Tribunal administratif de Toulon, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2001595

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2001595
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 2001595
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I) Par une requête, enregistrée sous le n° 2001595 le 22 juin 2020, et un mémoire enregistré le 4 février 2022, la société en nom collectif (SNC) Alta CRP La Valette, représentée par la société par actions simplifiée (SAS) EIF, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière et de taxe d’enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 à raison de locaux commerciaux situés avenue de l’Université à La Valette-du-Var ;

2°) d’assortir la décharge prononcée du versement des intérêts moratoires en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros et les entiers dépens.

Elle soutient que :

— le local type n° 61 retenu par l’administration fiscale doit être écarté car, d’une part, il ne présente pas un caractère régulier, ainsi que l’a retenu le tribunal administratif dans des jugements rendus le 12 juin 2012 et le 30 mai 2013, et, d’autre part, il correspond à un agrégat de nombreuses boutiques de taille diverse mélangeant des types de magasins différents et dont la valeur a été établie par moyenne ;

— elle propose ainsi des locaux de référence plus adaptés au regard des dispositions de l’article 1498 du code général des impôts et des articles 324 Z et 324 AA de l’annexe III au même code ;

— à cet égard, le local type n° 68 valorisé au tarif de 10,70 euros pour l’évaluation des restaurants en tenant compte d’un ajustement de + 20 % apparaît plus adapté ;

— pour l’évaluation des boutiques de vente de détail d’une surface inférieure à 400 m2, le local-type n° 66 paraît plus pertinent ;

— enfin, le local-type n° 58 ou le local type n° 365 de la commune de Toulon, valorisé au tarif de 3,96 euros pour l’évaluation de la salle de sport et du parc de loisirs, doit être retenu ;

— à titre subsidiaire, les locaux types n°s 26, 28 et 5 de la galerie marchande « Les portes du soleil » figurant sur PV-C de la commune de Juvignac situés dans l’aire urbaine de Montpellier pourraient être retenus, les communes de Montpellier et Toulon présentant des caractéristiques communes au regard des données de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2020, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus à l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, en l’absence de litige né et actuel avec le comptable public.

II) Par une requête, enregistrée sous le n° 2200254 le 27 janvier 2022, la SNC Alta CRP La Valette, représentée par la SAS EIF, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière et de taxe d’enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2020 et 2021 à raison de locaux commerciaux situés avenue de l’Université à La Valette-du-Var ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros et les entiers dépens.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux précédemment exposés dans la requête enregistrée sous le n° 2001595.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

— la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les affaires, qui relèvent du 5° de l’article R. 222-13 du code de justice administrative, ont été renvoyées en formation collégiale, en application de l’article R. 222-19 de ce code.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— et les conclusions de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Alta CRP La Valette est propriétaire de locaux constituant le centre commercial dénommé « Avenue 83 » sur la commune de La Valette-du-Var. Elle a été assujettie à raison de ces locaux à la taxe foncière et à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, au titre des années 2018 et 2019, respectivement pour un montant de 720 392 euros et 958 077 euros et, au titre des années 2020 et 2021, respectivement pour un montant de 969 982 euros et 1 008 117 euros. Elle a contesté les impositions au titre des années 2018 et 2019 par une réclamation en date du 20 décembre 2019, qui a été rejetée par l’administration fiscale le 4 mars 2020, et les impositions au titre des années 2020 et 2021 par une réclamation du 22 novembre 2021, qui a été rejetée le 30 novembre suivant. Par les présentes requêtes, la SNC Alta CRP La Valette demande au tribunal de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière et de taxe d’enlèvement des ordures ménagères précitées et d’assortir la décharge prononcée du versement des intérêts moratoires en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Sur la jonction des requêtes :

2. Les requêtes n° 2001595 et n° 2200254 présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui ont fait l’objet d’une instruction commune, pour y statuer par un seul jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Il résulte du XVI de l’article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, codifié, à compter du 1er janvier 2018, aux I et III de l’article 1518 A quinquies du code général des impôts, du IV de ce dernier article et de l’article 1518 E du même code que la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 utilisée pour lisser les variations de cotisations d’impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels est déterminée conformément au code général des impôts dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016.

