Tribunal administratif de Poitiers, 9 juillet 2015, n° 1202894

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Sur la décision

Référence :
TA Poitiers, 9 juill. 2015, n° 1202894
Juridiction : Tribunal administratif de Poitiers
Numéro : 1202894

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE POITIERS

N°1202894

___________

M. et Mme Z Y

___________

Mme Munsch

Rapporteur

___________

M. Salvi

Rapporteur public

___________

Audience du 25 juin 2015

Lecture du 9 juillet 2015

___________

C+

68-02-01-01-01

IB

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Poitiers

(2e chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 23 novembre 2012, 6 décembre 2013 et 23 février 2015, M. et Mme Y, représentés par Me Baudot, demandent au tribunal :

— d’annuler la délibération en date du 16 novembre 2012 par laquelle la commission permanente du département de la Charente-Maritime a décidé d’exercer son droit de préemption départemental sur des parcelles situées sur le territoire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré au lieu-dit « Les Grenettes » ;

— de mettre à la charge du département de la Charente-Maritime la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la délibération attaquée est entachée d’incompétence de son auteur dès lors qu’il ne ressort pas des termes de cette décision que la délibération du 31 mars 2011 a délégué la compétence de l’assemblée départementale à la commission permanente du conseil général ;

— la propriétaire du bien n’a pas reçu directement la notification de la délibération attaquée en méconnaissance des dispositions de l’article R. 213-9 du code de l’urbanisme, la notification adressée au notaire pressenti pour réaliser la vente ne pouvant tenir lieu de notification adressée au propriétaire du bien dès lors que le conseil général ignorait si le notaire chargé de rédiger l’acte de vente disposait d’un mandat pour représenter le propriétaire du bien convoité ;

— les dispositions de l’article R. 213-9 b) du code de l’urbanisme ont été méconnues dès lors que le titulaire du droit de préemption n’a pas notifié son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d’expropriation alors que le prix offert, qui exclut la commission due à l’agent immobilier – laquelle figurait sur la déclaration d’intention d’aliéner -, ne comprend pas la totalité du prix indiqué ;

— les dispositions des articles L. 142-4, R. 142-10 et R. 142-15 du code de l’urbanisme ont été méconnues dès lors que le conseil général n’a pas consulté pour avis le service des domaines ;

— il ne ressort pas de la délibération contestée qu’une mise au vote ait été effectuée en vue d’un budget modificatif pour engager cette nouvelle dépense ;

— les dispositions de l’article L. 142-3 du code de l’urbanisme ont été méconnues dès lors que l’existence de la propriété permet d’éviter le piétinement de la dune par le public, la présence de constructions empêchera tout retour à l’état naturel quels que soient les objectifs poursuivis de destruction des maisons environnantes, les motivations de la préemption sont contradictoires et les parcelles litigieuses ne disposent pas d’un intérêt paysager majeur ni ne remplissent un objectif d’intérêt ;

— la parcelle, objet de la préemption, n’a pas fait l’objet d’une délibération l’incluant dans le périmètre de la zone soumise à préemption ;

— la délibération est entachée d’une erreur de fait dès lors que la préemption aurait du être réalisée au prix de 855 000 euros, comprenant la commission de l’agent immobilier pour 45 000 euros et non de 810 000 euros ;

— la délibération est entachée d’une erreur de droit et d’un abus de droit et méconnait les dispositions des articles L. 321-11 et R. 321-10 du code de l’environnement dès lors que le département a utilisé des fonds provenant de l’écotaxe pour l’acquisition d’espaces naturels ; la délibération est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il n’est pas justifié que l’aliénation de la parcelle menacerait des espaces protégés ou contrarierait la politique de préservation de la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels, que le coût d’acquisition de la parcelle préemptée est démesuré par rapport à l’ensemble des acquisitions faites depuis 40 ans par le département et par rapport aux effets escomptés d’une telle politique dont les surfaces doivent être évoquées en hectares afin de garder un sens et une efficacité et que le programme de protection et de gestion des espaces naturels prévues par l’article R. 321-8 du code de l’environnement ne vise pas la démolition d’ouvrages bâtis sur les parcelles préemptées ; la maison édifiée l’a été en vertu d’un permis de construire valablement délivré ; la délibération crée une rupture d’égalité devant la loi et les règlements dans la mesure où un lotissement situé à 100 m ainsi qu’un terrain à construire situé à proximité immédiate ayant fait l’objet d’une vente n’ont pas été soumis à l’exercice du droit de préemption ; l’erreur est révélée par l’opposition de 18 délégués de la communauté de communes de l’Ile de Ré et du conseil municipal de Sainte-Marie-de-Ré et par l’abstention de la majorité des conseillers généraux ;

— la délibération porte atteinte au droit de propriété du libre acquéreur compte tenu de la finalité de cette délibération et dès lors qu’il se trouve sans possibilité d’accueil sur l’Ile de Ré et fait l’objet d’une mesure arbitraire et discrétionnaire.

