Tribunal administratif de Toulouse, 13 janvier 2022, n° 2107414

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 13 janv. 2022, n° 2107414
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 2107414

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE

N° 2107414 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

COMMUNE DE BONAC-IRAZEIN (Ariège) AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________
M. X Juge des référés Le juge des référés, ___________

Ordonnance du 13 janvier 2022 ___________

54-035-04 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 22 décembre 2021, le 3 janvier 2022 et le 10 janvier 2022 à 8 h 56, la commune de Bonac-Irazein représentée par Me Magrini, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’ordonner l’expulsion de la SCIC L’Autruche volante de l’immeuble Le relais montagnard, sis 1 place de l’église à Bonac-Irazein, et de tout occupant introduit de son chef dans ledit immeuble, avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir, pendant une durée de six mois ;

2°) de mettre à la charge de la SCIC L’Autruche volante, une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le relais montagnard appartient à son domaine public par application des critères jurisprudentiels ; le critère organique ne pose aucune difficulté dans la mesure où la commune est propriétaire du relais montagnard depuis 1950 ; le critère matériel est doublement respecté dans la mesure où il est manifeste que le relais montagnard se trouve affecté à une mission de service public avec des aménagements spéciaux ; tout d’abord, la délibération de 1986 énonce clairement la volonté de la municipalité d’affecter le bâtiment abritant le relais montagnard au service public de développement touristique ; ensuite, il est manifeste que le bâtiment comporte une série d’aménagements spéciaux dès lors qu’il ressort de plusieurs délibérations que le conseil municipal de la commune a entrepris de nombreux travaux afin de transformer le bâtiment en relais montagnard et que la convention d’occupation signée avec la SCIC L’Autruche volante précise la liste des aménagements résultants de travaux entrepris par la commune au cours des



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dernières années afin de permettre l’exercice de la mission de service public de développement économique touristique ; il est manifeste que le relais montagnard se trouve également affecté à l’usage du public et notamment des randonneurs ;

- il est constant que le relais montagnard est un bien immobilier appartenant à la commune et faisant partie de son domaine public ; la circonstance que les parties aient intitulé le titre d’occupation « convention de mise à disposition du local Le relais montagnard appartenant au domaine privé communal » n’est pas de nature à remettre en cause la compétence du juge administratif ; le juge administratif n’est jamais lié par la qualification d’un contrat donné par les parties ; le relais montagnard relève du domaine public communal par application des critères jurisprudentiels ;

- il ne fait aucun doute que la SCIC L’Autruche volante se trouve dans la situation d’un occupant sans droit ni titre du domaine public communal dès lors qu’elle est dépourvue d’un titre régulier et qu’elle se maintient illégalement dans les locaux du relais montagnard ;

- en ce qui concerne la condition tenant à la situation d’urgence, le maintien en toute illégalité de la SCIC L’Autruche volante au sein des locaux est de nature à faire obstacle à l’exercice de la mission de service public de développement économique et touristique ; cette situation bloque l’évolution de la gestion de l’établissement vers une délégation de service public et le lancement de la procédure de mise en concurrence ; l’occupation illicite des locaux par la SCIC L’Autruche volante empêche la réalisation des travaux de mise aux normes en termes d’accessibilité et de sécurité publiques, ce qui constitue à la fois une entrave au bon déroulement de la mission de service public ainsi qu’un non-respect de l’affectation de l’immeuble et de l’utilisation normale du domaine public ; en tant qu’établissement recevant du public au sens de l’article R. 143-2 du code de la construction et de l’habitation, la commune de Bonac-Irazein doit effectuer les travaux de mise aux normes conformément au rapport technique rédigé par le directeur du service départemental d’incendie et de secours de l’Ariège en date du 26 janvier 2017 ; le maintien de la société dans les locaux empêche la commune de réaliser les devis permettant d’estimer les travaux qui seront mis à la charge du délégataire ; la convention d’occupation signée pour la période allant du 1er janvier 2021 au 31 octobre 2021 comportait des stipulations permettant au gestionnaire du domaine d’effectuer les travaux nécessaires ; la SCIC L’Autruche volante ne respecte plus l’affectation domaniale de l’immeuble en organisant de manière intempestive des événements festifs et en fournissant en toute illégalité des repas aux élèves de l’école de Sentein ; l’urgence à prononcer l’expulsion de la SCIC L’Autruche volante est caractérisée en raison du risque d’atteinte à la sécurité physique des enfants de l’école de Sentein dès lors que la société n’est pas habilitée à effectuer une telle mission de cantine scolaire et que les infrastructures actuelles du relais montagnard ne permettent pas d’assurer la sécurité des enfants ; la commune de Bonac-Irazein a déposé une plainte en date du 8 décembre 2021 afin de signaler l’occupation illicite des lieux ;

