Tribunal administratif de Montpellier, 1ère chambre, 26 janvier 2023, n° 2201063

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 1re ch., 26 janv. 2023, n° 2201063
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 2201063
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Marseille, 16 novembre 2020
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mars 2022 et le 5 janvier 2023, sous le n° 2201063, M. A C, représenté par Me Ruffel, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision par laquelle le préfet de l’Hérault a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 3 juin 2021 ;

2°) d’enjoindre au préfet de l’Hérault de lui délivrer une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ou « entrepreneur/profession libérale » à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il a bien déposé une demande de titre de séjour et a le droit de voir cette dernière examinée ;

— la décision est entachée d’un défaut de motivation ;

— la décision méconnaît les dispositions de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration dès lors que le préfet de l’Hérault n’a pas répondu à sa demande de communication des motifs de cette décision ;

— la décision méconnait l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que l’activité de son entreprise est économiquement viable ;

— la décision méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2022, le préfet de l’Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que M. C ne peut pas contester la décision implicite de rejet dans la mesure où un arrêté portant refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire est intervenu le 20 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2022, sous le n° 2206026, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 décembre 2022, M. A C, représenté par Me Ruffel, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté en date du 20 juillet 2022 par lequel le préfet de l’Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d’enjoindre au préfet de l’Hérault de lui délivrer une carte de séjour mention « vie privée et familiale » ou « entrepreneur/profession libérale » dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle et 500 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision est entachée d’un défaut d’examen réel et complet ;

— la décision est entachée d’une erreur de droit dès lors que le préfet s’est cru à tort en situation de compétence liée en raison de l’absence de visa de long séjour alors que cette condition lui était inopposable dans la mesure où il avait obtenu précédemment un titre de séjour ;

— le préfet ne pouvait se fonder sur la circonstance qu’il est défavorablement connu des services de police, le TAJ (traitement d’antécédents judiciaires) n’ayant aucune valeur juridique ;

— la décision méconnait l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors que l’activité de son entreprise est économiquement viable ;

— la décision méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2022, le préfet de l’Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

M. C a été admis à l’aide juridictionnelle partielle par décision du 12 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme B ;

— et les observations de Me Barbaroux, représentant M. C.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, ressortissant marocain né en 1986, est entré en France le 14 avril 2017 sous couvert d’un visa long séjour « vie privée et familiale ». Il a bénéficié d’une carte de séjour pluriannuelle en qualité de conjoint de française valable jusqu’au 14 avril 2020. Il a ensuite fait l’objet d’une décision de retrait de carte de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire le 1er août 2019, dont la légalité a été confirmée par jugement de ce tribunal du 7 novembre 2019 puis par un arrêt de la cour administrative de Marseille du 17 novembre 2020. Le 3 juin 2021, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et sur celui de la vie privée et familiale. En l’absence de réponse à sa demande ainsi qu’à sa demande de communication des motifs, il sollicite, par la requête enregistrée le 2 mars 2022 sous le n° 2201063, l’annulation du rejet implicite qui lui a été opposé. Il a ensuite sollicité, le 6 juillet 2022, une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d’entrepreneur. Par un arrêté du 20 juillet 2022, le préfet de l’Hérault a opposé un refus à sa demande et l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la requête, enregistrée le 18 novembre 2022 sous le n° 2206026, il demande l’annulation de cet arrêté.

2. Les requêtes n° 2206013 et 2206026 ci-dessus visées sont présentées par le même requérant, portent sur sa situation au regard de son droit au séjour et ont fait l’objet d’une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul jugement.

3. En premier lieu, les conclusions de la requête n° 2201063 dirigées contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l’Hérault sur la demande de titre de séjour de M. C présentée le 3 juin 2021, doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 20 juillet 2022, qui s’y est substituée, par laquelle le préfet a expressément rejeté cette demande. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation en ce que le préfet de l’Hérault n’a pas communiqué les motifs de la décision implicite, en application de l’article L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration, est inopérant et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué rappelle les circonstances de fait relatives à la situation administrative et personnelle du requérant. Il mentionne, en particulier, que M. C ne justifie pas être en possession d’un visa long séjour ne lui permettant pas ainsi de se voir délivrer un titre de séjour en qualité d’entrepreneur. Le préfet mentionne également que M. C, célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas être dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine où il ne serait pas isolé. La circonstance que l’arrêté comporte une erreur dans la date de la demande de titre de séjour de l’intéressé constitue une erreur purement matérielle sans incidence sur l’appréciation portée par le préfet sur la situation de l’intéressé et n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision. Par suite, le moyen tiré du défaut d’examen approfondi de la situation personnelle du requérant doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d’existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention »entrepreneur/ profession libérale« d’une durée maximale d’un an. ». Aux termes de l’article R. 313-16-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction en vigueur à date de la première demande de titre de séjour : « () l’étranger qui demande la carte de séjour temporaire portant la mention »entrepreneur/ profession libérale« doit présenter à l’appui de sa demande () les justificatifs permettant d’évaluer, en cas de création, la viabilité économique de son projet. / En cas de participation à une activité ou une entreprise existante, il doit présenter les justificatifs permettant de s’assurer de son effectivité et d’apprécier la capacité de cette activité ou de cette société à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. ». Aux termes de l’article L. 412-1 du même code : « Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l’étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l’article L. 411-1. ».