Par des mémoires en défense enregistrées les 12 mars 2013, 11 février 2014, et 13 mars 2015, le département de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu’aucun des moyens invoqués n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Munsch,

— les conclusions de M. Salvi, rapporteur public,

— et les observations de M. X, représentant le département de la Charente-Maritime.

1. Considérant que, par une délibération du 16 novembre 2012, la commission permanente du département de la Charente-Maritime a décidé d’exercer son droit de préemption sur des parcelles cadastrées section XXX d’une superficie de 2 347 m², situées sur le territoire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré au lieu-dit « Les Grenettes », pour un montant de 810 000 euros ; que M. et Mme Y, acquéreurs évincés de la vente de ces deux parcelles sur lesquelles sont édifiées une maison d’habitation, demandent l’annulation de cette délibération ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que, par une délibération du 31 mars 2011, publiée au bulletin officiel des actes du département du 29 avril 2011, le conseil général a donné délégation à la commission permanente pour statuer sur toutes les affaires étrangères aux attributions visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales, notamment, concernant les espaces naturels sensibles, les acquisitions amiables et l’exercice du droit départemental de préemption, quels que soient le montant et l’affectation des crédits d’études, divers et imprévus ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 213-8 du code de l’urbanisme : « Lorsque l’aliénation est envisagée sous forme de vente de gré à gré ne faisant pas l’objet d’une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / (…) b) Soit sa décision d’acquérir aux prix et conditions proposés (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 213-9 du même code : « Lorsque l’aliénation est envisagée sous une forme ou une modalité autre que celle prévue à l’article précédent, le titulaire du droit de préemption notifie au propriétaire : / (…) b) Soit son offre d’acquérir le bien à un prix qu’il propose et, à défaut d’acceptation de cette offre, son intention de faire fixer le prix du bien par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l’indemnité de réemploi. En cas de vente envisagée moyennant le paiement d’une rente viagère et une contrepartie en nature, le titulaire du droit de préemption et, le cas échéant, la juridiction compétente en matière d’expropriation doivent respecter les conditions de paiement proposées. Toutefois, le titulaire peut proposer, et la juridiction fixer, la révision du montant de cette rente et du capital éventuel. » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par deux actes d’huissier de justice du 16 novembre 2012, il a été remis à la propriétaire des deux parcelles faisant l’objet du droit de préemption et au notaire devant lequel avait été conclue la promesse de vente avec M. et Mme Y, copie du « procès-verbal » et de la délibération du même jour par lesquels la commission permanente du conseil général de la Charente-Maritime a décidé d’exercer le droit de préemption sur lesdites parcelles pour un montant de 810 000 euros ; qu’au surplus, il n’est pas contesté que la délibération du 16 novembre 2012 a été notifié au notaire, lequel avait signé la déclaration d’intention d’aliéner concernant le bien litigieux et devait être regardé comme le mandataire de la propriétaire dudit bien ; que, par suite, il y a lieu d’écarter le moyen tiré de ce que la propriétaire du bien n’a pas reçu directement la notification de la délibération attaquée et de ce que la notification adressée au notaire pressenti pour réaliser la vente ne pouvait tenir lieu de notification adressée au propriétaire du bien dès lors que le conseil général ignorait si le notaire, chargé de rédiger l’acte de vente, disposait d’un mandat pour représenter le propriétaire du bien convoité ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Toute aliénation mentionnée à l’article L. 142-3 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable adressée par le propriétaire au président du conseil général du département dans lequel sont situés les biens ; ce dernier en transmet copie au directeur départemental des finances publiques. Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix.(…) » ; qu’aux termes de l’article R. 142-10 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2012-489 du 13 avril 2012 : « Dès réception de la déclaration, le président du conseil général en transmet copie, éventuellement par voie électronique, en indiquant la date de l’avis de réception, de la décharge de cette déclaration, ou du premier des accusés de réception ou d’enregistrement délivré en application du I de l’article 5 de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 : (…)- au directeur des services fiscaux, en lui précisant si cette transmission vaut demande d’avis ; (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 142-15 de ce code : « Les dispositions des articles R. 213-21, et R. 213-24 sont applicables dans les zones de préemption créées en application de l’article L. 142-3. » ; qu’aux termes de l’article R. 123-21 dudit code : « Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du service des domaines sur le prix de l’immeuble dont il envisage de faire l’acquisition dès lors que le prix ou l’estimation figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l’arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l’article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. » ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par