- en ce qui concerne la condition tenant à l’utilité de la mesure, le maintien de la SCIC L’Autruche volante dans les locaux empêche la réalisation de travaux de mise aux normes de l’établissement par la commune ainsi que toute évolution du mode de gestion par voie de délégation de service public ; il est nécessaire d’assurer la poursuite de la mission de service public de développement économique et touristique ; il est manifeste que la société occupante sans droit ni titre ne respecte plus l’affectation domaniale de l’immeuble en organisant des événements festifs qui sont susceptibles de générer un trouble à l’ordre public et en assumant en toute illégalité une mission de cantine scolaire ;

- en ce qui concerne l’absence de contestation sérieuse et l’absence de décision administrative existante, la société occupante se maintient irrégulièrement dans les lieux dès lors que la convention d’occupation initiale a bien expiré le 31 octobre 2021 ; le constat d’huissier réalisé en date du 2 novembre 2021 mentionne bien le maintien dans les lieux du relais montagnard par la SCIC L’Autruche volante.



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Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) L’Autruche volante, représentée par Me Larrieu, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de la commune de Bonac-Irazein, une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de l’incompétence de la juridiction administrative pour connaitre du présent litige ; le relais montagnard appartient au domaine privé communal ; la convention de mise à disposition du 30 décembre 2020 est intitulée « convention de mise à disposition du local le relais montagnard appartenant au domaine privé de la commune » et le dossier élaboré par la DDT de l’Ariège précise que « le bâtiment est situé en bordure du domaine public » ; selon une jurisprudence constante du Tribunal des conflits, les locaux à usage de presbytère appartenant aux communes relèvent du domaine privé de celle-ci ; alors que la commune se prévaut dans ses écriture de l’arrêt Commune de Souche rendu par le Conseil d’Etat le 25 janvier 2006, celle-ci est inapplicable dès lors que les locaux étaient, en 1986, inutilisables en l’état et, par conséquent, ceux-ci n’appartenaient pas au domaine public ; la situation du bâtiment n’a pas évolué à ce jour ; c’est exclusivement L’Autruche volante qui a permis de remettre en état l’immeuble du relais montagnard et à aucun moment il n’apparaît dans une quelconque décision de la commune que celle-ci aurait voulu affecter cet immeuble à un service public du développement économique et touristique ; les locaux destinés aux bars et restaurants relèvent exclusivement du domaine privé et aucune carence de l’initiative privée ne peut être relevée dès lors que, dans un rayon de dix kilomètres autour du village de Bonac-Irazein, il y a douze restaurants-bars et une vingtaine de gîtes ; la convention de mise à disposition ne comporte aucune clause exorbitante, n’est pas soumise à un régime exorbitant du droit commun, le local n’est affecté ni à un usage direct du public, ni à un service public ;

- L’Autruche volante conteste être l’auteur des tracts qui ont été affichés sur les panneaux de la commune ; le dépôt d’une plainte n’équivaut pas à une condamnation par une juridiction répressive et ne suffit donc pas à caractériser l’existence d’une infraction et à identifier son auteur ; la société ne s’est jamais opposée aux visites de sécurité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- et le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. X, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 10 janvier 2022 à 10 h 00, tenue en présence de Mme Tur, greffière d’audience :

- le rapport de M. X,

- les observations de Me Gautier, substituant Me Magrini, représentant la commune de Bonac-Irazein, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens,

- et les observations de Me Larrieu, représentant la SCIC L’Autruche volante, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.