4. Aux termes de l’article 1498 du code général des impôts en vigueur au 31 décembre 2016 : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l’article 1496 et que les établissements industriels visés à l’article 1499 est déterminée au moyen de l’une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l’évaluation des immeubles d’un caractère particulier ou exceptionnel ; () « . En application du I de l’article 324 Z de l’annexe III du même code : » L’évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d’autres biens de même nature pris comme types « . Aux termes de l’article 324 AA de la même annexe : » La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance – telles que superficie réelle, nombre d’éléments – les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l’immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d’entretien, de son aménagement, ainsi que de l’importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n’ont pas été pris en considération lors de l’appréciation de la consistance ".

5. La construction du complexe commercial sous l’enseigne « Avenue 83 » ayant été achevée en 2016, ce dernier a fait l’objet d’une imposition à la taxe foncière à compter de 2017, mais une valeur locative non révisée (VL70) a été calculée afin de lui faire bénéficier des mécanismes atténuateurs prévus par la révision de la valeur locative des locaux professionnels. En l’espèce, la société requérante conteste la valeur locative non révisée des locaux concernés calculée par l’administration fiscale.

6. Il résulte de l’instruction que l’administration a retenu comme terme de comparaison, pour procéder à l’évaluation de la propriété de la requérante, l’immeuble correspondant au local-type portant le n° 61 au procès-verbal des opérations de révision des évaluations foncières des propriétés bâties de la commune de La Valette-du-Var, concernant les locaux d’une surface inférieure à 400 m2, laquelle s’élève à 15,24 euros par m2. Ce local-type correspond au magasin dénommé « Printemps ».

7. En premier lieu, et d’une part, la société requérante se borne à soutenir que le tribunal, dans son jugement avant dire droit n° 1002170 du 12 juillet 2012 « SA France Printemps » et son jugement n°s 1002170, 1101218 du 30 mai 2013, a retenu le caractère irrégulier du local type n° 61 du PV-C de La Valette-du-Var en ce qu’il ne remplissait pas les conditions de validité requises par la législation et la jurisprudence du Conseil d’Etat. Dans son jugement avant dire droit du 12 juillet 2012, le tribunal a considéré que la valeur locative du magasin « Printemps » alors en litige avait « été irrégulièrement établie dans la mesure où cet immeuble constitue lui-même le local type n° 61 de la commune de La Valette du Var retenu, en application du 2 de l’article 1498 précité du code général des impôts, alors qu’il ne résulte pas de l’instruction, ainsi que le fait valoir la SA FRANCE PRINTEMPS, sans être contredite, que ce local a été loué à des conditions de prix normales au 1er janvier 1970 ou a été évalué par comparaison avec un local loué dans ces conditions à cette date ». Toutefois, les jugements susvisés qui portent sur une affaire distincte des présentes instances et concernant des parties différentes, ont été prononcés au vu des éléments particuliers et des pièces propres à ces requêtes, constituant des jugements d’espèces, desquels il ne peut être conclu à l’irrégularité en l’espèce du local type n° 61 du PV-C de La Valette-du-Var. La Alta CRP La Valette ne peut en outre être regardée comme se réappropriant les moyens soulevés par la société SA Printemps France pour contester la régularité du local précité dans la présente instance. D’autre part, la société requérante qui entend soutenir que ledit local type ne serait pas pertinent en terme de comparaison pour évaluer la valeur locative du centre commercial en litige, n’a pas assorti ce moyen des précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé.