6. En l’espèce, pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité sur le fondement de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet de l’Hérault s’est fondé sur l’absence de détention par le requérant d’un visa long séjour. La demande de titre de séjour déposée par M. C sur le fondement de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui n’a pas été introduite dans le cadre d’un renouvellement de son précédent titre, le cas échéant avec changement de statut, doit être regardée comme une première demande à laquelle la condition de la détention d’un visa de long séjour peut être opposée. Il ressort des pièces du dossier que M. C est entré en France le 14 avril 2017 muni d’un visa de long séjour « vie privée et familiale » valable du 14 avril 2017 au 14 avril 2018. Par la suite, l’intéressé s’est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu’au 14 avril 2020. Puis, il a fait l’objet d’une décision de retrait de carte de séjour par une décision du 1er août 2019 assortie d’une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal du 7 novembre 2019 et par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 17 novembre 2020. Dans ces conditions, il s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis lors et était tenu de présenter un visa de long séjour à l’appui de sa demande de titre de séjour en qualité d’entrepreneur au titre de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le préfet de l’Hérault a ainsi pu rejeter sa demande de titre de séjour pour le seul motif qu’il ne disposait pas d’un visa de long séjour sans avoir à se prononcer sur la viabilité économique de son activité. En outre, il ressort des termes mêmes de la décision contestée que le préfet, qui a procédé à un examen de la situation particulière de M. C et s’est notamment à cet égard interrogé sur l’opportunité de régulariser à titre exceptionnel la situation de ce dernier, ne s’est pas cru en situation de compétence liée pour refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Dès lors, les moyens tirés de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

7. En quatrième lieu, si M. C soutient que la décision de refus de séjour est fondée sur un élément qui serait apparu lors de la consultation du fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ), il ressort des termes de l’arrêté attaqué que la décision de refus a été prise pour un ensemble de motifs, concernant sa situation administrative, personnelle et familiale. L’ensemble de ces éléments, lesquels ne résultent pas de la consultation du TAJ, suffit pour justifier légalement la décision de refus d’admission au séjour présentée par M. C, dès lors, au demeurant, que le préfet n’a pas entendu tirer de conséquence des éléments de contexte ainsi rappelés. Le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait se fonder sur la circonstance qu’il était défavorablement connu des services de police, sera écarté.

8. En cinquième lieu, comme il a été dit au point 6, M. C ne justifie pas être en possession d’un visa de long séjour et ne remplit donc pas la condition posée par les dispositions précitées de l’article L. 412-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est donc à bon droit que le préfet a pu refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l’article L. 421-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

9. En dernier lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. » Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine.

10. Si M. C fait valoir qu’il est entré en France en avril 2017 en qualité de conjoint de française, il ressort des pièces du dossier, que divorcé depuis novembre 2019, il est désormais célibataire, sans charge de famille et ne démontre pas être isolé dans son pays d’origine. Le requérant, qui au surplus a fait l’objet d’une décision de retrait de titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français par le préfet de l’Hérault le 1er août 2019 et s’est, ainsi, maintenu en situation irrégulière, n’établit pas, par ailleurs, avoir tissé des liens intenses et stables sur le territoire français alors même qu’il justifie d’une insertion professionnelle en France. Ainsi, compte tenu des conditions du séjour en France de M. C, la décision de refus de titre de séjour en litige ne porte pas au droit de l’intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions du préfet de l’Hérault lui refusant l’admission au séjour et l’obligeant à quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d’injonction et d’astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. C sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C, au préfet de l’Hérault et à Me Ruffel.

Délibéré après l’audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Lison Rigaud, présidente,

Mme Isabelle Pastor, première conseillère,

M. François Goursaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

La présidente-rapporteure,

L. B

L’assesseure la plus ancienne,

I. PastorLa greffière

A. Junon

La République mande et ordonne au préfet de l’Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 26 janvier 2023.

La greffière,

A. Junon

2 – 2206026

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