Tribunal administratif de Paris, 31 mai 2023, n° 2312213

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 31 mai 2023, n° 2312213
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2312213
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 16 juin 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, Mme C A, représentée par Me Charles, demande au juge des référés, statuant par application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’enjoindre au préfet de police de lui fixer un rendez-vous pour la remise d’un récépissé de renouvellement de titre de séjour l’autorisant à travailler, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) d’enjoindre au préfet de police de lui fixer un rendez-vous pour la poursuite de l’instruction de son dossier, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la condition d’urgence est caractérisée dès lors que son précédent récépissé n’est plus valable depuis le 27 mai 2023, que son employeur a suspendu son contrat de travail en subordonnant le versement de son salaire à la production de ce document, qu’elle ne peut bénéficier des prestations sociales telles que l’aide au logement et que, ainsi, elle se trouve, avec ses enfants, en situation de grande précarité ;

— le préfet de police, en n’instruisant pas son dossier en dépit de nombreuses relances a porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté fondamentale d’aller et venir, à son droit au travail, à son droit au respect de sa vie privée et familiale et au droit à un service public continu et adapté.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2023, le préfet de police conclut au non-lieu à statuer, compte tenu du rendez-vous fixé à la requérante le 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des froits de l’homme et des libertés fondamentales,

— la Constitution,

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Perfettini pour statuer sur les demandes en référé.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 31 mai 2023 à 14 heures, tenue en présence de Mme Boudina, greffière d’audience :

— le rapport de Mme Perfettini, juge des référés ;

— les observations de Me Charles qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens en rappelant les multiples démarches vainement entreprises auprès de la préfecture de police, au cours desquelles il a appris sans que ce soit confirmé par écrit, que cette dernière souhaiterait disposer de certificats de scolarité concernant les enfants de la requérante, et en soulignant la précarité de situation de la requérante ;

— et les observations de Mme A qui indique n’avoir pas compris les raisons pour lesquelles il lui a été indiqué que son dossier n’avait pu être instruit et qu’elle devait se représenter à la préfecture de police et ajoute qu’en l’absence de salaire elle ne pourra notamment acquitter son loyer.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C A, ressortissante guinéenne née le 28 août 1988, entrée en France en 2012 et titulaire depuis 2015 d’une carte de séjour temporaire en qualité de parent d’enfant français régulièrement renouvelée jusqu’au 2 août 2022. Elle a sollicité dans les délais le renouvellement de son titre de séjour et a été mise en possession le 28 novembre 2022 d’un récépissé expirant le 27 mai 2023. Dès le 10 mai 2023, elle a présenté une demande en ligne, à laquelle il a été répondu que sa demande ne pouvait être satisfaite et qu’il lui fallait prendre rendez-vous pour poursuivre l’instruction de son dossier. Le 22 mai 2023, elle a adressé par l’intermédiaire de son conseil des courriels accompagnés de justificatifs à cinq adresses différentes sur le site du ministère de l’intérieur notamment aux bureaux des titres de séjour, qui a émis des réponses automatiques d’attente et à celui intitulé « pp-dim-rcs-intercalaire », qui l’a renvoyée vers le site précédent. Le 24 mai 2023, son conseil a verbalement sollicité des informations auprès du centre de réception des étrangers « Charcot » situé dans le 13ème arrondissement de Paris, qui n’a pu proposer de solution. Mme A demande à la juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de police de lui fixer un rendez-vous pour la remise d’un récépissé de renouvellement de titre de séjour l’autorisant à travailler ainsi que la poursuite de l’instruction de son dossier, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

2. Aux termes, d’une part, de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ». Lorsqu’un requérant fonde son action sur la procédure de protection particulière instituée par l’article L. 521-2 de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d’urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l’article L. 521-2 soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.

3. Aux termes, d’autre part, de l’article R. 431-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu’il précise. ». En dehors du cas d’une demande à caractère abusif ou dilatoire, l’autorité administrative chargée d’instruire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ne peut refuser de l’enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l’appui de cette demande est incomplet.

4. En l’espèce, il n’est pas contesté par le préfet de police que les justificatifs nécessaires à l’instruction de la demande de l’intéressée, notamment quant à ses liens personnels et familiaux en France, ont été produits. Dans ces conditions, la demande de renouvellement présentée doit être regardée comme étant complète depuis le 10 mai 2023. S’il est ressorti de l’échange verbal intervenu le 24 mai 2023 et mentionné au point 1 ci-dessus que les services de la préfecture souhaitaient disposer de certificats de scolarité des enfants de la requérante, aucun complément d’information n’a été demandé à cette dernière. Ainsi, en s’abstenant de renouveler le récépissé qui expirait le 27 mai 2023, selon une procédure dématérialisée qui ne permet nullement d’établir un quelconque motif légal d’éventuelle incomplétude de la demande de Mme A, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l’article R. 431-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il s’ensuit que l’absence d’instruction de la demande de renouvellement du titre de séjour de l’intéressée dans un délai raisonnable et de remise d’un récépissé à compter du 10 mai 2023 est manifestement illégale. Par ailleurs, en ne traitant pas depuis plus de six mois la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme A, en situation régulière depuis huit ans et en la privant désormais du récépissé lui permettant d’établir la régularité de sa situation, notamment auprès de son employeur, un établissement hospitalier où elle occupe un emploi d’agent de service et qui, par courrier du 25 avril 2023 a suspendu son contrat de travail et menacée de licenciement, l’administration a porté une atteinte grave et, ainsi qu’il vient d’être dit, manifestement illégale à plusieurs libertés et droits fondamentaux reconnus aux étrangers en situation régulière, en particulier au droit de l’intéressée au respect de sa privée et familiale, alors qu’elle est mère de cinq enfants, à son droit au travail et et de continuer à travailler et à sa liberté d’aller et venir. L’absence de renouvellement d’un récépissé de sa demande de renouvellement de titre de séjour préjudice donc de manière suffisamment grave à sa situation pour justifier qu’une mesure soit ordonnée à très bref délai. Par suite, la condition d’urgence prévue à l’article L.521-2 du code de justice administrative est également remplie alors même que le préfet de police, en cours d’instance, a produit une convocation pour un rendez-vous en préfecture le 30 juin 2023 à 9 h30. Dès lors, les conclusions aux fins de non -lieu du préfet de police ne peuvent être admises.

5. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au préfet de police de procéder à l’instruction de la demande de délivrance d’un titre de séjour présentée par Mme A dans les plus brefs délais et de remettre à l’intéressé un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour l’autorisant à travailler, dans un délai maximum de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée.

Sur les frais d’instance :

6. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme A de la somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : Il est enjoint au préfet de police de procéder à l’instruction de la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme B dans les plus brefs délais et de remettre à cette dernière pendant la durée de cet examen un récépissé de demande de renouvellement titre de séjour l’autorisant à travailler, dans le délai de sept jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 2 : L’Etat versera à Mme A la somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C A et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Fait à Paris, le 31 mai 2023.

La juge des référés,

D. Perfettini

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision./9

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