Tribunal administratif de Paris, 13 septembre 2018, n° 1705077/4-1

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 13 sept. 2018, n° 1705077/4-1
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1705077/4-1

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF Sommaire DE PARIS

N° 1705077/4-1

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES

DU […]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Y

Rapporteur

Le Tribunal administratif de Paris M. X

Rapporteur public Section 1ère Chambre)ème(4

Audience du 30 août 2018

Lecture du 13 septembre 2018

68-03-02-01

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars et 21 septembre 2017, le syndicat des copropriétaires du […], représenté par Me Dadez, demande au tribunal:

1°) d’annuler l’arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le maire de la ville de Paris accordé à M. A. P. un permis de construire pour la transformation d’un garage en logement situé […] à Paris (9ème), ensemble la décision du 18 janvier 2017 par laquelle le maire de la ville de Paris a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 2 000 euros en application de

l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la consultation de l’architecte des Bâtiments de France, qui n’est pas établie, est en tout état de cause irrégulière, dès lors que le dossier qui lui a été transmis était incomplet; le pétitionnaire s’est livré à des manœuvres frauduleuses pour induire en erreur le service instructeur; en effet, il a attesté remplir les conditions de l’article R. 423-1 du code de

l’urbanisme alors que l’assemblée générale a refusé de lui accorder l’autorisation de réaliser les travaux ; la notice descriptive est mensongère, dès lors qu’il n’existe aucune porte donnant sur la cour; les plans joints à la demande de permis de construire sont erronés, dès lors que la porte figurant sur le plan A14 et A15 et les fenêtres figurant sur les plans A15 et A17 n’existent pas ; les fenêtres situées à droite de la porte sont celles d’un local relevant des parties communes ;


dans sa configuration actuelle, le local ne dispose pas d’ouvertures lui permettant d’être éclairé et aéré de manière suffisante en méconnaissance des articles L. 1331-22 du code de la santé publique et 27 et 40 du règlement sanitaire du département de Paris ;

- l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l’article R. 111-2 du code de

l’urbanisme et de l’article UG 7 du règlement du plan local d’urbanisme ;

- l’arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l’article R. 431-14 du code de l’urbanisme, dès lors que la notice mentionnée à l’article R. 431-8 de ce code ne comporte aucune précision sur la nature des matériaux utilisés et sur les modalités d’exécution des travaux.

Par des mémoires, enregistrés les 10 juillet 2017 et 25 juillet 2018, M. A. P., représenté par Me Boulay, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, au prononcé d’un sursis à statuer, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ;

3°) à la mise à la charge du syndicat des copropriétaires du […] de la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le syndicat des copropriétaires du […] ne justifie pas de sa qualité pour agir et n’a pas d’intérêt à contester le permis de construire litigieux, qui ne porte pas sur les parties communes de l’immeuble ; les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 28 août 2017 et 26 juillet 2018, la ville de Paris conclut au rejet de la requête du syndicat des copropriétaires du […].

Elle soutient que :

- le syndicat des copropriétaires du […] ne justifie pas de sa qualité pour agir; les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu:

- le code l’urbanisme ;

- le code de la construction et de l’habitation; la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965;

- le décret n° 67-223 du 17 mars 1967; le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y, les conclusions de M. X, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dadez, représentant le syndicat des copropriétaires du […].



Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des copropriétaires du […] demande l’annulation de l’arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le maire de la ville de Paris a accordé à M. A. P. un permis de construire pour la transformation d’un garage en logement, à rez-de-chaussée donnant sur la rue et la cour, avec la réouverture d’une porte sur cour, dans un immeuble situé […] à

Paris (9ème), ensemble la décision du 18 janvier 2017 par laquelle le maire de la ville de Paris a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir :

2. En premier lieu, aux termes de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le syndic représente le syndicat des copropriétaires en justice. Aux termes de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l’application de cette loi : « Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale. / (…) / Dans tous les cas, le syndic rend compte la prochaine assemblée générale des actions introduites ». Il résulte de ces dispositions que, dans les cas où une autorisation est requise, le syndic, agissant au nom de la copropriété, est tenu de disposer, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, d’une autorisation formelle de l’assemblée générale des copropriétaires pour agir en justice en son nom, habilitation qui doit préciser l’objet et la finalité du contentieux engagé. Le pouvoir ainsi donné au syndic est compris dans les limites qui ont, le cas échéant, été fixées par la décision de l’assemblée générale.

