Tribunal administratif de Montreuil, 15 novembre 2013, n° 1209983

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 15 nov. 2013, n° 1209983
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1209983

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N° 1209983

___________

MONETARY AUTHORITY OF SINGAPORE

___________

M. Saby

Rapporteur

___________

M. Marmier

Rapporteur public

___________

Audience du 30 octobre 2013

Lecture du 15 novembre 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil

(10e chambre)

19-04-01-02-06-01

R

Vu la requête, enregistrée le 7 décembre 2012, pour la Monetary Authority of Singapore, dont le siège est XXX, par Me Louvel ; la Monetary Authority of Singapore demande au tribunal :

1°) la restitution de l’intégralité des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu’elle a perçus entre 2001 et 2006 ;

2°) à titre subsidiaire, la restitution de ces retenues à la source à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qu’elle a reçus entre 2001 et 2006 sont contraires aux dispositions de l’article 131 sexies du code général des impôts ; qu’elle a réclamé leur restitution au fil des années par l’intermédiaire de ses agents payeurs ; que par l’intermédiaire de la BNP Paribas Securities Services, elle a demandé, le 18 février 2003, la confirmation du bénéfice des dispositions de l’article 131 sexies du code général des impôts ; que l’administration lui a reconnu le statut de banque centrale singapourienne en date du 18 décembre 2003, rouvrant le délai de recours ; que l’administration a refusé la restitution le 25 octobre 2004, sans référence aux dispositions de l’article 131 sexies du code général des impôts ; que sa demande de remboursement du 16 mars 2005 est restée sans réponse ; à titre subsidiaire, qu’elle peut bénéficier du taux réduit de retenue à la source en application de l’article 10 de la convention fiscale franco-singapourienne ;

Vu la décision par laquelle le directeur chargé de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juin 2013, présenté par le directeur chargé de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que le courrier du 18 décembre 2003 ne rouvre aucun délai dès lors qu’il s’agit là d’une simple prise de position sur l’interprétation de la notion de banque centrale au sens des dispositions de l’article 131 sexies du code général des impôts ; que les demandes initiales de la Monetary Authority of Singapore concernaient l’application d’un taux réduit de 15 % et non l’exonération prévue au titre de l’article 131 sexies du code général des impôts ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juillet 2013, présenté pour la Monetary Authority of Singapore, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 septembre 2013, présenté par le directeur chargé de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux, qui conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs ;

Vu, en date du 13 septembre 2013, l’avis envoyé aux parties, en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant que l’affaire était susceptible d’être inscrite au rôle de l’audience du 30 octobre 2013 et que la clôture d’instruction était susceptible d’intervenir à compter du 1er octobre 2013 ;

Vu la lettre en date du 24 octobre 2013 informant les parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d’être fondée sur un moyen soulevé d’office ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 octobre 2013, présenté pour la Monetary Authority of Singapore, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et la République de Singapour le 9 septembre 1974 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 octobre 2013 :

— le rapport de M. Saby, rapporteur ;

— les conclusions de M. Marmier, rapporteur public ;

— et les observations de Me Louvel, pour la Monetary Authority of Singapore ;

1. Considérant que la Monetary Authority of Singapore, banque centrale et autorité de régulation du secteur financier de l’Etat de Singapour, a subi des retenues à la source sur les dividendes de source française qu’elle a perçus au titre des années 2001 à 2006 ; qu’elle en demande la restitution totale et, à titre subsidiaire, à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ;

En ce qui concerne la fin de non recevoir pour tardiveté opposée par l’administration,

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. (…) ;

3. Considérant d’une part, qu’il est constant que la Monetary Authority of Singapore a, respectivement en mai et septembre 2002, octobre 2003 et en 2004, déposé des demandes de restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2001, 2002, 2003 et 2004 à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ; que ces réclamations n’étaient pas tardives au sens du b) des dispositions susmentionnées ; que l’administration a rejeté ces demandes par décision du 25 octobre 2004, en mentionnant qu’était ouvert le délai de recours prévu au c) de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, soit jusqu’au 31 décembre 2006 ; que la Monetary Authority of Singapore a, par réclamation du 16 mars 2005, demandé l’exonération totale des retenues conformément aux dispositions de l’article 131 sexies I du code général des impôts ; que cette demande a été implicitement rejetée ;

4. Considérant, d’autre part, qu’il est constant que la Monetary Authority of Singapore a, respectivement en mai 2005, mai 2006 et juillet 2008, déposé des demandes de restitution des retenues à la source prélevées au titre des années 2004 à 2006, à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ; que ces demandes ont été implicitement rejetées ;

