Tribunal administratif de Melun, 8ème chambre, 8 février 2024, n° 1702159

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, 8e ch., 8 févr. 2024, n° 1702159
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 1702159
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 10 février 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 16 mars 2017, 20 mars 2020 et

14 avril 2021, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie, représentées par Me Weyer, demandent au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) à leur verser une somme globale de 362 285, 91 euros TTC, au titre du solde du marché de maîtrise d’œuvre n° 10-7004 relatif à la construction d’un plateau central des urgences sur le site du centre hospitalier ;

2°) d’assortir cette somme des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du CHIC une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

— leur requête est recevable dès lors que leur recours, qui tend au paiement d’une somme d’argent, relève du plein contentieux contractuel et n’a donc pas à solliciter l’annulation d’une décision administrative ;

— il ne saurait leur être opposé le caractère confirmatif de la décision contestée, dès lors que la décision implicite de rejet de leur mémoire en réclamation intervenue en cours d’exécution du contrat est sans incidence sur le délai contractuel de recours opposable à leur requête formulée à l’occasion de l’établissement du décompte général.

En ce qui concerne le bien-fondé de ses demandes de paiement :

— premièrement, elles sont fondées à demander le paiement d’une somme de 48 486 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires d’un montant de 625 307,53 euros HT réalisées à la suite de demandes du maître d’ouvrage et qui ont nécessité un suivi, des reprises d’études, l’analyse de devis, la mise au point des marchés des entreprises, le visa des études d’exécution, des travaux modificatifs ainsi que l’assistance du maître d’ouvrage lors des opérations de réception des travaux ;

— deuxièmement, elles sont fondées à demander le paiement d’une somme de 42 085 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées à la suite d’aléas techniques ayant entraîné la réalisation de travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l’ouvrage conformément aux règles de l’art à hauteur de 542 770, 08 euros HT, dès lors en particulier que ces aléas ont nécessité la reprise d’études, l’examen de devis, la réalisation de fiches modificatives des travaux et des avenants, la direction de l’exécution des travaux modificatifs ainsi que l’assistance au maître d’ouvrage lors des opérations de réception ;

— troisièmement, elles sont fondées à demander une indemnisation à hauteur de 163 357 euros HT augmentée de la TVA en raison de l’allongement de la durée du chantier d’une durée de six mois dès lors, d’une part, que celui-ci constitue un bouleversement de l’économie du contrat, d’autre part, que cet allongement résulte d’une faute du maître d’ouvrage, eu égard à sa carence dans son usage de ses pouvoirs coercitifs à l’égard des sociétés Pitel et Coframental ayant pris du retard dans l’exécution de leurs prestations, au refus du maître d’ouvrage de poursuivre l’exécution du marché « ordonnancement – pilotage -coordination » (OPC) au-delà du terme contractuellement convenu en mars 2013 alors qu’il n’a été remplacé qu’en mai 2013 par un autre intervenant, et à la circonstance selon laquelle ce retard a pour origine des erreurs dans les documents graphiques transmis par le maître d’ouvrage et, enfin, que les stipulations de l’article 15.3.3 du CCAG relatif aux prestations de maître d’œuvre approuvée par l’arrêté ministériel du 21 mars 2021 leur ouvrent un droit à indemnisation en raison de l’allongement de la durée du chantier ;

— quatrièmement, elles sont fondées à demander une somme de 42 143 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées à la suite de la défaillance de l’entreprise Bernet, eu égard à la faute commise par le maître d’ouvrage ayant fait un usage tardif de ses pouvoirs coercitifs et alors que cette défaillance a nécessité la réalisation de prestations supplémentaires à la demande du maître d’ouvrage ou nécessaires à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art ;

— cinquièmement, elles sont fondées à solliciter le paiement d’une somme de 6 843, 64 euros HT augmentée de la TVA au titre de la révision contractuelle des prix du marché.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés les 21 décembre 2018, 2 mars et 20 avril 2020 et 4 juin 2022, le centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC), représenté par Me Entremont, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des sociétés requérantes une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne l’irrecevabilité de la requête :

— la requête est irrecevable dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, elle ne sollicite l’annulation d’aucune décision administrative ;

— elle est irrecevable dès lors qu’à supposer même qu’elle doive être regardée comme tendant à l’annulation de la décision implicite du 17 janvier 2017 par laquelle leur décompte final du 17 novembre 2016 a été rejeté, cette décision revêt un caractère confirmatif de la décision implicite de rejet de leur mémoire en réclamation du 22 août 2016.