une demande du 27 septembre 2012, le département a sollicité l’avis du service des domaines sur la valeur vénale de la propriété faisant l’objet de la déclaration d’aliéner ; que, par une lettre du 3 octobre 2012, le directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime a indiqué que l’évaluation correspondait à la valeur vénale actuelle, n’était pas excessive compte tenu de ses caractéristiques et du marché immobilier local et pouvait donc être acceptée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des article L. 142-4, R. 142-10, R. 142-15 et R. 123-21 du code de l’urbanisme doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort de la rubrique F du formulaire de déclaration d’intention d’aliéner ou demande d’acquisition d’un bien soumis à l’un des droits de préemption prévus par le code de l’urbanisme que le prix de vente du bien est de 810 000 euros ; qu’il est en outre précisé que le montant de la commission est de 45 000 euros ; que, par la délibération attaquée, le département de la Charente-Maritime a notifié sa décision de préempter le bien « aux conditions proposées par la cliente soit 810 000 euros » ; qu’ainsi la décision de préemption fait mention de l’acceptation du prix proposé et satisfait aux prescriptions de l’article R. 213-8 b) du code de l’urbanisme ; que la circonstance que le montant de la commission n’ait pas été mentionné est sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que le montant de la commission de l’agence immobilière figure dans la délibération ; qu’au surplus, les litiges relatifs au montant de la rémunération et à son versement à l’intermédiaire par le titulaire du droit de préemption sont indépendants de la procédure de préemption proprement dite et ne font pas obstacle à ce qu’elle se déroule dans les conditions fixées par les articles L. 213-1 et suivants du code de l’urbanisme ; que, par suite, il y a lieu d’écarter le moyen tiré de ce que les dispositions de l’article R. 213-9 b) du code de l’urbanisme ont été méconnues ; que, pour les mêmes motifs, il y a également lieu d’écarter le moyen tiré de l’erreur de fait dont serait entachée la délibération litigieuse au motif que la préemption aurait du être réalisée au prix de 855 000 euros, comprenant la commission de l’agent immobilier pour 45 000 euros et non de 810 000 euros ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les crédits votés au budget primitif 2012 dans le budget annexe du pont de Ré à l’article 21118 « autres terrains » s’élevaient à la somme de 2 700 000 euros et que les crédits votés au budget primitif 2012 au titre de la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS) s’élevaient à 4 611 650 euros ; qu’ainsi, à la date de la délibération attaquée, le département disposait des crédits, financés tant par l’écotaxe que pour les acquisitions foncières destinées à la préservation de l’environnement, nécessaires à l’acquisition du bien préempté ; que, par suite, le moyen tiré de ce « qu’une mise au vote n’a pas été effectuée en vue d’un budget modificatif pour engager cette nouvelle dépense » doit, en tout état de cause, être écarté ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu’aux termes de l’article L. 321-11 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009 : « A la demande de la majorité des communes ou des groupements de communes compétents en matière d’aménagement, d’urbanisme ou d’environnement d’une île maritime reliée au continent par un ouvrage d’art, le conseil général peut instituer un droit départemental de passage dû par les passagers de chaque véhicule terrestre à moteur empruntant cet ouvrage entre le continent et l’île. / Le droit mentionné au premier alinéa est établi et recouvré au profit du département (…) / La délibération du conseil général sur le droit de passage peut prévoir des tarifs différents ou la gratuité, sans préjudice de la modulation éventuelle de la redevance d’usage, selon les diverses catégories d’usagers pour tenir compte soit d’une nécessité d’intérêt général en rapport avec les espaces naturels protégés, soit de la situation particulière de certains usagers et, notamment, de ceux qui ont leur domicile ou leur lieu de travail dans l’île concernée, ou leur domicile dans le département concerné, soit de l’accomplissement d’une mission de service public. / Le produit du droit départemental de passage est inscrit au budget du département après déduction des coûts liés à sa perception ainsi que des coûts liés aux opérations de gestion et de protection des espaces naturels insulaires dont le département est le maître d’ouvrage ; les sommes correspondantes sont destinées au financement de mesures de protection et de gestion des espaces naturels insulaires ainsi que du développement de transports en commun fonctionnant avec des véhicules propres, dans le cadre d’une convention conclue entre le préfet, le conseil général et les communes et les groupements de communes. (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 321-10 du même code : « Le produit du droit départemental de passage est imputé par le département sur un compte budgétaire spécifique. (…) / Le produit de ce droit est, après prélèvement des sommes liées à sa perception, exclusivement affecté à la préservation des espaces mentionnés dans la convention et pour les actions qu’elle définit. Les dépenses afférentes à la gestion de ces espaces, qui concernent aussi bien des opérations de fonctionnement que des opérations d’investissement, sont suivies au moyen de l’état des recettes ordinaires affectées, joint aux documents budgétaires de la collectivité ou de l’établissement public. » ;

