Tribunal administratif de Paris, 2e section - 2e chambre, 12 avril 2023, n° 2103312

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Rivière Avocats · 10 octobre 2023

Déclarations ; Fiscalité internationale ; Pacte Dutreil ; IS ; Acte anormal de gestion ; TVA ; Para-hôtellerie ; Plus-values professionnelles ; Photovoltaïque ; Procédure fiscale Du 1er au 30 septembre 2023 Télé-correction : Vous avez jusqu'au 7 décembre 2023 pour télé-corriger votre déclaration de revenus 2022 L'administration fiscale permet aux contribuables de procéder à la modification de leur déclaration de revenus 2022 faite en mai dernier via le service de télé correction, accessible sous l'onglet « Accédez à la correction en ligne » de leur espace personnel …

 

Rivière Avocats · 9 octobre 2023

Selon le principe de mondialité de l'impôt, un contribuable domicilié en France au sens de l'article 4 A du CGI est assujetti à l'impôt français à raison de l'ensemble de ses revenus, qu'ils soient de source française ou étrangère. Cette règle s'applique sous réserve des conventions internationales. A cet égard, la convention franco-britannique prévoit, à l'article 15, que, par principe, les salaires du contribuable sont imposés dans son État de résidence et par exception, dans l'État d'exercice de son activité. En l'espèce, un résident fiscal français a déclaré en France ses …

 

Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 25 juin 2023

J H, président-directeur général de la société Kering SA depuis le 19 mai 2005, a souscrit en sa qualite de resident fiscal en france des déclarations de revenus au titre des années 2017 et 2018, faisant notamment mention de salaires de source française pour des montants de 7 447 856 euros au titre de l'année 2017, et de 17 284 245 euros au titre de l'année 2018. M. H a été imposé conformément à ses déclarations, et l'administration fiscale a mis à sa charge des cotisations d'impôt sur le revenu d'un montant de 3 287 203 euros au titre de l'année 2017, et de 5 046 347 euros au titre de …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 2e sect. - 2e ch., 12 avr. 2023, n° 2103312
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2103312
Importance : Intérêt jurisprudentiel signalé
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique, un mémoire en duplique et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 février, 5 juillet, 29 novembre 2021 et le 20 avril 2022, M. J H, représenté par Me Turot, demande au tribunal de lui accorder le bénéfice du crédit d’impôt prévu par l’article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre de ses revenus d’emploi des années 2017 et 2018, pour un montant de 2 955 844 euros au titre de l’année 2017 et de 8 602 710 euros au titre de l’année 2018.

Il soutient que :

— le Royaume-Uni est compétent pour imposer les revenus d’emploi correspondant à ses fonctions de directeur général de Kering SA, dans la mesure où il exerce cet emploi au Royaume-Uni à raison de plus de 183 jours par an depuis 2016 ; il convient de manier le critère de la présence physique afin de déterminer le lieu d’exercice de l’emploi, conformément aux stipulations de la convention fiscale franco-britannique ;

— contrairement à ce qu’estime l’administration, il établit exercer, pour une partie substantielle, ses fonctions de directeur général de Kering SA au Royaume-Uni, et ne relève pas du cas de figure prévu au point 2 de l’article 15 de la convention ;

— étant en situation de double imposition, il est fondé à solliciter le bénéfice d’un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français, égal au montant de l’impôt dû en France à raison des revenus en cause.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 juin et 22 septembre 2021, et le 31 janvier 2022, le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant du crédit d’impôt conventionnel de M. H soit limité à un montant de 1 133 520 euros au titre de l’année 2017, et à ce que le montant du crédit d’impôt au titre de l’année 2018 soit fixé à un montant nul.

Il soutient que les moyens soulevés par M. H ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 avril 2022, la clôture d’instruction a été fixée au 23 mai 2022.

Le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris a présenté un mémoire, enregistré le 4 mai 2022, qui n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Londres le 19 juin 2008 ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. D,

— les conclusions de M. Lahary, rapporteur public,

— et les observations de Me Turot, pour M. H, et de M. I, pour le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de Paris.