En ce qui concerne l’absence de bien-fondé de la demande présentée par les sociétés requérantes :

— premièrement, les sociétés requérantes ne sauraient soutenir que la hausse du montant de travaux a eu pour conséquence d’entraîner des prestations supplémentaires leur ouvrant un droit au paiement dès lors qu’elles n’établissent ni que ces prestations résulteraient de demandes de la maîtrise d’ouvrage, ni que ces travaux supplémentaires auraient influé sur leurs prestations et leurs missions et alors, au demeurant, que les modifications demandées étaient de faible ampleur ;

— deuxièmement, elles ne sont pas fondées à demander le paiement de prestations supplémentaires résultant de la survenance d’aléas techniques sur le chantier dès lors qu’elles n’apportent aucun élément permettant d’établir la nature des prestations qu’elles auraient été contraintes de réaliser ainsi que leur caractère indispensable à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, ni aucun élément de nature à établir l’existence même desdits aléas techniques allégués ;

— troisièmement, elles ne sont pas fondées à demander l’indemnisation de la prolongation de la durée du chantier dès lors, d’une part, qu’en application de l’article 23 du CCAP applicable, la mission de direction de l’exécution des travaux leur incombait de sorte qu’elles doivent être regardées comme seules responsables de l’allongement allégué et ne saurait engager la responsabilité de la maîtrise d’œuvre en raison de sa carence à faire usage de ses pouvoirs coercitifs alors, au demeurant, qu’elles n’établissent pas qu’une telle faute aurait été commise, d’autre part, que les sociétés requérantes n’établissent pas que cet allongement constituerait un bouleversement de l’économie du marché, notamment en l’absence d’éléments relatifs aux conséquences matérielles et économiques de ces retards sur les sociétés et, enfin, qu’elles n’établissent pas les prestations supplémentaires qu’elles auraient été contraintes de réaliser lors de cette période d’allongement du chantier ;

— quatrièmement, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la maîtrise d’ouvrage aurait commis une faute à la suite de la défaillance de l’entreprise Bernet dès lors, d’une part, qu’elles n’établissent pas une telle faute, d’autre part, que contrairement à ce qu’elles soutiennent, la maîtrise d’ouvrage a fait preuve de diligence afin d’assurer la continuité du marché après cette défaillance et, enfin, qu’elles n’établissent pas les prestations supplémentaires qu’elles auraient dû réaliser dans ce cadre ;

— cinquièmement, les sociétés requérantes n’établissent pas le bien-fondé de leur demande présentée au titre de la révision contractuelle du prix du marché.

L’instruction a été close le 4 janvier 2024 par une ordonnance du même jour prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

— le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

— le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 23 janvier 2024 à 13 heures 45 :

— le rapport de Mme Bousnane, rapporteure,

— les conclusions de Mme Leboeuf, rapporteure publique,

— les observations de Me Bernson, représentant le centre hospitalier intercommunal de Créteil, qui s’en rapporte à ses écritures ;

Les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie n’étant pas représentées.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) a engagé des travaux relatifs à la création d’un plateau central des urgences sur le site du centre hospitalier afin, d’une part, de regrouper sur un seul plateau les urgences adultes, pédiatriques, gynécologiques, maternité et hospitalisation en comprenant des liaisons vers la maternité existante et la réanimation néonatale et, d’autre part, d’installer des parkings, des archives et des locaux divers. Pour l’exécution de ce marché, la mission « ordonnancement – pilotage -coordination » (OPC) a été confiée par la maîtrise d’ouvrage à la société IPCS. Par un acte d’engagement signé le 18 février 2010, le CHIC a confié le marché de maîtrise d’œuvre n° 10-7004 à un groupement solidaire composé de la société Groupe 6 et de la société CET Ingénierie. La rémunération forfaitaire provisoire de ce marché a été fixée à 2 678 000 euros HT, soit 13% du coût prévisionnel total des travaux du marché, lesquels étaient répartis en 25 lots. Afin de prendre en compte la modification du programme du marché, eu égard à la mise en place d’une unité médicale post-urgence dans l’enceinte des urgences adultes et à la mise en place d’un service de procréation médicale assistée, le marché a fait l’objet de deux avenants des 9 juillet 2012 et 30 mai 2013 ayant porté le montant de la rémunération de la maîtrise d’œuvre à 2 774 381 euros HT. Les travaux ont été réceptionnés le 19 octobre 2013. Par un courrier du 5 mars 2014, le groupement a adressé au maître d’ouvrage un troisième projet d’avenant prenant en compte des rémunérations supplémentaires dont elle estimait avoir droit au paiement, pour un montant de 218 940 euros HT. Par un courrier du 12 mars 2014, le CHIC a refusé de conclure cet avenant. Par un mémoire en réclamation du 22 juin 2016, resté sans réponse, le groupement de maîtrise d’œuvre a réitéré sa demande de rémunération supplémentaire pour un montant de