3. Si M. P. et la ville de Paris font valoir que le syndicat des copropriétaires du […] ne justifie pas de sa qualité pour agir, le syndicat des copropriétaires a produit le procès-verbal de la délibération de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé […], réunie le 18 mai 2017, l’habilitant « à agir en justice pour engager toutes actions aux fins d’obtenir l’annulation du permis de construire obtenu par M. P. ». Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.

4. En second lieu, aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association

n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de

l’habitation ».

5. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de


l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de

l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

6. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que fait valoir M. P., le syndicat des copropriétaires du […], qui regroupe les copropriétaires de l’ensemble immobilier auquel appartiennent les locaux pour lesquels le permis de construire contesté a été demandé afin de transformer un local servant d’office et de garage en un logement, ce qui implique notamment la réouverture d’une porte donnant sur la cour appartenant aux parties communes, justifie, compte tenu de la nature des travaux autorisés, d’un intérêt pour agir. La fin de non-recevoir doit donc être écartée.

Sur les conclusions à fins d’annulation :

7. Aux termes de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme : « Les demandes de permis de construire (…) sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : /a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; (…)».

8. En vertu du dernier alinéa de l’article R. 431-5 du même code, la demande de permis de construire comporte l’attestation du demandeur qu’il remplit les conditions définies à l’article

R. 423-1 pour déposer une demande de permis.

9. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l’attestation du pétitionnaire qu’il remplit les conditions définies à l’article

R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d’utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de

l’attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit

l’attestation prévue à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Lorsque l’autorité saisie d’une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure

d’instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l’administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l’existence d’une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l’intention de tromper l’administration sur sa qualité pour présenter la demande d’autorisation d’urbanisme.

10. En l’espèce, le pétitionnaire a déclaré, à la rubrique 8 du formulaire « cerfa » de la demande de permis de construire, avoir qualité pour déposer cette demande. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les demandes présentées par l’intéressé tendant, d’une part, à changer

l’affectation du local servant de garage en local à usage d’habitation et, d’autre part, à recréer la porte côté cour de ce local, accessible seulement par le portail donnant sur la rue, par le percement du mur situé à droite du pylône de l’ascenseur, ont été rejetées par l’assemblée


générale des copropriétaires du […], qui s’est tenue, respectivement, le 16 avril

2015 et le 11 juin 2015, avec la participation du pétitionnaire. Ainsi, à la date du dépôt de sa demande de permis de construire le 30 mars 2016, le pétitionnaire ne pouvait ignorer que les travaux objet de la demande, qui affectaient des parties communes et l’aspect extérieur de

l’immeuble, nécessitaient l’accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, ni davantage qu’il ne disposait pas de la qualité requise, conformément à l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme, pour déposer sa demande de permis de construire, faute d’avoir obtenu l’assentiment de l’assemblée générale des copropriétaires. La circonstance que M. P. a contesté les délibérations des 16 avril et 11 juin 2015 de l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas de nature à établir sa bonne foi, alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a réalisé les travaux litigieux avant la décision du juge judiciaire. Par suite, le syndicat des copropriétaires du

[…] est fondé à soutenir que M. P., en attestant avoir la qualité pour déposer la demande de permis de construire, s’est livré à une manœuvre frauduleuse afin d’induire

l’administration en erreur et, en conséquence, à demander l’annulation de l’arrêté du 7 septembre

2016 accordant à l’intéressé le permis de construire litigieux, ainsi que la décision du 18 janvier

2017 rejetant son recours gracieux formé contre cet arrêté.

11. Pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen de la requête ne paraît, en l’état de l’instruction, susceptible de fonder l’annulation de ces décisions.

Sur l’application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme :

12. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant

l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».

13. Eu égard au motif d’annulation du permis de construire retenu au point 10 du présent jugement, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions précitées de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la ville de

Paris, partie perdante, la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés par le syndicat des copropriétaires du […] et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du requérant, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. P. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1er: L’arrêté du 7 septembre 2016 par lequel le maire de la ville de Paris a accordé à M.

P. un permis de construire et la décision du 18 janvier 2017 par laquelle il a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté, sont annulés.



Article 2 : La ville de Paris versera au syndicat des copropriétaires du […] la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Les conclusions présentées par M. P. sur le fondement des articles L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent jugement sera notifié au syndicat des copropriétaires du […], à la ville de Paris et à M. A. P. Une copie en sera transmise au procureur de la République près le

Tribunal de grande instance de Paris en application de l’article R. 751-10 du code de justice administrative.

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