Une note en délibéré, présentée par Me Turot, a été enregistrée le 28 mars 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. J H, qui exerce les fonctions de président-directeur général de la société Kering SA depuis le 19 mai 2005, a souscrit des déclarations de revenus au titre des années 2017 et 2018, faisant notamment mention de salaires de source française pour des montants de 7 447 856 euros au titre de l’année 2017, et de 17 284 245 euros au titre de l’année 2018. M. H a été imposé conformément à ses déclarations, et l’administration fiscale a mis à sa charge des cotisations d’impôt sur le revenu d’un montant de 3 287 203 euros au titre de l’année 2017, et de 5 046 347 euros au titre de l’année 2018. La réclamation formée par l’intéressé le 7 septembre 2020, ayant pour objet de solliciter le bénéfice d’un crédit d’impôt à raison des impôts acquittés au Royaume-Uni sur les revenus découlant de ses fonctions de président-directeur général de la société Kering SA, a été rejetée par l’administration fiscale le 17 décembre 2020. Par la présente requête, M. H demande au tribunal de lui accorder le bénéfice du crédit d’impôt prévu par l’article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre des revenus d’emploi des années 2017 et 2018, pour un montant de 2 955 844 euros au titre de l’année 2017 et de 8 602 710 euros au titre de l’année 2018.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l’article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : « Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu’une imposition a été établie d’après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable () ». Dès lors que les impositions contestées ont été établies d’après les bases indiquées dans les déclarations souscrites par M. H, ce dernier supporte la charge de la preuve de l’exagération de ces bases d’imposition.

Sur les conclusions tendant au bénéfice du crédit d’impôt :

3. Si une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions peut, en vertu de l’article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition. Par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer – en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s’agissant de déterminer le champ d’application de la loi, d’office – si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. () ». Aux termes de l’article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. " Pour l’application des dispositions du a du 1 de l’article 4 B précité, le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l’hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

5. M. H ne conteste pas le fait qu’il était résident fiscal français en 2017 et en 2018. Par suite, il est passible de l’impôt sur le revenu à raison de l’ensemble de ses revenus de source française ou étrangère, au titre des années d’imposition en litige, et cela indépendamment du fait qu’il effectuait de nombreux séjours au Royaume-Uni au titre de son activité professionnelle et pour des raisons personnelles.

En ce qui concerne l’application de la convention fiscale franco-britannique :

6. D’une part, aux termes de l’article 2 de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord du 19 juin 2008 visée ci-dessus : " 1. Les impôts auxquels s’applique la présente Convention sont : / a) en ce qui concerne le Royaume-Uni : / (i) l’impôt sur le revenu (income tax) ; () ; / b) en ce qui concerne la France, tous les impôts perçus pour le compte de l’État ou de ses collectivités locales () et notamment : (i) l’impôt sur le revenu () 2. La présente Convention s’applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue qui seraient établis par l’un des États contractants après la date de signature de la Convention et qui s’ajouteraient aux impôts visés au paragraphe 1 ou les remplaceraient. () « . Aux termes de l’article 3 de cette convention : » 1. Au sens de la présente Convention, () : e) le terme « personne » comprend les personnes physiques, les sociétés et tous autres groupements de personnes ; (). « Aux termes de l’article 4 de cette convention : » 1. Au sens de la présente Convention, l’expression « résident d’un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, y est assujettie à l’impôt à raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d’enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, (). « Aux termes l’article 15 de cette convention : » 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’emploi ne soit exercé dans l’autre État contractant. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État. 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si : a) le bénéficiaire séjourne dans l’autre État pendant une période ou des périodes n’excédant pas au total 183 jours au cours de toute période de douze mois consécutifs ; et b) les rémunérations sont payées par un employeur, ou pour le compte d’un employeur, qui n’est pas un résident de l’autre État ; et c) la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable que l’employeur a dans l’autre État. () "

7. D’autre part, l’article 24 de cette même convention stipule que : " () 3. En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante : / a) nonobstant toute autre disposition de la présente Convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu’au Royaume-Uni conformément aux dispositions de la présente Convention sont pris en compte pour le calcul de l’impôt français lorsqu’ils ne sont pas exemptés de l’impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l’impôt du Royaume-Uni n’est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux alinéas (i) et (ii) et au paragraphe 4, à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français. Ce crédit d’impôt est égal : / (i) pour les revenus non mentionnés à l’alinéa (ii), au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l’impôt du Royaume-Uni à raison de ces revenus ; () ; toutefois, ce crédit d’impôt ne peut excéder le montant de l’impôt français correspondant à ces revenus ; / b) pour l’application de l’alinéa a) du présent paragraphe, l’expression « montant de l’impôt français correspondant à ces revenus » désigne : / (i) lorsque l’impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d’un taux proportionnel, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux qui leur est effectivement appliqué ; / (ii) lorsque l’impôt dû à raison de ces revenus est calculé par application d’un barème progressif, le produit du montant des revenus nets considérés par le taux résultant du rapport entre l’impôt effectivement dû à raison du revenu net global imposable selon la législation française et le montant de ce revenu net global. / c) pour l’application de l’alinéa a) du présent paragraphe, l’expression « montant de l’impôt payé au Royaume-Uni » désigne le montant de l’impôt du Royaume-Uni effectivement supporté à titre définitif à raison des revenus considérés, conformément aux dispositions de la présente Convention () ".

