Tribunal administratif de Pau, 9 mars 2023, n° 2103233

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 9 mars 2023, n° 2103233
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 2103233
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Expertise / Médiation
Date de dernière mise à jour : 25 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 décembre 2021 et le 12 septembre 2022, le syndicat des eaux du Marseillon et du Tursan (SEMT), représenté par Pintat, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d’expertise portant sur l’évaluation du prix du m3 d’eau potable à la suite de la dénonciation de la convention de fourniture d’eau potable du 24 juin 2008 et au constat du désaccord entre les parties sur la détermination des modalités du prix du m3 d’eau potable dans le cadre de la signature d’une nouvelle convention ;

2°) de dire que la mission de l’expert sera fixée selon ses écrits et qu’il devra déposer un pré-rapport ;

3) réserver les dépens.

Il soutient que :

— le SEMT compétent en matière de distribution d’eau potable et d’assainissement collectif et non collectif a conclu une convention de fourniture d’eau potable avec la commune de Saint-Sever le 24 juin 2008 pour son territoire à l’exclusion du territoire dit des « Ecarts » pour lequel la commune est membre du SEMT ;

— dans le cadre de cette convention le prix de la prestation de fourniture d’eau potable est révisable chaque année d’un commun accord et chaque collectivité pourra dénoncer la convention un an avant la date d’échéance des cinq ans. Par courrier du 1er juin 2015 le syndicat des eaux a dénoncé la convention considérant que le prix de prestation était sous-évalué par rapport aux dépenses effectivement engagées pour l’assurer ;

— la commune de Saint-Sever n’a pas changé de fournisseur d’eau potable et depuis le 1er juillet 2018 le syndicat a été contraint de poursuivre l’approvisionnement de la commune à hauteur de 900 000 m3/an en moyenne afin de ne pas priver ses habitants et les entreprises d’un accès d’eau potable ;

— de nombreux échanges ont eu lieu pour conclure une nouvelle convention sans que les parties ne soient arrivées à s’entendre. Le syndicat sur la base d’un rapport d’un bureau d’étude estime que le prix doit être à hauteur de 0,3657 euros HT/m3 ;

— le 10 mai 2019, le syndicat a introduit une requête en référé provision et une requête indemnitaire au fond devant le tribunal administratif de Pau afin que la commune soit condamnée à verser la somme estimée par cette revalorisation du tarif de l’eau. Parallèlement le 8 avril 2019, la commune a déposé une requête pour désignation d’un médiateur ;

— un médiateur est nommé le 21 mai 2019, dans le cadre de cette médiation les parties ont conclu un protocole d’accord le 3 octobre 2019. La commune de Saint-Sever s’est engagée à régler à titre provisionnel les volumes d’eau consommés depuis la prise d’effet de la résiliation sur la base d’un prix provisoire fixé d’un commun accord à 0,2523 HT/m3. Ce prix provisoire est dû jusqu’à ce que les parties s’entendent sur une nouvelle convention ou jusqu’à ce qu’une décision de justice tranche le litige ;

— le protocole avait prévu la mise en œuvre d’une expertise contradictoire amiable réalisée par trois experts chargés de rédiger un rapport sur le prix de la fourniture d’eau potable ; Les deux experts désignés par les parties ne sont pas parvenus à un accord pour désigner le troisième expert, celui-ci a été nommé par le tribunal administratif. Par courrier du 17 novembre 2021 le syndicat a mis fin aux missions du président de la commission d’expertise en raison d’un différend lié à l’exécution de ses missions.

— par contrat de délégation de service public du 13 décembre 2019, la commune a confié à la société Sogedo la distribution de l’eau à l’exclusion du quartier des « Ecarts » ;

— le syndicat ne s’est jamais opposé à la transmission des pièces demandées par le président de la commission d’experts. Il a toujours fait droit aux demandes de transmission de documents et a même mis à disposition, d’initiative, des documents qui n’étaient pas encore demandés sur la plateforme collaborative, ceci afin de permettre un accord rapide sur le prix de la fourniture d’eau potable ;

— le manque de connaissance du président de la commission d’experts dans le domaine de l’eau potable a prolongé la procédure d’expertise contradictoire amiable ;

— il apparait indispensable qu’un expert judiciaire compétent dans le domaine de l’eau se prononce sur le prix de la fourniture d’eau potable, en effet le montant de la régularisation pourrait être très important et il est souhaitable de régler rapidement le différent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2022, la commune de Saint-Sever représentée par Me Ledain, déclare ne pas s’opposer à la mesure d’expertise sollicitée tout en formulant les protestations et réserves d’usage, demande au juge des référés de fixer la mission de l’expert tel que précisé dans ses écritures et que les frais d’expertise soient à la charge du syndicat requérant.

Elle soutient que :

— historiquement la commune de Saint-Sever était propriétaire des parcelles sur lesquelles est située la source du Marseillon ;

— le SEMT, anciennement le SIAEP du Marseillon, a été autorisé à se constituer en 1949 par le préfet et en 1952 la commune de Saint-Sever devient membre ce qui permet au syndicat d’utiliser les installations de production d’eau potable de la commune ;

— en 1989 la commune a cédé au syndicat la propriété des terrains sur lesquels est situé la source afin de pouvoir instaurer un périmètre de protection autour des points de captage pour le franc symbolique, à l’issue de cette vente le syndicat a continué à distribuer l’eau au quartier des « Ecarts » et a conclu une convention de vente d’eau en gros avec la commune de Saint-Sever pour qu’elle puisse exercer la distribution de l’eau en régie ;

— la commune de Saint-Sever ne dispose d’aucun moyen d’approvisionnement en eau, le syndicat est en situation dominante et monopolistique sur le secteur