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Une note en délibéré, présentée pour la commune de Bonac-Irazein, a été enregistrée le 10 janvier 2022 à 13 h 04 et n’a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision ». Le juge des référés tient de ces dispositions le pouvoir, en cas d’urgence et d’utilité, d’ordonner l’expulsion des occupants sans titre du domaine public.

2. Il résulte des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative précité que, saisi par une autorité gestionnaire du domaine public d’une demande tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion d’un occupant sans titre dudit domaine public, le juge des référés administratifs y fait droit dès lors que la demande d’expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d’urgence et d’utilité.

3. La commune de Bonac-Irazein (Ariège) demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’enjoindre à la SCIC L’Autruche volante, dont il est constant qu’elle occupe sans titre le relais montagnard sis 1 place de l’église à Bonac-Irazein, de libérer les lieux.

4. Aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Le domaine public d’une personne publique (…) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public ».

5. Lorsqu’un tribunal administratif est saisi d’une demande tendant à l’expulsion d’un occupant d’une dépendance appartenant à une personne publique, il lui incombe, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur ces conclusions, de vérifier que cette dépendance relève du domaine public à la date à laquelle il statue.

6. Il est constant que la commune de Bonac-Irazein et la SCIC L’Autruche volante ont conclu, le 30 décembre 2020, une convention d’occupation du relais montagnard, ancien presbytère appartenant à la commune, moyennant une redevance mensuelle, pour une durée de 10 mois, allant du 1er janvier 2021 au 30 octobre 2021. Il résulte de l’instruction, tout d’abord, que cette convention ne comporte aucune clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquerait, dans l’intérêt général, qu’elle relève du régime exorbitant des contrats administratifs. En particulier, si la convention stipule que « l’occupant devra informer la commune du programme des animations au moins un mois à l’avance », cette simple obligation d’information ne saurait, en l’absence de toute autre clause, être regardée comme un contrôle de la programmation des animations par la commune. Ensuite, si la requérante se prévaut de la délibération de son conseil municipal du 26 juillet 1986 qu’elle produit, prévoyant que « le relais montagnard doit répondre aux besoins des autochtones » et que la commune est située sur le tracé du GR n°10, afin de démontrer l’affectation du relais montagnard à l’usage direct du public et notamment des randonneurs, ces éléments ne sont pas de nature à établir l’existence d’un critère d’affectation à l’usage du public. Enfin, alors même que la commune requérante fait valoir que le bâtiment abritant le relais montagnard est affecté au service public du développement touristique et qu’il fait l’objet d’un



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aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public, en produisant notamment plusieurs délibérations en date du 30 juillet 1986, du 30 avril 1988, du 1er juillet 1988 et du 9 avril 1989 ainsi qu’une note d’honoraires d’un architecte, la circonstance que la commune fasse état de sa volonté de rénover ledit bâtiment et de créer un centre d’hébergement à vocation touristique, et en l’absence de la preuve de la réalisation de tels travaux, ne permet pas de regarder le relais montagnard comme appartenant au domaine public de la commune de Bonac-Izarein.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la commune de Bonac-Irazein tendant à ce qu’il soit enjoint à la SCIC L’Autruche volante de quitter le relais montagnard doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCIC L’Autruche volante, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Bonac-Irazein au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Bonac-Irazein la somme demandée par la SCIC L’Autruche volante au même titre.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la commune de Bonac-Irazein est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Les conclusions de la SCIC L’Autruche volante présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.



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Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Bonac-Irazein (Ariège) et à la SCIC L’Autruche volante.

Fait à Toulouse, le 13 janvier 2022.

Le juge des référés, La greffière,

J. C. X P. TUR

La République mande et ordonne au préfet de l’Ariège en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme : Le greffier,

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