Tribunal des Conflits, du 6 mai 2002, 02-03.287, Publié au bulletin

  • Appréciation de la régularité de la mise à disposition·
  • Réalisation en vertu d'un titre annulé ultérieurement·
  • Mise à disposition d'edf de parcelles·
  • Réalisation d'un ouvrage public·
  • Suppression ou déplacement·
  • Compétence administrative·
  • Séparation des pouvoirs·
  • Contrat administratif·
  • Ouvrage public·
  • Voie de fait

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

Si la protection de la propriété privée entre essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire, la mission confiée à celle-ci se trouve limitée par l’interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III de connaître des actes de l’Administration et lorsqu’une contestation sérieuse existe quant à l’appréciation de la régularité d’un acte administratif ou d’un contrat administratif ayant autorisé la dépossession d’une propriété privée à caractère immobilier, le juge judiciaire n’a compétence pour réparer le préjudice en résultant que pour autant que l’irrégularité de cette dépossession a été constatée par le juge administratif. Ainsi, la convention par laquelle une commune a mis gratuitement à la disposition d’Electricité de France des parcelles qu’elle estimait comprises dans le domaine public en vue de la réalisation par cet établissement d’un ouvrage public, a le caractère d’un contrat conclu en vue de l’exécution d’un travail public et l’appréciation de la régularité d’un tel contrat, qui a un caractère administratif en vertu de l’article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII, relève de la compétence de la juridiction administrative. A cet égard le jugement du tribunal administratif prononçant l’annulation de l’acte par lequel le maire de la commune a décidé de conclure le contrat autorisant Electricité de France à implanter un poste de transformation de courant électrique sur un terrain appartenant à des particuliers et qui reposait sur un vice qui n’était pas propre à l’acte détachable du contrat mais qui affectait la validité de l’objet même de ce dernier, a eu pour conséquence de priver pour l’avenir de fondement légal la dépossession découlant de l’application de ce contrat, et, dans ces conditions, l’action en réparation des préjudices causés par la poursuite d’une dépossession dont l’irrégularité est ainsi apparue, ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire.

Des conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public, et le cas échéant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif. Ainsi, l’autorité judiciaire ne saurait, sans s’immiscer dans les opérations administratives et empiéter sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, et il n’en va autrement que dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dontdispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée. Un ouvrage public litigieux ayant été construit par Electricité de France en vertu d’un titre juridique dont l’irrégularité n’a été révélée que plusieurs années après sa réalisation, son implantation ne saurait, dans ces circonstances, être constitutive d’une voie de fait.

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Commentaires26

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blog.landot-avocats.net · 8 janvier 2024

Nouvelle diffusion « Ouvrage public mal planté ne se détruit point » : des générations de juristes ont appris cet adage selon lequel un ouvrage public, même construit illégalement, restait en l'état. Ce principe n'est plus, loin s'en faut, aussi intégral qu'il le fut. Mais n'empêche : le juge ne pourra ordonner la démolition de l'ouvrage public que si plusieurs conditions se trouvent réunies. Source : voir notamment CE, 9 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, n° 245239, AJDA 2003, p. 784. Il ne faut donc pas se ruer …

 

blog.landot-avocats.net · 13 octobre 2023

« Ouvrage public mal planté ne se détruit point » : des générations de juristes ont appris cet adage selon lequel un ouvrage public, même construit illégalement, restait en l'état. Ce principe n'est plus, loin s'en faut, aussi intégral qu'il le fut. Mais n'empêche : le juge ne pourra ordonner la démolition de l'ouvrage public que si plusieurs conditions se trouvent réunies. Source : voir notamment CE, 9 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, n° 245239, AJDA 2003, p. 784. Il ne faut donc pas se ruer sur son « pic à …

 

blog.landot-avocats.net · 28 septembre 2023

« Ouvrage public mal planté ne se détruit point » : des générations de juristes ont appris cet adage selon lequel un ouvrage public, même construit illégalement, restait en l'état. Ce principe n'est plus, loin s'en faut, aussi intégral qu'il le fut. Mais n'empêche : le juge ne pourra ordonner la démolition de l'ouvrage public que si plusieurs conditions se trouvent réunies : impossibilité de régulariser (par un permis de régularisation par exemple) ; bilan coût/avantage en faveur de la démolition (à apprécier par le juge au cas par cas) ; démolition qui n'est pas de nature à « …

