Tribunal administratif de Rennes, 12 novembre 2019, n° 1905093

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 12 nov. 2019, n° 1905093
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 1905093

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF fp/mav

DE RENNES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1905093 ___________

ASSOCIATION ROTHENEUF ENVIRONNEMENT AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ASSOCIATION EAUX ET RIVIERES DE BRETAGNE ___________

Le juge des référés, Mme X Juge des référés ___________

Ordonnance du 12 novembre 2019 ___________

54-035-02 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 octobre et le 5 novembre 2019, les associations Rothéneuf Environnement et Eau et Rivières de Bretagne, représentées par Me Dubreuil, demandent au juge des référés :

1°) de suspendre, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, l’exécution de l’arrêté du 24 octobre 2016 par lequel la préfète d’Ille-et-Vilaine a autorisé au titre de la loi sur l’eau l’aménagement de la frange Sud du secteur de Rothéneuf à Saint-Malo ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme 2 000 euros à leur verser solidairement sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la requête est recevable :

- l’association Rothéneuf Environnement a intérêt à agir eu égard à son objet statutaire et son champ géographique d’action, elle a en outre régulièrement délibéré, conformément à ses statuts, pour mandater sa présidente pour ester en justice ;

- l’association Eaux et Rivières de Bretagne a intérêt à agir : elle est agréée pour la protection de l’environnement en application de l’article L. 142-1 du code de l’environnement et a régulièrement délibéré, conformément à ses statuts, pour mandater son président pour ester en justice ;

- elle a été introduite dans le délai de recours applicable à la date de la décision litigieuse : en effet, les tiers informés en octobre 2016 des modalités de calcul du délai de recours



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dont ils bénéficiaient avaient un droit acquis au maintien de celui-ci, étant donné que ce délai avait commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2017 ;

- l’urgence est caractérisée : des travaux ont débuté sur le site notamment dans des secteurs où des zones humides ont été relevées au cours des inventaires, travaux qui portent ainsi gravement atteinte aux intérêts qu’elles défendent ;

- sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse :

- le dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau méconnaît l’article R. 214-6 du code de l’environnement : il ne démontre pas l’absence d’alternative avérée à la destruction des zones humides de telle sorte que l’autorité préfectorale n’a pas été mise en mesure de contrôler la compatibilité de l’autorisation avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne et la conformité avec le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Rance Frémur Baie de Beaussais ;

- la procédure applicable en matière d’espaces proches du rivage prévue par l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme n’a pas été respectée : l’autorisation litigieuse est soumise à un rapport de conformité avec les dispositions de la loi Littoral dès lors qu’elle valide la réalisation de travaux d’aménagement impliquant la destruction de zones humides et la modification du régime de gestion des eaux pluviales, la frange Sud de Rothéneuf, incluant le secteur Davier, constitue un espace proche du rivage et l’urbanisation de la zone n’est ni motivée dans le plan local d’urbanisme de la ville de Saint-Malo, ni conforme au schéma de cohérence territoriale (SCOT) du pays de Saint-Malo et la commission départementale de la nature, des sites et des paysages (CDNPS) n’a pas été saisie par le préfet avant l’octroi d’une dérogation ;

- l’autorisation n’est pas compatible avec les dispositions du SDAGE Loire- Bretagne : ni la commune de Saint-Malo ni la Sacib n’ont envisagé d’alternative à la destruction des zones humides présentes sur le site ;

- l’autorisation loi sur l’eau n’est pas conforme au règlement du SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais : à aucun moment l’éventualité d’une urbanisation alternative au secteur retenu n’a été sérieusement étudiée et, sur le site concerné, des mesures d’évitement sérieuses n’ont aucunement été mises en œuvre puisque plus de la moitié des zones humides présentes sont détruites par le projet ; l’évitement n’a ainsi jamais été une option sur le secteur des III Cheminées ;

- le projet n’est pas conforme au principe d’extension limitée en espaces proches du rivage posé à l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme eu égard à son importance et sa densité ;

- l’autorisation ne respecte pas l’interdiction d’implantation de routes de transit à moins de 2 kilomètres du littoral posée à l’article L. 121-6 du code de l’urbanisme ;

