’honneur à sa professeure, en classe, après plusieurs avertissements oraux et la menace de deux heures de retenue. Une décision signée de la cheffe d’établissement, portant exclusion définitive de l’enfant avec sursis a été notifiée le même jour à ses parents, M. A et Mme E, représentants légaux de l’élève. Ces derniers ont exercé un recours gracieux auprès du chef d’établissement, le 17 avril 2022. Par courriel adressé le 18 mai 2022 au rectorat, les requérants ont contesté devant le recteur de l’académie d’Aix-Marseille la sanction prononcée. En l’absence de réponse de ce dernier, M. A et Mme E demandent l’annulation de la sanction infligée à leur fils.

Sur les fins de non-recevoir soulevée en défense :

2. Aux termes de l’article R. 511-49 du code de l’éducation : « Toute décision du conseil de discipline de l’établissement ou du conseil de discipline départemental peut être déférée au recteur de l’académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification, soit par le représentant légal de l’élève, ou par ce dernier s’il est majeur, soit par le chef d’établissement. / Le recteur d’académie décide après avis d’une commission académique. ». Aux termes de l’article R. 511-53 du même code : « La juridiction administrative ne peut être saisie qu’après mise en œuvre des dispositions de l’article R. 511-49. ». Aux termes de l’article R. 421-5 du code de justice administrative : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

3. Il ressort de la lecture de la décision du 31 mars 2022 notifiée aux requérants que les voies de recours qui y sont indiquées ne font pas mention de la nécessité d’exercer un recours administratif préalable obligatoire avant de contester la sanction devant le tribunal et qu’elle se borne à indiquer la possibilité d’exercer un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois et celle de saisir le tribunal dans ce même délai. Contrairement aux écritures produites en défense, il ressort des pièces du dossier qu’en dépit des insuffisances des mentions de la décision initiale sur ce point, les requérants ont exercé un recours administratif préalable obligatoire auprès du recteur académique, par courriel expédié le 18 mai 2022 à 14 heures 45. Par suite, la fin de non-recevoir relative à l’absence de recours administratif préalable doit être écartée. Dès lors que le délai de huit jours, dans lequel ce recours administratif aurait dû être exercé n’était pas mentionné dans la notification de la décision initiale, il ne saurait être opposé aux requérants.

4. D’autre part, si la requête a été enregistrée le 6 juin 2022, soit plus de deux mois après la décision du 31 mars 2022, il ressort des mentions figurant sur cette décision qu’elle indique que l’introduction d’un recours gracieux dans le délai de deux mois proroge le délai de recours. Eu égard à ces mentions, et à l’introduction, par les requérants d’un recours gracieux le 17 avril 2022, aucune forclusion ne saurait être opposée à la requête enregistrée moins de deux mois plus tard. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit également être écartée.

5. Enfin, il résulte des dispositions citées au point 2 que la décision du recteur se substitue à celle du conseil de discipline. En l’espèce, du silence gardé par le recteur sur le recours qui lui a été adressé le 18 mai 2022 est née une décision implicite de rejet qui s’est substituée à la décision initiale du 31 mars 2022. Par suite, les conclusions présentées par M. A et Mme E dirigées contre la décision du 31 mars 2022 sont irrecevables. Ces derniers doivent toutefois être regardés comme ayant entendu diriger leurs conclusions contre la décision du recteur, maintenant implicitement la sanction initiale.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

6. Aux termes de l’article R. 511-13 du code de l’éducation : " I.- Dans les collèges et lycées relevant du ministre chargé de l’éducation, les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre des élèves sont les suivantes : 1° L’avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La mesure de responsabilisation ; 4° L’exclusion temporaire de la classe. Pendant l’accomplissement de la sanction, l’élève est accueilli dans l’établissement. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ; 5° L’exclusion temporaire de l’établissement ou de l’un de ses services annexes. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours ; 6° L’exclusion définitive de l’établissement ou de l’un de ses services annexes. / Les sanctions prévues aux 3° à 6° peuvent être assorties du sursis à leur exécution dont les modalités sont définies à l’article R. 511-13-1. / () « . Aux termes de l’article R. 511-13-1 du même code : » I. L’autorité disciplinaire qui a prononcé une sanction assortie du sursis à son exécution fixe le délai au cours duquel le sursis peut être révoqué. Ce délai ne peut excéder la durée d’inscription de la sanction au dossier de l’élève mentionnée au IV de l’article R. 511-13. Dans le cas d’une exclusion définitive de l’établissement ou de l’un de ses services annexes, ce délai ne peut excéder un an () ".

7. C A a fait l’objet d’une exclusion définitive avec sursis pour avoir fait un bras d’honneur à sa professeure. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un élève ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. A l’appui du moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction, les requérants soutiennent que la sanction d’exclusion définitive n’a pas tenu compte des demandes des parents, tant en termes de solutions pour mieux prendre en compte les difficultés de leur enfant, qu’en termes de visée pédagogique de la sanction, ni du handicap de l’élève. Il ressort des pièces du dossier que C A présente notamment un trouble déficitaire de l’attention caractérisé par des difficultés d’attention, un défaut d’inhibition, un manque de flexibilité et de contrôle des émotions, des difficultés d’organisation et de planification séquentielle, nécessitant la présence d’un accompagnant de l’élève en situation de handicap et la mise en place d’un plan d’accompagnement personnalisé. Par ailleurs, il n’est pas fait état, dans le mémoire en défense, de comportements antérieurs de l’élève pouvant justifier la sanction d’exclusion définitive avec sursis, prononcée par le recteur de l’académie d’Aix-Marseille, qui s’inscrirait dans une gradation dans l’échelle des sanctions et qui interviendrait après plusieurs antécédents disciplinaires. Si le procès-verbal du conseil de discipline mentionne quarante-deux punitions pour motifs divers dont l’élève a fait l’objet, il ne ressort pas des pièces du dossier que les comportements ainsi relevés aient donné lieu à des sanctions disciplinaires. Par ailleurs, s’il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par les requérants, que son état de santé ou son handicap faisaient obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause, il apparaît qu’aucun des manquements précédemment relevés à l’encontre de C A n’a reçu une suite disciplinaire et que l’administration a ainsi, d’emblée, infligé à l’élève la sanction la plus lourde prévue par l’échelle des sanctions, de surcroît sans préciser la durée du sursis alors que ce sursis constitue une composante indivisible de la sanction prononcée et de sa proportionnalité à la gravité des fautes commise. Dans ce contexte, la mesure d’exclusion définitive, avec sursis d’une durée indéterminée, retenue en l’espèce, infligée à un enfant de onze ans, scolarisé en classe de sixième, n’apparaît, au regard du jeune âge de l’élève et des troubles de l’intéressé objectivés par les pièces de procédure, pas proportionnée à la gravité de l’agissement qu’elle avait vocation à sanctionner. Elle doit, en conséquence, être annulée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

D E C I D E :

Article 1er : La décision portant exclusion définitive avec sursis de l’élève C A du collège Gyptis à Marseille est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D E, à M. B A et au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l’académie d’Aix-Marseille.

Délibéré après l’audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente rapporteure,

Mme Charbit, première conseillère,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

signé

C. Charbit

La présidente,

signé

A. MenasseyreLa greffière,

signé

A. Vidal

La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,



Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 11 juillet 2023, n° 2204637