296 071 euros HT, soit 355 285,20 euros TTC selon elle, au titre du solde de ses missions. Par un nouveau courrier du 15 novembre 2016, réceptionné le 17 novembre 2016 et également resté sans réponse, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie ont adressé à la maîtrise d’ouvrage un décompte final reprenant en particulier les demandes présentées dans son mémoire en réclamation ainsi qu’une facture datée du 15 octobre 2016 relative au solde de ses missions. Par leur requête, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie demandent au tribunal de condamner le CHIC à leur verser une somme globale de 362 285,91 euros TTC, au titre du solde de ce marché de maîtrise d’œuvre n° 10-7004 et d’assortir cette somme des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.

Sur les demandes de paiement et d’indemnisation présentées par les sociétés requérantes :

2. Les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie demandent la condamnation du CHIC au paiement d’une somme globale de 362 285,91 euros TTC correspondant selon elles, premièrement, à 48 486 euros HT augmentés de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées à la demande du maître d’ouvrage, deuxièmement, à 42 085 euros HT augmentés de la TVA au titre de prestations rendues nécessaires à la suite de la survenance d’aléas techniques sur le chantier afin de réaliser l’ouvrage conformément aux règles de l’art, troisièmement, à la somme de 163 357 euros HT augmentée de la TVA au titre de l’allongement de la durée du chantier, quatrièmement, à la somme de 42 143 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées en raison de la défaillance de l’entreprise Bernet et, dernièrement, à 6 843, 64 euros HT augmentés de la TVA au titre de la révision contractuelle des prix.

3. Premièrement, d’une part, aux termes de l’article 9 de la loi n° 85-704 du

12 juillet 1985 relative à la maitrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maitrise d’œuvre privée : « La mission de maitrise d’œuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux ». L’article 30 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maitrise d’œuvre confiées par les maitres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé prévoit : « () III. En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l’ouvrage, le contrat de maîtrise d’œuvre fait l’objet d’un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d’œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel. / Le contrat de maîtrise d’œuvre peut, en outre, prévoir d’autres clauses d’incitation à de meilleurs résultats quantitatifs ou qualitatifs. () ».