- le dossier loi sur l’eau est insuffisant : le projet était soumis à la rubrique 2.1.5.0. de la nomenclature loi sur l’eau dès lors qu’il y a rejet d’eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2019, la préfète d’Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la légalité de l’autorisation litigieuse, qui ne concerne pas un terrain d’assiette constituant un espace remarquable, n’a pas à s’apprécier au regard des dispositions particulières applicables au littoral en vertu du principe d’indépendance des législations ;

- le terrain d’assiette du projet ne peut être regardé comme situé au sein d’un espace proche du rivage en application de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme : il n’existe aucune covisibilité depuis ce terrain ; si le secteur de la frange Sud de Rothéneuf devait être regardé comme situé en espace proche du rivage, l’autorisation litigieuse ne souffre d’aucun vice de



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procédure dès lors que le projet est conforme au SCOT du pays de Saint-Malo et qu’il n’y avait donc pas lieu de consulter pour avis la CDNPS ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-6 du code de l’urbanisme est inopérant dès lors que l’arrêté litigieux n’a ni pour objet ni pour effet de décider de l’implantation du tracé d’une route ; en tout état de cause, cette route n’a pas le caractère d’une route de transit mais a seulement pour objet d’améliorer l’accès aux futurs logements et aux constructions existantes du secteur Sud Rotheneuf ;

- le moyen tiré de ce que le dossier de demande d’autorisation ne comporte aucune démonstration de l’absence d’alternative avérée à la destruction de zones humides manque en fait : dans le respect de la démarche « Éviter, Réduire, Compenser », le maître d’ouvrage a déposé un dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau, qui comporte les éléments concrets et chiffrés des mesures d’évitement, de réduction et de compensation des impacts sur le milieu naturel, éléments largement développés et étayés dans le document d’incidence « projet de compensation de zones humides » ;

- l’autorisation est compatible avec la dispositions 8B-1 du SDAGE Loire-Bretagne : deux grandes mesures d’évitement des impacts ont été prévues, à savoir d’une part une évolution du plan de composition du projet visant à conserver 43 % de la surface des zones humides inventoriée et une compensation des zones humides détruites respectant la notion d’équivalence de fonctionnalités définie par le SDAGE, d’autre part la modification du tracé initial de la voirie pour conserver l’intégrité de la zone humide principale du secteur ;

- l’autorisation est conforme au SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais : le projet s’inscrit dans le cadre d’une déclaration d’utilité publique et rentre ainsi dans une des exceptions prévues par le SAGE à l’interdiction de principe de destruction des zones humides ; de plus, il n’existait aucun autre secteur de nature à accueillir le projet litigieux, de sorte que celui-ci a été étudié de manière, d’une part, à éviter au maximum la destruction de la zone humide et, d’autre part, à compenser cette destruction.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2019, la commune de Saint-Malo, représentée par la Selarl Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des associations requérantes à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable : l’autorisation délivrée par l’arrêté du 24 octobre 2016 entre dans le champ d’application de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 et, en vertu de cette disposition, les autorisations environnementales délivrées initialement en tant qu’autorisation loi sur l’eau se voient appliquer depuis le 1er mars 2017 les délais de recours prévus par l’article R. 181-50 du code de l’environnement, issu du décret n° 2017-81 du 26 janvier 2017 ;

- l’urgence n’est pas caractérisée : les associations requérantes ont introduit leur requête en référé suspension près de trois ans après l’intervention de l’autorisation litigeuse et les dispositions techniques des mesures compensatoires zones humides du secteur des III Cheminées, prévues par l’arrêté attaqué, sont achevées ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme est inopérant : l’autorisation prise au titre de la loi sur l’eau ne vaut pas autorisation d’effectuer des travaux au titre de la législation de l’urbanisme et n’a pas, par conséquent, à être conforme à la loi Littoral ; par ailleurs, une telle autorisation ne figure pas parmi les décisions limitativement énumérées à l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme, pour lesquelles la loi Littoral s’applique directement :