8. Il résulte des stipulations précitées du point 1 de l’article 15 de la convention fiscale franco-britannique que les rémunérations perçues au titre d’un emploi exercé au Royaume-Uni par une personne physique résidente de France sont imposables au Royaume-Uni et non en France. Par exception à ce principe, le 2 de l’article 15 prévoit que les salaires demeurent imposables dans l’État de résidence du salarié, c’est-à-dire, dans l’hypothèse envisagée, la France, à la triple condition que le salarié séjourne dans l’État d’activité – c’est-à-dire le Royaume-Uni – pendant moins de 183 jours au cours d’une période de douze mois, que ses rémunérations soient payées par un employeur, ou pour le compte d’un employeur, qui n’est pas un résident du Royaume-Uni, et que la charge des rémunérations ne soit pas supportée par un établissement stable que cet employeur a au Royaume-Uni.

9. En l’espèce, M. H soutient qu’il exerce, pour une part substantielle, ses fonctions de directeur général de Kering SA au Royaume-Uni, dans la mesure où il dispose d’un bureau à Londres et où il y est physiquement présent de manière très régulière. En défense, le service objecte que M. H n’exerce ses fonctions de directeur général de Kering SA qu’à Paris, ce qui serait établi par un faisceau d’indices dont la portée est convergente, et que la présence de l’intéressé à Londres revêtirait un caractère purement privé, dès lors que sa famille y est installée.

10. En application des stipulations du 1 de l’article 15, il convient d’abord, pour identifier l’État auquel revient, en principe, le droit d’imposer, de déterminer l’État dans lequel le contribuable exerce son activité professionnelle. À cet égard, M. H indique n’exercer que trois fonctions au titre desquelles il est rémunéré :

— les fonctions de gérant de Financière H, dont il admet qu’elles sont entièrement exercées en France, les rémunérations qui s’y attachent y étant donc exclusivement imposées ;

— les fonctions de président du conseil d’administration de la société Kering SA, dont il admet également qu’elles sont entièrement exercées en France, les rémunérations qui s’y attachent, sous forme de jetons de présence, y étant exclusivement imposées ;

— les fonctions de directeur général du groupe Kering, principalement exercées à Londres selon lui, et qui sont l’objet du présent litige.

11. M. H soutient qu’il établit, par les éléments qu’il produit, exercer ses fonctions de directeur général de Kering SA au Royaume-Uni pour une partie substantielle. Il fait valoir que la nature du groupe Kering, groupe d’envergure mondiale, actif dans les secteurs du luxe et de la mode, extrêmement présent à l’international, employant plus de 30 000 salariés et détenant un réseau de distribution en propre, a rendu nécessaire son installation à Londres, ainsi que celle du directeur général délégué, afin de faciliter leur exposition à un environnement international. Il ajoute que cette installation à Londres offre, à cet égard, des garanties de confidentialité plus fortes par rapport à celles que peut offrir le siège social situé à Paris, et qu’elle lui permet également de se soustraire aux sollicitations quotidiennes auxquelles il est autrement exposé. Il produit, à l’appui de ses prétentions, ses agendas exhaustifs au titre des années 2017 et 2018, plusieurs attestations émanant du directeur général délégué du groupe et de proches collaborateurs, des échanges électroniques, ainsi que les plans des locaux qu’il occupe au 6 Carlos Place à Londres et le contrat de bail correspondant, datant du 2 juillet 2013.