8. En deuxième lieu, la société requérante considère que les commerces de l'« Avenue 83 » peuvent être évalués par comparaison avec des locaux types situés sur la commune de La Valette-du-Var. Elle propose ainsi le local type n° 68 situé rue Danton valorisé au tarif de 10,70 euros pour l’évaluation des restaurants en tenant compte d’un ajustement de + 20 %. Cependant, ce local se situe en centre-ville, dans une rue étroite qui ne bénéficie ni des facilités de stationnement ni de l’attractivité d’un centre commercial et de l’environnement propre à la zone dans laquelle se situe l'« Avenue 83 ». Elle propose par ailleurs pour l’évaluation des boutiques de vente de détail d’une surface inférieure à 400 m2, le local-type n° 66 sis rue du Char Verdun, valorisé au tarif de 10,70 euros, un ajustement de 20 % étant également appliqué. Mais à l’instar du local n° 68, eu égard à sa situation, le local proposé ne recèle pas l’attractivité ni le potentiel de clientèle de la zone dans laquelle s’inscrit l'« Avenue 83 ». Enfin, la requérante se prévaut également pour la comparaison de la salle de sport et du parc de loisirs du local type n° 58 situé avenue Amiral C ou encore le local type n° 365 de la commune de Toulon pour une évaluation de 3,96 euros par m2, sans ajustement. Toutefois, le local type n° 58 se situe dans une zone à caractère résidentiel et est éloignée du centre-ville. Il ne résulte pas de l’instruction qu’il bénéficie d’un potentiel élevé de passage et de fréquentation, et du même pouvoir d’attraction commercial que les différents commerces situés au sein du centre commercial « Avenue 83 ». Quant au local type n° 365 sis sur la commune de Toulon, la requérante ne le situe pas précisément et ne justifie pas de sa pertinence. Dans ces conditions, l’ensemble de ces locaux types proposés par la SNC Alta CRP La Valette ne sauraient, en l’espèce, être regardés comme étant plus pertinents que celui retenu par l’administration.

9. En troisième et dernier lieu, à titre subsidiaire, la société requérante propose enfin de retenir des locaux types dans une commune, qu’elle estime comme étant économiquement analogue à celle de la Valette-du-Var. Elle se prévaut ainsi des locaux types de la galerie marchande « Les portes du soleil » du PV-C de la commune de Juvignac, située dans l’aire urbaine de Montpellier. Elle expose que l’analyse des données comparatives de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) permettent de considérer que les communes de La Valette-du-Var et de Juvignac sont comparables, notamment en termes de revenus et de niveau de richesse, d’emploi, de logement et de structure économique. Toutefois, il résulte de l’instruction que les caractéristiques de ces locaux ne peuvent être regardées comme pertinentes aux fins de comparaison avec le site commercial de l'« Avenue 83 ». En effet, le centre commercial des « Portes du Soleil » ne se situe pas à proximité immédiate d’une zone commerciale dense et étendue, semblable à celle dans laquelle s’inscrivent les commerces de l'« Avenue 83 », de nature à démultiplier les passages et la fréquentation de ces magasins. Ainsi, les locaux types proposés par la société requérante ne sont pas situés dans une zone d’attraction commerciale et de clientèle potentielle comparable à celle dans laquelle se situe l'« Avenue 83 ». De même, il ressort des données présentées par l’administration et non contestées que le nombre de commerces est inférieur de moitié au bien concerné de la SNC Alta CRP La Valette, le nombre de places de parking étant par ailleurs d’un tiers inférieur. Ainsi, la proposition de la société requérante de retenir, à titre subsidiaire, le tarif appliqué à ce local type ne peut qu’être écartée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Alta CRP La Valette n’est pas fondée à demander la décharge des cotisations de taxe foncière et de taxe d’enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018, 2019, 2020 et 2021 ni le versement des intérêts moratoires en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, celles tendant aux entiers dépens doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées n°s 2001595 et 2200254 de la SNC Alta CRP La Valette sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société en nom collectif Alta CRP La Valette et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Délibéré après l’audience du 19 décembre 2022, où siégeaient :

— Mme Bernabeu, présidente,

— M. Hamon, premier conseiller,

— M. Sportelli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

L. A

La présidente,

signé

M. B

La greffière,

signé

E. PERROUDON

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Et par délégation,

La greffière.

N°s 2001595,2200254

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Tribunal administratif de Toulon, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2001595