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- le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-13 du code de l’urbanisme est en tout état de cause infondé : il n’existe aucune covisibilité entre les secteurs du projet concernés par l’autorisation au titre de la loi sur l’eau, à savoir les III Cheminées et Les Bas Chemins, et la mer, les parcelles d’assiette du projet se situent en arrière-plan d’une frange urbaine densément bâtie au sein de laquelle existent, en outre, plusieurs collectifs et des arbres de haute tige ; pour le secteur du Pont, il n’existe pas davantage de covisibilité ; une coupure verte est prévue dans le secteur du Davier et le rapport de présentation du plan local d’urbanisme y justifie l’accueil d’une école de voile et d’une base nautique ; à titre subsidiaire, l’extension limitée de l’urbanisation est justifiée au sein du plan local d’urbanisme en raison de la configuration des lieux ; en outre, le projet consiste en une extension limitée de l’urbanisation, qui respecte les caractéristiques du secteur d’implantation ;

- l’article L. 121-6 du code de l’urbanisme n’est pas méconnu : la voie projetée a bien une fonction de desserte locale et non de transit, cette fonction étant déjà assurée par la route départementale n° 201 ;

- le dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau ne méconnaît pas l’article R. 214-6 du code de l’environnement : le public n’a manqué d’aucune information substantielle pendant l’enquête publique quant aux raisons de l’implantation du projet en frange Sud de Rothéneuf et l’ensemble des justifications de l’absence d’alternatives avérées à la destruction de zones humides sont étayées dans ce dossier ; le dossier loi sur l’eau décrit précisément la démarche « Éviter, Réduire, Compenser », des mesures d’évitement ont ainsi été méthodiquement mises en œuvre, entrainant à plusieurs reprises l’évolution des plans d’aménagement ;

- le projet est compatible avec les dispositions du SDAGE Loire-Bretagne, cette compatibilité devant faire l’objet d’une appréciation globale : compte tenu des contraintes territoriales, les requérantes ne sauraient prétendre que les dispositions du SDAGE relatives à l’absence d’alternatives avérées ont été méconnues, l’implantation retenue intègre les enjeux relatifs aux zones humides présentes sur le terrain d’assiette du projet, l’accent est mis sur les mesures d’évitement et l’intégralité des impacts résiduels sur les fonctionnalités hydrauliques et biologiques de la zone humide font l’objet de mesures de réduction et de compensation, des mesures de compensation sont prévues pour compenser les zones humides remblayées ;

- le projet est conforme avec les dispositions du SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais : l’absence d’alternative avérée est justifiée.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête au fond n° 1900585.

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code de l’urbanisme ;

- l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme X, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.



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Ont été entendus au cours de l’audience du 6 novembre 2019 :

- le rapport de Mme X, juge des référés,

- Me Dubreuil, représentant les associations Rothéneuf Environnement et Eau et Rivières de Bretagne, qui reprend les mêmes termes que ses écritures qu’il développe, insiste sur l’urgence, en l’absence de tout intérêt public au projet dans les proportions prévues sans que la mise en œuvre de mesures compensatoires ne s’oppose à ce que cette urgence soit caractérisée, sur l’insuffisance du dossier d’incidence, qui ne comporte aucune réelle analyse de l’étude d’un site alternatif, sur l’enjeu local très fort du projet sur les zones humides, sur l’opposabilité des articles L. 121-13 et L. 121-6 du code de l’urbanisme à l’autorisation litigieuse compte tenu de la rédaction de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme, sur la qualification de route de transit de la nouvelle voie incluse dans le projet destinée à délester le trafic estival, indique que la rubrique 2.1.5.0. est également concernée par l’autorisation dès lors que les eaux pluviales vont être redirigées vers la zone humide pour participer à son alimentation ;

- Mme Y et M. Z, représentant la préfète d’Ille-et-Vilaine, qui reprennent les mêmes termes que les écritures qu’ils développent, souligne que la loi Littoral n’est pas opposable à l’autorisation litigieuse en vertu du principe d’indépendance des législations et dès lors qu’aucun espace remarquable n’est concerné, qu’il n’existe en tout état de cause aucune covisibilité entre les parties ayant vocation à être urbanisées et la mer de telle sorte que l’on ne se situe pas en espaces proches du rivage, que la nouvelle route est essentiellement une voie de desserte des futurs logements, qu’aucun autre secteur d’aménagement n’était envisageable eu égard aux contraintes de la loi Littoral et du programme important de logements que la ville de Saint-Malo souhaite développer, que des mesures de compensation de la destruction des zones humides ont été prévues, font valoir que la rubrique 2.1.5.0. n’est pas concernée dès lors que les rejets des eaux pluviales se feront in fine en milieu marin, les zones humides n’étant que des zones tampon ;