12. Il ressort de ces différents éléments que M. H dispose effectivement d’un bureau situé au 6 Carlos Place à Londres, lieu où le directeur général délégué de Kering SA, M. C, dispose également d’un bureau. Une assistante affectée à M. H, Mme E B, y exerçait ses fonctions. Il résulte de l’instruction que ces locaux, d’une surface de 452 m², étaient effectivement utilisés, au cours des années en litige, pour la tenue de réunions nombreuses et fréquentes, soit en présentiel, soit en conférence téléphonique ou en visio-conférence, et pour l’organisation d’échanges avec différents cadres et interlocuteurs de la société Kering SA, ainsi qu’avec des personnalités extérieures. Les attestations produites par M. C, directeur général délégué, M. F, directeur financier du groupe Kering, M. A, head of project office de Kering SA, et de Mme G, qui a occupé les mêmes fonctions, convergent dans le sens du constat d’une présence très fréquente de M. H dans les locaux du 6 Carlos Place à Londres. En particulier, Mme G indique, dans son attestation qui porte notamment sur l’intégralité de l’année 2017, que M. H exerçait son activité de directeur général de Kering SA à Londres, n’utilisant son bureau de Paris, en moyenne que trois jours toutes les deux semaines : « En termes d’organisation du travail, M. H et M. C étaient localisés à Londres et venaient chacun 3 jours à Paris tous les quinze jours, en alternance afin de garantir une présence hebdomadaire du top management ». Contrairement à ce que soutient l’administration, la circonstance que ces attestations émanent de salariés se trouvant dans un lien de subordination vis-à-vis de M. H n’est pas, en elle-même, de nature à en affecter la crédibilité. Par ailleurs, ces attestations s’appuient sur l’analyse des agendas certifiés exacts de M. H pour les années 2017 et 2018, agendas dont le service ne remet pas utilement en cause le caractère probant. L’utilisation effective de ces locaux par M. H, et partant la présence physique de ce dernier au cours des années litigieuses, est également établie par la production de différents courriers électroniques émanant de son secrétariat, et portant sur divers aspects informatiques, techniques et organisationnels.

13. Toutefois, il résulte également de l’instruction que la société Kering SA, dont M. H, qui est fiscalement domicilié en France ainsi qu’il a été rappelé au point 5, est le président-directeur général, est une société française, dont le siège social se situe à Paris, au 40 rue de Sèvres. À ce titre, M. H doit être regardé comme exerçant, en principe, son mandat social de directeur général en France, sauf à démontrer que l’exercice de ses fonctions impliquait nécessairement une localisation ailleurs qu’à Paris. Il est constant que M. H dispose d’un bureau au siège social parisien de la société, ainsi qu’il ressort des attestations de M. F et de Mme G, et qu’il y exerçait ses fonctions à raison de trois jours tous les quinze jours. Il est également constant que, comme le relève le service en défense, les documents de référence de Kering SA pour les années 2017 et 2018, remis à l’Autorité des marchés financiers en application de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, indiquent que l’adresse professionnelle de M. H est celle du siège, soit le 40 rue de Sèvres à Paris. Les bulletins de paie établis par la société Kering SA pour M. H mentionnent le domicile parisien de l’intéressé, au 7 bis rue des Saints-Pères à Paris, qui se trouve également être sa résidence principale. Les salaires de M. H sont versés sur un compte bancaire ouvert dans les livres d’une banque française.

14. Il résulte également de l’instruction que les nombreux échanges entre M. H et ses différents interlocuteurs au sein de la société Kering SA, effectués par téléphone ou visio-conférence, avaient pour objet de mettre en relation M. H et M. C, depuis Londres, avec les équipes du siège parisien de la société Kering SA. L’attestation de Mme G indique ainsi, à cet égard, en son point 5, que « l’organisation des réunions entre Rue de Sèvres et Carlos Place se déroulait de façon fluide ». Il résulte également de l’instruction que les motifs avancés par M. H, et exposés au point 11 ci-dessus, pour expliquer son choix d’exercer pour une part substantielle ses fonctions à Londres, ne sont pas suffisamment établis par les pièces du dossier. M. H n’explicite pas, ainsi, les raisons pour lesquelles il lui serait plus difficile d’assurer la confidentialité d’une rencontre à Paris, par rapport à Londres, étant observé que ses agendas font apparaitre que nombre des entretiens qu’il mène se font en dehors des locaux professionnels, dès lors qu’il est très fréquemment en déplacement. Les pièces du dossier ne font pas non plus clairement apparaître les raisons pour lesquelles, si la « délocalisation informelle » à Londres de M. H depuis 2014 revêtait un caractère stratégique pour Kering SA, il n’y a pas été procédé plus tôt, alors que l’intéressé occupe les fonctions de président-directeur général de Kering SA, alors dénommé Pinault-Printemps-Redoute (PPR), depuis 2005. Si M. H indique, dans ses écritures, que sa présence à Londres découle de son souhait de « prendre du recul sur la gestion quotidienne » et de « concevoir le développement international du groupe sur les marchés asiatiques et américains », cette indication tend à confirmer que la gestion quotidienne et les affaires courantes du groupe sont bien conduites depuis le siège parisien, et que là réside précisément la raison pour laquelle M. H éprouve le besoin de prendre le recul allégué. Ces éléments sont corroborés par l’attestation de M. C, versée au dossier, exposant que sa propre présence, ainsi que celle de M. H, à Londres, découle du besoin de « procurer à la direction générale le recul suffisant pour concentrer son travail stratégique en un lieu plus protégé des contraintes de la gestion journalière ». Dans son attestation, M. C indique également que la direction générale du groupe a des responsabilités opérationnelles directes « avec un suivi particulier des activités et des équipes dans les domaines financiers, comptables, de développement, RH et communication notamment ». Il est constant que les équipes de Kering SA actives dans ces différents domaines sont localisées à Paris. En outre, il résulte également de l’instruction que les locaux où M. H exerce ses fonctions à Londres ont été pris à bail, non pas par Kering SA, mais par PPR Management Services Limited, qui est l’ancien nom de Kering International Limited, filiale du groupe Kering implantée au Royaume-Uni. Si M. H allègue que ces bureaux feraient l’objet d’une refacturation à Kering SA selon la méthode dite « cost-plus », il ne produit toutefois ni la convention correspondante, ni les pièces comptables qui pourraient attester de la réalité de ces paiements.

