Tribunal administratif de Toulouse, 11 octobre 2012, n° 0900108

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 11 oct. 2012, n° 0900108
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 0900108
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7 octobre 2007, N° 05BX00095

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N°0900108

___________

M. Michel PEBEYRE

c/ Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre »

___________

M. Dubois

Rapporteur

___________

Mme Arquié

Rapporteur public

___________

Audience du 13 septembre 2012

Lecture du 11 octobre 2012

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse

(5e chambre)

36-13-03

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal le 12 janvier 2009, présentée pour M. Michel PEBEYRE, demeurant 13, chemin de Superbagnères à Luchon (31 110), par Me Laveissière, avocat ; M. PEBEYRE demande au tribunal :

1) de condamner la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre » à lui verser une somme de 119 384 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation à compter du 25 septembre 2008, date de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices financiers, professionnels et moraux qu’il estime avoir subis du fait de la décision de le licencier prise par le président de la Régie le 23 juillet 2002 ;

2) de mettre à la charge de la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre » 5 000 euros en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision par laquelle le président du conseil d’administration de la Régie l’a licencié de son emploi de directeur de cette régie à compter du 23 juillet 2002 est entachée de vices de procédure, au motif qu’elle n’a pas été précédée d’une délibération du conseil municipal de la commune de Luchon, ainsi que l’a jugé la cour administrative d’appel de Bordeaux, et qu’elle a été prise sans respecter le principe du contradictoire ; qu’elle est également entachée d’erreurs de droit, au motif qu’elle revêt une portée rétroactive et qu’elle est contraire aux dispositions de l’article 36 du décret n°88-145 du 15 février 1988 ; qu’elle est entachée d’une erreur de fait ; que le président de la Régie a commis une erreur manifeste d’appréciation ; que les illégalités dont cette décision est entachée sont constitutives d’une faute ouvrant droit à réparation ; qu’il évalue ses préjudices financier, professionnel ainsi que moral et familial à respectivement 45 600 euros, 23 784 euros et 50 000 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2010, présenté pour la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre », représentée par sa présidente en exercice, par Me Guillemain (société d’avocats FIDAL), qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge du requérant 10 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Elle fait valoir que les moyens de légalité interne invoqués par le requérant à l’encontre de la décision de licenciement le concernant ne peuvent qu’être écartés ; que, s’agissant des moyens de légalité externe, la décision litigieuse n’a pas méconnu les droits de la défense ; que si la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé la décision litigieuse au motif qu’elle n’avait pas été précédée d’une délibération du conseil municipal de la commune de Luchon, ce vice de procédure n’est pas susceptible d’ouvrir un quelconque droit à indemnisation au profit du requérant ; que ses demandes indemnitaires sont exorbitantes et non étayées ; que le cas échéant, elles devraient être ramenées à de plus justes proportions ; que le requérant ne démontre pas l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la décision litigieuse et son préjudice moral et familial ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 décembre 2010, par lequel M. PEBEYRE, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ;

Vu le décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 septembre 2012 :

— le rapport de M. Dubois, rapporteur ;

— les conclusions de Mme Arquié, rapporteur public ;

— et les observations de M. PEBEYRE et de Me Guillemain, avocat de la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre » ;

Considérant que par un contrat conclu le 7 mars 2001, M. Michel PEBEYRE a été recruté par l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive de Luchon, régie municipale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, aujourd’hui dénommé Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre », pour en assurer la direction ; que par une décision en date du 23 juillet 2002, le président de la Régie a licencié M. PEBEYRE sans préavis ni indemnités ; que par un arrêt n°05BX00095 en date du 8 octobre 2007, rectifié par un arrêt n°07BX01239 du 17 février 2008, la cour administrative d’appel de Bordeaux saisie de conclusions en excès de pouvoir a annulé cette décision ; que M. PEBEYRE sollicite une indemnisation des préjudices qu’il estime avoir subis en raison de l’illégalité fautive dont est entachée cette décision de licenciement ;

Sur la légalité de la décision de licenciement en date du 23 juillet 2002 :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L.2221-10 et R.2221-21 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse, que le directeur d’une régie relevant, comme celle en cause dans le présent litige, de leur champ d’application, ne peut être licencié sans délibération préalable du conseil municipal de la commune de rattachement, hormis les cas visés par l’article R. 2221-11 dont il n’est pas soutenu qu’il s’applique en l’espèce ; qu’il est constant qu’une telle délibération n’a pas été prise par le conseil municipal de Bagnères-de-Luchon avant que ne soit décidé le licenciement de M. PEYBERE ; que, par suite, ce licenciement est entaché d’irrégularité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes des dispositions de l’article 37 du décret n°88-145 : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L’agent non titulaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’autorité territoriale doit informer l’intéressé de son droit à communication du dossier. » ;