4. D’autre part, aux termes de l’article 6 du décret du 29 novembre 1993: " L’assistance apportée au maître de l’ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux sur la base des études qu’il a approuvées a pour objet : / a) De préparer la consultation des entreprises, en fonction du mode de passation et de dévolution des marchés ; / b) De préparer, s’il y a lieu, la sélection des candidats et d’examiner les candidatures obtenues ; c) D’analyser les offres des entreprises et, s’il y a lieu, les variantes à ces offres ; / d) De préparer les mises au point permettant la passation du ou des contrats de travaux par le maître de l’ouvrage « . Aux termes de l’article 7 du décret précité : » L’avant-projet définitif ou le projet servent de base à la mise en concurrence des entreprises par le maître de l’ouvrage. / Lorsque le maître de l’ouvrage retient une offre d’entreprise qui comporte une variante respectant les conditions minimales stipulées dans le dossier de consultation, le maître d’œuvre doit compléter les études du projet pour en assurer la cohérence, notamment en établissant la synthèse des plans et spécifications et, le cas échéant, prendre en compte les dispositions découlant d’un permis de construire modifié « . L’article 8 de ce même décret prévoit : » I. Les études d’exécution permettent la réalisation de l’ouvrage. Elles ont pour objet, pour l’ensemble de l’ouvrage ou pour les seuls lots concernés : / a) D’établir tous les plans d’exécution et spécifications à l’usage du chantier ainsi que les plans de synthèse correspondants ; / b) D’établir sur la base des plans d’exécution un devis quantitatif détaillé par lot ou corps d’état ; / c) D’établir le calendrier prévisionnel d’exécution des travaux par lot ou corps d’état ; / d) D’effectuer la mise en cohérence technique des documents fournis par les entreprises lorsque les documents pour l’exécution des ouvrages sont établis partie par la maîtrise d’œuvre, partie par les entreprises titulaires de certains lots. / II. Lorsque les études d’exécution sont, partiellement ou intégralement, réalisées par les entreprises, le maître d’œuvre s’assure que les documents qu’elles ont établis respectent les dispositions du projet et, dans ce cas, leur délivre son visa « . Enfin, aux termes de l’article 9 de ce décret : » La direction de l’exécution du ou des contrats de travaux a pour objet : / a) De s’assurer que les documents d’exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ; / b) De s’assurer que les documents qui doivent être produits par l’entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l’exécution des travaux sont conformes audit contrat ; / c) De délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l’exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier ; / d) De vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d’avances présentés par l’entrepreneur, d’établir les états d’acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l’entrepreneur, d’établir le décompte général ; / e) D’assister le maître de l’ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l’exécution des travaux ".

5. En l’espèce, l’article 1.5 du CCAP applicable au marché de maitrise d’œuvre attribué aux sociétés requérantes stipule : « Le présent marché est constitué des éléments suivants : Esquisse – Avant-projet sommaire – Avant-projet définitif – Etudes de projet – Assistance au maitre de l’ouvrage pour la passation des contrats de travaux – Visa des études d’exécution – Direction Exécution Contrat (s) Travaux – Assistance opérations de réception et pendant la période de parfait achèvement ». Aux termes de l’article 4 de ce même CCAP intitulé « Forfait de rémunération » : « 4.1. () / Le forfait de rémunération définitif est le produit du taux de rémunération t’ fixé à l’article 8 de l’acte d’engagement par le coût prévisionnel des travaux fixé dans l’acte d’engagement. / 4.2. () / Ce forfait définitif est exclusif de tout autre émolument ou remboursement de frais au titre de la même mission. / Le maitre d’œuvre s’engage à ne percevoir aucune autre rémunération dans le cadre de la réalisation de l’opération () ». Aux termes de l’article 8 de l’acte d’engagement signé le 18 février 2010 intitulé « Rémunération » : " Le coût prévisionnel des travaux est fixé provisoirement à 20 600 000 euros HT. Le montant de la rémunération est calculé sur la base suivante : taux de rémunération t = 13% () ".

6. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions et stipulations que le titulaire d’un contrat de maîtrise d’œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu’il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l’ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n’est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d’œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d’ouvrage. En outre, le maître d’œuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d’œuvre et qui n’ont pas été décidées par le maître d’ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si elles ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage selon les règles de l’art, ou si le maître d’œuvre a été confronté dans l’exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l’économie du contrat. Dans l’hypothèse où une modification de programme ou de prestations a été décidée par le maître de l’ouvrage, le droit du maître d’œuvre à l’augmentation de sa rémunération est uniquement subordonné à l’existence de prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre utiles à l’exécution des modifications décidées par le maître de l’ouvrage. En revanche, ce droit n’est subordonné ni à l’intervention de l’avenant qui doit normalement être signé en application des dispositions de l’article 30 du décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993, ni même, à défaut d’avenant, à celle d’une décision par laquelle le maître d’ouvrage donnerait son accord sur un nouveau montant de rémunération du maître d’œuvre.

7. Deuxièmement, les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. En revanche, la responsabilité de la personne publique ne peut être engagée du seul fait de fautes commises par d’autres intervenants.

En ce qui concerne la demande de paiement d’une somme de 48 486 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées à la demande du maître d’ouvrage :

8. En premier lieu, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie demandent le paiement d’une somme de 48 486 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires d’un montant de 625 307,53 euros HT réalisées à la suite de demandes du maître d’ouvrage. Selon elles, ces prestations ont nécessité un suivi, des reprises d’études, l’analyse de devis, la mise au point des marchés des entreprises, le visa des études d’exécution, des travaux modificatifs ainsi que l’assistance du maître d’ouvrage lors des opérations de réception des travaux.