- Mes Antona Traversi et Chatel, représentant la commune de Saint-Malo, qui reprennent les mêmes termes que leurs écritures qu’ils développent, rappellent le contexte démographique de la ville de Saint-Malo et le besoin de logements, font valoir l’utilité publique de ce projet, insistent sur l’absence d’urgence dès lors que les mesures de compensation liées à la destruction des zones humides ont déjà été anticipées, sur l’absence d’opposabilité de la loi Littoral aux autorisations loi sur l’eau dès lors que l’on se situe en dehors des espaces remarquables, sur le fait que les secteurs ayant vocation à être urbanisés ne constituent pas des espaces proches du rivage, que l’urbanisation est limitée au regard du plan de composition, que la voie nouvelle constitue une voie de desserte à l’échelle du quartier de Rothéneuf, soulignent qu’aucune autre implantation n’était possible, font valoir que la rubrique 2.1.5.0. n’est pas concernée, le projet étant conçu avec un rejet des eaux pluviales vers la mer et les zones humides étant conçues comme des bassins de rétention et que le défaut de mention de cette rubrique est sans influence sur l’information du public et la prise de décision dès lors que l’autorisation l’a été au titre de la loi sur l’eau, que le dossier d’incidence comporte l’ensemble des pièces sur la gestion des eaux pluviales et que l’article 4 de l’arrêté comporte des prescriptions sur cette gestion.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Une note en délibéré, présentée pour la ville de Saint-Malo, a été enregistrée le 7 novembre sss2019.

Une note en délibéré, présentée pour les requérantes, a été enregistrée le 8 novembre 2019.



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Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 24 octobre 2016, le préfet d’Ille-et-Vilaine a autorisé le maire de Saint- Malo à réaliser les travaux d’aménagement de la frange Sud de Rothéneuf sur la commune de Saint-Malo. Le projet d’urbanisation prévoit l’aménagement d’un nouveau quartier résidentiel avec la création de 700 à 800 logements à l’horizon 2030 sur une superficie de 25 hectares, intégrant une coupure verte sur 7 hectares dans le secteur dit du « Davier ». La construction des logements doit s’échelonner en trois phases correspondant aux secteurs dénommés « Les III Cheminées », « Les Bas Chemins » et « Le Pont » et emporte la suppression de 16 620 m² de zones humides sur les 29 110 m² existants dans le périmètre urbanisable. Les associations requérantes demandent la suspension de l’exécution de l’arrêté du 24 octobre 2016. Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Malo :

2. Aux termes de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale : « Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d’installation d’éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état (…) ».

3. Aux termes de l’article R. 181-50 du code de l’environnement : « Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (…) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L’affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l’article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l’affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d’affichage de la décision. / Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l’objet d’un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2° ».

4. La commune de Saint-Malo fait valoir que le délai de recours à l’encontre de l’autorisation litigieuse a expiré dès lors que celle-ci a fait l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs le 27 octobre 2016 et d’un affichage en mairie le 28 octobre 2016 faisant courir le délai de recours de quatre mois prévu par les dispositions précitées de l’article R. 181- 50 pour les tiers intéressés.

5. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l’ordonnance du 26 janvier 2017 que, si postérieurement à leur délivrance, le régime prévu par le chapitre unique du titre VIII du livre



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Ier du code de l’environnement, conformément au 2° de ces mêmes dispositions, est applicable aux autorisations sollicitées avant le 1er mars 2017, les dispositions nouvellement entrées en vigueur leur sont applicables uniquement à compter de cette date, notamment en cas de contestations. Ces dispositions n’ont ainsi pas eu pour objet et n’auraient pu légalement avoir pour effet de déroger au principe général du droit selon lequel, en matière de délais de procédure, il ne peut être porté atteinte aux droits acquis par les parties sous l’empire des textes en vigueur à la date à laquelle le délai a commencé à courir. Par suite, le seul délai de recours contentieux opposable aux associations requérantes à l’encontre de l’arrêté litigieux est celui prévu à l’article R. 514-3-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté litigieux, soit en l’espèce un délai de six mois suivant la mise en service. Ce délai n’était pas expiré à la date du 2 février 2019, date de saisine du tribunal du recours en annulation. Dès lors, la requête est recevable et la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Malo doit être écartée.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

6. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) ».