— plusieurs conventions de fourniture d’eau se sont succédées et le prix a régulièrement augmenté ;

— en 2002 deux nouveaux forages sont venus compléter les installations (Aurice et Horsarrieur). La convention de 2002 prévoyait la réalisation d’investissement, cependant l’investissement qui devait être réalisé par le syndicat concernant la réhabilitation des réservoirs du château d’eau d’Hontagnère a été financé par la commune de Saint-Sever. Ces investissements ont pourtant été pris en compte dans la fixation du prix de l’eau ;

— la commune de Saint-Sever a contesté par plusieurs courriers l’augmentation du prix de l’eau et demandait des éléments d’explication, notamment par un courrier du 13 décembre 2018 qui contestait la clé de répartition retenue par le syndicat qui faisait reposer sur le budget « eau potable » des charges liées à l’assainissement alors que la commune exerce cette compétence en régie ;

— lorsque la commune achète de l’eau en gros au syndicat, elle agit en qualité de tiers et non de membres du syndicat et les composantes du prix doivent être limitées aux coûts en strict lien avec la production et le transport de l’eau.

— la commission d’experts, dont la mission a pris fin à la demande du syndicat, a dans son rapport du 22 janvier 2022 surestimé le prix du m3 d’eau potable en 2020 qu’elle a fixé à

0,27 euros / m3 d’eau en l’absence de communication par le syndicat des éléments nécessaires ;

— la commune n’entend pas s’opposer à l’expertise mais ne peut souscrire à la mission de l’expert telle qu’elle est proposée par le syndicat, la fixation du prix doit tenir compte du coût du prix de revient c’est-à-dire en prenant en compte uniquement le coût exposé par le syndicat pour assurer la production et la livraison de l’eau en gros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande d’expertise :

1. Aux termes de l’article R. 532-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction (). ».

2. La demande d’expertise, présentée par le syndicat des eaux du Marseillon et du Tursan (SEMT) aux fins d’évaluer le prix du m3 d’eau potable suite à la dénonciation de la convention de fourniture d’eau potable du 24 juin 2008 et aux désaccords des parties sur la détermination des modalités du prix du m3 d’eau potable dans le cadre de la signature d’une nouvelle convention, présente un caractère utile et entre, dès lors, dans le champ d’application des dispositions précitées. La commune de Saint Sever ne s’oppose pas à cette demande et reconnait que cette mesure présente une utilité dans la perspective du litige qui l’oppose au syndicat. Il y a lieu, en conséquence, de faire droit à la demande d’expertise et de fixer la mission de l’expert comme il est précisé à l’article 2 de la présente ordonnance.

Sur le dépôt d’un pré-rapport :

3. Aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l’expert d’établir un pré-rapport. L’expert, dans la conduite des opérations de l’expertise qui lui est confiée et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d’autres obligations que celles issues du principe du contradictoire. L’établissement d’un pré-rapport adressé aux parties en vue de recueillir leurs éventuelles observations ne constitue donc qu’une modalité opérationnelle de l’expertise dont il appartient à l’expert d’apprécier la nécessité d’y recourir. Il suit de là que les conclusions du SEMT tendant à ce que l’expert communique un pré-rapport aux parties ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais d’expertise et les dépens :

4. Aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties. / L’Etat peut être condamné aux dépens. » et aux termes des dispositions de l’article R. 621-13 du code de justice administrative : « Lorsque l’expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, () en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R.621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires ».

5. Il n’appartient au juge des référés ni de déterminer la charge des dépens de la mesure d’expertise qu’il ordonne ni de la réserver pour le futur. Par suite, les conclusions présentées par les parties relatives aux dépens doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Il sera procédé à une expertise contradictoire entre le syndicat des eaux du Marseillon et du Tursan (SEMT) et la commune de Saint-Sever.

Article 2 : Monsieur A C (06.13.02.24.97 – eric.C@lce-environnement.fr) est désigné comme expert avec pour chefs de mission de :

— se faire communiquer et de prendre connaissance de l’ensemble des documents qu’il jugera utile dans l’accomplissement de sa mission ;

— recueillir toutes informations utiles, notamment sur le fonctionnement et les installations du syndicat, sur les coûts directs et indirects supportés par le syndicat pour assurer la production et la livraison de l’eau en gros ;

— donné un avis motivé sur l’évaluation du prix de la fourniture d’eau potable par le SEMT à la commune de Saint-Sever en tenant compte, le cas échéant, de la situation monopolistique du syndicat, de l’égalité des usagers du service public notamment pour le quartier dit des « Ecarts », du contrat de délégation de service public entre la commune et la société Sodego et des incidences que pourrait avoir la fixation d’un nouveau prix sur les budgets respectifs du syndicat et de la commune ainsi que pour les usagers de ce service ;

— et plus généralement, de recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles de nature à éclairer le tribunal dans la perspective d’un recours en plein contentieux ultérieur devant la justice administrative.

Article 3 : L’expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l’autorisation préalable du président du tribunal administratif. S’il l’estime utile, il établira un pré-rapport.

Article 4 : Préalablement à toute opération, l’expert prêtera serment dans les formes prévues à l’article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 5 : L’expert avertira les parties conformément aux dispositions de l’article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 6 : L’expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans les six mois suivant la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l’expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s’opérer sous forme électronique. L’expert justifiera auprès du tribunal de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 7 : Les frais et honoraires de l’expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l’ordonnance par laquelle le Président du tribunal liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 8 : Le surplus de conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat des eaux du Marseillon et du Tursan, de la commune de Saint-Sever et à Monsieur A C, expert.

Fait à Pau, le 9 mars 2023.

La présidente du tribunal,

Signé,

V. QUEMENER

La République mande et ordonne à la préfète des Landes en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme

Le greffier, signé, M. B00

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