9. Au soutien de leurs allégations, les sociétés requérantes produisent un tableau récapitulatif, dont elles font au demeurant valoir sans l’établir qu’il aurait été établi de manière contradictoire avec la maîtrise d’ouvrage, faisant état de 95 prestations supplémentaires demandées selon elles par la maîtrise d’ouvrage dans le cadre respectivement des lots n° 1, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 22 et 24 pour un montant total de 625 307,53 euros HT. Les requérantes produisent également un nombre important d’ordres de service, de fiches de travaux modificatifs ainsi que les décomptes généraux et définitifs de chacun des lots concernés. Toutefois, si le groupement établit par ces éléments la matérialité de ces travaux supplémentaires, ainsi que l’existence de demandes de la maîtrise d’ouvrage pour une partie de ces travaux, il ne justifie en tout état de cause pas, d’une part, que ces demandes de travaux de la maîtrise d’œuvre auprès des titulaires des lots concernés du marché constitueraient une modification de programme ou de prestations de son marché de maîtrise d’œuvre et, d’autre part, que ces demandes supplémentaires auraient nécessité des prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre spécialement utiles à l’exécution de chaque modification qui aurait été décidée par le maître de l’ouvrage. Dans ces conditions, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie ne peuvent être regardées comme fondées à demander sur ce fondement une adaptation et, le cas échéant, une augmentation de leur rémunération fixée par un prix forfaitaire couvrant l’ensemble de leurs charges et de leurs missions, conformément aux règles citées aux points 3 à 5.

En ce qui concerne la demande de paiement d’une somme de 42 085 euros HT augmentés de la TVA au titre de prestations rendues nécessaires à la suite de la survenance d’aléas techniques sur le chantier afin de réaliser l’ouvrage conformément aux règles de l’art :

10. En deuxième lieu, les sociétés requérantes demandent le paiement d’une somme de 42 085 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées à la suite d’aléas techniques ayant entraîné la réalisation de travaux supplémentaires nécessaires à la réalisation de l’ouvrage conformément aux règles de l’art. Dans ce cadre, les sociétés invoquent 51 prestations relatives respectivement aux lots n° 1, 3, 5, 6, 9, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19 et 23 pour un montant total de 542 770,08 euros HT et justifient, par les pièces produites, de l’existence de ces prestations supplémentaires réalisées par les titulaires des lots concernés.

11. Toutefois, le groupement se borne à soutenir qu’il aurait accompli des missions complémentaires pour accompagner la réalisation de ces travaux et que ces missions auraient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art, sans apporter aucun élément précis de nature à établir, d’une part, que les sujétions techniques imprévues invoquées, à les supposer établies, présenteraient effectivement un caractère exceptionnel, imprévisible et extérieur aux parties ayant pour effet de bouleverser l’économie du contrat et, d’autre part, que les prestations supplémentaires qui auraient été accomplies par la maîtrise d’œuvre auraient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. Il suit de là que les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie ne sont pas fondées à demander le paiement des prestations supplémentaires alléguées.

En ce qui concerne la demande d’indemnisation à hauteur de 163 357 euros HT augmentée de la TVA au titre de l’allongement de la durée du chantier :

12. En troisième lieu, le groupement sollicite une indemnisation à hauteur de 163 357 euros HT augmentée de la TVA en raison de l’allongement de la durée du chantier d’une durée de six mois. Il précise avoir été contraint d’accomplir des prestations supplémentaires pendant cette période, et en particulier 28 réunions « ordonnancement, pilotage, coordination » et 18 réunions avec le maître d’ouvrage.

13. Les sociétés requérantes font premièrement valoir que cet allongement constitue un bouleversement de l’économie du contrat. Toutefois, par ces seules allégations, les requérantes ne justifient pas que l’allongement litigieux de la durée du chantier, à le supposer même constituer un bouleversement de l’économie du contrat, aurait pour origine des sujétions techniques imprévues.

