Tribunal administratif de Mayotte, 1ère chambre, 27 décembre 2022, n° 2100627

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Mayotte, 1re ch., 27 déc. 2022, n° 2100627
Juridiction : Tribunal administratif de Mayotte
Numéro : 2100627
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2021, Ali D C, représenté par Me Kouravy Moussa-Bé, avocat, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 15 décembre 2020 par laquelle le préfet de Mayotte a implicitement refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

2°) d’enjoindre, dans le délai de trois mois à compter du jugement à intervenir, au même préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à circuler librement sur le territoire et à travailler jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 400 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

— le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable, dès lors que la seule production d’un accusé de réception ne suffit pas à justifier que le requérant aurait présenté une demande de titre de séjour ;

— les autres moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, M. C n’étant ni présent ni représenté.

:

— le rapport de M. Banvillet, rapporteur ;

— les observations de M. B représentant le préfet de Mayotte ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A D C, ressortissant comorien né le 20 février 1986 à Dzahadjou-Hambou, a sollicité le 15 août 2020 la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Une décision implicite de rejet est née le 15 décembre 2020 du silence gardé par l’administration. Par un arrêté du 17 février 2021, le préfet de Mayotte a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. C demande au tribunal l’annulation de la décision implicite de rejet.

Sur l’objet du litige :

2. Lorsqu’un requérant conteste, dans les délais de recours, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, ses conclusions doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, qui s’est substituée à la première. En l’espèce, les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision de refus de séjour expresse du 17 février 2021.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de Mayotte :

3. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le préfet de Mayotte ne saurait utilement soutenir que la requête de M. C est irrecevable faute pour lui d’établir l’existence d’une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Par suite, la fin de non-recevoir qu’il oppose sur ce point ne peut qu’être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. « Aux termes de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa version applicable au litige : » Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : / () / 6° A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d’un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu’il établisse contribuer effectivement à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les conditions prévues par l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l’article L. 313-2 soit exigée ; / () ".

5. Il ressort des pièces du dossier, lesquelles font apparaître une adresse stable à Koungou, que M. C réside à Mayotte depuis 2016 et qu’il y mène sa vie familiale depuis auprès d’une compatriote en situation régulière qu’il a épousée le 5 décembre 2019, ainsi que de leurs enfants issus d’une première union, nés en 2014 et 2017 et qui est, pour le dernier, de nationalité française. Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des conditions et de la durée du séjour de M. C sur l’île où il dispose de perspectives professionnelles, ce dernier est fondé à soutenir que la décision préfectorale attaquée a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. C est fondé à demander l’annulation de l’arrêté attaqué.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

7. Le présent jugement implique nécessairement qu’il soit enjoint au préfet de Mayotte de délivrer à M. C un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par M. C et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’arrêté du 17 février 2021 du préfet de Mayotte en tant qu’il refuse un titre de séjour à M. C est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Mayotte de délivrer à M. C un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

Article 3 : L’Etat versera à M. C une somme de 800 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A D C et au préfet de Mayotte.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Bauzerand, président,

— M. Biget, premier conseiller,

— M. Banvillet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.

Le rapporteur,

M. BANVILLET

Le président,

Ch. BAUZERAND

La greffière,

A. THORAL

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2100627

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Tribunal administratif de Mayotte, 1ère chambre, 27 décembre 2022, n° 2100627