15. Dans ces conditions, la présence très fréquente à Londres de M. H pour motifs professionnels, si elle est avérée, ne constitue qu’une modalité de l’exercice par l’intéressé de son mandat social, et n’en est pas dissociable, en ce sens qu’elle ne permet pas de dissocier l’exercice par l’intéressé de son mandat social de l’activité des équipes présentes au siège social parisien du groupe. En effet, l’activité de M. H requiert nécessairement une coordination constante avec le siège parisien et ne trouve de concrétisation que si les décisions stratégiques prises par M. H sont répercutées en aval de la chaîne hiérarchique, sous la forme de mesures opérationnelles qu’il appartient aux équipes du siège social de définir et de retransmettre aux entités concernées. Ainsi, il ressort des écritures mêmes de M. H que sa réflexion stratégique est nourrie par les notes d’analyse, rapports et briefings élaborés par les équipes, du siège social notamment, et qui lui sont communiqués. La consistance de l’activité exercée au Royaume-Uni par M. H au titre de ses fonctions de directeur général de Kering SA ne peut donc être appréciée indépendamment de l’activité du siège social, avec les équipes duquel M. H est en interaction constante, à distance, que ce soit par le biais de visio-conférences, d’appels téléphoniques et d’échanges de messages électroniques. Enfin, la référence par M. C, dans son attestation précitée, à « des raisons d’acculturation personnelle » ayant présidé au choix de M. H d’exercer ses fonctions depuis Londres, relève davantage d’une problématique de convenance personnelle que d’un impératif professionnel avéré, étant d’ailleurs observé, comme le relève l’administration en défense, qu’il est constant que l’épouse de M. H ainsi que sa fille résident à Londres. Ainsi, M. H n’établit pas que sa présence à Londres découlerait d’exigences professionnelles opérationnelles avérées, rendant sa présence au Royaume-Uni indispensable pour les besoins de l’exercice de son mandat social. Par conséquent, au sens et pour l’application des stipulations du 1 de l’article 15 de la convention franco-britannique, M. H n’établit pas avoir exercé son emploi de directeur général de Kering SA au Royaume-Uni au cours des années litigieuses.

16. Il résulte de tout ce qui précède que c’est à bon droit que l’administration fiscale a estimé que les revenus tirés par M. H de son activité de directeur général de Kering SA ne pouvaient être regardés comme se rapportant à une activité professionnelle exercée au Royaume-Uni. La circonstance, qui n’est au demeurant pas établie par les pièces versées au dossier, en l’absence des déclarations de revenus auprès de l’administration fiscale britannique et des avis d’imposition correspondants, que M. H se trouverait en situation de double imposition au titre des années litigieuses est sans incidence à cet égard. M. H n’est donc pas fondé à se prévaloir des stipulations de l’article 15 de la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni ni, par voie de conséquence des stipulations de l’article 24 de ladite convention. Les conclusions de M. H tendant à ce qu’il se voie accorder le bénéfice du crédit d’impôt prévu par l’article 24 de la convention fiscale franco-britannique au titre de ses revenus d’emploi des années 2017 et 2018 doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. H est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. J H et à la direction régionale des finances publiques d’Île-de-France et de Paris.

Délibéré après l’audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Sorin, président,

M. Errera, premier conseiller,

M. Huin-Morales, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.

Le rapporteur,

A. D

Le président,

J. SORINLa greffière,

B. CHAHINE

La République mande et ordonne au ministre de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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