 
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Sur la décision

Référence :
T. confl., 6 mai 2002, n° 3287, Publié au bulletin
Numéro(s) : 02-03287
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin 2002 CONFLITS N° 10 p. 14
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 25 juin 2001
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
(2°). Tribunal des conflits, 06/02/1956, Sauvy, Rec. Lebon, p. 586
Assemblée plénière, 06/01/1994, Bulletin Assemblée plénière, n° 1, p. 1 (cassation)
Chambre civile 1, 25/03/1997, Bulletin 1997, I, n° 110, p. 72 (rejet), et les arrêts cités
Chambre civile 1, 26/05/1999, Bulletin 1999, I, n° 173, p. 114 (cassation)

Conseil d'Etat, 01/10/1993, Sté Le Yacht-Club international de Bormes-les-Mimosas, Rec. Lebon, p. 874


(1°).
Conseil d'Etat, 04/08/1905, Martin, Rec. Lebon, p. 749
Conseil d'Etat, 19/04/1991, Epoux Denard et Martin, Rec. Lebon, p. 148.

Conseil d'Etat, section, 07/10/1994, Epoux Lopez, Rec. Lebon, p. 430

Tribunal des conflits, 02/07/1979, SCI du domaine de Margon, Rec. Lebon, p. 670

Tribunal des conflits, 03/11/1958, Dame de Chabot, Rec. Lebon p. 795

Tribunal des conflits, 04/11/1991, Mme Antichan, Rec. Lebon, p. 478.

Tribunal des conflits, 12/05/1877, Veuve Dodun, Rec. Lebon, p. 457

Tribunal des conflits, 17/10/1966, Epoux Lebas-Gueru, Rec. Lebon, p. 832
Tribunal des conflits, 22/02/1960, Borel, Rec. Lebon, p. 857

Tribunal des conflits, 24/12/1904, Consorts Montlaur, Rec. Lebon p. 888
Textes appliqués :
Loi 16 Fructidor AN VIII

Loi 1790-08-16

Loi 1790-08-24

Loi 28 Pluvise AN VIII titre II art. 4

Identifiant Légifrance : JURITEXT000007043192

Sur les parties

Texte intégral

Vu l’expédition du jugement du 26 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d’une demande de M. et Mme Binet tendant à ce qu’il soit enjoint à Electricité de France (EDF) de déplacer le transformateur situé avenue des Lilas à Carrières-sous-Poissy, à la condamnation de cet établissement public au paiement de la somme de 1 000 francs par jour à compter du 20 juillet 1990 au titre d’occupation de biens privés, et au paiement de la somme de 15 000 francs par mois à compter de juillet 1990 pour avoir implanté un transformateur sans autorisation des propriétaires et de la somme de 100 000 francs pour risques encourus, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l’ordonnance en date du 28 mai 1998 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Versailles, statuant en matière de référé, s’est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu le mémoire présenté pour Electricité de France qui conclut à ce que les juridictions de l’ordre administratif soient déclarées compétentes par les motifs qu’il n’y a pas eu emprise irrégulière par Electricité de France sur une propriété privée car le transformateur a été implanté en vertu d’un titre, à savoir la convention de mise à disposition d’un terrain, signée le 11 décembre 1990 entre EDF et le maire de Carrières-sous-Poissy ; que l’annulation par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 23 janvier 1998 de la décision du maire de conclure cette convention n’a pas affecté cette dernière ; qu’en tout état de cause, à supposer même l’existence d’une emprise irrégulière, le juge judiciaire n’est pas compétent pour connaître des conclusions de M. et Mme Binet à fin de déplacement du transformateur, lequel a le caractère d’un ouvrage public ;

Vu les pièces desquelles il résulte que communication de la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à M. et Mme Binet et au ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu l’article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi du 15 juin 1906 modifiée sur les distributions d’énergie ;

Vu l’article 298 de la loi de finances du 13 juillet 1925 ;

Considérant que, par un jugement du 23 janvier 1998, passé en force de chose jugée, le tribunal administratif de Versailles a, à la demande de M. et Mme Binet, annulé pour excès de pouvoir la décision du maire de Carrières-sous-Poissy de conclure avec Electricité de France (EDF) la convention du 11 décembre 1990 autorisant cet établissement public à implanter un poste de transformation de courant électrique sur la partie de l’avenue des Lilas située au droit du n° 541, au motif qu’en l’absence d’une mesure de classement dans le domaine public, le lieu d’implantation de cet ouvrage était demeuré une voie privée appartenant aux riverains ; que, saisi par M. et Mme Binet de conclusions tendant à faire constater l’existence d’une voie de fait et d’une emprise irrégulière, à ce que soit ordonnée la suppression du transformateur irrégulièrement implanté et à la condamnation d’EDF à réparer le préjudice causé par l’emprise, le président du tribunal de grande instance de Versailles, statuant en matière de référé, a décliné la compétence du juge judiciaire ; que le tribunal administratif de Versailles, saisi de conclusions des intéressés tendant à ce que soit ordonné à EDF de déplacer le transformateur et au paiement d’indemnités en réparation d’une emprise irrégulière, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Considérant que si la protection de la propriété privée entre essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire, la mission conférée à celle-ci se trouve limitée par l’interdiction qui lui est faite par les lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III de connaître des actes de l’administration ; que, lorsqu’une contestation sérieuse existe quant à l’appréciation de la régularité d’un acte administratif ou d’un contrat administratif ayant autorisé la dépossession d’une propriété privée à caractère immobilier, le juge judiciaire n’a compétence pour réparer le préjudice en résultant que pour autant que l’irrégularité de cette dépossession a été constatée par le juge administratif ;

