Tribunal administratif de Rennes, 9 novembre 2022, n° 2205346

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 9 nov. 2022, n° 2205346
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2205346
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 octobre 2022, M. B C, représenté par le cabinet Gervaise Dubourg, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du jury du master 1 mention droit public de l’Université de Rennes 1 lui refusant la possibilité de redoubler son année de master 1 ainsi que la décision d’annulation de son inscription en master 1 Droit public en date du 5 octobre 2022 ;

2°) d’enjoindre à l’Université de Rennes 1 de statuer à nouveau sur sa demande de redoublement, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le réinscrire en 1ère année de master mention droit public au titre de l’année universitaire 2022- 2023, dans le même délai et sous la même astreinte, en application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l’Université de Rennes 1 le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est remplie : la décision porte une atteinte grave et immédiate à sa situation dès lors qu’il n’a plus que deux matières à repasser en M1 Droit public, dans lequel il a déjà une moyenne de 10,183/20 ; s’il a pu s’inscrire en M1 à la Roche-sur-Yon, il ne conservera pas ses notes acquises l’année passée à Rennes et s’il ne parvenait à le valider il serait trop âgé pour candidater à St Cyr-Coëtquidan.

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision de lui refuser le redoublement :

— le refus de l’autoriser à redoubler aurait dû être motivé ;

— les articles 20 et 21 des MCC admettent le principe du redoublement ;

— la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation : ses notes ne sont pas catastrophiques et ses efforts témoignent de sa motivation dans son projet professionnel d’entrer à St-Cyr-Coëtquidan.

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision de désinscription :

— la décision de le désinscrire devait être motivée et faire l’objet d’une procédure contradictoire, en application du code des relations entre le public et l’administration ;

— la décision de le réinscrire était parfaitement régulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2022, l’Université de Rennes 1, représentée par la Selarl Ares, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— la condition d’urgence n’est pas satisfaite : le requérant a plus de chance d’obtenir un M1 à la Roche-sur-Yon qu’à Rennes et ce diplôme correspond mieux à son projet professionnel ;

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision de refus de redoublement :

— le moyen tiré de l’absence de motivation manque en droit dès lors que les motifs de la décision de non-admission à s’inscrire sont communiqués seulement sur demande, en application de l’article D. 612-36-2 du code de l’éducation ; il manque aussi en fait ;

— dès lors que l’entrée en Master 1 est soumise à une procédure de sélection et que le nombre d’étudiants pouvant intégrer le Master est limité, il ne saurait y avoir de droit acquis au redoublement ;

— elle n’est entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation : l’appréciation du jury ne peut être utilement contestée devant le juge administratif ;

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision de désinscription :

— la décision d’inscription administrative d’un étudiant qui ne remplissait pas les conditions pour être inscrit dans le diplôme concerné doit être regardée comme dépourvue d’existence légale et peut donc être retirée sans forme ni procédure ;

— en tout état de cause, d’une part, elle est motivée et, d’autre part, elle était illégale et pouvait donc être retirée.

Vu :

— la requête au fond n° 2205345 ;

— les pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Rémy, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 4 novembre 2022 :

— le rapport de M. A ;

— les observations de Me Dubourg, représentant M. C, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’elle développe, insiste sur l’urgence dès lors que le requérant est inscrit en parallèle à La Roche-sur-Yon ce qui l’expose aux aléas d’un examen universitaire, dénonce l’apagogie qui consiste à le juger apte à suivre un M2 à Lille mais pas à redoubler un M1 à Rennes, souligne que les MCC générales, aux articles 20 et 21, prévoient des modalités de redoublement, insiste sur l’erreur manifeste d’appréciation commise dès lors que la décision relative à la demande de redoublement de M. C doit être examinée de façon globale et qu’il est nécessaire pour son projet professionnel d’être titulaire d’un M2 avant ses 25 ans ; elle soutient qu’il existe une décision de lui attribuer sa carte d’étudiant qui ne saurait résulter d’une simple erreur informatique ;