En ce qui concerne l’urgence :

7. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

8. Il est constant que la première tranche des travaux autorisés par l’autorisation litigieuse a débuté sur le secteur dit des III Cheminées et que ce projet conduira à la suppression de 16 620 m² de zones humides sur les 29 110 m² existants au sein du périmètre urbanisable, dont 7 200 m² pour le seul secteur des III Cheminées. Ainsi, l’exécution de l’arrêté litigieux porte une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts défendus par les associations requérantes. Si la commune de Saint-Malo invoque l’intérêt public qui s’attache à la réalisation de l’opération eu égard aux enjeux démographiques auxquels elle doit faire face et aux caractéristiques du projet favorisant la mixité sociale, il ne ressort pas pièces du dossier que les besoins en logements de la commune de Saint-Malo à court et moyen terme soient tels que l’aménagement de ce secteur réponde à lui seul à une raison impérative d’intérêt public majeur, alors que la ville a lancé de très nombreux projets d’urbanisation à l’échelle de l’agglomération et qu’il existe également un intérêt public qui s’attache à la préservation de zones humides. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence doit, par suite, être regardée comme remplie.



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En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision :

9. Il appartient au juge du plein contentieux, saisi d’un recours formé contre une décision de l’autorité administrative prise dans le domaine de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement, d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande dont l’autorité administrative a été saisie au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de la décision prise par cette autorité. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d’entacher d’irrégularité l’autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux au titre de la loi sur l’eau peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu’elles n’aient pas eu pour effet de nuire à l’information complète de la population.

10. S’agissant des règles de fond, il appartient au juge du plein contentieux, non d’apprécier la légalité de l’autorisation prise par l’autorité administrative dans le domaine de l’eau au vu des seuls éléments dont pouvait disposer cette autorité lorsqu’elle a statué sur la demande, mais de se prononcer lui-même sur l’étendue des obligations mises par cette autorité à la charge du bénéficiaire de l’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Il lui appartient ainsi de faire application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à la date à laquelle il rend sa décision et non de celles en vigueur à la date à laquelle l’acte administratif a été pris.

11. D’une part, en vertu du XI de l’article L. 212-1 et de l’article L. 212-5-2 du code de l’environnement, les décisions administratives prises dans le domaine de l’eau, dont celles prises au titre de la police de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants du même code, sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le SDAGE et avec le plan d’aménagement et de gestion durable du SAGE. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier. En revanche, les décisions administratives prises au titre de la police de l’eau en application des articles L. 214-1 et suivants sont soumises à une obligation de conformité au règlement du SAGE et à ses documents cartographiques, dès lors que les installations, ouvrages, travaux et activités en cause sont situés sur un territoire couvert par un tel document.

12. D’autre part, aux termes de l’article R. 214-6 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « I.- Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à autorisation adresse une demande au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II. Cette demande, remise en sept exemplaires, comprend : (…) 4° Un document / (…) c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d’aménagement et de gestion des eaux et avec les dispositions du plan de gestion des risques d’inondation mentionné à l’article L. 566-7 et de sa contribution à la réalisation des objectifs visés à l’article L. 211-1 ainsi que des objectifs de qualité des eaux prévus par l’article D. 211-10 (…) ».