Considérant que la convention par laquelle la commune de Carrières-sous-Poissy a mis gratuitement à la disposition d’Electricité de France des parcelles qu’elle estimait comprises dans le domaine public en vue de la réalisation par cet établissement d’un ouvrage public a le caractère d’un contrat conclu en vue de l’exécution d’un travail public ; qu’un tel contrat a un caractère administratif en vertu de l’article 4 du titre II de la loi du 28 pluviôse an VIII ; qu’ainsi l’appréciation de la régularité du titre juridique ayant permis à Electricité de France de construire l’ouvrage public litigieux relève de la compétence de la juridiction administrative ;

Considérant à cet égard que le jugement du tribunal administratif de Versailles prononçant l’annulation de l’acte par lequel le maire de Carrières-sous-Poissy a décidé de conclure le contrat autorisant Electricité de France à implanter un poste de transformation de courant électrique sur un terrain appartenant à M. et Mme Binet et qui reposait sur un vice qui n’était pas propre à l’acte détachable du contrat mais qui affectait la validité de l’objet même de ce dernier, a eu pour conséquence de priver pour l’avenir de fondement légal la dépossession découlant de l’application de ce contrat ; que, dans ces conditions, l’action en réparation des préjudices causés par la poursuite d’une dépossession dont l’irrégularité est ainsi apparue, ressortit aux juridictions de l’ordre judiciaire ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la suppression ou au déplacement de l’ouvrage public :

Considérant que des conclusions dirigées contre le refus de supprimer ou de déplacer un ouvrage public, et le cas échéant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression, relèvent par nature de la compétence du juge administratif ; qu’ainsi, l’autorité judiciaire ne saurait, sans s’immiscer dans les opérations administratives et empiéter ainsi sur la compétence du juge administratif, prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public ; qu’il n’en va autrement que dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus l’ouvrage public litigieux a été construit par Electricité de France en vertu d’un titre juridique dont l’irrégularité n’a été révélée que plusieurs années après la réalisation de cet ouvrage ; que, dans ces circonstances, l’implantation de ce dernier ne saurait être constitutive d’une voie de fait ; qu’il n’appartient donc pas aux juridictions de l’ordre judiciaire de connaître de conclusions tendant à la suppression ou au déplacement du poste de transformation de courant électrique qu’Electricité de France a implanté sur le territoire de la commune de Carrières-sous-Poissy ;

DECIDE :

Article 1er : La juridiction de l’ordre judiciaire est compétente pour connaître des conclusions de la demande de M. et Mme Binet tendant à la réparation du préjudice causé par la dépossession résultant de l’implantation d’un poste de transformation de courant électrique sur la partie de l’avenue des Lilas située au droit du n° 541 à Carrières-sous-Poissy ;

Article 2 : L’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Versailles en date du 28 mai 1998 est déclarée nulle et non avenue en ce que le juge des référés s’est déclaré incompétent pour statuer sur les chefs de demande mentionnés à l’article 1er. La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant le tribunal de grande instance ;

Article 3 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure suivie devant le tribunal administratif de Versailles et le jugement rendu par ce tribunal le 26 juin 2001, en tant qu’ils se rapportent aux chefs de demande mentionnés à l’article 1er ;

Article 4 : La juridiction de l’ordre administratif est compétente pour connaître des conclusions tendant à ce que soit ordonné le déplacement du poste de transformation de courant électrique implanté au droit du n° 541 de l’avenue des Lilas à Carrières-sous-Poissy ;

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est déclaré nul et non avenu en tant que ce tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître des conclusions mentionnées à l’article 4 ;

La cause et les parties sont renvoyées, dans cette mesure, devant ledit tribunal.

Article 6 : Sont déclarées nulles et non avenues la procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Versailles et l’ordonnance de référé du président de ce tribunal, en tant qu’elles se rapportent aux conclusions mentionnées à l’article 4.

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