14. Deuxièmement, les requérantes soutiennent que l’allongement du chantier résulte d’une faute du maître d’ouvrage. Elles font ainsi valoir que le maître d’ouvrage aurait commis une carence dans l’usage de ses pouvoirs coercitifs à l’égard des sociétés Pitel et Coframental ayant pris du retard dans l’exécution de leurs prestations. Le groupement soutient ensuite que le maître d’ouvrage aurait commis une faute en ce qu’il aurait refusé de poursuivre l’exécution du marché « ordonnancement – pilotage -coordination » (OPC) au-delà du terme contractuellement convenu en mars 2013, alors qu’il n’a été remplacé qu’en mai 2013 par un autre intervenant. Enfin, les sociétés requérantes font valoir que ce retard a pour origine des erreurs dans les documents graphiques transmis par le maître d’ouvrage.

15. Aux termes de l’article 10 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maitrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " L’ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier ont respectivement pour objet : / a) D’analyser les tâches élémentaires portant sur les études d’exécution et les travaux, de déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques / b) D’harmoniser dans le temps et dans l’espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ; / c) Au stade des travaux et jusqu’à la levée des réserves dans les délais impartis dans le ou les contrats de travaux, de mettre en application les diverses mesures d’organisation arrêtées au titre de l’ordonnancement et de la coordination « . Aux termes de l’article 1.5 du CCAP : Le présent marché est constitué des éléments suivants : () Direction Exécution contrat(s) travaux () ». L’article 23 de ce même CCAP stipule que : « la direction de l’exécution des travaux incombe au maitre d’œuvre qui est l’unique responsable du contrôle de l’exécution des ouvrages et qui est l’unique interlocuteur des entrepreneurs ». Cet article précise que " [le maitre d’œuvre] est tenu de faire respecter par l’entreprise l’ensemble des stipulations du marché de travaux () ".

16. D’une part, si en l’espèce la mission OPC a été confiée à la société IPSC par le maître d’œuvre, lequel demeurait responsable de sa bonne exécution, il résulte des stipulations rappelées au point précédent que la gestion des titulaires ne respectant pas les délais d’exécution des prestations relève de la mission de direction de l’exécution des contrats de travaux, laquelle incombait au maître d’œuvre. Il suit de là que les sociétés requérantes ne sauraient soutenir que le CHIC aurait commis une carence constitutive d’une faute en ne prenant pas de mesures coercitives à l’encontre des sociétés Pitel et Coframental alors qu’elles n’établissent pas lui avoir proposé, au titre de leur mission de direction de l’exécution des contrats de travaux, de prendre les mesures coercitives nécessaires, et notamment d’appliquer des pénalités de retard sur les acomptes versés à ces entreprises.

17. D’autre part, en se bornant à soutenir que le refus du maître d’ouvrage de poursuivre l’exécution du marché de la mission OPC conclu avec la société IPSC à l’issue de son terme contractuellement prévu au mois de mars 2013 aurait entraîné des difficultés, aux motifs, notamment, que ce refus serait intervenu à un moment inopportun et que cette société n’a été remplacée qu’en mai 2013 par un autre intervenant ayant quitté le chantier avant sa réception, les sociétés requérantes n’établissent pas que cette circonstance aurait eu une incidence sur l’allongement de la durée du chantier.

18. Enfin, si les sociétés Groupes 6 et CET Ingénierie font valoir que l’allongement de la durée du chantier a pour origine des erreurs dans les documents graphiques transmis par le maître d’ouvrage, elles n’établissent pas, par les pièces produites, les conséquences de ces erreurs sur les délais d’exécution du chantier.

19. En tout état de cause, et à supposer même que les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie aient entendu soutenir que les stipulations de l’article 15.3.3 du CCAG relatif aux prestations de maître d’œuvre approuvée par l’arrêté ministériel du 21 mars 2021 leur ouvriraient un droit à indemnisation en raison de l’allongement de la durée du chantier, elles ne sauraient utilement invoquer de telles dispositions inapplicables au présent litige.

20. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont en tout état de cause pas fondées à demander une indemnisation à hauteur de 163 357 euros HT augmentée de la TVA au titre de l’allongement de la durée du chantier.