5. Considérant que si la Monetary Authority of Singapore a formé le 18 janvier 2011 une nouvelle réclamation récapitulative, qui a été rejetée par une décision du 7 août 2012, à la suite de laquelle elle a saisi le Tribunal, cette décision doit être regardée comme purement confirmative des décisions implicites de rejet précédemment intervenues ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par l’administration doit être écartée ;

Sur le quantum de la demande :

6. Considérant que dans ses demandes déposées en mai 2005, mai 2006 et juillet 2008, la Monetary Authority of Singapore a limité ses conclusions à la restitution des retenues à la source qu’elle a subies au titre des années 2004 à 2006, à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ; qu’ainsi, les conclusions de la requête portant sur les retenues à la source correspondantes, en tant qu’elles excèdent cette différence, n’ont pas été précédées d’une réclamation préalable et, par suite, ne sont pas recevables ;

Sur le bien-fondé des retenues à la source :

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les produits financiers pour lesquels la Monetary Authority of Singapore a subi des retenues à la source sont issus d’American deposit receipts (ADR), titres détenus par la State Street Bank aux Etats-Unis d’Amérique, représentatifs d’actions sous-jacentes des sociétés françaises Total, Total Fina et Technip Coflexip ;

8. Considérant en premier lieu, qu’aux termes du I de l’article 131 sexies du code général des impôts : « Les produits d’actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires distribués par des sociétés françaises, ainsi que les produits mentionnés à l’article 118 qui bénéficient à des organisations internationales, à des Etats souverains étrangers ou aux banques centrales de ces Etats, sont exonérés des retenues ou du prélèvement prévus aux articles 119 bis et 125 A. / Ces placements ne doivent pas constituer un investissement direct au sens de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 modifiée relative aux relations financières avec l’étranger et des textes réglementaires pris pour son application. Les titres doivent revêtir la forme nominative ou être déposés auprès d’un établissement de crédit établi en France » ;

9. Considérant que les ADR dont les produits ont bénéficié à la Monetary Authority of Singapore sont, ainsi qu’il a été rappelé, détenus par la State Street Bank aux Etats-Unis d’Amérique ; qu’ainsi, ils ne sont pas déposés auprès d’un établissement de crédit établi en France, sans qu’ait d’incidence la circonstance, au demeurant non démontrée, d’autant que l’établissement bancaire BNP Paribas Securities Services indique dans une lettre du 26 avril 2005 ne pas les détenir sur ses comptes, que les actions françaises dont ils sont dérivés soient obligatoirement déposées sur un compte français ; que par suite, les produits qui en sont issus ne peuvent être exonérés de retenues à la source en application des dispositions du I de l’article 131 sexies du code général des impôts précitées ;

10. Considérant en second lieu, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la convention fiscale conclue entre la France et Singapour : « La présente convention s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un Etat contractant ou de chacun des deux Etats » ; qu’aux termes de l’article 4 de cette même convention : « 1. Au sens de la présente convention, l’expression « résident d’un Etat contractant » désigne toute personne qui est résident d’un Etat contractant pour l’application de l’impôt dudit Etat (…) » ; qu’il résulte de ces stipulations que cette convention s’applique aux Etats contractants et que son application n’est pas subordonnée à l’imposition effective des revenus dans l’un d’eux ;

11. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du 2 de l’article 10 de la convention fiscale conclue entre la France et Singapour : « Les dividendes payés par une société qui est un résident de France à un résident de Singapour peuvent également être imposés en France et selon la législation française, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 10 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire est une société qui possède directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes ; b) 15 % du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas » ;

12. Considérant que les dividendes payés par les sociétés Total, Total Fina et Technip Coflexip ont été transmis directement par la State Street Bank à la Monetary Authority of Singapore ; qu’ils doivent être regardés comme des dividendes payés par des sociétés résidentes de France à un résident de Singapour ; que par suite, la retenue à la source appliquée sur ces produits ne peut excéder le taux de 15 % du montant brut des dividendes en application du 2 de l’article 10 de la convention fiscale franco-singapourienne ;

13. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Monetary Authority of Singapore est seulement fondée à demander la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française qu’elle a perçus au titre des années 2001 à 2006 à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 % ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Monetary Authority of Singapore et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçus par la Monetary Authority of Singapore au titre des années 2001 à 2006 à hauteur de la différence entre le taux appliqué de 25 % et le taux conventionnel de 15 %.

Article 2 : L’Etat versera à la Monetary Authority of Singapore la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Monetary Authority of Singapore est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la Monetary Authority of Singapore et au directeur chargé de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux.

Délibéré après l’audience du 30 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Le Goff, président,

M. Saby, conseiller,

Mme X-Y ;

Lu en audience publique le 15 novembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

O. Saby R. Le Goff

Le greffier,

Signé

XXX

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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