10. Considérant que les requérants soutiennent que la délibération est entachée d’une erreur de droit et d’un abus de droit et méconnait les dispositions des articles L. 321-11 et R. 321-10 du code de l’environnement dès lors que le département a utilisé des fonds provenant de l’écotaxe pour l’acquisition d’espaces naturels ;

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 321-11 du code de l’environnement n’ont pas entendu exclure expressément des mesures de préservation et de gestion des espaces naturels les acquisitions foncières ayant pour objet la protection de ces espaces ; qu’au contraire, il ressort des travaux préparatoires de la loi n°2009-1503 du 8 décembre 2009, que le législateur a entendu inclure dans les opérations d’investissement visant à préserver lesdits espaces l’acquisition d’un terrain nu ou bâti pouvant dès lors être financée par le produit du droit départemental de passage ; qu’il s’ensuit, qu’en finançant par le recours au produit de l’écotaxe l’acquisition du bien litigieux, le département n’a pas, en tout état de cause, commis d’erreur de droit ;

12. Considérant, en septième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 15 décembre 1995, le conseil général a décidé l’extension de la zone de préemption sur le territoire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré pour une superficie de 80 ha conformément au zonage sur lequel le conseil municipal s’est prononcé favorablement lors de sa réunion du 6 octobre 1995, au cours de laquelle il a été indiqué que la zone de préemption épouserait la zone ND y compris ND in, en bordure du littoral de la limite de la commune du Bois à celle de Rivedoux ; que, par suite le moyen tiré de ce que la parcelle, objet de la préemption, n’a pas fait l’objet d’une délibération l’incluant dans le périmètre de la zone soumise à préemption doit être écarté ;

13. Considérant, en huitième lieu, qu’aux termes de l’article L. 142-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 : « Pour la mise en œuvre de la politique prévue à l’article L. 142-1, le conseil général peut créer des zones de préemption dans les conditions ci-après définies. / Dans les communes dotées d’un plan d’occupation des sols rendu public ou d’un plan local d’urbanisme approuvé, les zones de préemption sont créées avec l’accord du conseil municipal. En l’absence d’un tel document, et à défaut d’accord des communes concernées, ces zones ne peuvent être créées par le conseil général qu’avec l’accord du représentant de l’Etat dans le département. /A l’intérieur de ces zones, le département dispose d’un droit de préemption sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l’objet d’une aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. / A titre exceptionnel, l’existence d’une construction ne fait pas obstacle à l’exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu’il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels./ Lorsque la mise en œuvre de la politique prévue à l’article L. 142-1 le justifie, le droit de préemption peut s’exercer pour acquérir la fraction d’une unité foncière comprise à l’intérieur de la zone de préemption. Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble de l’unité foncière. Le prix d’acquisition fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation tient compte de l’éventuelle dépréciation subie, du fait de la préemption partielle, par la fraction restante de l’unité foncière. » ; qu’aux termes de l’article L. 321-1 du même code : « I. – Le littoral est une entité géographique qui appelle une politique spécifique d’aménagement, de protection et de mise en valeur. / II. – La réalisation de cette politique d’intérêt général implique une coordination des actions de l’Etat et des collectivités locales, ou de leurs groupements, ayant pour objet : / 1° La mise en œuvre d’un effort de recherche et d’innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral ; / 2° La protection des équilibres biologiques et écologiques, la lutte contre l’érosion, la préservation des sites et paysages et du patrimoine ; (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 321-8 du même code : « I.-La convention, d’une durée de cinq ans renouvelable, prévue au cinquième alinéa de l’article L. 321-11, comprend : / 1° Un programme technique de protection et de gestion des espaces naturels de l’île soumis préalablement pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ; / 2° L’évaluation des charges liées à la perception du droit de passage ; / 3° Le programme des opérations retenues, en mentionnant leur financement et leur maître d’ouvrage ; / 4° Les modalités de versement du produit du droit départemental de passage aux communes et aux groupements de communes signataires de la convention. /II.-Un exemplaire de la convention peut être consulté dans chacune des communes et au siège des groupements concernés. » ;

14. Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption du 16 novembre 2012 concerne deux parcelles d’une superficie totale de 2 350 m², classées en zone NDr du plan d’occupation des sols de la commune de Sainte-Marie-de-Ré, qui désigne la zone naturelle protégée incluant les espaces remarquables définis aux article L. 146-6 et R. 146-1 du code de l’urbanisme : qu’elles se situent dans le périmètre de la zone de préemption des espaces naturels sensibles, où le département, dans le cadre de la préservation du site, poursuit depuis plusieurs années une politique d’acquisition et plus particulièrement dans la zone dunaire des Grenettes, et se trouvent à environ 50 mètres du littoral dans un environnement caractérisée par un espace vierge de toute construction hormis celle édifiée sur ces deux parcelles et deux autres constructions de moindre importance qui constituent une coupure dans la bande littorale ; que l’opération est motivée par la volonté d’assurer, par la remise à l’état naturel du site, la préservation et la valorisation de l’ensemble des dunes des Grenettes, en continuité avec celles de Le-Bois-Plage-en-Ré ; qu’elle vise également à éviter le mitage par une occupation dénaturant le caractère naturel des lieux, lesquels s’étendent sur plus de 8 ha et à prendre en compte l’érosion dunaire ; que si la délibération précise que cette préservation passe par « la mise en place de clôtures et de ganivelles pour empêcher le piétinement » et propose l’ouverture au public d’un sentier de découverte, il n’en demeure pas moins qu’alors même que la prévention du piétinement aurait pu être atteinte par le maintien d’un jardin privatif, l’ouverture au public s’accompagnera d’un suivi scientifique mis en place en partenariat et tiendra compte de la fragilité du milieu ; qu’enfin, l’acquisition d’un terrain bâti, restée un cas unique à ce jour, et qui porte sur un terrain d’une superficie suffisante pour son ouverture au public, au regard de sa situation, en bordure de la plage, présente un caractère exceptionnel ; qu’ainsi le droit de préemption a été exercé dans un but d’intérêt général conformément aux objectifs fixés par les dispositions précitées des articles L. 142-1 et L. 142-3 du code de l’urbanisme ;

15. Considérant, d’autre part, que le coût d’acquisition ne présente pas, ainsi d’ailleurs que l’a estimé le service des domaines, un coût démesuré compte tenu des prix de vente des biens immobiliers sur l’Ile de Ré ; que la circonstance que le bâtiment a été édifié légalement est sans incidence sur la légalité de la délibération attaquée dès lors que son acquisition en vue de sa destruction répond non à une infraction qui aurait été commise en matière d’urbanisme mais s’inscrit dans le cadre de la préservation d’un espace naturel ; qu’enfin, la circonstance qu’un lotissement ou d’autres constructions n’ont pas fait l’objet, par le département, de l’exercice de son droit de préemption n’est pas de nature à caractériser une rupture d’égalité devant les charges publiques dès lors que ces biens ne sont pas implantés dans la même zone ; que les requérants ne peuvent utilement soutenir qu’ils sont privés de possibilité d’accueil sur l’Ile de Ré et font l’objet d’une mesure arbitraire et discrétionnaire ; qu’il s’ensuit que le département n’a dès lors pas commis d’erreur d’appréciation en exerçant un droit de préemption sur les parcelles litigieuses, au prix de 810 000 euros ;

16. Considérant qu’il ressort de tout ce qui précède que M. et Mme Y ne sont pas fondés à demander l’annulation de la délibération en date du 16 novembre 2012 par laquelle la commission permanente du département de la Charente-Maritime a décidé d’exercer son droit de préemption départemental sur des parcelles situées sur le territoire de la commune de Sainte-Marie-de-Ré au lieu-dit « Les Grenettes »

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Charente-Maritime qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demandent M. et Mme Y, au titre des frais engagés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des requérants la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le département de la Charente-Maritime qui n’établit pas avoir engagé des frais autres que ceux inhérents à ses missions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme Y est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Charente-Maritime sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme Z Y et au département de la Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 25 juin 2015, à laquelle siégeaient :

M. Gensac, président,

Mme Munsch, premier conseiller,

M. Ellie, conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2015.

Le rapporteur, Le président

signé signé

C. MUNSCH P. GENSAC

Le greffier,

signé

D. GERVIER

La République mande et ordonne à la préfète de la Charente-Maritime en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Le greffier,

D. GERVIER

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Tribunal administratif de Poitiers, 9 juillet 2015, n° 1202894