En ce qui concerne la demande de paiement d’une somme de 42 143 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées en raison de la défaillance de l’entreprise Bernet :

21. En quatrième lieu, le groupement demande le paiement d’une somme de 42 143 euros HT augmentée de la TVA au titre de prestations supplémentaires réalisées après la défaillance de l’entreprise Bernet. Elles font valoir que ces prestations ont été rendues nécessaires par la faute commise par le maître d’ouvrage en raison de son usage tardif de ses pouvoirs coercitifs. Les sociétés requérantes précisent que la défaillance de la société Bernet a nécessité la réalisation de prestations supplémentaires à la demande du maître d’ouvrage ou nécessaires à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.

22. Il résulte de l’instruction que l’entreprise Bernet, titulaire du lot n° 15 relatif au chauffage, à la ventilation, à la climatisation et au désenfumage, a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 16 avril 2012 et qu’elle a déclaré sa situation de cessation de paiement en mars 2013. Il résulte également de l’instruction que le CHIC a confié la reprise de ce marché à l’entreprise Europ’air dont la situation a été régularisée par un ordre de service n° 01/15 du 23 juillet 2012 et par un avenant du 22 octobre 2012. Dans ces conditions, et eu égard aux diligences entreprises rapidement par le maître d’ouvrage à la suite de la défaillance de l’entreprise initialement titulaire du lot n° 15, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que celui-ci aurait commis une faute en raison de son usage tardif de ses pouvoirs.

23. Au demeurant, il résulte des stipulations de l’article 1.5 du CCAP rappelées au point 5 que les sociétés requérantes s’étaient contractuellement vu confier l’intégralité des missions d’assistance pour la passation des marchés de travaux et de direction de l’exécution desdits travaux, de sorte que la gestion d’aléas tels que la défaillance d’une entreprise entraînant son retrait et une nouvelle procédure d’attribution du lot concerné ne saurait être regardée comme une modification du programme et des prestations mis à la charge du groupement. En tout état de cause, les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie n’établissement pas, par les pièces produites, qu’elles auraient accomplies des prestations non prévues par le marché à la demande du maître d’ouvrage ou nécessaires à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art à la suite de la défaillance de l’entreprise Bernet.

24. Il résulte de ce qui précède que le groupement n’est pas fondé à demander le paiement de la somme sollicitée au titre de prestations réalisées en raison de la défaillance d’une entreprise sur le marché.

En ce qui concerne la demande de paiement d’une somme de 6 843,64 euros HT augmentés de la TVA au titre de la révision contractuelle des prix :

25. En dernier lieu, les sociétés requérantes demandent le paiement d’une somme de 6 843,64 euros HT augmentée de la TVA au titre de la révision contractuelle des prix du marché. Toutefois, en se bornant à renvoyer à leur décompte final, lequel ne fait au demeurant pas mention d’une telle somme, sans préciser le fondement et le calcul de la révision contractuelle des prix invoquée, le groupement n’apporte pas de précisions suffisantes pour apprécier le

bien-fondé de cette demande, de sorte que celle-ci ne saurait qu’être écartée.

26. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie ne sont pas fondées à demander la condamnation du CHIC à leur verser une somme globale de 362 285,91 euros TTC, au titre du solde du marché de maîtrise d’œuvre n° 10-7004 relatif à la construction d’un plateau central des urgences sur le site du centre hospitalier. Il suit de là que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de leur requête, les conclusions du groupement à fin de condamnation du CHIC ainsi que, par voie de conséquences, les conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts, doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

27. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge du CHIC, qui n’est pas la partie perdante en l’espèce, la somme demandée sur ce fondement par les sociétés requérantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre solidairement à la charge des sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie une somme de 2 000 euros à verser au CHIC en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie est rejetée.

Article 2 : Il est mis solidairement à la charge des sociétés Groupe 6 et CET Ingénierie une somme de 2 000 (deux milles) euros à verser au centre hospitalier intercommunal de Créteil en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier intercommunal de Créteil est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Groupe 6, à la société CET Ingénierie et au centre hospitalier intercommunal de Créteil.

Délibéré après l’audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Xavier Pottier, président,

Mme Jeanne Darracq-Ghitalla-Ciock, conseillère,

Mme Lina Bousnane, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

La rapporteure

L. Bousnane

Le président

X. Pottier

La greffière,

C. Mahieu

La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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Tribunal administratif de Melun, 8ème chambre, 8 février 2024, n° 1702159