Tribunal administratif de Nancy, 19 août 2022, n° 2202183

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Sur la décision

Référence :
TA Nancy, 19 août 2022, n° 2202183
Juridiction : Tribunal administratif de Nancy
Numéro : 2202183
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 1 septembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 sous le numéro 2202183, Mme C B, représentée par Me Callet, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 25 mai 2022 par laquelle le conseil national de l’ordre des infirmiers lui refuse la délivrance de l’autorisation d’exercice en site distinct de sa résidence professionnelle, au sein du centre médical de soins immédiats (CMSI) d’Epinal ;

2°) de réserver les dépens et frais visés par l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

—  il y a urgence à suspendre la décision attaquée dès lors qu’elle intervient dans un contexte de pénurie générale du personnel soignant au sein des établissements de soins et met en tension le service des urgences ;

—  il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; en effet :

o l’article R. 4312-72 du code de la santé publique est inapplicable ;

o la décision porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’établissement de l’infirmier.

II. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022 sous le numéro 2202189, Mme C B, représentée par Me Callet, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 2 mai 2022 par laquelle le conseil national de l’ordre des infirmiers lui refuse la délivrance de l’autorisation d’exercice en site distinct de sa résidence professionnelle, au sein du centre médical de soins immédiats (CMSI) d’Essey-lès-Nancy ;

2°) de réserver les dépens et frais visés par l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

—  il y a urgence à suspendre la décision attaquée dès lors qu’elle intervient dans un contexte de pénurie générale du personnel soignant au sein des établissements de soins et met en tension le service des urgences ;

—  il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; en effet :

—  l’article R. 4312-72 du code de la santé publique est inapplicable ;

—  la décision porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’établissement de l’infirmier.

Vu :

—  les requêtes n°s 2202184 et 2202190 enregistrées le 28 juillet 2022 par lesquelles Mme B demande l’annulation des décisions attaquées ;

—  les pièces des dossiers desquelles il ressort que les requêtes ont été communiquées au conseil national de l’ordre des infirmiers qui n’a pas produit d’observations ;

—  les autres pièces des dossiers.

Vu :

—  le code de la santé publique ;

—  le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Marti, vice-président, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique.

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 17 août 2022 à 10h00 :

—  le rapport de M. Arti, juge des référés,

—  les observations de Me Callet, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens,

—  le conseil national de l’ordre des infirmiers n’étant ni présent ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 10h30.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes présentées par Mme B posent des questions identiques et ont fait l’objet d’une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même ordonnance.

2. Mme B, infirmière d’Etat, a déposé, auprès du conseil départemental de l’ordre des infirmiers (CDOI) de Meurthe-et-Moselle et du CDOI de la Meuse et des Vosges, deux demandes d’autorisation d’exercice en site distinct afin de pouvoir exercer au sein des centres médicaux de soins immédiats (CMSI) d’Essey-lès-Nancy et d’Epinal. Par deux décisions des 21 et 28 janvier 2022, les CDOI ont opposé un refus à ses demandes. Les 3 et 28 mars 2022, Mme B a déposé, devant le conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI), deux recours contre les décisions des CDOI. Par deux décisions des 2 et 25 mai 2022, le CNOI a rejeté ses recours. Mme B demande, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de ces deux décisions précitées.

3. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

En ce qui concerne l’urgence :

4. La condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

5. Il résulte de l’instruction que les CMSI permettent de diminuer le recours aux services d’urgence pour les soins techniques difficiles à réaliser en médecine de ville. Les refus d’autorisation de l’exercice en site distinct opposés à Mme B emportent des conséquences immédiates, tant sur la pérennité des CMSI, que sur la possibilité de diminuer le risque de saturation des capacités hospitalières. La condition d’urgence doit, dès lors, être considérée comme remplie.

En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux :

6. Aux termes du II de l’article R. 4312-72 du code de la santé publique : « Si les besoins de la population l’exigent, un infirmier peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle, lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la continuité des soins. L’infirmier prend toutes dispositions pour que soient assurées sur tous ces sites d’exercice, la qualité, la sécurité et la continuité des soins ». Aux termes du III du même article : « La demande d’ouverture d’un lieu d’exercice distinct est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l’activité envisagée par tout moyen lui conférant date certaine. Elle est accompagnée de toutes informations utiles sur les besoins de la population et les conditions d’exercice. Si celles-ci sont insuffisantes, le conseil départemental demande des précisions complémentaires. Le conseil départemental au tableau duquel l’infirmier est inscrit est informé de la demande lorsque le site distinct se trouve dans un autre département ». Enfin, aux termes du V de cet article : « Les recours contentieux contre les décisions de refus, de retrait ou d’abrogation d’autorisation ainsi que ceux dirigés contre les décisions explicites ou implicites d’autorisation ne sont recevables qu’à la condition d’avoir été précédés d’un recours administratif devant le conseil national de l’ordre ».

7. Il résulte des dispositions citées au point 6 que l’activité exercée dans le cadre d’un centre médical de soins immédiats (CMSI) par un infirmier libéral n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 4312-72 du code de la santé publique, qui prévoit que l’exercice en site distinct de celui de sa résidence professionnelle habituelle est subordonné à l’autorisation préalable de l’instance ordinale. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur de droit tenant à l’application des dispositions de l’article R. 4312-72 du code de la santé publique est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions de refus de délivrance des autorisations d’exercice en site distinct.

8. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’ordonner la suspension de l’exécution des décisions des 2 et 25 mai 2022 du conseil national de l’ordre des infirmiers.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution des décisions du 2 mai 2022 et du 25 mai 2022 par lesquelles le conseil national de l’ordre des infirmiers a refusé de délivrer les autorisations d’exercice en site distinct à Mme B est suspendue dans l’attente de l’intervention d’un jugement au fond.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C B et au conseil national de l’ordre des infirmiers.

Fait à Nancy le 19 août 2022.

Le juge des référés,

D. Marti

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2202183 et 2202189

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