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13. L’article 3 du SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais, approuvé par arrêté préfectoral du 9 décembre 2013 dispose : « Interdire la destruction des zones humides / La destruction de zones humides, telles que définies aux articles L. 211-1 et R. 211-108 du code de l’environnement, quelle que soit leur superficie, qu’elle soit soumise ou non à déclaration ou à autorisation en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement, est interdite dans tout le périmètre du SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais, sauf s’il est démontré : / – L’existence d’enjeux liés à la sécurité des personnes, des habitations, des bâtiments d’activités et des infrastructures de transports existants / -L’impossibilité technico-économique d’implanter, en dehors de ces zones, les infrastructures publiques de captage pour la production d’eau potable et de traitement des eaux usées ainsi que les réseaux qui les accompagnent / – L’impossibilité technico-économique d’implanter, en dehors de ces zones, des extensions de bâtiments existants d’activité agricole / – L’impossibilité technico-économique d’aménager, en dehors de ces zones, un chemin d’accès permettant une gestion adaptée de ces zones humides / – L’existence d’une déclaration d’utilité publique / – L’existence d’une déclaration d’intérêt général au titre de l’article L.211 7 du Code de l’environnement. / Dès lors que la mise en œuvre d’un projet conduit, sans alternative avérée, à la disparition de zones humides, les techniques limitant au maximum l’impact sur la zone humide sont mobilisées. De plus, les mesures compensatoires visent la restauration des zones humides dégradées sur le même bassin versant. ».

14. Il est constant que l’aménagement de la frange Sud de Rothéneuf a été déclaré d’utilité publique par arrêté préfectoral du 13 juillet 2016 et entre donc dans les cas dérogatoires à l’interdiction de destruction des zones humides prévues par le SAGE Rance Frémur Baie de Beaussais. Dans ce cas, le maître de l’ouvrage, en l’absence d’alternative avérée, doit chercher à réduire les impacts sur la zone humide du projet à l’endroit où il envisage de l’implanter et prévoir des mesures compensatoires afin de recréer ou de restaurer des zones humides dans le bassin versant de la masse d’eau et équivalentes sur le plan fonctionnel et de la qualité de la biodiversité. L’existence d’une alternative avérée au sens de ces dispositions s’apprécie au regard de la recherche d’une autre implantation du projet afin d’éviter de dégrader la zone humide.

15. En l’espèce, le dossier de demande d’autorisation déposé par la commune de Saint- Malo ne contient aucune justification de l’absence d’une alternative avérée à la destruction des zones humides du secteur donnant les raisons pour lesquelles, alors même qu’elle serait confrontée à une forte pression foncière et aux contraintes liées à la loi Littoral, une alternative au développement de l’urbanisation du secteur sur d’autres secteurs de moindre sensibilité environnementale à l’échelle de son territoire ne serait pas possible après les avoir comparés. Dans ces conditions, les moyens tirés de l’insuffisance du dossier au regard des exigences de l’article R. 214-6 du code de l’environnement et de l’absence de conformité du projet au SAGE au motif que n’est pas établie l’absence de projet constituant une alternative avérée à la disparition des zones humides sur la frange Sud de Rothéneuf sont propres, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.

16. Aucun des autres moyens invoqués susvisés n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’autorisation litigieuse. En particulier, les dispositions de l’article L. 121- 13 du code de l’urbanisme ne sont pas opposables à une autorisation au titre de la loi sur l’eau. En outre, à supposer même que la route nouvelle prévue pour structurer le quartier de Rothéneuf et desservir les nouveaux logements, pourrait être considérée comme une voie de transit, dès lors qu’elle a également pour objectif d’améliorer la fluidité du trafic dans Rothéneuf en délestant la circulation touristique du boulevard de Rothéneuf, les dispositions de l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme n’apparaissent pas davantage opposables à une autorisation délivrée au titre de la loi sur l’eau.



N° 1905093 10

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conditions d’application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont réunies. Il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la décision litigieuse.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Saint-Malo doivent, dès lors, être rejetées.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’État à payer aux associations requérantes une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 24 octobre 2016 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine a autorisé au titre de la loi sur l’eau l’aménagement de la frange Sud du secteur de Rothéneuf à Saint-Malo est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Article 2 : L’État versera une somme globale de 1 500 euros aux associations Rothéneuf Environnement et Eau et Rivières de Bretagne en application des dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Malo sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association Rothéneuf Environnement, première dénommée, pour l’ensemble des requérantes en application de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Saint-Malo et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie de la présente ordonnance sera adressée à la préfète d’Ille-et-Vilaine.

Fait à Rennes, le 12 novembre 2019.

Le juge des référés, Le greffier,



N° 1905093 11

signé signé

F. X M.-A. Vernier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 12 novembre 2019, n° 1905093