Tribunal administratif de Paris, 19 mai 2023, n° 2308616

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 19 mai 2023, n° 2308616
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2308616
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 31 mai 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 15 avril et le 9 mai 2023, la Fédération professionnelle des entreprises de recyclage (FEDEREC), représentée par Me Deffairi, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à titre principal, la suspension de l’arrêté du 6 octobre 2022 portant agrément de la société Valdelia en tant qu’éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, ou, à titre subsidiaire, d’ordonner la suspension de cet arrêté en tant qu’il autorise la société Valdelia à mettre en œuvre une responsabilité élargie du producteur opérationnelle s’agissant de la collecte des déchets et à soutenir à 100% la collecte sur les chantiers en contrat avec l’éco-organisme, jusqu’à ce que les mesures prévues dans le dossier de demande d’agrément soient mises en conformité avec le code de l’environnement ;

2°) d’enjoindre à l’Etat de faire application de ses pouvoirs de mise en demeure et de sanctions prévus par l’article L. 541-9-6 du code de l’environnement, afin d’ordonner à la société Valdelia de modifier son dossier d’agrément et de se mettre en conformité avec le code de l’environnement ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est satisfaite compte tenu de l’imminence et de la gravité de l’atteinte portée par l’arrêté attaqué aux intérêts des gestionnaires de déchets et à l’intérêt public ; l’agrément accordé a pour effet d’affecter substantiellement et durablement la compétitivité des entreprises de gestion des déchets et la structure du marché sur lequel elles opèrent ; il porte atteinte à une mise en œuvre efficace de la responsabilité élargie du producteur dans un objectif de protection de l’environnement ; la filière de responsabilité élargie du producteur de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment débute le 1er mai 2023.

— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

— elle a été prise au terme d’une procédure irrégulière, en l’absence de consultation de la CiFREP (commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs) ;

—  elle n’a pas fait l’objet d’une information du public complète et n’a pas été précédée d’une procédure de participation du public ;

— le dossier de demande d’agrément de la société Valdelia méconnaît les dispositions de l’article L. 541-10-23 du code de l’environnement en ce qu’il prévoit la mise en place d’une collecte suivant un modèle opérationnel et non financier ;

— elle méconnaît les dispositions du cahier des charges et le droit de la concurrence et les disposition du II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement en ce qui concerne la durée maximale de l’agrément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les conditions tenant à l’urgence et au doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué ne sont pas remplies.

Par des mémoires enregistrés le 18 avril 2023 et le 5 mai 2023, la société Valdelia, représentée par Me Babin et Me Gossement, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la FEDEREC la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle oppose la fin de non-recevoir tirée de ce que la fédération requérante ne présente pas un intérêt lui donnant qualité pour agir.

La requête a été communiquée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui n’a pas produit d’observations.

Vu

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 15 avril 2023 sous le numéro 2308567 par laquelle la fédération professionnelle des entreprises de recyclage (FEDEREC) demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. B pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Clombe, greffière d’audience, M. B a lu son rapport et entendu :

— les observations de Me Deffairi et de Me Lecomte, représentant la fédération professionnelle des entreprises de recyclage ;

— et les observations de Mmes A et Torquet, représentant le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 11 mai 2023, a été produite pour la FEDEREC.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2023, a été produite pour la société Valdélia.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 octobre 2022, publié au journal officiel de la République française du 16 octobre suivant, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont prononcé l’agrément, sur le fondement de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, de la société Valdélia en tant qu’éco-organisme jusqu’au 31 décembre 2027, pour répondre aux exigences fixées par le cahier des charges annexé du 10 juin 2022 susvisé pour les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment relevant des catégories mentionnées au 2o du II de l’article

R. 543-289. Par la présente requête, la FEDEREC demande au juge des référés de suspendre l’exécution de cette décision sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ». Aux termes de l’article L. 522-1 de ce code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique () ».

3. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. La FEDEREC fait valoir, pour justifier l’existence d’une situation d’urgence, que la décision attaquée, qui a pris effet le 1er mai 2023, portera gravement atteinte aux intérêts des gestionnaires de déchets et à l’intérêt public. Elle soutient, à ce titre, que l’agrément contesté a pour effet d’affecter substantiellement et durablement la compétitivité des entreprises de gestion des déchets et la structure du marché sur lequel elles opèrent, les privant, compte tenu des modalités obligatoires de participation avec l’entreprise agrée à la collecte des déchets, de leur clientèle « historique ». Elle estime, encore, qu’il porte atteinte à la concurrence en accordant à l’entreprise agréée et aux entreprises de son réseau un avantage indu. Enfin, et notamment, elle soutient que cet agreement est incompatible avec la mise en œuvre efficace de la responsabilité élargie du producteur dans un objectif de protection de l’environnement.

5. Il ressort des écritures en défense du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, précisées et éclairées par les débats à l’audience, que l’agrément contesté a été précédé d’agréments accordés à trois autres entreprises en tant qu’éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, précédés de l’avis du 22 septembre 2022 de la commission inter filières de responsabilité élargie des producteurs. Ainsi, la gestion des déchets du bâtiment sera assurée par quatre entreprises de la filière pour, notamment, la collecte de déchets dits de la catégorie 1 et de la catégorie 2, l’entreprise Valdélia étant agréée pour la gestion de 1% du volume total des déchets de la seule catégorie 2, ce pourcentage devant être porté, au terme de la période d’agrément, soit le 31 décembre 2027, à 10%. Compte tenu du tonnage dont la gestion est confiée, par l’agreement contesté, à l’entreprise en cause, l’activité de cette dernière en qualité d’éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment ne peut, en l’état de l’instruction, et alors que la fédération requérante n’apporte aucun élément chiffré au soutien de ses allégations relatives à la compétitivité, l’attractivité et la conservation de leur clientèle par les entreprises gestionnaires de déchets, être regardé comme susceptible seule de porter une atteinte grave aux intérêts de ces entreprises. En outre, si la FEDEREC soutient que l’agrément contesté porte atteinte à la concurrence dès lors qu’il confère un avantage indu à la société Valdélia et aux entreprises « de son réseau », elle ne l’établit pas davantage. Elle n’établit ainsi pas que l’agrément préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public et aux intérêts qu’elle entend défendre.

6. Il résulte de ce qui précède que l’urgence n’est en l’état de l’instruction pas caractérisée et que pour ce motif la requête ne peut qu’être rejetée.

7. Il n’y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la FEDEREC la somme de 1 000 euros à verser à la société Valdélia en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la FEDEREC est rejetée.

Article 2 : La FEDEREC versera à la société Valdélia la somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération professionnelle des entreprises de recyclage, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la Société Valdelia.

Fait à Paris, le 19 mai 2023.

Le juge des référés,

J.-F. B

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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