— les observations de Me Delest, représentant l’Université de Rennes 1, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’elle développe, fait valoir que dès le lendemain de l’inscription administrative du requérant, l’université lui a expliqué qu’elle était nulle, explique que l’urgence ne peut être retenue dès lors que le droit à continuité des études est respecté, au fond, admet que la demande de communication des motifs a été présentée mais qu’il y a été répondu dans le cadre de la procédure devant le juge des référés ; elle soutient qu’il n’y avait aucune erreur de droit à procéder à la désinscription dès lors qu’une décision du jury était nécessaire pour s’inscrire, et que cette désinscription est une pure procédure informatique symétrique de celle d’inscription qu’il n’est pas raisonnablement possible de prendre pour une décision administrative, dès lors qu’elle n’est que le fruit d’une erreur de paramétrage du logiciel Apogée, seul responsable de la délivrance indue d’une carte d’étudiant.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire d’une licence en droit obtenue en 2021 de l’Université de Rennes 1, M. C a suivi, au titre de l’année universitaire 2021-2022, une première année du master mention droit public au sein de cette même université. Il est constant qu’il a été déclaré ajourné à l’issue des épreuves de rattrapage, quoiqu’il y ait obtenu une moyenne générale supérieure à 10 en raison de l’obtention d’une note inférieure à la moyenne en deux unités, celle portant sur le droit public des affaires au premier semestre et celle portant sur le droit des contrats publics au second. Dans l’attente d’une décision sur sa demande de redoublement, le requérant a procédé à son inscription administrative, qui a donné lieu à la délivrance d’un certificat de scolarité, que l’administration de la faculté lui a indiqué son intention de retirer lorsqu’une décision définitive serait prise sur sa demande de redoublement, ce qui n’a été fait qu’en septembre. M. C a saisi le tribunal d’un recours en annulation et, dans l’attente du jugement au fond, demande au juge des référés de suspendre l’exécution tant de la décision lui refusant le redoublement que de celle lui retirant sa carte d’étudiant.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

3. Le moyen tiré de ce que la décision de désinscription, qui n’est pas la simple correction d’une erreur informatique dès lors que sa mise en œuvre avait été différée expressément jusqu’ à la décision définitive du jury sur la demande de redoublement, aurait dû être précédée d’une procédure contradictoire en application du code des relations entre le public et l’administration est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision.

4. Toutefois, l’urgence ne justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif que lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, et notamment des objectifs d’intérêt public poursuivis par la décision critiquée.

5. M. C, pour démontrer l’urgence qu’il y aurait à suspendre l’exécution des décisions attaquées, soutient qu’il lui serait plus facile de repasser simplement deux unités d’enseignement que de réussir un nouveau M1 à la Roche-sur-Yon. Il indique qu’il a suivi, en parallèle à son début de scolarité en Vendée, le cours qui lui manque à Rennes, ce qui lui occasionne certainement des difficultés supplémentaires mais qui n’est pas la conséquence de la décision attaquée et seulement celle de son choix contentieux. En outre, l’application de la décision de non redoublement et, subséquemment, le maintien de celle le « désinscrivant » de l’université de Rennes 1 ne le place pas dans une situation plus inconfortable et plus périlleuse pour la suite de ses objectifs universitaires et professionnels, dès lors qu’il a pris un logement en Vendée, que celle qui l’amènerait à ne suivre qu’un seul cours pendant chaque semestre en 2022-2023 et à candidater à nouveau sur cette base pour le M2 envisagé à Lille. Dans ces conditions, dès lors qu’il n’est pas établi qu’il ait des chances de succès substantiellement différentes entre les deux cursus, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement et globalement, n’est pas remplie. En conséquence, il y a lieu de rejeter, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des autres moyens invoqués, les conclusions à fin de suspension de la requête de M. C.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

4. La présente ordonnance qui rejette les conclusions à fin de suspension de la requête de M. C n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte présentées par l’intéressé doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Université de Rennes 1, qui n’est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que M. C demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’Université de Rennes 1 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l’Université de Rennes 1 présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B C et à l’Université de Rennes 1.

Fait à Rennes, le 9 novembre 2022.

Le juge des référés,

signé

D. ALa greffière d’audience,

signé

P. Cardenas

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Rennes, 9 novembre 2022, n° 2205346