Considérant que le président de l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive a informé, le 23 juillet 2002, M. PEBEYRE qu’il avait pris à son encontre la décision de le licencier pour faute disciplinaire, et ce immédiatement ; que si, par la même lettre, M. PEBEYRE était invité à prendre connaissance de son dossier dans un délai de quarante-huit heures, il est constant que la procédure engagée à l’encontre du requérant n’a pas été précédée de la formalité prévue à l’article 37 précité et est ainsi entachée d’illégalité ;

Considérant, en troisième lieu, que si le requérant invoque le moyen tiré de ce que la décision litigieuse comportait un effet rétroactif au motif que le président de l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive a indiqué que cette décision devait prendre effet immédiatement, sans prendre en compter le délai nécessaire à sa notification, toutefois, il ressort des écritures mêmes de M. PEBEYRE que celui-ci a pris connaissance de cette décision le 23 juillet 2002, soit le jour même de son édiction ; qu’ainsi, le moyen invoqué manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes alors en vigueur de l’article 25, premier alinéa, de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : « Les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit … » ; que, selon les dispositions alors applicables de l’article 2 du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions : « L’interdiction formulée à l’égard des fonctionnaires par l’article 9 de la loi du 9 octobre 1946 modifié », auquel s’est substitué l’article 25 précité de la loi du 13 juillet 1983, « s’applique à l’ensemble des personnels des collectivités et organismes visés à l’article 1er ci-dessus », qui inclut notamment dans son champ d’application les agents non titulaires des collectivités territoriales ; qu’aux termes de l’article 6 du même décret : « Toute infraction aux interdictions édictées par les articles précédents entraînera obligatoirement des sanctions disciplinaires … » ;

Considérant que M. PEBEYRE avait été recruté pour diriger l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive de Luchon, dont l’objet consistait à proposer des prestations de rééducation et de soins à des sportifs atteints d’un ou plusieurs handicaps ; qu’il ressort des pièces du dossier et des écritures même de l’intéressé que celui-ci s’est largement impliqué, dans le courant du premier semestre de l’année 2002, dans la mise en place d’une entreprise privée, dénommée Institut Européen de Thérapie Sportive et située dans la commune de Dax (Landes), et dont l’objet concurrençait directement celui de l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive de Luchon ; que la circonstance, non-établie au demeurant, que M. PEBEYRE n’aurait perçu aucune rémunération au titre de cette activité privée n’est pas de nature à lui retirer son caractère lucratif au sens des dispositions précitées du décret-loi du 29 octobre 1936 ; qu’ainsi, M. PEBEYRE n’est pas fondé à prétendre que la décision de licenciement dont il a fait l’objet serait entachée d’une erreur de fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que ces faits étaient de nature à justifier légalement une sanction ; que la décision de licenciement prononcée notamment à raison de ces faits, qui doivent s’apprécier au regard des fonctions de direction qui lui avaient été confiées et de l’obligation de loyauté qui lui incombait, n’est pas manifestement disproportionnée ;

Considérant, en sixième et dernier lieu, qu’aux termes de l’article 36 du décret n°88-145 précité : « Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux agents non titulaires sont : / 1° L’avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L’exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale d’un mois ; / 4° Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement. » ;

Considérant que ces dispositions prévoient expressément que l’agent contractuel recruté par une collectivité territoriale peut se voir appliquer la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité ; qu’ainsi, M. PEBEYRE n’est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait contraire à ces dispositions ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que la gravité de la faute commise par M. PEBEYRE, tenant à la situation de cumul d’activités publique et privée dans laquelle il s’est lui-même placé, était de nature à justifier légalement la mesure de licenciement dont il a fait l’objet ; que, si le président de l’Institut de Thérapie Thermale et Sportive a entaché cette décision de vices de procédure en omettant de consulter le conseil municipal de Luchon et de mettre préalablement l’intéressé en mesure de faire valoir ses observations en défense, ces irrégularités, aussi graves soient-elles, ne sauraient être regardées comme étant la cause directe des préjudices que M. PEBEYRE prétend avoir subis ; que, par suite, l’illégalité dont cette décision est entachée n’est pas de nature à ouvrir à M. PEBEYRE un droit à indemnité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires de M. PEBEYRE ne sont pas fondées et doivent, en conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre », qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à M. PEBEYRE la somme de 5 000 euros que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, et eu égard aux circonstances de l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre » les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. PEBEYRE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre » présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Michel PEBEYRE et à la Régie « Luchon, Forme et Bien-Etre »X.

Délibéré après l’audience du 13 septembre 2012, à laquelle siégeaient :

Mme Carthé Mazères, président,

M. Laforêt, conseiller,

M. Dubois, conseiller,

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

Le rapporteur, Le président,

Damien DUBOIS Isabelle CARTHE MAZERES

Le greffier,

André SIRET

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

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